Introduction : Fictions et Sciences, questions de compatibilités à partir de l’ère moderne

Guilhem Armand

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Guilhem Armand, « Introduction : Fictions et Sciences, questions de compatibilités à partir de l’ère moderne », Tropics [En ligne], 1 | 2013, mis en ligne le 01 décembre 2013, consulté le 18 avril 2024. URL : https://tropics.univ-reunion.fr/77

Au tout début du XVIIe siècle, la révolution copernico-galiléenne a entraîné une véritable rupture épistémologique : il ne s’agit pas seulement de la confirmation par l’observation au télescope et par la démonstration mathématique du mouvement de la Terre à l’entour du Soleil, d’un bouleversement de la conception du monde1, mais aussi d’un changement radical dans l’appréhension du savoir et de l’accès à la connaissance. « La nature est écrite en langage mathématique » écrivait Galilée dans L’Essayeur en 1623. Le discours scientifique au XVIIe siècle se définit par une forme nouvelle, fondée sur la géométrie et sur l’expérience, c’est-à-dire la pratique, l’action sur la nature. Il prend une véritable autonomie, se constitue comme un microcosme, un laboratoire de la vérité, un milieu aseptisé aux règles strictes et différentes du reste du monde littéraire. L’institutionnalisation d’abord par les petites académies, puis par la fondation de l’Académie Royale des Sciences, renforce ce processus d’autonomisation par rapport notamment aux Anciens, à la métaphysique ou aux « fausses sciences ». Emmanuel Kant résume cette révolution dans un célèbre extrait de la seconde préface de la Critique de la Raison pure en 17872.

Nettement détachée de la métaphysique, la physique moderne est désormais une science à part entière, quasiment au sens où on l’entend aujourd’hui. Or cette autonomie, démarche indispensable à sa validité, remet en question le rapport qu’entretient la littérature avec le propos savant : dès lors que l’on quitte une posture admirative pour adopter une démarche expérimentale, le texte même s’en trouve affecté, l’ode en quelque sorte devient inutile : « ce n’est pas à la poésie que la nature se complaît »3 insistait Galilée. Ces réflexions évoquent les nombreux traités qui, de Descartes à Malebranche, de Gassendi à Pascal, ont tenté de définir et d’encadrer le plus possible le rôle et la part de l’imagination dans la démarche scientifique et même cognitive.

Mais il s’agit bien là d’un idéal théorique. Les frontières demeurent perméables entre la science et les autres domaines de la philosophie et du savoir4 – parfois dangereusement poreuses pour qui s’aventure à démontrer certaines thèses mises à l’index. Cette perméabilité est aussi le résultat d’une science encore naissante et pas toujours à même de démontrer ses intuitions. Comment explorer l’infiniment grand ou l’infiniment petit, par exemple ? Des données qui nous paraissent aujourd’hui relever des sciences dites exactes ne sont encore que des hypothèses. L’atome, par exemple, ne constitue alors qu’une intuition, un avatar d’anciennes conceptions promis à une fortune encore incertaine : jusqu’aux travaux de John Dalton en 1808, il demeure l’objet de polémiques scientifiques et philosophiques. Outil-transfuge de la philosophie antique au service de la science moderne, il se trouve encore à la frontière du domaine des sciences pures et de la philosophie au sens large. Au cœur du néo-épicurisme, l’atome fait aussi partie intégrante d’un système philosophique dont la portée morale demeure fort suspecte au XVIIe siècle : l’épicurisme est associé au matérialisme athée et à la critique anti-religieuse du libertinage érudit.

La notion d’hypothèse scientifique constitue alors une forme d’invitation à la fiction. Dans le Discours de la méthode, généralement considéré comme fondateur du rationalisme à la française, Descartes ouvre pourtant la porte du discours scientifique à l’imagination et à la fiction. Il y revient sur son Monde qu’il se résolut à ne pas publier en 1633, un an après la mise à l’index du Système du Monde de Galilée5. Dans cet ouvrage, il avait exploré une voie pour sortir en quelque sorte des limites qu’il impose lui-même au discours scientifique :

« Même, pour […] pouvoir dire plus librement ce que j’en jugeais, sans être obligé de suive ni de réfuter les opinions qui sont reçues entre les doctes, je me résolus de laisser tout ce Monde ici à leurs disputes, et de parler seulement de ce qui arriverait dans un nouveau, si Dieu créait maintenant quelque part, dans les espaces imaginaires, assez de matière pour le composer, et qu’il agitât diversement et sans ordre les diverses parties de cette matière, en sorte qu’il en composât un chaos aussi confus que les poètes en puissent feindre, et que, par après, il ne fît autre chose que prêter son cours ordinaire à la nature, et la laisser agir selon les lois qu’il a établies. »6

Cette ouverture sur l’imaginaire constitue une forme de palliatif aux insuffisances du discours scientifique moderne naissant. On peut bien déjà parler d’une poétique imprégnée en partie de la subjectivité de l’auteur dans cet ouvrage7 où l’imagination permet de reconstituer le processus de la Création. Ce faisant, Descartes nous offre la première invitation à ce que j’ai nommé ailleurs la fiction à vocation scientifique8, à savoir une fiction qui, prolongement de l’hypothèse scientifique, se donne à la fois comme une démonstration savante et une exploration par l’imaginaire.

