Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? Les morales eudémonistes du roman libertin à ambition philosophique

Colas Duflo

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Colas Duflo, « Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? Les morales eudémonistes du roman libertin à ambition philosophique », Tropics [En ligne], Hors série n°2 | 2018, mis en ligne le 01 juillet 2018, consulté le 27 avril 2024. URL : https://tropics.univ-reunion.fr/695

Dans la série des trois dialogues de 1772, Madame de la Carlière, Ceci n’est pas un conte et le Supplément au Voyage de Bougainville, Diderot élabore un dispositif, articulant récits et argumentation – philosophie narrative donc – qui pense et donne à penser les causes qui font obstacle à notre bonheur : des idées morales inadéquates appliquées à des actions physiques qui ne les supposent pas, la contradiction entre les impératifs de la religion, ceux de la société influencée par elle et la nature humaine, le tout multiplié par les effets néfastes des passions petites et grandes qui aveuglent les individus qu’elles déterminent – sans compter les superstitions répandues par les prêtres et les préjugés partagés par la société. La fiction d’Otaïti est l’expérience de pensée d’une société libérée de ces causes du malheur humain, qui trouverait dans la norme naturelle le fondement immanent des bonnes règles de vie commune.

Si l’élaboration proposée par Diderot est profondément originale et produit un texte inclassable qui ressortit à la fois au dialogue philosophique, au conte moral et à l’utopie narrative, les problématiques dont elle se nourrit sont en revanche largement partagées dans un genre que Diderot connaît bien et pratique tant comme lecteur que comme écrivain : le roman libertin. Les conduites qu’il décrit, parce qu’elles ne sont pas conformes aux normes inculquées, sont autant d’expériences en philosophie morale qui donnent à penser, en dernière instance, sur le bonheur et le malheur humain, sur le rapport du bonheur aux plaisirs, les relations entre les corps et les sentiments, les passions et la nature. La remise en question des « préjugés » est le grand lieu commun philosophique de ces textes et un des premiers thèmes des « réflexions » dont leurs récits sont sans cesse traversés1. Dans les Mémoires de Suzon, un passage qui se souvient d’une scène similaire de Thérèse philosophe présente la narratrice encore enfant organisant avec les filles et les garçons de son âge des jeux de déshabillage auxquels ils trouvent grand plaisir et dans lesquels ils ne voient aucun mal. Surpris par leurs parents et punis en conséquence, ils perdent leur innocence en découvrant le crime :

Comme je ne connaissais pas encore toutes les entraves que le préjugé mettait au bonheur de l’homme, je regardais l’action de nos parents comme bien méchante et bien injuste. À présent que j’y réfléchis encore, il me semble que nous devons nous en prendre à nous-mêmes, si nous ne sommes pas heureux sur la terre. Oui, l’homme même a forgé de ses propres mains son malheur, et aiguisé les traits qui doivent lui percer le cœur. Ne serait-il pas à désirer qu’il n’eût jamais suivi que l’instinct de la nature, plutôt que de s’être soumis à des lois et à des coutumes qui n’ont été inventées que pour le malheur de l’humanité ? […] Dieu a fait naître tous les hommes avec les mêmes inclinaisons et les mêmes désirs ; en voulant les corriger, nous les détruisons presque entièrement, et les remplaçons par des vices qui dégradent et déshonorent l’humanité. […] Ne vaudrait-il pas mille fois mieux ressembler aux sauvages, qui sont errants et vagabonds dans les déserts, sans lois, sans usages et sans préjugés, fléaux du genre humain ? Ils coulent des jours heureux et tranquilles2.

Cette réflexion sur le bonheur, on peut montrer qu’elle est partagée dans de nombreux romans clandestins qui mettent en scène des expériences, non dans une société utopique éloignée mais ici même, portant sur la possibilité, les conditions et les effets d’une libération des préjugés. La forme romanesque permet d’articuler l’expérience de pensée et la pensée de l’expérience, le registre comique libère du risque de mièvrerie du roman sentimental et de l’idéologie spiritualiste qu’il véhicule, la fiction permet la présentation de modes de vie heureuse possibles, qui sont autant de représentations des bons effets de la philosophie morale qui les soutient : et si elle rend heureux, n’est-ce pas le signe qu’elle est vraie ?

