Comment devenir un auteur mineur ? Les recettes de l’inventeur de la gastronomie, Joseph Berchoux

Guilhem Armand

Citer cet article

Référence électronique

Guilhem Armand, « Comment devenir un auteur mineur ? Les recettes de l’inventeur de la gastronomie, Joseph Berchoux », Tropics [En ligne], 14 | 2023, mis en ligne le 01 décembre 2023, consulté le 27 avril 2024. URL : https://tropics.univ-reunion.fr/2707

En 1801, Joseph Berchoux fait véritablement entrer le mot gastronomie dans la langue et la littérature française grâce à un long poème en quatre chants, La Gastronomie ou l’homme des champs à table, qui connut un grand succès et entraîna nombre d’auteurs à sa suite. Mais dès la seconde moitié du XIXe siècle, l’auteur et son œuvre glissent progressivement vers l’oubli, tant dans le domaine poétique que dans celui de la gastronomie, justement. Ce passage de la fortune à l’infortune est souvent expliqué par la perte de goût pour le genre de la poésie didactique. Mais notre hypothèse est que cet oubli de l’auteur et de son œuvre relève aussi des choix poétiques et idéologiques de l’auteur qui s’est construit en auteur mineur.

In 1801, Joseph Berchoux introduced the word gastronomy to the French language and literature with a long poem in four songs, La Gastronomie ou l'homme des champs à table (Gastronomy or the man of the fields at the table), which met with great success and led many authors to follow in his footsteps. But from the second half of the 19th century, the author and his work gradually slipped into oblivion, both in the field of poetry and in that of gastronomy. This passage from fortune to misfortune is often explained by a loss of taste for the genre of didactic poetry. But our hypothesis is that this oblivion of the author and his work also reflects the poetic and ideological choices of the author, who has constructed himself as a minor author.

S’il est un mot qui est passé dans l’usage, devenu des plus courants, employé dans tous les pays – et avec souvent une référence à la France, pays de son inventeur – c’est bien le terme de gastronomie. Nombre de théoriciens ou d’historiens des arts de la table se plaisent à mentionner son étymologie grecque – de gaster, l’estomac, et de nomos, la règle –, signalant un ouvrage disparu d’Archestrate, et évoquant sa première apparition en français, sous la plume de Joseph Berchoux en 1801. Généralement, on tient aussi à mentionner les autres expressions qui ont été inventées, de Montaigne à La Mothe Le Vayer, de la « science de la gueule » à la « gastrologie », pour ne finalement pas entrer dans l’usage1. La plupart de ces travaux, avant de faire référence aux véritables promoteurs d’une conception française de cet art – Grimod de la Reynière, Cadet de Gassicourt et Brillat-Savarin – prennent soin de souligner combien l’oubli du long poème didactique de Berchoux serait mérité notamment en raison de la piètre qualité de ses vers. Ce faisant, les historiens de la gastronomie ne mesurent pas le paradoxe de la situation : Grimod préférait se dire gourmand, plutôt que gastronome ; et si Brillat-Savarin a certes donné une très large définition de cette « science » dans sa Physiologie du goût, c’est bien à Berchoux qu’il emprunte sa nouvelle appellation. Comment ce mot, qui essaima si vite les dérivés2, aurait-il pu connaître une telle fortune si le poème de ce dernier n’avait pas été lui aussi couronné de succès ?

L’Homme des champs à table, ou la Gastronomie est un poème didactique parodique, genre désormais daté3, inscrit dans une période de l’histoire littéraire, et qui fait lui-même référence à un poème didactique du maître en la matière au tournant 1800, L’Homme des champs de Delille. La question ne sera pas ici de savoir pourquoi cette poétique a été progressivement effacée du paysage littéraire avec le changement de sensibilité entraîné par la vague ou plutôt la déferlante romantique, d’autant moins que cette lecture historique reste à nuancer en ce qui concerne le XIXe siècle. En revenant sur l’œuvre et la carrière de Berchoux, il s’agira plutôt de comprendre comment cet effacement s’est en quelque sorte élaboré du vivant même de l’auteur et a été quasiment programmé par lui-même : comment Berchoux a-t-il fait pour qu’une œuvre ayant connu un tel succès, autant de fois rééditée, traduite, citée, qui avait tout pour devenir une référence difficilement contournable, soit remisée au rang d’œuvre mineure tant pour les historiens de la littérature que pour ceux de la gastronomie ? Nous verrons comment sa propre minoration en tant qu’auteur tient à la fois de son entreprise littéraire – la façon dont il a construit son œuvre sur le temps long – et, plus particulièrement, de sa façon de concevoir sa carrière de poète à partir du succès de La Gastronomie, faisant de lui d’abord l’auteur d’une seule œuvre malgré qu’il en ait, pour finir par n’être plus retenu que comme l’inventeur d’un seul mot.

Des vers fort goûtés en dépit d’une pointe d’acidité

Issu de la petite noblesse de robe provinciale, Joseph Berchoux sent très tôt venir sa vocation de poète, selon ses biographes4 qui évoquent des vers parus dans des journaux lyonnais dès sa jeunesse. Dans les années 1790, il publie ses premiers poèmes dans L’Almanach des muses, qui lui valent un petit succès d’estime. Mais la période est troublée, d’autant plus pour un ardent royaliste. Ce n’est qu’à la fin du siècle qu’il trouve le temps de travailler au manuscrit de sa première grande œuvre, La Gastronomie ou L’Homme des champs à table qui paraît, après quelques révisions, en 1801. Le succès de l’œuvre est immédiat. La mode est encore à la poésie didactique et à sa parodie. Biographes et critiques5 évoquent régulièrement la « gaîté » du poème – terme dont Berchoux se prévaudra régulièrement par la suite – si nécessaire après les troubles de la décennie qui s’achève. Le sujet est d’autant plus plaisant qu’il commence à être fort à la mode. Les restaurants accueillent la bourgeoisie. Les plaisirs de la table sont de moins en moins réservés aux élites aristocratiques ou aux sociétés de gens choisis – comme celle du Caveau. À peine sorti des manuels de cuisine – on peut penser aux pages que Mercier lui consacre dans son Tableau de Paris –, l’art culinaire n’est pas encore un thème galvaudé ; et ce que l’on appellera bientôt la littérature gastronomique, à partir des ouvrages de Grimod de La Reynière, Cadet de Gassicourt et Brillat-Savarin, n’existe pas encore. Or, Berchoux lui donne déjà un nom6.

Berchoux reprend le titre d’un ouvrage perdu d’Archestrate, un obscur poète grec mentionné dans le Banquet des Sophistes (Deipnonsophistes) d’Athénée7 qui en mentionne quelques brefs extraits. L’idée est habile puisqu’elle lui permet de se situer dans une lignée antique, tout en ayant le parfum de la nouveauté. À la façon de ces poètes qui furent baptisés « le nouveau Properce » ou « le nouveau Tibulle »8, il se rêve en nouvel Archestrate :

Plusieurs, à ce sujet, ont écrit des volumes ;
[…]
Archestrate surtout, poète cuisinier,
Qui fut dans son pays ceint d’un double laurier ?…
Je chante, comme lui, la cuisine, la table.
Hélas ! il s’est acquis une gloire durable…
Et moi… puis-je compter sur nos derniers neveux,
Refuge accoutumé des auteurs malheureux ?9

Si ses « derniers neveux » oublieront son œuvre dès la fin du XIXe siècle, ne retenant que le mot du titre, ses contemporains lui font en revanche un excellent accueil. La première édition est rapidement épuisée et donne lieu à au moins deux autres réimpressions. En 1803, Berchoux signe une nouvelle édition « revue et augmentée ». Le Mercure de France reproduit des extraits en les commentant : « les vers sont généralement agréables et faciles. Le plan surtout nous paraît à l’abri de toute critique »10. L’auteur du compte-rendu joue le jeu de la dérision en répondant au conseil du poète de posséder « un bon château dans l’Auvergne ou la Bresse »11. Et le critique fait bien de La Gastronomie le point de départ de toute une littérature sur le même thème, dont le tout récent Almanach des gourmands de Grimod de La Reynière :

Le poème de la Gastronomie a paru satisfaire tous les goûts, il a donné naissance à plusieurs autres ouvrages qui sont écrits avec quelque esprit, mais qui annoncent peut-être plus de goût pour la bonne chère, que pour les bons vers et la bonne prose. […] M. de Berchoux s’était bien gardé de mettre en vers la carte d’un restaurateur ; l’auteur du Gastronome s’est chargé de remplir cette lacune ; et, malgré son extrême exactitude, ses convives, ou ses lecteurs, ont été beaucoup moins nombreux que ceux du poème de la Gastronomie.
L’Almanach des gourmands, ou calendrier nutritif, par sa très grande variété, et par la singulière érudition de l’auteur, nous a paru plus propre à remplir les lacunes de la Gastronomie (si ce poème toutefois avait des lacunes)12.