C’est ce que fit Kepler en écrivant vers 1609 Le Songe, ou Astronomie Lunaire – publié à titre posthume en 1634. Godwin lui emboîte le pas en envoyant Gonzales, son héros espagnol dans la Lune en 1638, soit à peu près dix ans avant Cyrano de Bergerac et son Autre Monde. Ces trois œuvres marquent le début de la fiction à vocation scientifique. Nombre d’auteurs suivront parmi lesquels Voltaire, Tiphaigne de La Roche, Guillaume de La Folie.

La vogue est alors à la science. Et, de la seconde moitié du XVIIe siècle à la fin du XVIIIe siècle, les ouvrages de diffusion du savoir scientifique se multiplient. La faute en revient certainement à Fontenelle – qui ne cessera, par la suite d’être à la fois critiqué et imité. Ses Entretiens sur la pluralité des mondes, parus en 1686, augmentés en 1687, connaissent une trentaine d’éditions du vivant de l’auteur. S’il n’est certes pas l’inventeur du genre de l’entretien savant, il est celui qui en pose le modèle. Les épigones sont nombreux. Dans le domaine de l’astronomie, citons entre autres Breil de Pontbriand, Algarotti, Basset des Rosiers, Lalande9. Mais le genre s’étend aussi aux sciences naturelles. A la suite du succès fulgurant du Spectacle de la Nature de l’abbé Pluche10, Bazin choisit lui aussi cette forme pour diffuser les travaux de Réaumur sur les insectes. Les sciences sont partout et la plainte de Voltaire à son retour d’Angleterre – avant de s’y intéresser avec passion aux côtés de la Marquise du Châtelet – est éloquente :

« Les vers ne sont plus guère à la mode à Paris. Tout le monde commence à faire le géomètre et le physicien. On se mêle de raisonner. Le sentiment, l’imagination et les grâces sont bannis. Un homme, qui aurait vécu sous Louis XIV, et qui reviendrait au monde, ne reconnaîtrait plus les Français ; il croirait que les Allemands ont conquis ce pays-ci. Les belles-lettres périssent à vue d’œil. Ce n’est pas que je sois fâché que la philosophie soit cultivée, mais je ne voudrais pas qu’elle devînt un tyran qui exclût tout le reste. Elle n’est en France qu’une mode qui succède à d’autres, et qui passera à son tour ; mais aucun art, aucune science ne doit être de mode. Il faut qu’ils se tiennent tous par la main ; il faut qu’on les cultive en tout temps ».11

Conformément aux vœux du Secrétaire de l’Académie, l’esprit géométrique envahit ainsi tous les domaines du savoir :

« L’esprit géométrique n’est pas si attaché à la géométrie qu’il n’en puisse être tiré, et transporté à d’autres connaissances. Un Ouvrage de Morale, de Politique, de Critique, peut-être même d’Eloquence, en sera plus beau, toutes choses d’ailleurs égales, s’il est fait de main de géomètre ».12

La vogue dénoncée par Voltaire est bien plus durable qu’il ne semble le penser. La littérature d’inspiration scientifique ne se contente pas de se développer, elle contamine peu à peu nombre de domaines dans ce siècle des philosophes. Et le discours scientifique se trouve lui-même peu à peu imprégné de fiction et de poésie. Les abeilles de Réaumur, vues à travers le prisme de l’anthropomorphisme, ont ainsi plus de succès, ce que comprend Gilles-Augustin Bazin quand il vulgarise les travaux du grand entomologiste13. Buffon peint la nature avec une passion qui déborde la simple description technique14, ce qui lui sera reproché plus tard. La littérature scientifique du XVIIIe siècle est ainsi marquée par une double tension : d’abord, entre la tentation du système expliquant tout et l’expression du refus de l’esprit de système ; ensuite entre le refus d’une poétisation ou d’une fictionnalisation du discours et l’idée selon laquelle l’hypothèse scientifique recèle en elle-même sa part de rêve et de poésie.

Cette porosité, qui s’oppose de prime abord aux principes initiaux, est aussi induite par certaines notions en quelque sorte transversales de nature : que l’on pense à la question des origines15 ou au concept de sympathie16, ce sont là à la fois des topoï qui ressortissent à la poésie et des matières du discours savant qui les examine alors sous un angle nouveau.

Si ce n’est exactement « l’esprit géométrique » prôné par Fontenelle, du moins l’empire des sciences expérimentales envahit-il les autres domaines des Belles-Lettres, témoin La Dispute de Marivaux qui narre l’histoire d’une expérience cherchant à savoir qui de l’homme ou de la femme a donné le premier exemple d’inconstance amoureuse. Dans ce grand siècle d’analyse et d’expérimentation, l’amour devient à son tour objet de savoir. Aussi lit-on souvent combien le roman des Lumières donne à voir une analyse nouvelle de la société et de ses ressorts, combien il prend des accents philosophiques, comme le rappelle Colas Duflo : « il fut une époque où la philosophie et le roman n’habitaient pas dans des mondes séparés »17. Les travaux de Christophe Martin ont montré la dimension scientifique des « éducations négatives »18. Les traités et manuels d’éducation accordent d’ailleurs une place de plus en plus large aux sciences, même lorsqu’il s’agit de l’éducation des filles19. Voire, ainsi que l’a montré Yves Citton à propos de l’Emile de Rousseau20, l’ouvrage d’éducation peut avoir lui-même valeur expérimentale.