Modèles narratifs

La forme du roman-mémoires, adoptée par de nombreux romans libertins, qui suivent en cela les courants dominants du genre romanesque du temps, invite en elle-même à une réflexion sur le bonheur. En effet, selon la définition même du genre, le mémorialiste écrit sa vie passée depuis un point de tranquillité, contraint ou choisi, qui lui permet de retracer ses aventures passées et accessoirement de réfléchir à leur sujet. Dans cette retraite studieuse, le je-narrant a souvent conquis une forme de sagesse, mais aussi une forme de bonheur apaisé, qu’il peut comparer aux tribulations du je-narré – dans ce double registre constitutif du genre, où l’adhésion sensible aux aventures passées et revécues par le récit va avec une distance marquée par l’ironie et l’abondance des réflexions. Ce point d’aboutissement à partir duquel écrire peut être présenté sous le modèle du renoncement à une vie passée, qui est condamnée comme un temps d’égarements, ou bien comme son aboutissement logique, qui n’implique alors pas de rejet du passé.

Dans le premier cas, les narrateurs se rattachent au genre du récit de conversion ou de confessions, dont saint Augustin fournit à la culture occidentale le grand modèle : émilie, narratrice des Confessions d’une courtisane devenue philosophe (1784), se repend des fautes de sa jeunesse et, pour ce faire, entreprend de les raconter. Libérée après un emprisonnement, elle renonce à sa vie ancienne et se retire à la campagne où elle écrit ses Mémoires et réfléchit sur la corruption des mœurs. Plus renversant, l’abbé de T***, narrateur des Lauriers ecclésiastiques (1748), renonce à sa carrière déjà bien entamée dans l’église, qui n’a été qu’une vie de débauche « parmi ces pieux fainéants »3, et obtient d’être relevé de ses vœux pour se marier avec celle qu’il aime et vivre heureux en ménage – on devine le vigoureux fond anticlérical du roman quand on voit que le modèle de bonheur vertueux proposé est celui de la sagesse mondaine par opposition aux dérèglements des religieux. Le plus radical dans ce rejet de sa vie passée est Saturnin, dont le dernier paragraphe vante la retraite chez les Chartreux – « C’est ici que mon cœur se fortifie dans la haine qu’il a conçue pour le monde »4 – confirmant le modèle de récit augustinien proposé dès la première page :

Quelles grâces n’ai-je pas à rendre au Tout-Puissant dont la miséricorde m’a retiré de l’abîme du libertinage où j’étais plongé, et me donne aujourd’hui la force d’écrire mes égarements pour l’édification de mes frères5.

Mais évidemment, on sent bien que cette première page, sur laquelle nous reviendrons, doit faire intégralement l’objet d’une lecture ironique et être comprise par antiphrase. La reprise du modèle du récit de conversion par le roman libertin se lit dans la connivence avec le lecteur que seul le récit des égarements intéresse, le prétendu repentir devient un alibi pour les raconter complaisamment.

L’autre modèle, où le point d’arrivée n’implique pas de condamnation du parcours qui y mène, est également très fréquent. L’exemple type, et très souvent imité, en est fourni par Thérèse philosophe, qui écrit depuis le point de sagesse et de bonheur où son parcours l’a mené, à la demande du « cher comte » son amant, pour transmettre les vérités utiles auxquelles elle est parvenue, dans un récit qui doit pour cette raison même lier narration et réflexion :

Si l’exemple, dites-vous, et le raisonnement ont fait votre bonheur, pourquoi ne pas tâcher de contribuer à celui des autres par les mêmes voies, par l’exemple et par le raisonnement6 ?

Du point de vue romanesque, d’ailleurs, le bonheur lui-même se raconte assez peu : il est le point d’aboutissement d’un parcours à partir duquel le narrateur peut raconter son existence. Mais il s’oppose narrativement à la péripétie, à l’aventure, à l’accident. Il se situe à l’écart du monde, puisque, selon un syntagme fréquent dans les titres mêmes des divers Mémoires fictifs, le narrateur doit être « retiré du monde » pour écrire, c’est-à-dire hors de la sphère de l’aventure possible. Le bonheur est un état durable sans événements, dont on peut décrire les conditions d’émergence et la forme, mais où le récit n’a plus lieu d’être, puisqu’il supposerait une altération de ce point de plénitude et de stabilité. Du bonheur atteint, il n’y a plus rien à dire. Il ne peut arriver que dans les dernières pages du roman-mémoires, lorsque le récit a accompli le trajet narratif que sa forme programme et que le je-narré coïncide enfin avec le je-narrant : le personnage est devenu le mémorialiste7. À la fin de Clairval philosophe, la narratrice, une femme qui s’est retirée du monde, est dans les bras de l’amant avec lequel elle vit une existence d’amour et de philosophie : « Ma plume m’échappe. Lecteur, je ne suis plus à vous… L’intérêt finit pour vous… il commence pour moi »8.