La réussite de Berchoux consiste alors justement dans le fait d’avoir pu dispenser leçons d’histoire sur la gastronomie et conseils pour amphitryons en herbe, tout en évitant, par un style léger, plein d’humour et d’autodérision, de donner dans le genre du manuel. Or nous verrons que ce rare équilibre ne sera pas la caractéristique de ses œuvres suivantes, tandis que les théoriciens prendront de plus en plus d’importance au fil du siècle13. L’ouvrage connaît dix éditions du vivant de son auteur et se trouve rapidement traduit en anglais (1810), en espagnol (1820), en italien (1826), en allemand (1839) et en portugais (1842). Méthodes de français pour étrangers et manuels de littérature à destination des écoles françaises comme celui de Noël et Delaplace, reproduisent des extraits de La Gastronomie, tirés du poème en vers (notamment sa réécriture de la mort de Vatel ou encore l’épisode de l’ivresse du pauvre qui inspirera Baudelaire) ou de ses longues notes (le dîner de l’abbé Cosson)14. La Gastronomie devient une référence tant sur le plan littéraire que sur celui de son thème. Ses vers servent d’exergue à l’Historiographie de la table de Verdot15, qui lui emprunte un certain nombre de faits ou d’anecdotes. Mais, surtout, les dictionnaires de tous ordres se mettent à le citer. Ainsi, François Noël, dans son Nouveau Dictionnaire des origines, inventions et découvertes, à l’article « Fricandeau », renvoie à Berchoux comme à une autorité :

Fricandeau. Ce mets nous vient, dit-on, des Orientaux :
« Et les Orientaux, plus savants cuisiniers,
En mélangeant leurs mets d’une façon nouvelle,
Des premiers fricandeaux donnèrent le modèle. »
(Berchoux, La Gastronomie)16.

En 1858, le Dictionnaire historique de la langue française cite son vers sur Geta à l’entrée « ordre alphabétique ». En 1867, c’est Le Grand Dictionnaire universel du 19e siècle français de Larousse qui le cite à l’article « café », juste avant Brillat-Savarin. Dans un Manuel d’Hygiène, ouvrage de référence des écoles de médecine, le Docteur F. Foy, à propos de la « coloration des substances alimentaires », le mentionne au milieu d’une liste de cuisiniers célèbres, responsables selon lui de certains désordres : « dans l’art des Vatel, des Carême, des Berchoux, des Chevet17, etc. »18.

Comme plus tard Brillat-Savarin et ses aphorismes, Berchoux est apprécié pour certains de ses vers qui « eurent l'avantage de devenir, selon l’expression de Boileau, proverbes en naissant »19, ce qui est d’autant plus juste que Boileau est une des sources principales du poète, qui se plaît régulièrement à le pasticher. La plupart des critiques reprennent ces expressions rapidement devenus célèbres :

« Servez chaud »
« Souvenez-vous toujours, dans le cours de la vie,
Qu’un dîner sans façon est une perfidie ».
« Rien ne doit déranger l’honnête homme qui dîne. »
« Un poème jamais ne valut un dîner. »

« Servez chaud » est explicitement donné, dans la Gastronomie, comme une citation du Cuisinier français que Berchoux critique par ailleurs. Mais le mot d’ordre lui sera par la suite régulièrement attribué. Dans ces premières années du XIXe siècle, Berchoux a donc tout pour être un auteur heureux. Mais sa revendication de gaieté s’inscrit en réalité au sein d’un positionnement réactionnaire : il s’agit de retrouver la joie qui fut celle de la France d’Ancien Régime, d’avant la Révolution et les Lumières qu’il voit comme l’origine du mal, de cette mélancolie qui est en passe de devenir le mal du siècle. La Gastronomie compte quelques piques contre les philosophes, leur végétarisme (celui de Rousseau, en particulier) et contre Mme de Staël qui associe tristesse et génie. Elles font écho aux allusions à la période de la Terreur, ajoutées dans l’édition de 1803. Gagnant en reconnaissance, Berchoux s’est permis de personnaliser davantage son ouvrage dans les éditions successives : non seulement en retravaillant les notes et en ajoutant un recueil de ses poésies fugitives, mais aussi en écrivant de nouveaux passages dans le poème, comme le souvenir de son engagement dans l’armée d’Italie pour fuir la Terreur (début du chant IV)20 ou sa plainte contre le décret de spoliation des biens du clergé et celui supprimant les ordres réguliers. Dans ce nouvel exorde du chant III21, il prend prétexte de vanter les anciens repas des confréries de Cluny ou de St Maur, pour en fait évoquer le souvenir de son oncle, abbé de La Charité-sur-Loire.

De l’aigre-doux à l’amertume

Les attaques un peu acides de Berchoux sont encore légères dans La Gastronomie et nous avons montré ailleurs22 combien la nostalgie critique du poète demeure peu offensive et ressemble plus à de bons mots de table qu’à un véritable style pamphlétaire. Témoin en est le Mercure de France qui, en 1803, cite complaisamment sa conversation de table du chant IV, dans laquelle il se moque des Lumières et de leur mélancolique héritière23. Ce sont alors les jeux d’esprit qui touchent le lecteur, bien plus que l’attaque ad feminam. La portée polémique de l’œuvre n’est pas ce qui frappe la critique.

Cependant, légitimé par son succès, Berchoux poursuit sa carrière littéraire non pas sur le thème de la gastronomie mais en la fondant sur ses opinions totalement réactionnaires qui vont s’affirmer de plus en plus. Sa gaieté satirique se mue progressivement en une amertume réactionnaire. Dès 1803, il fait paraître un bref roman, Le Philosophe de Charenton24, qui met en scène deux cousins écossais installés à Charenton, et dont la famille est caractérisée par une mélancolie morbide : il suit alors, de façon parodique, certains principes énoncés par Germaine de Staël, trois ans plus tôt, dans De la Littérature. Mais ce sont tous les philosophes des Lumières qui sont visés dans ce texte qui place en exergue ironique une citation de Diderot : « Le crime est peut-être plus beau que la vertu » (citation un peu tronquée de la fin de la Promenade de Vernet)25. Le cousin du narrateur est un philosophe des plus caricaturalement mélancoliques, au point, par exemple, qu’on le voit rêver qu’une réplique tremblement de terre de Lisbonne26 se produise. Il multiplie les discours savants et souvent jargonnants et passe à côté de la vie, à tel point qu’il finit par se suicider, laissant derrière lui un testament grotesque, sorte de résumé de toute sa philosophie vantant la mélancolie et luttant contre « cette maladie qu’on appelle gaîté »27. Le succès de l’ouvrage est mitigé. En 1806, Berchoux revient à la poésie en proposant un poème en six chants, intitulé La Danse ou la Guerre des Dieux de l’Opéra. L’idée en avait été esquissée à plusieurs reprises auparavant et l’on y trouvait des allusions dans Le Philosophe de Charenton ainsi que dans La Gastronomie où il se plaisait à établir un parallèle sarcastique entre cet art et les questions politiques :

– Convenez cependant que nous dansons fort bien,
Et que nos jeunes gens ne touchent pas la terre.
Nous avons cultivé d’une étrange manière
La science publique et la danse à la fois :
Jamais on n’a tant fait d’entrechats et de lois28.