La gastronomie n’est pas épargnée : l’assiette du gourmet du siècle des Lumières se trouve au centre d’un débat entre les tenants d’une science culinaire inspirée de la « chymie des aliments » et les partisans d’une cuisine vécue comme un art au sens d’expression créatrice, une véritable « querelle des bouffes »21 qui montre combien les sciences ont investi tous les champs. Sans doute la seconde moitié du siècle, dominée par la publication de l’Encyclopédie, marque-t-elle une progression vers une forme de saturation. Les parodies se multiplient, traitant des sujets les plus bas, comme l’essai sur le pet publié en 1751 par Pierre-Thomas-Nicolas Hurtaut22, ou encore le Traité du fouet, ouvrage médico-philosophique…, œuvre du médecin François-Amédée Doppet (1788)23, publiée sans nom d’auteur. Certains de ces ouvrages conservent une certaine ambiguïté – ce qui n’est guère le cas du traité de Hurtaut, parodiant clairement la science et notamment la musicologie –, c’est-à-dire qu’ils sont en partie fondés sur un vrai discours scientifique, mais dérivent rapidement vers des considérations morales un peu douteuses : c’est le cas, par exemple de Pierre Hunauld, dans sa Dissertation sur les vapeurs (1756)24.

Mais l’ambiguïté était déjà au cœur de l’écriture de certaines fictions à vocation scientifique. L’exemple le plus éloquent est sans doute le Telliamed de Benoît de Maillet, ouvrage étrange, à mi-chemin entre le récit de voyage, le dialogue et le traité, caractérisé par une épistémologie complexe relevant tantôt du premier libertinage érudit, tantôt de la philosophie des Lumières, d’une écriture oscillant entre l’attestation par l’expérimentation – mais une expérimentation fictive – et l’énumération de témoignages invraisemblables25.

Aussi la veine de la fiction à vocation scientifique s’épuise-t-elle au début du « tournant des Lumières », vers les années 1770. Et l’on peut considérer, à l’instar de Jean Starobinski, que Le Rêve de D’Alembert marque bien la fin d’une période dans le rapport de la fiction à la science :

« La biologie moderne […] n’a réclamé ni le style dialogué, ni les gradations du rythme. Au seuil d’une nouvelle ère du savoir, le dialogue diderotien est le dernier de la grande série des dialogues philosophico-scientifiques, qui avait commencé par le Timée et avait passé par les Dialogues de Galilée : ceux-ci avaient salué la naissance de la physique moderne, mais la physique, depuis lors, n’a plus jamais recouru au dialogue : elle a inscrit ses progrès dans des calculs, des démonstrations, des mémoires. […] Les voies de la littérature et de la science se sépareront pour ne plus jamais se retrouver ».26

Il ne s’agit pas, bien entendu, d’une rupture totale, mais d’un nouveau changement de la relation entre science et fiction. Joël Castonguay-Bélanger, qui s’est penché sur cette période, note :

« L’association féconde de l’homme de lettres et de l’homme de science, naguère essentielle à la circulation des savoirs, n’apparaît plus aussi naturelle au tournant des Lumières. Dans les cercles académiques, on commence à penser que le succès de cette science aimable destinée aux amateurs a eu pour effet de provoquer une perte des repères propres à assurer la reconnaissance de la science institutionnelle. […] La progressive constitution d’un espace spécifique pour la pratique scientifique et pour ce qui prendra bientôt le nom de littérature invite à penser leur relation en termes de rupture. »27

Le XIXe siècle est par conséquent – et à juste titre – considéré comme plus spécialisé. Or, c’est bien souvent à cette période que l’on date la naissance de la Science-fiction ou du moins de ses précurseurs. S’il est vrai que la créature de Frankenstein, figurée avec ses boulons dans la tête, résultat des manipulations d’un savant fou, a fait recette au cinéma, force est de constater que le roman de la jeune Mary Shelley ne consacre que quelques lignes aux opérations pseudo-scientifiques de Victor recréant un homme artificiel dans son laboratoire28. A la fin du siècle, lorsque Villiers de L’Isle-Adam anime son Eve future, les forces occultes viennent en aide à la science d’Edison. Mais la notion même de Science-fiction demeure trop floue pour que l’on puisse clairement en dater l’origine. La critique préfère bien souvent se fonder sur la naissance de la première revue consacrée au genre, Amazing Stories (initialement baptisé Scientifiction), parue en 1926, ou encore sur l’invention du mot dans le n° 1 de Science Wonder Stories, édité par Hugo Gernsback en juin 1929. Il est à ce propos intéressant de noter que les premiers numéros d’Amazing Stories publièrent des textes d’Herbert George Wells, d’Edgar Allan Poe et de Jules Verne, auteurs ordinairement classés parmi les pères de la SF29. Le cas de Jules Verne – auquel plusieurs articles de ce numéro sont consacrés – est particulièrement intéressant : la plupart des spécialistes verniens, sans nier cette paternité, se sont attachés à démontrer que l’œuvre de Jules Verne ne relevait pas de ce genre30, la présence d’une inspiration scientifique étant un critère insuffisant et la notion d’anticipation peu opérante chez Jules Verne, qui s’intéressait davantage aux notions de possible et de probable, voire qui se plaisait aussi à la fantaisie scientifique. A ce titre, d’ailleurs, on aurait tôt fait de classer les uchronies de Mercier – L’An 2440, rêve s’il en fut jamais (1771) – et même de Michel de Pure – Epigone, Histoire du siècle futur (1659) – dans la Science-fiction.