Bonheur et philosophie

Mais si l’état de bonheur n’offre guère matière à narration romanesque, puisqu’il est par définition sans péripéties et que le romanesque de l’âge classique ne se conçoit pas sans aventures, le roman clandestin à ambition philosophique, en revanche, a beaucoup à dire sur les causes qui lui font obstacle et sur la manière de les éviter. Philosophie morale narrative, il met en scène des expériences et en commente les leçons – ou plus souvent encore souligne les problèmes qu’elles posent et laisse au lecteur à les penser par lui-même.

Un des schémas récurrents de ces romans consiste à présenter des personnages qui vivent l’expérience du désir ou du plaisir dans l’inquiétude et la culpabilité. Ils sont en proie à la contradiction entre, d’un côté, leur nature et les besoins du corps et, de l’autre, les idées inadéquates inventées par la superstition de quelques fanatiques ennemis de la vie même et relayées par la société. Cette tension rend l’individu, toujours en guerre avec lui-même, malheureux. Dans le cadre d’une pensée morale eudémoniste, ce malheur même vaut pour preuve que les idées morales qui le produisent sont inadéquates. À contrario, le roman va s’attacher à montrer les bons effets d’un discours philosophique qui déculpabilise les plaisirs. La philosophie hétérodoxe, qui prend pour norme la nature en refusant les idées saugrenues des religions instituées, libère les individus des liens qui empoisonnent leurs jouissances. L’usage des plaisirs étant ainsi légitimé, rien ne s’oppose à une vie heureuse – et on remarquera qu’il y a ici continuité et non opposition des plaisirs au bonheur. Le titre de Mirabeau, Le Rideau levé, est en soi significatif, puisqu’il dit à la fois le dévoilement de la vérité philosophique et l’indiscrétion sexuelle. Le père délivre un discours à sa fille, Laure, qui met en avant le fait que ce n’est pas la religion mais la nature, et en particulier la nature en nous, qui devrait être productrice de droit. Ce discours, selon un lieu commun de ces romans clandestins, produit immédiatement un bon effet sur son auditrice, et le bonheur qu’il permet est le signe de sa vérité :

Il dégagea mon âme, par cet exposé de ses sentiments, d’un poids qui la surchargeait ; il lui rendit sa tranquillité et la remplit d’une joie parfaite9.

Tranquillité, joie parfaite : on voit bien qu’on a là, et ce n’est pas par hasard, les attributs classiques d’une description du bonheur. La philosophie hétérodoxe du père rend heureux. La joie sans reste d’inquiétude de la tradition philosophique n’était autre que le bon usage des plaisirs sans le poison de la superstition.

Par où cette longue dissertation insérée dans Le rideau levé répond, sous l’angle du roman libertin, à deux questions qui traversent tout le roman du dix-huitième siècle. Faut-il de la philosophie dans le roman ? Oui, parce que sinon la jouissance est honteuse, c’est une transgression dont le plaisir est empoisonné par la culpabilité, ce qui ne permet pas d’être véritablement heureux. Les Nonnes babillardes se donnent du plaisir, mais elles ne peuvent être heureuses que lorsqu’elles se sont persuadées, par des discours, que ce plaisir, étant dans la nature humaine, était légitime. Pour être heureux, il faut savoir qu’il n’y a pas de transgression, même si les idées reçues de la société obligent à la dissimulation et à l’élitisme d’une petite société choisie de gens éclairés et libres. Il est frappant de voir à quel point l’idée d’une jouissance propre à la transgression, qui sera développée chez certains personnages de Sade – qu’on songe au débat de Clairwill et Juliette autour de la profanation de l’hostie – et largement commentée à la lumière de la psychanalyse et d’une idéologie crypto-chrétienne par la critique du XXe siècle10, est relativement absente des textes qui nous occupent, ou bien caractérise des personnages méchants ou malheureux comme le père Dirrag, son usage des prie-Dieu et du cordon de saint François, Mme d’Inville prise entre son souci de respectabilité sociale et les exigences de son tempérament, ou la mère supérieure du couvent amoureuse de Suzanne dans La Religieuse de Diderot qui semble tout droit sortie de cette tradition. Ainsi, à la limite de cette normalisation déculpabilisante des plaisirs, le débat sur l’inceste dans Le Portier des chartreux, dont hérite le discours du père de Laure dans Le rideau levé, ne vise pas à en vanter la transgressivité supérieure, mais bien à nier qu’il y ait aucune espèce de transgression en affirmant qu’il s’agit d’une action naturelle comme une autre.