Il rejoue sur les mêmes ressorts que pour la gastronomie, sujet oublié des poètes, pour aborder la danse, art méprisé des philosophes selon lui. Mais à la veine didactique parodique, il en greffe une autre, héroïco-burlesque en mettant en scène une querelle entre deux célèbres danseurs, le jeune Duport face à Vestris, la « star » de l’époque. Sur cette opposition, il fonde un récit épique parodique avec toutes les attentes du genre29 : un songe, une tempête, un récit, une catabase, une promenade aux Champs-Élysées, un combat dont l’ancien danseur sort perdant (suite à un entrechat raté). Toute cette parodie s’avère une allégorie politique. Or, les derniers vers soulignent combien l’empathie du poète se dirige plutôt vers l’ancien danseur :

Le ciel sourit toujours au parti du vainqueur ;
Pour moi, comme Caton, je souris au malheur.
Un autre, plus fidèle aux lois de l’épopée,
Aurait choisi César : j’ai préféré Pompée30.

Le choix des consuls romains rend à ce texte la tonalité politique que Berchoux se plaît à donner à ses poésies, et César, le jeune qui parvient si vite, peut bien renvoyer à Napoléon, tandis que Pompée serait le futur Louis XVIII, toujours en exil, mais qui a bien la préférence de Berchoux. Cependant, l’échec relatif auprès du public ne tient sans doute pas à cette dimension contestataire qui semble ne pas avoir été bien perçue. Julien-Louis Geoffroy, certainement le critique le plus sévère de l’époque, ne l’épargne pas dans le Journal de l’Empire, où il écrit le 19 juillet 1806 : « l’agréable auteur de la Gastronomie paraît bien tombé dans cette méchante petite satire, que j’ose à peine appeler un poème, tant les vers sont prosaïques et pâles… »31. Geoffroy récidive quelques jours plus tard, renvoyant « M. Berchoux à ses fricassées et à ses pâtés chauds » :

C’est en rimant le Cuisinier Bourgeois et l’Almanach des Gourmands que M. Berchoux s’est fait une réputation ; le sujet de la Gastronomie devait plaire ; l’auteur sut le traiter avec la gaîté et la légèreté convenables ; il fit, dans ce petit ouvrage, une application très bouffonne et très heureuse des formes de la poésie didactique ; il parodia d’une manière fort originale les vers les plus connus et les tours les plus marquants de l’Art poétique de Boileau. Les négligences, les trivialités, les mauvais hémistiches passèrent à la faveur d’un grand nombre de bonnes plaisanteries et de saillies piquantes ; c’était un repas où quelques mets délicats et de très bon goût faisaient oublier les mauvais plats32.

Le critique vilipende sur trois pages et le fond et la forme de La Danse, tout en revenant régulièrement sur la qualité des vers de La Gastronomie, déçu « d’un poème fort en-dessous de la réputation de l’auteur, et de la promesse de ses premiers essais »33. Une telle critique ne tempéra sans doute pas la montée de l’amertume de Berchoux, d’autant moins que cet échec amène une réévaluation plus sévère de son unique succès qui, de chef-d’œuvre prometteur, devient une promesse de chef-d’œuvre à venir non tenue.

Mais Berchoux n’en reste pas là et continue d’exercer sa verve revancharde contre les philosophes des Lumières et leurs héritiers dans ses œuvres suivantes : Voltaire ou le Triomphe de la philosophie moderne, poème en huit chants (181434, réédité et corrigé en 1817) ; L’Enfant prodige, ou les lumières vivantes, histoire véritable, écrite par l’enfant lui-même, récit allégorique (1817) ; L’Art politique, poème en quatre chants (1819) ; Six chapitres de l’Histoire du citoyen Benjamin Quichotte de la Manche, traduits de l’espagnol et mis en lumière par M. B*** (1821) ; et enfin, en 1833, La Liberté, poème en quatre chants, par un petit neveu de Scarron. Tous proposent une satire des philosophes ou des premiers romantiques comme Mme de Staël ou Benjamin Constant (Benjamin Quichotte). Leur est reproché un pédantisme grotesque déguisant mal leur ignorance et justifiant leur impiété ou leur athéisme. Berchoux ne chante plus le miel du mont Hymette35 mais répand désormais son fiel sur la montagne Sainte-Geneviève où siègent depuis les années 1790 « Des saints de nouvelle fabrique / Qui peuplent notre Panthéon »36. Ses biographes mentionnent d’autres œuvres aujourd’hui difficilement trouvables, parmi lesquelles un dernier poème en deux chants, Les Progrès, dont cette note du chant II pourrait bien résumer ses opinions sur les Lumières et leurs désastreuses conséquences :

On parle, dit-il, des lumières d'une certaine classe d'hommes. Je soutiens qu'elle n'a jamais été plus sottement ignorante, jamais plus susceptible de donner créance à toutes les absurdités qu'on débite. Je demandais dernièrement à un ouvrier s'il savait bien ce que c'était que les Jésuites contre lesquels je l'entendais déclamer grossièrement. Je pense, monsieur, me dit- il, après un moment d'hésitation, que ce sont des espèces de cosaques.
Ce serait un problème assez difficile à résoudre que celui de savoir à quel point il faut éclairer le peuple, puisqu’on veut absolument le faire. Il est clair que si votre tailleur, votre cordonnier, votre charpentier deviennent des beaux esprits ; que si vous les mettez en état de faire des articles de journaux, des poèmes, des drames, il est clair, dis-je, qu’ils ne voudront plus vous habiller, vous chausser et vous construire des maisons. Si vous vous bornez à leur enseigner à lire, écrire et chiffrer, je pense que ce ne sont pas là des lumières, mais tout au plus des demi-lumières, qui sont pires que l’ignorance, et dont tous les bons esprits reconnaissent depuis longtemps la sottise, la vanité et le danger. On peut toujours parier qu’il tombera un mauvais livre dans les mains de votre demi-savant qui sait lire, car il y a cinquante mauvais écrits pour un bon, et de cette manière, au lieu de bons citoyens que vous voulez former, vous n’obtiendrez que des factieux, des libertins et des impies. Déjà il en existe un nombre effrayant en France, devant lequel il faudra que le gouvernement recule sans cesse, et qui rendra toute espèce de répression impossible37.

Si l’on peut s’étonner de trouver là des échos des pensées de Voltaire38, on rapprochera davantage cette posture de celle d’un Rivarol qui partage l’idée que le peuple ne peut guère s’éclairer par lui-même, opinion plus que confortée par son expérience de la période révolutionnaire. C’est cet esprit réactionnaire et surtout amer qui a en grande partie condamné Berchoux à l’oubli progressif, notamment dans une histoire littéraire conçue téléologiquement, comme celle qui s’élabore durant le long XIXe siècle. Au moment de la parution de ses œuvres complètes, Berchoux se voit violemment critiquer par les membres de l’Institut, à l’occasion de leur revue encyclopédique annuelle. Ils reviennent sur Les Encelades modernes (nouveau titre donné à son Voltaire) et son Art politique en les confrontant au projet énoncé dans la préface générale qui prône « un peu de gaîté » par opposition « à l’esprit du siècle »39 :

Certes, ce n’est pas nous qui blâmerons d’essayer de faire rire en France comme on riait il y a vingt ans (et cela, nécessairement, sous le règne d’un despote qu’il n’a guère épargné depuis sa chute) ; mais ce n’est pas la gaîté qui brille dans cette préface ni dans les deux autres poèmes qui complètent les œuvres de M. Berchoux, et qui ont pour titre : Les Encelades modernes et L’Art politique. On y remarque bien plutôt un esprit chagrin et mécontent de lui et des autres40.

Non seulement la qualité des vers de Berchoux se trouve de plus en plus décriée à partir du Voltaire, mais c’est ce qui l’avait distingué dans le panorama littéraire de son temps qui lui est nié – et de façon objective, comme on va le voir –, ce que l’on avait pris pour la signature de sa poésie, la gaieté fondamentale de La Gastronomie – laquelle peut désormais être relue à l’aune de cette amertume dont on perçoit déjà les premières traces.