L’idée de se fonder sur la portée démonstrative d’une science positive entraînerait le classement du roman expérimental de Zola dans cette vaste catégorie littéraire. Catégorie dont on peut même se demander : est-ce seulement un genre ? Jacques Goimard signale la difficulté d’en délimiter clairement le corpus dans un article appelant à une définition nette de la SF : « Pour une définition de la science-fiction »31. Voyages dans l’espace, dans le temps, dans d’autres dimensions, rencontre avec d’autres intelligences, créées ou non par l’homme… toutes ces thématiques suffisent-elles à constituer un genre, d’autant qu’elles sont démultipliables à l’infini ? Elles entretiennent en outre d’étroits rapports avec d’autres catégories – importantes dans la littérature anglo-saxonne et, depuis peu, dans la littérature de jeunesse française – comme la Fantasy. De ce fait, les rapports entre sciences et fictions se trouvent doublement complexifiés : par la porosité des catégories littéraires (ou « paralittéraires » où l’on a longtemps voulu les ranger) et par l’incessante créativité des auteurs.

De même que l’on a pu observer une évolution de ces relations tout au long de la période dite de la science moderne, les rapides progrès des sciences tout au long des deux siècles précédents, l’importance grandissante des technologies dans le quotidien, ont dû sensiblement influencer les fictions s’en inspirant. Mais, de même que l’on n’a pu tracer de ligne claire de progression durant les XVIIe et XVIIIe siècles, il est douteux que l’on puisse nettement délimiter les critères d’une évolution de cette littérature parfois dite « en avance » sur son temps. De grands courants fondés sur les valeurs de la science pouvaient encore se distinguer avant la deuxième révolution industrielle. Mais le XXe siècle est marqué par une floraison des conceptions faisant tantôt de la simplicité, tantôt de la vérité, tantôt même de l’esthétique, une valeur fondamentale du discours scientifique.

Les rapports entre fiction et science sont encore plus problématiques si on les observe sous l’angle des « fictionnalistes » qui considèrent les objets mathématiques comme de pures fictions, des créatures de l’imagination humaine. Ce que la physique quantique nous a apporté est une théorie vertigineuse des mondes possibles suggérant que le savoir que nous croyons détenir est une hypothèse, voire que l’univers n’est peut-être qu’une fiction au sens quasi-littéraire du terme.

Ce questionnement doit aussi se reporter aux différentes théories de la fiction littéraire, à la poétique des genres et à leur évolution tout au long de la période envisagée ici – de Galilée à nos jours. Si l’on compte déjà un certain nombre d’études sur le sujet32, il s’agit dans ce numéro de lier les perspectives épistémologique et poétique. D’où le pluriel du titre. La fiction doit se comprendre par rapport à la science et à la philosophie de son temps : qu’est-ce que la science à telle époque ? Quels domaines ressortissent de la science ? Mais aussi : quelles formes la fiction prend-elle alors ?

Néanmoins, la part d’ambiguïté inhérente à cette écriture fictive qui prétend diffuser un savoir, un enseignement, et notamment d’ordre scientifique, demeure assez importante. Comment « rompre l’os » au bon endroit ? Quelle est la part de certitude dans l’enseignement que prétend délivrer la fiction ? Cette question devient d’autant plus sensible lorsque le texte tend vers une certaine scientificité : celle-ci semble a priori opposée à des notions telles que la fiction ou l’imagination.

D’autre part, s’il est aisé – mais aussi, souvent, maladroit – de souligner, quelques décennies ou quelques siècles plus tard, combien tel auteur de fiction « avait vu juste » et d’en faire un prophète, il convient de se méfier de cette perspective téléologique. Celle-ci entraîne bien souvent une confusion entre la fiction scientifique et la littérature dite de « conjecture rationnelle ». Ainsi, certains ouvrages tels que 1984 ou Le Meilleur des mondes narrent les craintes socio-politiques de leurs auteurs (réalisées ou pas) mais il faut se garder de toute conclusion hâtive quant à la projection scientifique et à sa validité au moment de l’écriture : s’agissait-il véritablement d’une anticipation informée, ou d’une extrapolation purement fictive au service d’un autre enseignement, d’un autre « message », ou tout simplement du plaisir de la rêverie scientifique ?

L’insertion – à plus ou moins grande échelle – d’un discours scientifique dans un texte de fiction peut en effet servir d’autres intérêts, se retrouver détournée : à la fiction à vocation scientifique, s’oppose en quelque sorte la fiction à coloration scientifique. Il convient alors de s’interroger sur les liens avec la science de l’époque, avec l’argumentation sous-jacente, sur les modes d’insertion (parole auctoriale, narratoriale, prise en charge par un personnage…).