La faute au Voltaire

On pourrait penser que la période du retour de la monarchie aurait été plus favorable à Berchoux. Il a en effet été fait Chevalier de la Légion d’Honneur en août 1824, officiellement pour son rôle de maire41, mais plus vraisemblablement pour les opinions défendues dans son Art politique qui se conclut sur ce vers : « Vive le Roi ! Voilà tout mon art politique »42. Cependant, sur le fond des idées, même du côté des traditionnalistes, l’œuvre de Berchoux postérieure à La Gastronomie n’est pas mieux reçue. Et c’est à partir de son Voltaire – bien plus que du Philosophe de Charenton ou de La Danse – que l’on peut percevoir le point de bascule dans la poétique et la réception de l’auteur.

Si l’on en croit l’avertissement de Berchoux, l’ouvrage aurait été composé en 1811, mais sa publication aurait été retardée en raison d’un climat par trop favorable aux idées libérales, ce que met en doute Jacques-Barthélémy Salgues dans Le Journal de Paris, dès la parution du poème43. Le projet de Berchoux consistait à venir « au secours de la monarchie »44 et à s’élever contre le « ridicule répandu depuis avec tant de profusion sur la Religion Chrétienne et sur ses ministres »45 en s’attaquant à celui qui « mit le comble à cette coupable et indécente dérision »46. Après un exorde parodiant un pamphlet antireligieux, l’attente d’un « général », d’un « philosophe, émule des Césars »47, il narre ainsi la première éducation de Voltaire par Ninon de Lenclos, « prêtresse d’Épicure » qui a donné son cœur « à tous venans »48. Au Chant II, Voltaire emprisonné pour quelques « jolis vers philosophiques » voit Satan en rêve qui lui propose de constituer son « armée des Philosophes prêts à marcher contre le Ciel »49. Peu importe à Berchoux d’avoir dépeint Voltaire en suppôt de l’athéisme et croyant en Satan, puisque tout ceci ne peut être que l’œuvre du diable. Mais la critique ne le vit pas de cet œil et reprocha cette farce grotesque à l’auteur. Si Berchoux s’est inspiré d’une idée de Barruel en narrant un complot des Philosophes réunis autour de leur général Voltaire pour mettre à bas Dieu et la religion50, il a transformé cette fable en un texte bancal, oscillant entre grotesque et burlesque. Les philosophes, tous mal vêtus, se réunissent dans un grenier pour organiser leur complot où Voltaire leur propose de composer l’Encyclopédie, arme suprême contre les croyances51. Diderot n’étant qu’un fou qui « avait fait des drames, des couteaux », dédaignant « la vaine clarté »52, et d’Alembert un « Heureux bâtard » dont la naissance est longuement rappelée, l’idée ne pouvait venir que de Voltaire. Le premier reproche fait à Berchoux est alors de manquer de vraisemblance dans son récit : le Journal de Paris (assez clément à l’égard de Berchoux d’une manière générale) demande « s’il était possible de concevoir un plan plus malheureux, plus inconvenant, moins digne de la nature du sujet »53 ; Le Nain jaune, quant à lui, attaque « l’absurdité [du] plan »54. Le Moniteur universel est aussi sévère : « ce n’est ici qu’une caricature, qui ne se sauve même pas par l’agrément des détails. La plupart sont faux, exagérés ; d’autres, ridicules et invraisemblables »55. Il lui reproche d’avoir perdu sa légèreté et sa gaieté dans une charge excessive dont « le gros rire qu’elle arrache n’est pas celui de la bonne compagnie »56.

Ces excès du texte sont bien sûr particulièrement relevés par les admirateurs des Lumières ; des libelles paraissent qui laissent entendre que Berchoux aurait quelques soutiens57. Mais ce sont aussi les défenseurs de la religion et des liens entre l’Eglise et la monarchie qui s’attaquent au texte de Berchoux. Ainsi, Aimé Guillon, l’auteur des Martyrs de la foi pendant la Révolution française, qui partage nombre des idées de Berchoux, ne peut que s’adonner à la plus sévère critique du Voltaire. Il y voit d’abord une mauvaise satire, autrement dit un style et un ton qui – loin de ses modèles, Louis Racine et le cardinal de Bernis – sont indignes du sujet qu’ils défendent et se calquent sur le modèle de l’ennemi. Aimé Guillon cite et analyse les vers de Berchoux, et en particulier ceux où il évoque Dieu, les anges, voire les fait parler (comme dans la prosopopée finale où Dieu reconnaît le triomphe des philosophes, selon un procédé qui se voudrait ironique). Il dénonce un scénario grotesque et peu conforme à la foi chrétienne, des contresens sur la nature de Dieu et des anges, qui finissent par « ridiculiser la Divinité » et basculent, selon le pieux critique, dans le blasphème. « Le comique naturel des discours de Sganarelle, dans Le Festin de Pierre, conclut-il, est mille fois plus décent en pareille cause, que le comique recherché de notre avocat »58.

Difficile de se relever de telles critiques. Quasiment toutes reviennent sur un même détail qui ouvre la préface, une généalogie de l’impiété en littérature par Berchoux :

Deux poèmes badins, célèbres par le talent poétique qui les caractérise, ont préludé au ridicule répandu depuis avec tant de profusion sur la Religion Chrétienne et sur ses ministres : je veux parler du Lutrin et de Vert-Vert. Des plaisanteries sur des chanoines et des religieuses, ont paru d’abord sans conséquence : mais le talent donne de l’importance à tout, et ne manque jamais d’exciter une émulation générale. Bientôt la France s’est couverte de mauvais plaisants […]59.

Non seulement cette thèse est jugée ridicule60, mais surtout elle marque une rupture dans la poétique de l’auteur et dans la revendication de son héritage littéraire : dans La Gastronomie, il imite à de nombreuses reprises les vers de Boileau, y fait de savoureuses allusions qui ont été fort goûtées par le public et par la critique, qui pointe aussi l’influence de Gresset61. Dès lors, l’attitude du poète par rapport à cette œuvre devient de plus en plus ambiguë : il sait qu’il lui doit sa réputation de poète, encore un peu confortée par les poésies fugitives qu’il continue de publier et qui sont toujours appréciées62. Aussi ne cesse-t-il de lui apporter des corrections au fil des éditions, tant au niveau du texte que des notes didactiques qui l’accompagnent, même dans les éditions de 1819 et de 1829. Mais, parallèlement, il rêve de ne pas être réduit à cette œuvre. Il ne semble pas comprendre les raisons de son infortune littéraire, à moins que, plein d’aigreur contre l’esprit du temps, il ne s’acharne dans son aigre combat contre la mélancolie du temps. C’est ce que laisse à penser la préface de ses œuvres complètes où, peu après avoir critiqué cette période « des progrès, de l’avancement, des lumières… », il se livre à une confession qui se voudrait sarcastique :

Je suis forcé d’avouer que je n’ai guère avancé pendant tout ce temps, et que je n’ai pu suivre que de fort loin les géants qui ont fait de si grands pas dans la carrière. Je prie donc le lecteur de m’excuser si je suis resté fidèle au ton et aux principes qui dictèrent mes premières publications, et de trouver bon que j’essaie de faire rire en France, comme l’on y riait il y a vingt ans63.

Cette fidélité, vient-on de voir, n’est qu’une illusion du poète qui, mettant en avant sa « gaîté », ne se rend pas compte de l’amertume qui caractérise sa nostalgie. Celle-ci s’exprime d’ailleurs de façon paradoxale : « il y a vingt ans » désignerait logiquement, en 1829, la période durant laquelle Berchoux jouissait pleinement de son succès. Mais c’est aussi celle de l’Empire, ce moment fort critiqué par le royaliste – qui y fait quelques allusions dans sa Gastronomie – et qui justifiait, après la Révolution, sa nostalgie de l’ancien régime, vingt ans (encore) en arrière. Le temps semble s’être arrêté chez lui et il le reconnaît. Son malheur est d’avoir quitté la salle à manger de son château imaginaire :

Voulez-vous réussir dans l’art que je professe,
Ayez un bon château dans l’Auvergne ou la Bresse ;
Ou plutôt près des lieux où Lyon voit passer
Deux fleuves amoureux tout prêts à s’embrasser :
Vous vous procurerez sous ce ciel favorable
Tout ce qui peut servir aux douceurs de la table64.

La Gastronomie et la réputation que ce poème lui a apportée semblent alors parfois lui paraître un fardeau. Il se sent régulièrement obligé de rappeler que là n’est pas sa vocation, pas plus que dans la danse : « je ne suis et je ne serai jamais gastronome que la lyre à la main »65, écrit-il. En 1834, un admirateur propose de lui envoyer un autographe de Vatel, L’Écuyer tranchant. Agacé, Berchoux lui rétorque d’abord que ce cuisinier, célèbre seulement par la lettre de Madame de Sévigné, n’était qu’un simple domestique et « n'a eu une espèce de célébrité que par son suicide, dont la cause a été un désespoir bien ridicule », que cet écrit sur « la façon de découper proprement des viandes » ne peut donc l’intéresser :

Je dois vous dire, Monsieur, que je n’ai jamais eu l’intention, dans mon petit poème, d’enseigner sérieusement l’art de composer un bon repas, à quoi je n’entends rien du tout. En ce cas, je n’aurais fait qu’une mauvaise poésie de cuisine, et La Gastronomie, qui a eu quelque succès, aurait pu être comparée à bon droit au Cuisinier français, au Trésor de Comus, à L’Homme de bouche et autres ouvrages, qui ne peuvent tomber que dans les mains sales de nos cuisinières, après avoir passé un petit moment dans les nôtres66.

Le mépris de l’auteur pour les cuisiniers – ce domestique si particulier qu’il faut savoir flatter, selon les conseils de La Gastronomie – témoigne lui aussi du retrait du poète de l’histoire de l’art culinaire, en 1833. N’ayant pas fait profession de gastronome – ainsi qu’on l’a longtemps nommé67 – n’ayant pas trouvé le succès en raison d’un acharnement dans la satire politique réactionnaire, Berchoux semble s’être condamné lui-même à l’oubli.

À l’écart de l’esthétique romantique qu’il conspue, auteur d’un genre qui allait peu à peu tomber en désuétude (la poésie didactique), il sera dès la seconde moitié du XIXe siècle la victime d’une Histoire littéraire en marche. Aussi sera-t-il progressivement effacé des tablettes de l’histoire de la poésie mais aussi de celles de la littérature gastronomique. Au milieu du XIXe, siècle Charles Monselet, chansonnier et poète voulant se faire une place dans ce domaine, écarte Berchoux. Ainsi, dans la lignée des essais de Théophile Gautier ou de Paul Lacroix réhabilitant les noms oubliés de l’histoire littéraire, il publie Les Oubliés et les dédaignés. Son dernier chapitre est consacré à Grimod, qu’il revalorise par rapport à Brillat-Savarin et à Berchoux, qu’il rabaisse tous deux, et plus particulièrement ce dernier :

C’est cette ferveur constante, qui donne à ses paroles [celles de Grimod] tant d’autorité. Toujours il est plein de son sujet, et ce n’est pas là un de ces amateurs superficiels et gouailleurs dont on doive considérer les écrits comme des badinages de cabinet, tel que le poème trop vanté de La Gastronomie, composée en face d’un verre d’eau sucrée. Grimod, lui, paie de sa personne ; l’homme est caution de l’écrivain, et sa vie tout entière est là pour répondre de la sincérité de ses ouvrages68.

La formule assassine d’une poésie « composée en face d’un verre d’eau sucrée » fera florès et sera dès lors reprise par maints écrivains69, et non des moindres, puisque Sainte-Beuve reprend, conforte et étoffe cette critique dans ses Nouveaux Lundis, en rendant compte de l’ouvrage de Monselet, plusieurs fois réédité :

Berchoux y est remis à sa place pour ce poëme trop vanté de la Gastronomie, qui semble avoir été « composé en face d’un verre d’eau sucrée. » Il n’y a guère, en effet, que la forme de gastronomique dans ce badinage. L’homme d’esprit qui l’a rimé n’a vu là-dedans qu’un sujet littéraire, un thème à poésie didactique. Ceux qui, alléchés par le titre, venaient à lui comme à l’un des arbitres de la bonne chère étaient fort déçus70.

Au moment où la gastronomie est enfin pleinement devenue un objet littéraire, son inventeur (celui qui porta le mot dans la langue française et qui, le premier, en fit le thème d’un ouvrage de poésie) est écarté à la fois du champ de la gastronomie et de celui de la poésie par l’un des plus importants critiques littéraires et par celui qui est en passe de devenir un des plus célèbres poètes du genre.

Force est de reconnaître l’efficacité de l’opération : aux XXe et XXIe siècles, Berchoux n’est plus mentionné que dans de rares anthologies sur la gastronomie71. Les critiques ne le nommeront que pour l’invention du mot – et parfois avec quelques doutes sur cette invention – tout en répétant à l’envi que ses vers sont mauvais. Or, ceux de La Gastronomie ont été plus que loués durant un demi-siècle, ont servi de modèle dans des classes françaises et étrangères, ont inspiré des auteurs comme Baudelaire. En devenant mauvais poète, l’amer Berchoux auteur du Voltaire a permis que son chef-d’œuvre soit jugé à l’aune de ses œuvres postérieures.

A-t-il même été lu, depuis ? La critique la plus sérieuse se plie a ce conformisme qui consiste à dénigrer la qualité du poème de Berchoux, à l’instar de Jean-François Revel qui dénonce un « poème en quatre chants, d’une insigne platitude »72, n’en citant qu’un « seul vers parvenu à la postérité, le fameux : Qui me délivrera des Grecs et des Romains ? » Or, l’exemple semble prouver que Jean-François Revel n’a pas bien lu La Gastronomie (c’est un vers tiré d’une plus ancienne épître de Berchoux). Et combien d’historiens de la gastronomie73 s’évertuent à revenir sur l’étymologie du mot pour tenter d’en appréhender le sens ? Au contraire, Julia Csergo souligne pertinemment : « De façon commode et inefficace, la tendance consiste à se référer à l’étymologie grecque du terme […]. Ce qui ne nous éclaire pas réellement sur la signification à donner à cette mise en règle (ou en loi) de l’estomac (ou du ventre), peu importe au fond »74. Une piste serait alors de retourner au texte : non que Berchoux nous donne la définition de ce terme objet de tant de débats – et c’est même un fondement de la gastronomie – mais peut-être pour mieux saisir comment s’est fixée cette appellation qui couronne un siècle et demi de discussions et en ouvre encore davantage.

1 Voir notamment notre article qui sacrifie lui aussi à la règle : « La Gastronomie de Berchoux : une naissance critique », TrOPICS n°13, https://

2 Dans sa dédicace à la marquise d’Arcy, dans l’édition de 1803, Berchoux introduit le terme « gastronomiste ». La même année, Croze-Magnan, dans son

3 Sur ce genre, voir notamment : Hugues Marchal, Muses et ptérodactyles : la poésie de la science de Chénier à Rimbaud, Paris, Seuil, 2013.