Oscillant entre manifestation de l’imagination fertilisée par un discours scientifique et propos savant maquillé en récit d’invention pour le plaisir du lecteur, l’ambiguïté de tels textes relève aussi de leurs conditions d’écriture.

Les articles réunis ici selon un ordre chronologique explorent selon divers angles cette relation entre fictions et sciences : en se concentrant sur un auteur ou sur une œuvre en particulier, ou bien en se plaçant à un point de vue plus panoramique permettant une théorisation de ces rapports.

Nathalie Vuillemin analyse la réflexion menée par les savants du XVIIIe siècle qui, recourant à l’hypothèse pour pallier une impossible observation, s’interrogent sur le rôle et la portée de la fiction dans le cadre de la science moderne. C’est sur les discours des origines qu’elle a choisi de fonder son étude, et plus précisément sur le traitement du chaos : un discours où la démarche scientifique se trouve confrontée au récit de la Genèse.

Florence Boulerie s’intéresse aux femmes pédagogues du siècle des Lumières : Mme Leprince de Beaumont et Mme de Genlis. La question du rapport entre fictions et sciences prend une autre dimension dans ces ouvrages destinés à l’éducation des enfants, et donc s’inscrivant pleinement dans une démarche morale et pédagogique.

Magali Fourgnaud nous invite à une relecture de deux contes de Diderot : Les Bijoux indiscrets (1748) et L’Oiseau blanc, conte bleu (1749). Il s’agit, en s’intéressant aux modalités de la mise en scène de l’opposition entre la théorie cartésienne des idées innées et la philosophie expérimentale de Newton, d’analyser les enjeux épistémologiques du conte philosophique diderotien.

C’est à un auteur moins connu, François-Amédée Doppet, médecin et écrivain de la seconde moitié du XVIIIe siècle, que se consacre Bénédicte Prot. Son « ouvrage médico-romancier », Le Médecin de l’amour, présente l’intérêt de mêler théories médicales et réflexions sur la littérature et ses effets.

Dans sa contribution, Rudy Le Menthéour s’intéresse à la fortune d’une simple figure de style, l’analogie végétale, qui accède au XVIIIe siècle à un statut scientifique dans certains textes au statut hybride qui oscillent entre projet et fiction de perfectionnement de l’homme. La transplantation, la greffe, la germination et la sélection constituent des clés pour comprendre les débats sur la génération à l’époque des Lumières. Son étude se fonde alors sur trois ouvrages différents du milieu du siècle : un traité-roman, l’Emile de Rousseau, un traité d’hygiène, l’Essai sur la manière de perfectionner l’espèce humaine, de Charles-Augustin Vandermonde, et un songe philosophique, Amilec de Tiphaigne de La Roche.

C’est sous un angle différent et complémentaire que Philippe Vincent s’intéresse lui aussi à cet auteur injustement méconnu, en se demandant pourquoi Charles-François Tiphaigne de La Roche, qui avait commis une thèse de médecine sur la question des sympathies, reprit son propos dans son premier ouvrage fictionnel, L’Amour dévoilé ou Le Système des sympathistes.

Les trois contributions suivantes se focalisent sur Jules Verne. Après un premier article consacré aux rapports qu’entretiendraient les voyages dans l’espace verniens avec l’œuvre de Cyrano de Bergerac, la contribution de Jean-Michel Racault se concentre sur les voyages souterrains. Cette exploration critique permet notamment de reconsidérer l’orientation idéologique des grands romans tels que le Voyage au centre de la Terre ou les Indes noires, et de révéler les ambiguïtés de ces fictions scientifiques.

Vincent Tavan revient sur le projet vernien tel qu’il a été établi avec l’éditeur Hetzel pour dégager les caractéristiques d’une poétique de la science : au-delà de la dimension pédagogique assumée par Verne, il se demande comment l’auteur manifeste cette volonté de s’inscrire dans l’histoire de la littérature avec la force novatrice que représente la science en cette deuxième moitié du XIXe siècle.

Deux auteurs de la fin du XIXe siècle font l’objet des études suivantes : Emile Zola, puis Villiers de L’Isle-Adam. Colin Foss met en relation les théories médicales de l’alcoolisme dans la seconde moitié du XIXe siècle avec l’œuvre d’Emile Zola, avec, pour fil conducteur l’expression métaphorique « ivre-mort » et ses implications tant biologiques que littéraires. Romain Enriquez propose une nouvelle lecture de L’Incomprise de Villiers de L’Isle-Adam, qu’il interprète comme un dialogue avec les représentations scientifiques de l'époque, notamment celles de l'aliénisme et de la médecine mais aussi les théories de Lombroso.

Enfin, les trois dernières contributions portent sur le XXe et le XXIe siècle. Antoine Ducoux s’intéresse au rapport ambivalent qu’entretient Julio Cortázar avec le discours scientifique : il s’agit ici d’étudier, notamment à travers deux nouvelles, cette oscillation entre rejet et inspiration pour mieux saisir le rapport que l’auteur entretient avec la fiction et la langue.