4 Voir : F.-Z. Collombet, Notice biographique et littéraire sur Joseph de Berchoux, avec portrait, Lyon, imprimerie de Pitrat, 1841 ; Auguste Jal

5 Voir, par exemple : le Mercure de France, Ventose, an XI Mercure de France, Ventose, an XI.

6 Sur ce point, voir notre article : « La gastronomie comme savoir : fondation et remise en question chez Joseph Berchoux », La Science du goût au

7 Ce texte n’est guère connu, sinon par l’étude qu’en fit le savant Meursius et par la traduction de Lefebvre de Villebrune, en quatre volumes

8 Ce fut le cas respectivement d’Antoine de Bertin et d’Évariste (de) Parny.

9 Joseph Berchoux, La Gastronomie ou l’Homme des champs à table, Paris, Giguet, 1804, p. 17.

10 Mercure de France, ventôse, an XI, p. 463.

11 Ibid., p. 465.

12 Ibid., p. 563 (nous soulignons).

13 Les chansonniers et recueils de poèmes gastronomiques sont fort nombreux au XIXe siècle et, avant le succès d’un Monselet, comptent des auteurs

14 Sur ce point, voir notamment notre édition à paraître chez Honoré Champion (2025), ou notre chapitre : « La Gastronomie de Berchoux : le festin

15 C. Verdot, Historiographie de la table, ou Abrégé historique, philosophique, anecdotique et littéraire des substances alimentaires et des objets

16 François Noël, Nouveau Dictionnaire des origines, inventions et découvertes, Paris, chez Janet et Cotelle,1827.

17 La maison Chevet était une des plus belles tables de Paris qui devint une institution, au propre comme au figuré (une école de cuisiniers). Auguste

18 Docteur F. Foy (pharmacien en chef de l’hôpital Saint-Louis), Manuel d’hygiène, Paris, Germer Baillière, « Bibliothèque de l’étudiant en médecine »

19 Note de présentation de La Gastronomie dans : Physiologie du goût ou Méditations de gastronomie transcendante… par Brillat-Savarin, suivie de La

20 La Gastronomie ou l’Homme des Champs à table, Poème didactique en quatre chants, Pour servir de suite à l’Homme des Champs, Seconde édition, revue

21 Ibid., p. 43-44.

22 Voir, dans le numéro précédent de la revue TrOPICS, « La Gastronomie de Berchoux : une naissance critique », art. cit.

23 « Vous pouvez cependant, libre de leurs fureurs,/ Parler de votre siècle, et rire de ses mœurs./ "Que vous semble, messieurs, du siècle des

24 Le Philosophe de Charenton, par l’auteur de La Gastronomie, Paris, chez Giguet et Michaud, 1803.

25 Voir : Diderot, Œuvres, éd. L. Versini, T. IV « Esthétique – Théâtre », Paris, Robert Laffont, « Bouquins », 1996, p. 634.

26 Ibid., p. 47.

27 Le Philosophe de Charenton, p. 28.

28 La Gastronomie (1801), p. 61.

29 Il en donne la « recette » dans la lettre liminaire à son ami et éditeur Michaud.

30 La Danse, ou la Guerre des Dieux de l’Opéra, Paris, Giguet et Michaud, 1806, p. 139-140.

31 Journal de l’Empire, vendredi 24 juillet 1806, p. 2.

32 Ibid.

33 Ibid., p. 4.

34 L’avertissement en tête de l’ouvrage précise que l’ouvrage a été composé en 1811.

35 « Ce miel chéri des Grecs que la terre regrette » est loué dans le chant I de La Gastronomie.

36 Berchoux, « Épître politique et galante à Euphrosine de V*** » ; cette épître a paru dans Le Journal de Lyon en 1795, et a ensuite été reproduite

37 Cité par F.-Z. Collombet, op. cit., p. 28-29.

38 Voir notamment, de Voltaire : Jusqu’à quel point on doit tromper le peuple, le chapitre XX du Traité sur la tolérance, ou encore l’article « Fraude

39 Berchoux, Œuvres, Paris, Michaud, 1829, t. I, p. 1-2.

40 Revue encyclopédique, ou Analyse raisonnée des productions les plus remarquables dans les sciences, les arts industriels, la littérature et les

41 Il est alors maire de Baugy, une petite commune d’à peine plus de 500 habitants dans les années 1820.

42 Berchoux, L’Art politique, Paris, Le Normant, 1819, p. 71.

43 Journal de Paris, Mardi 10 janvier 1815, p. 4.

44 Voltaire, p. xiv.

45 Ibid., p. vii.

46 Ibid., p. viii.

47 Ibid., p. 6-7.

48 Ibid.

49 Ibid., p. 13.

50 Voir : Barruel, l’Histoire du Clergé pendant la Révolution française, Londres, chez Cogham, 1793.

51 Voltaire, chant III, p. 25-29.

52 Ibid., p. 22.

53 Journal de Paris, lundi 16 janvier 1815, p. 3.

54 Le Nain jaune, 30 décembre 1814, p. lxxv.

55 Le Moniteur universel, mardi 10 janvier 1815, p. 40.

56 Ibid. Ici, l’auteur de l’article vise notamment les grossières suggestions de Berchoux sur la philosophie pratiquée par Ninon dans son boudoir.

57 En 1816, paraît une Réponse à M. de Berchoux sur son poème de Voltaire (Paris, Impr. De Hocquet). L’auteur ne répond pas directement au poème qu’il

58 Politique chrétienne et variétés morales et littéraires, Premier trimestre 1815, t. I, Paris, Chez Beaucé, 1816,p. 40-48.

59 Voltaire, op. cit., p. vii.

60 « Je n’accuserais d’irréligion ni l’auteur du Lutrin, ni l’auteur de Vert-Vert. Je ne leur reprocherais pas d’avoir préludé au ridicule répandu

61 Sur ces sources, je me permets de renvoyer à mon édition critique de La Gastronomie à paraître (Honoré Champion, 2025).

62 La fin de l’article du Journal de Paris revient sur les poésies fugitives qui accompagnent le Voltaire si fortement critiqué : « Les libéraux […]

63 Berchoux, Œuvres, t. I, Paris, Michaud, 1829, p. 2.

64 La Gastronomie (1801), p. 28.

65 Lettre à Sébastien Desvernay (sans date), citée par Félix Desvernay, op. cit., p. 21.

66 Cité par F.-Z. Collombet, op. cit., p. 16-17.

67 En 1803, un auteur anonyme (Croze-Magnan) avait fait paraître Le Gastronome à Paris. Épître à l’auteur de La Gastronomie ou l’Homme des champs à

68 Charles Monselet, Les Oubliés et les dédaignés, t. II, Alençon, Poulet-Malassis et de Brosse, 1857, p. 270 (nous soulignons).

69 Voir, par exemple, l’article que Paul Bonnefon consacre à Monselet dans L’Artiste (revue de Paris, 58e année, 1888, p.51).

70 Sainte-Beuve, Nouveaux Lundis, t. X, Paris, Michel Lévy frères, 1868, p. 86.

71 Mentionnons, parmi les plus récentes : Kilien Stengel (éd.), Les Poètes de la bonne chère, anthologie de poésie gastronomique, éditions de la Table

72 Jean-François Revel, Un festin en paroles. Histoire littéraire de la sensibilité gastronomique de l’Antiquité à nos jours [1979], Paris, Tallandier

73 Par exemple, Florent Quellier souligne que « littéralement règle (nomos) de l’estomac (gastros), « gastronomie » trouve sa parfaite définition dans

74 Julia Csergo, La Gastronomie est-elle une marchandise culturelle comme une autre ? – La Gastronomie française à l’UNESCO : histoire et enjeux

1 Voir notamment notre article qui sacrifie lui aussi à la règle : « La Gastronomie de Berchoux : une naissance critique », TrOPICS n°13, https://tropics.univ-reunion.fr/2385

2 Dans sa dédicace à la marquise d’Arcy, dans l’édition de 1803, Berchoux introduit le terme « gastronomiste ». La même année, Croze-Magnan, dans son épître parodique en réponse à Berchoux, offre le mot « gastronome » au public, et le substantif désigne « l’amateur des plaisirs de la table, celui qui maîtrise l’art de bien manger ». Trois ans plus tard, Jean-Baptiste Gouriet propose au public une Anti-Gastronomie, ou l’Homme de ville sortant de table, poème en quatre chants ; manuscrit trouvé dans un pâté, et augmenté de remarques importantes (Paris, Hubert et comp., in-18, 1806), contribuant ainsi à fixer le mot dans l’usage. En 1807, on remarque un Chansonnier du gastronome (Paris, chez les principaux restaurateurs, 1807) qui rend hommage au premier « gastronome » en poésie du siècle. En 1809, Cadet de Gassicourt consacre l’adjectif dans son Cours gastronomique (Cours gastronomique, ou les Dîners de Manant-ville. Ouvrage anecdotique, philosophique et littéraire, Paris, Capelle et Renand, 1809). Mais c’est Brillat-Savarin qui va en fixer durablement et internationalement l’usage dans La Physiologie du goût, parue en décembre 1825. Le terme et ses dérivés demeurent attachés à Berchoux qui devient en quelque sorte malgré lui – et parfois encore dans des études récentes – un parangon du gastronome. En 1829, le mot et ses principaux dérivés figurent dans le Dictionnaire étymologique de la langue françoise, où les mots sont classés par familles contenant les mots du Dictionnaire de l'Académie Françoise, avec les principaux termes d'arts, de sciences et de métiers. Précédé d'une dissertation sur l'étymologie, vol. 1, Paris, Decourchant, 1829.

3 Sur ce genre, voir notamment : Hugues Marchal, Muses et ptérodactyles : la poésie de la science de Chénier à Rimbaud, Paris, Seuil, 2013.

4 Voir : F.-Z. Collombet, Notice biographique et littéraire sur Joseph de Berchoux, avec portrait, Lyon, imprimerie de Pitrat, 1841 ; Auguste Jal, Dictionnaire critique de biographie et d’Histoire. Errata et supplément pour tous les dictionnaires historiques d’après des documents authentiques inédits, Paris, Henri Plon, 1867, p. 200-201 ; Maurice Ourry (dir.), art. « Berchoux » in Dictionnaire de la conversation et de la lecture. Inventaire raisonné des notions générales les plus indispensables à tous, par une société de savants et de gens de lettres, sous la direction de M. W. Duckett, 2nde édition, t. III, Paris, Firmin Didot frères, fils et Cie., 1840, p. 8-9 ; Félix Desvernay, Les Lyonnais dignes de mémoire. Quelques mots sur Joseph de Berchoux et sur le poème de la Gastronomie, Lyon, Imprimerie A. Storck, 1882.

5 Voir, par exemple : le Mercure de France, Ventose, an XI Mercure de France, Ventose, an XI.

6 Sur ce point, voir notre article : « La gastronomie comme savoir : fondation et remise en question chez Joseph Berchoux », La Science du goût au XVIIIe siècle, G. Armand et E. Sempère (dir.), Revue Internationale d’Études du Dix-huitième Siècle (RIEDS), n°7, [à paraître, 2024].

7 Ce texte n’est guère connu, sinon par l’étude qu’en fit le savant Meursius et par la traduction de Lefebvre de Villebrune, en quatre volumes, publiée chez Lamy à Paris, entre 1789 et 1791.

8 Ce fut le cas respectivement d’Antoine de Bertin et d’Évariste (de) Parny.

9 Joseph Berchoux, La Gastronomie ou l’Homme des champs à table, Paris, Giguet, 1804, p. 17.

10 Mercure de France, ventôse, an XI, p. 463.

11 Ibid., p. 465.

12 Ibid., p. 563 (nous soulignons).

13 Les chansonniers et recueils de poèmes gastronomiques sont fort nombreux au XIXe siècle et, avant le succès d’un Monselet, comptent des auteurs tels que Lacroix ou Hugo (dans Le Chansonnier du gastronome, édité à partir de 1831). Mais progressivement, ce sont les œuvres de Grimod de La Reynière, de Cadet de Gassicourt et de Brillat-Savarin qui feront autorité, parallèlement aux ouvrages des grands cuisiniers comme Carême. En 1839, l’éditeur Charpentier eut l’idée de compiler dans un même ouvrage les Méditations et La Physiologie du Goût de Brillat-Savarin, La Gastronomie de Berchoux et L’Art de dîner en ville de Colnet.

14 Sur ce point, voir notamment notre édition à paraître chez Honoré Champion (2025), ou notre chapitre : « La Gastronomie de Berchoux : le festin fondateur d’une poésie réactionnaire », in : Laurent Angard, Sébastien Baudoin, David Michon (dir.), Le Banquet des Belles-Lettres, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2024.

15 C. Verdot, Historiographie de la table, ou Abrégé historique, philosophique, anecdotique et littéraire des substances alimentaires et des objets qui leur sont relatifs, des principales fêtes, mœurs, usages et coutumes de tous les peuples anciens et modernes, 2e édition, Paris, chez l’auteur, 1853, p. v : exergue : « Admirez la nature, habile, ingénieuse, / À varier ses dons, d’une main généreuse ; / Qui, du nord au midi, prodiguant ses trésors, / Nourrit des végétaux, organise des corps / Que l’homme fait servir au soutien de sa vie. / De ces êtres nombreux connaissez la patrie. / Sachez tout ce qui peut nous servir d’aliment. / Soyez naturaliste en ce point seulement. »

16 François Noël, Nouveau Dictionnaire des origines, inventions et découvertes, Paris, chez Janet et Cotelle,1827.

17 La maison Chevet était une des plus belles tables de Paris qui devint une institution, au propre comme au figuré (une école de cuisiniers). Auguste Escoffier y travailla notamment, à la fin du siècle.

18 Docteur F. Foy (pharmacien en chef de l’hôpital Saint-Louis), Manuel d’hygiène, Paris, Germer Baillière, « Bibliothèque de l’étudiant en médecine », 1845, p. 354.

19 Note de présentation de La Gastronomie dans : Physiologie du goût ou Méditations de gastronomie transcendante… par Brillat-Savarin, suivie de La Gastronomie par Berchoux, L’Art de dîner en ville par Colnet, Paris, Garnier Frères, 1876, p. 425.

20 La Gastronomie ou l’Homme des Champs à table, Poème didactique en quatre chants, Pour servir de suite à l’Homme des Champs, Seconde édition, revue et augmentée, avec figure, Paris, Guiguet et Michaud, 1803 (an XI), p. 53-55 : l’ajout est conséquent.

21 Ibid., p. 43-44.

22 Voir, dans le numéro précédent de la revue TrOPICS, « La Gastronomie de Berchoux : une naissance critique », art. cit.

23 « Vous pouvez cependant, libre de leurs fureurs,/ Parler de votre siècle, et rire de ses mœurs./ "Que vous semble, messieurs, du siècle des Lumières ?/ – Je pense en vérité que nous n’y voyons guères./ Je préfère le temps où l’on n’y voyait rien… […]/ – Messieurs, avez-vous lu la nouvelle brochure ?/ Que de biens sont promis à la race future !/ Une femme nous dit et nous prouve en effet,/ Qu’avant quelques mille ans l’homme sera parfait ;/ Qu’il devra cet état à la mélancolie./ On sait que la tristesse annonce le génie…" » (La Gastronomie, 1re édition, p. 60-61).

24 Le Philosophe de Charenton, par l’auteur de La Gastronomie, Paris, chez Giguet et Michaud, 1803.

25 Voir : Diderot, Œuvres, éd. L. Versini, T. IV « Esthétique – Théâtre », Paris, Robert Laffont, « Bouquins », 1996, p. 634.

26 Ibid., p. 47.

27 Le Philosophe de Charenton, p. 28.

28 La Gastronomie (1801), p. 61.

29 Il en donne la « recette » dans la lettre liminaire à son ami et éditeur Michaud.

30 La Danse, ou la Guerre des Dieux de l’Opéra, Paris, Giguet et Michaud, 1806, p. 139-140.

31 Journal de l’Empire, vendredi 24 juillet 1806, p. 2.

32 Ibid.

33 Ibid., p. 4.

34 L’avertissement en tête de l’ouvrage précise que l’ouvrage a été composé en 1811.

35 « Ce miel chéri des Grecs que la terre regrette » est loué dans le chant I de La Gastronomie.

36 Berchoux, « Épître politique et galante à Euphrosine de V*** » ; cette épître a paru dans Le Journal de Lyon en 1795, et a ensuite été reproduite de nombreuses fois dans les Poésies fugitives de l’auteur (dont, dès 1804, avec quelques modifications, à la suite de La Gastronomie).