Se fondant sur deux romans de 2012, Théorème vivant de Cédric Villani et Peste & Choléra de Patrick Deville, Stéphanie Chifflet analyse comment les sciences existent en partie par le récit qui en est fait : à partir de l’omniprésence de la fiction dans la sphère scientifique, elle en souligne l’importance dans l’imaginaire (du) scientifique, montrant ainsi que la science étant aussi un récit, la frontière entre fiction et science demeure bien poreuse. Bénédicte Letellier poursuit une réflexion symétrique, mais en proposant un audacieux rapprochement entre la poésie mystique et la théorie quantique. Langages différents, explications apparemment contraires, ces deux discours tendent cependant à dire le vivant et reposent sur un même principe à la fois poétique et épistémologique : créer des fictions pour transmettre une science – un savoir.

1 Voir notamment les ouvrages fondateurs suivants : Paul Hazard, La Crise de la conscience européenne, 1680-1715, Paris, Fayard, « Le Livre de Poche »

2 Texte disponible notamment sur : http://fr.wikisource.org/wiki/Critique_de_la_raison_pure/Pr%C3%A9face_de_la_seconde_%C3%A9dition

3 Galilée, Discours des Comètes, in : Dialogues et Lettres choisies, Paris, Hermann, « Histoire de la pensée », 1996, p. 65.

4 Et cela, parfois du fait même de ceux qui prônent la séparation des savoirs. A l’instar des libertins érudits du XVIIe siècle, certains philosophes

5 Voir la « Lettre au Père Mersenne » de novembre 1633, in : Descartes, Discours de la méthode, Paris, Garnier-Flammarion, 1992, p. 245-246

6 Ibid., p. 62-63 (je souligne).

7 Descartes, Le Monde, in : Œuvres, T. 4, Paris, 1824.

8 Sur ce point, je me permets de renvoyer à mon ouvrage : Les fictions à vocation scientifique de Cyrano à Diderot, Bordeaux, « Mirabilia », 2013, 760

9 Les épigones sont bien plus nombreux. Bernardin de Saint-Pierre aussi sacrifia à cette vogue au début de sa carrière. Sur les principaux épigones de

10 Ce texte fut l’un des plus répandus dans les bibliothèques publiques et privées du XVIIIe siècle en France, comme le signale A. Gipper : « 

11 Voltaire, Lettre à M. de Cideville, de Paris, 16 avril 1735.

12 Fontenelle, Préface sur l’utilité des mathématiques, Œuvres Complètes, Tome VI, A. Niderst (éd.), Paris, Fayard, « Corpus des œuvres de philosophie

13 Gilles-Augustin Bazin, Abrégé de l’Histoire des Insectes, Pour servir de suite à l’Histoire Naturelle des Abeilles, Paris, Chez les Frères Guérin

14 Voir, par exemple, le « portrait » du lion par Buffon dans son Histoire naturelle et son analyse succincte par F. Charbonneau : L’Art d’écrire la

15 Voir notamment : Claudine Poulouin, Le Temps des origines : savoirs et représentations de Pascal à l’ « Encyclopédie », Paris, Champion, 1998 ;

16 Voir, outre l’article de Philippe Vincent infra : Thierry Belleguic, Eric Van der Schueren, Sabrina Vervacke (dir.), Les Discours de la sympathie.

17 Colas Duflo, Les Aventures de Sophie. La philosophie dans le roman au XVIIIe siècle, Paris, CNRS éditions, « Biblis », 2013, p. 9.

18 Christophe Martin, « Educations négatives ». Fictions d’expérimentation pédagogique au XVIIIe siècle, Paris, Garnier, 2010. Voir aussi :

19 Voir notamment les travaux de Florence Boulerie.

20 Yves Citton, « La preuve par l’Emile : dynamique de la fiction chez Rousseau », Poétique, 1994, n° 100, disponible aussi ici : http://tecfa.unige.

21 L’expression est de Béatrice Fink qui a analysé cette problématique notamment dans Les Liaisons savoureuses. Réflexions et pratiques culinaires au

22 Pierre-Thomas-Nicolas Hurtaut, L’Art de péter. Essai théori-physique et méthodique à l’usage des personnes constipées, des personnes graves et

23 François-Amédée Doppet, Traité du fouet. Ouvrage médico-philosophique suivi d’une dissertation sur tous les moyens capables d’exciter aux plaisirs

24 La Philosophie des vapeurs, suivi d’une Dissertation sur les vapeurs et les pertes de sang, Sabine Arnaud (éd.), Paris, Mercure de France, 2009.

25 Sur cet ouvrage, voir Les Fictions à vocation scientifiques, op. cit., p. 428-454 ; ainsi que Claudine Cohen, Science, libertinage et clandestinité

26 Jean Starobinski, « le philosophe, le géomètre, l’hybride », Poétique n° 21, p. 22.

27 Joël Castonguay-Bélanger, Les Ecarts de l’imagination. Pratiques et représentations de la science dans le roman au tournant des Lumières, P.U. de

28 L’œuvre est pourtant considérée par certains critiques comme la première œuvre de Science-fiction, voir Brian Aldiss, Billion Year Spree, Londres

29 Voir notamment : Jean-Jacques Bridenne, La Littérature française d’imagination scientifique, Paris, Dassonville, 1950 ; Gérard Millet et Denis

30 On pourra se reporter avec profit aux nombreux travaux de Christian Chelebourg, de Simone Vierne et de Nadia Minerva.

31 In : Europe, « La Science-fiction », n° 870, octobre 2001, p. 10-16.

32 Les travaux sont en effet nombreux, que l’on considère les études sur une période précise comme le numéro 31 (1999) de la revue Dix-Huitième Siècle

1 Voir notamment les ouvrages fondateurs suivants : Paul Hazard, La Crise de la conscience européenne, 1680-1715, Paris, Fayard, « Le Livre de Poche », 1961 ; Hélène Tuzet, Le Cosmos et l’Imagination, Paris, José Corti, 1965 ; Jean Ehrard, L’idée de nature en France à l’aube des Lumières, Paris, Flammarion, « Science de l’histoire », 1970 ; Alexandre Koyré, Du monde clos à l’univers infini, Paris, Gallimard, « Tel », 1973 ; Fernand Hallyn, La structure poétique du monde : Copernic, Kepler, Paris, Seuil, 1987. Mais on peut aussi consulter avec profit : Paolo Rossi, Aux origines de la science moderne, J. Le Goff (éd.), Paris, Seuil, « Points », 1999 ; ainsi que Daniel Raichvarg et Jean Jacques, Savants et ignorants, Une histoire de la vulgarisation des sciences, Paris, Seuil, « Points sciences », 1991.

2 Texte disponible notamment sur : http://fr.wikisource.org/wiki/Critique_de_la_raison_pure/Pr%C3%A9face_de_la_seconde_%C3%A9dition

3 Galilée, Discours des Comètes, in : Dialogues et Lettres choisies, Paris, Hermann, « Histoire de la pensée », 1996, p. 65.

4 Et cela, parfois du fait même de ceux qui prônent la séparation des savoirs. A l’instar des libertins érudits du XVIIe siècle, certains philosophes des Lumières se servent des découvertes scientifiques pour réfuter le discours théologique : retournant l’ancienne hiérarchie des domaines du savoir, ils continuent paradoxalement à en souligner les liens.

5 Voir la « Lettre au Père Mersenne » de novembre 1633, in : Descartes, Discours de la méthode, Paris, Garnier-Flammarion, 1992, p. 245-246

6 Ibid., p. 62-63 (je souligne).

7 Descartes, Le Monde, in : Œuvres, T. 4, Paris, 1824.

8 Sur ce point, je me permets de renvoyer à mon ouvrage : Les fictions à vocation scientifique de Cyrano à Diderot, Bordeaux, « Mirabilia », 2013, 760 p. Pour un résumé au sujet de ce glissement épistémologique et poétique de l’hypothèse vers la fiction, voir notamment les pages 131 à 133.

9 Les épigones sont bien plus nombreux. Bernardin de Saint-Pierre aussi sacrifia à cette vogue au début de sa carrière. Sur les principaux épigones de Fontenelle au XVIIIe siècle, voir Fabrice Chassot, Le dialogue scientifique au XVIIIe siècle. Postérité de Fontenelle et vulgarisation des sciences, Paris, Classiques Garnier, « L’Europe des Lumières », n° 13, 2011.

10 Ce texte fut l’un des plus répandus dans les bibliothèques publiques et privées du XVIIIe siècle en France, comme le signale A. Gipper : « Vulgarisation scientifique et physico-théologie en France. Le Spectacle de la nature de l’abbé Pluche », in : Le Partage des Savoirs, xviiie-xixe siècles, Lise Andries (dir.), Lyon, PUL, 2003, p. 24. Voir aussi : G. Armand, « Le Spectacle de la Nature ou l’esthétique de la révélation de l’abbé Pluche », in : Dix-huitième siècle, n°45, La Nature, Colas Duflo (dir.), 2013, p. 329-345.

11 Voltaire, Lettre à M. de Cideville, de Paris, 16 avril 1735.

12 Fontenelle, Préface sur l’utilité des mathématiques, Œuvres Complètes, Tome VI, A. Niderst (éd.), Paris, Fayard, « Corpus des œuvres de philosophie en langue française », 1994, p.44.

13 Gilles-Augustin Bazin, Abrégé de l’Histoire des Insectes, Pour servir de suite à l’Histoire Naturelle des Abeilles, Paris, Chez les Frères Guérin, 1747.

14 Voir, par exemple, le « portrait » du lion par Buffon dans son Histoire naturelle et son analyse succincte par F. Charbonneau : L’Art d’écrire la science. Anthologie de textes savants du XVIIIe siècle français, Presses Universitaires de Rennes, 2006, p. 90-105.

15 Voir notamment : Claudine Poulouin, Le Temps des origines : savoirs et représentations de Pascal à l’ « Encyclopédie », Paris, Champion, 1998 ; Maria-Susana Seguin, Science et religion dans la pensée française du XVIIIe siècle : le mythe du déluge universel, Paris, Champion, 2001 ; Christophe Martin (dir.), Fictions de l’origine 1650-1800, Paris, Desjonquères, « L’Esprit des Lettres », 2012.