37 Cité par F.-Z. Collombet, op. cit., p. 28-29.

38 Voir notamment, de Voltaire : Jusqu’à quel point on doit tromper le peuple, le chapitre XX du Traité sur la tolérance, ou encore l’article « Fraude » du Dictionnaire philosophique. Mais on reconnaît davantage ici les idées d’un Sénac de Meilhan ou d’un abbé Barruel : ce qu’énonce Berchoux constitue un leitmotiv des antiphilosophes de la fin du XVIIIe siècle et des antimodernes de la première moitié du XIXe. Voir : Didier Masseau, Les Ennemis des philosophes. L’antiphilosophie au temps des Lumières, Paris, Albin Michel, « Bibliothèque des idées », 2000 (notamment p. 393-418) ; Jacques Godechot, La contre-révolution. 1789-1804, Presses Universitaires de France, « Quadrige », 1984 ; Antoine Compagnon, Les antimodernes. De Joseph de Maistre à Roland Barthes, Paris, Gallimard, « Folio Essais », 2016.

39 Berchoux, Œuvres, Paris, Michaud, 1829, t. I, p. 1-2.

40 Revue encyclopédique, ou Analyse raisonnée des productions les plus remarquables dans les sciences, les arts industriels, la littérature et les beaux-arts, par une réunion de membres de l’Institut, t. XLII, Paris, Au Bureau de la Revue Encyclopédique, chez Sédillot, avril-juin 1829, p. 209.

41 Il est alors maire de Baugy, une petite commune d’à peine plus de 500 habitants dans les années 1820.

42 Berchoux, L’Art politique, Paris, Le Normant, 1819, p. 71.

43 Journal de Paris, Mardi 10 janvier 1815, p. 4.

44 Voltaire, p. xiv.

45 Ibid., p. vii.

46 Ibid., p. viii.

47 Ibid., p. 6-7.

48 Ibid.

49 Ibid., p. 13.

50 Voir : Barruel, l’Histoire du Clergé pendant la Révolution française, Londres, chez Cogham, 1793.

51 Voltaire, chant III, p. 25-29.

52 Ibid., p. 22.

53 Journal de Paris, lundi 16 janvier 1815, p. 3.

54 Le Nain jaune, 30 décembre 1814, p. lxxv.

55 Le Moniteur universel, mardi 10 janvier 1815, p. 40.

56 Ibid. Ici, l’auteur de l’article vise notamment les grossières suggestions de Berchoux sur la philosophie pratiquée par Ninon dans son boudoir.

57 En 1816, paraît une Réponse à M. de Berchoux sur son poème de Voltaire (Paris, Impr. De Hocquet). L’auteur ne répond pas directement au poème qu’il reconnaît ne pas avoir lu et ne connaître que par les extraits reproduits dans les comptes rendus de « C* » et de « D* » (que nous n’avons pu identifier) et qu’il attaque aussi. Ce qui nous intéresse, c’est que Berchoux a eu des défenseurs. Peu après, Berchoux réplique par la publication d’une feuille in-8 (Paris, Imp. De Patris, 1816) : Réplique à l’auteur de la Réponse à M. Berchoux sur son poème de Voltaire. En 1817, Jean Antoine Lebrun-Tossa publie un Voltaire jugé par les faits (Paris, Plancher et Delaunay), opuscule d’une soixantaine de pages qui défend le philosophe des Lumières contre les attaques récentes dont il a fait l’objet, notamment celles de Berchoux. Le Mercure de France (qui, rappelons-le, avait loué à plusieurs reprises La Gastronomie) en rend compte en signalant au lecteur que « M. Berchoux est auteur d’un poème platement ridicule, intitulé : Voltaire ou le Triomphe de la philosophie. » (Mercure de France, Juillet 1819, p. 121).

58 Politique chrétienne et variétés morales et littéraires, Premier trimestre 1815, t. I, Paris, Chez Beaucé, 1816, p. 40-48.

59 Voltaire, op. cit., p. vii.

60 « Je n’accuserais d’irréligion ni l’auteur du Lutrin, ni l’auteur de Vert-Vert. Je ne leur reprocherais pas d’avoir préludé au ridicule répandu depuis avec tant de profusion sur la religion chrétienne et ses ministres, parce que Boileau et Gresset sont généralement regardés comme des écrivains sages et religieux, parce qu’une plaisanterie en vers sur une querelle de chapitre et un enfantillage de nones [sic] n’a rien de commun avec la religion et n’intéresse nullement la majesté des autels. », Journal de Paris, 10 janv. 1815, p. 3.

61 Sur ces sources, je me permets de renvoyer à mon édition critique de La Gastronomie à paraître (Honoré Champion, 2025).

62 La fin de l’article du Journal de Paris revient sur les poésies fugitives qui accompagnent le Voltaire si fortement critiqué : « Les libéraux […] liront toujours avec intérêt quelques poésies fugitives de M. Berchoux, pleines d’esprit, de sel et de fine plaisanterie, et surtout le poème de La Gastronomie, qui a placé Berchoux au nombre de nos poètes les plus gais et de nos convives les plus aimables. » (art. cit., p. 4).

63 Berchoux, Œuvres, t. I, Paris, Michaud, 1829, p. 2.

64 La Gastronomie (1801), p. 28.

65 Lettre à Sébastien Desvernay (sans date), citée par Félix Desvernay, op. cit., p. 21.

66 Cité par F.-Z. Collombet, op. cit., p. 16-17.

67 En 1803, un auteur anonyme (Croze-Magnan) avait fait paraître Le Gastronome à Paris. Épître à l’auteur de La Gastronomie ou l’Homme des champs à table, Paris, de l’Imprimerie de Suret, An XI – 1803.

68 Charles Monselet, Les Oubliés et les dédaignés, t. II, Alençon, Poulet-Malassis et de Brosse, 1857, p. 270 (nous soulignons).

69 Voir, par exemple, l’article que Paul Bonnefon consacre à Monselet dans L’Artiste (revue de Paris, 58e année, 1888, p.51).

70 Sainte-Beuve, Nouveaux Lundis, t. X, Paris, Michel Lévy frères, 1868, p. 86.

71 Mentionnons, parmi les plus récentes : Kilien Stengel (éd.), Les Poètes de la bonne chère, anthologie de poésie gastronomique, éditions de la Table ronde, « Petite Vermillon », 2008 ; Maguy Ly et Corinne Masson (éd.), Festins et ripailles, Paris, Au Chêne, « Esprit XVIIIe », 2011 ; Philippe Di Folco (éd.), Les Plus belles pages de la littérature gourmande. De François Rabelais à Marcel Proust, Paris, Eyrolles, 2012

72 Jean-François Revel, Un festin en paroles. Histoire littéraire de la sensibilité gastronomique de l’Antiquité à nos jours [1979], Paris, Tallandier, « Texto » 2021, p. 263.

73 Par exemple, Florent Quellier souligne que « littéralement règle (nomos) de l’estomac (gastros), « gastronomie » trouve sa parfaite définition dans ce qu’entend Grimod par vraie gourmandise. Le terme permet de conforter l’idée de la bonne chère comme un art et un savoir-vivre tout en contournant l’ambiguïté religieuse de gourmand/gourmandise. » (Florent Quellier, Gourmandise. Histoire d’un péché capital, Paris, Armand Colin, [2010] 2013, p. 144). Non seulement la question de l’estomac ne semble guère la priorité des grands gourmands du début du XIXe siècle (allant souvent à l’encontre des préceptes diététiques du siècle précédent ou des hygiénistes de leur temps), mais surtout cette étymologie est bien éloignée de la définition étoffée (gourmande aussi, à sa façon) qu’en donne Brillat-Savarin dans sa Physiologie du goût.

74 Julia Csergo, La Gastronomie est-elle une marchandise culturelle comme une autre ? – La Gastronomie française à l’UNESCO : histoire et enjeux, Paris, Menu Fretin, 2016, p. 43.

Guilhem Armand

Guilhem Armand est maître de Conférences HDR à l’Université de La Réunion, spécialiste de la période moderne et en particulier des rapports entre fiction et savoirs, il a notamment publié Les Fictions à vocation scientifique, de Cyrano de Bergerac à Diderot (PU. Bordeaux, Mirabilia, 2013), Le Père, le fils et Diderot (Champion, 2023) et de nombreux dossiers et articles sur les auteurs des Lumières.

Articles du même auteur