16 Voir, outre l’article de Philippe Vincent infra : Thierry Belleguic, Eric Van der Schueren, Sabrina Vervacke (dir.), Les Discours de la sympathie. Enquête sur une notion de l’âge classique à la modernité, Presses Universitaires de Laval, 2007.

17 Colas Duflo, Les Aventures de Sophie. La philosophie dans le roman au XVIIIe siècle, Paris, CNRS éditions, « Biblis », 2013, p. 9.

18 Christophe Martin, « Educations négatives ». Fictions d’expérimentation pédagogique au XVIIIe siècle, Paris, Garnier, 2010. Voir aussi : Jean-Michel Racault, « Le motif de "l’enfant de la nature" dans la littérature du XVIIIe siècle ou la recréation expérimentale de l’origine », in : Primitivisme et mythe des origines dans la France des Lumières, 1680-1820, Paris, PUPS, 1989, p. 101-117.

19 Voir notamment les travaux de Florence Boulerie.

20 Yves Citton, « La preuve par l’Emile : dynamique de la fiction chez Rousseau », Poétique, 1994, n° 100, disponible aussi ici : http://tecfa.unige.ch/proj/rousseau/preuve_emile.htm

21 L’expression est de Béatrice Fink qui a analysé cette problématique notamment dans Les Liaisons savoureuses. Réflexions et pratiques culinaires au dix-huitième siècle, Publications de l’Université de Saint-Etienne, « Lire le Dix-huitième Siècle », 1995.

22 Pierre-Thomas-Nicolas Hurtaut, L’Art de péter. Essai théori-physique et méthodique à l’usage des personnes constipées, des personnes graves et austères, des dames mélancoliques et de tous ceux qui restent esclaves du préjugé. Paris, Payot, 2006.

23 François-Amédée Doppet, Traité du fouet. Ouvrage médico-philosophique suivi d’une dissertation sur tous les moyens capables d’exciter aux plaisirs de l’amour et d’un catalogue aphrodisiaque, Paris, Payot, 2011.

24 La Philosophie des vapeurs, suivi d’une Dissertation sur les vapeurs et les pertes de sang, Sabine Arnaud (éd.), Paris, Mercure de France, 2009.

25 Sur cet ouvrage, voir Les Fictions à vocation scientifiques, op. cit., p. 428-454 ; ainsi que Claudine Cohen, Science, libertinage et clandestinité à l’aube des Lumières. Le transformisme de Telliamed, Paris, PUF, 2011.

26 Jean Starobinski, « le philosophe, le géomètre, l’hybride », Poétique n° 21, p. 22.

27 Joël Castonguay-Bélanger, Les Ecarts de l’imagination. Pratiques et représentations de la science dans le roman au tournant des Lumières, P.U. de Montréal, 2008, p. 25. Son corpus s’ouvre sur Le Philosophe sans prétention de Louis-Guillaume de La Folie (1775) qui constitue d’ailleurs un texte considéré comme quelque peu en marge du corpus des Fictions à vocation scientifique : ultime tentative littéraire de développer une démonstration scientifique dans la lignée de la révolution galiléenne et de l’élan cyranien d’une croyance en la fusion du poétique et du scientifique, l’œuvre n’a reçu qu’un médiocre succès.

28 L’œuvre est pourtant considérée par certains critiques comme la première œuvre de Science-fiction, voir Brian Aldiss, Billion Year Spree, Londres, Weidenfeld & Nicolson, 1973.

29 Voir notamment : Jean-Jacques Bridenne, La Littérature française d’imagination scientifique, Paris, Dassonville, 1950 ; Gérard Millet et Denis Labbé, La Science-fiction, Paris, Belin, 2001.

30 On pourra se reporter avec profit aux nombreux travaux de Christian Chelebourg, de Simone Vierne et de Nadia Minerva.

31 In : Europe, « La Science-fiction », n° 870, octobre 2001, p. 10-16.

32 Les travaux sont en effet nombreux, que l’on considère les études sur une période précise comme le numéro 31 (1999) de la revue Dix-Huitième Siècle, « Sciences et esthétique », ou encore Le partage des savoirs, XVIIIe-XIXe siècles, Lise Andries (dir.), Presses universitaires de Lyon, 2003 ; Frédérique Aït-Touati, Contes de la Lune. Essai sur la fiction et la science modernes, Paris, Gallimard, « NRF Essais », 2011 ; ou l’ouvrage récent de Gilles Bertrand et Alain Guyot (idr.), Des « passeurs » entre science, histoire et littérature. Contribution à l’étude de la construction des savoirs (1750-1840), Grenoble, Ellug, « Savoirs littéraires et Imaginaires scientifiques », 2011 ; ou que l’on s’intéresse à des périodes plus vastes, par exemple : Danielle Jacquart (dir.), De la science en littérature à la science-fiction, Paris, CTHS, 1996 ; Véronique Dufief-Sanchez (dir.), Les écrivains face au savoir, Etudes universitaires de Dijon, 2002 ; Chantal Foucrier (dir.), Les réécritures littéraires des discours scientifiques, Paris, Michel Houdiard éditeur, 2005.