L’autre grande question qui traverse les romans à ambition philosophique du XVIIIe siècle est de savoir si la philosophie rend heureux. Question philosophique décisive puisque c’est bien sous cet argument de l’accession possible à une vie heureuse que la philosophie a fait sa propre promotion depuis Socrate. Mais aussi excellent sujet pour un scénario romanesque, dans le registre dramatique aussi bien que comique : on se souvient que le Cleveland de Prévost aussi bien que Candide de Voltaire mettaient en scène l’échec de la philosophie à tenir ce qu’elle promet (« Pangloss, il va falloir que je renonce à ta philosophie ») alors que Jacques le fataliste montre le bon effet du spinozisme rustique sur le valet. Le roman clandestin à ambition philosophique, dans son entreprise de publicité d’une philosophie morale hétérodoxe, répond par l’affirmative. Il met en scène, dans l’opposition des libres penseurs aux superstitieux, l’expérience heureuse de la libération des préjugés : si elle peut se raconter, alors elle est pensable et possible.

Il ne faut pas négliger la dimension comique et parodique de ces textes libertins et sa signification philosophique. L’attaque anti-superstitieuse se fait bien sûr en jouant de toutes les ressources du comique – déjà à l’œuvre dans la tradition gaillarde anti-cléricale11 – mais le discours religieux n’est pas la seule cible de ce travail décapant de l’humour. Le roman libertin s’assortit souvent d’une dimension parodique et critique à l’égard du discours sentimental, qui se trouve relégué dans la mièvrerie. Dans les Bijoux indiscrets, le sultan Mangogul se rend à l’opéra et tourne sa bague magique vers les actrices : au chant noble des grands sentiments succèdent les parodies du théâtre de la foire et des chansons paillardes qui disent la vérité des corps. Le narrateur du Portier des chartreux dit crûment que la vérité du discours amoureux est le désir sexuel, et la jeune érosie, devenue toute savante à la fin du Doctorat impromptu, constate le triomphe du « mécanisme » sur le « sentiment », aventure qui « a bien de quoi mettre en défaut tout système sur la cause et les effets de l’amour et de la volupté »12. Le rire sceptique qui conclut le texte renverse l’idéologie du discours sentimental et sa tentative d’ignorer le corps. Dans le débat qui traverse le siècle sur les bienfaits ou les méfaits d’une âme sensible, relancé particulièrement dans le champ romanesque par La nouvelle Héloïse et son célèbre « fatal présent du ciel qu’une âme sensible »13, il rappelle – réduction matérialiste oblige – ce qu’en dernière instance une âme sensible signifie. L’homme ne se peut penser sans le corps, ni le bonheur sans les plaisirs.

L’usage des plaisirs

Dès saint Augustin et son héritage antique une tradition philosophique dominante soutient une position platonico-chrétienne qui condamne les plaisirs par opposition au bonheur : c’est le multiple manifesté dans le pluriel par opposition à l’un, la pulvérulence de la chair par opposition à l’esprit, la matière par opposition au Bien, etc. C’est bien une telle idéologie que caricature jusqu’à l’insoutenable l’incipit du Portier des chartreux :

Que c’est une douce satisfaction pour un cœur d’être désabusé des vains plaisirs, des amusements frivoles et des voluptés dangereuses qui l’attachaient au monde ! Rendu à lui-même après une longue suite d’égarements, et dans le calme que lui propose l’heureuse privation de ce qui faisait autrefois l’objet de ses désirs, il sent encore ces frémissements d’horreurs, qui laissent dans l’imagination le souvenir des périls auxquels il est échappé ; mais il ne les sent que pour se féliciter de la sûreté où il se trouve : ces mouvements lui deviennent des sentiments chers, parce qu’ils servent à lui faire mieux goûter les charmes de la tranquillité dont il jouit14.

« Douce satisfaction », « calme », « sûreté », « charmes de la tranquillité » s’opposent à « vains plaisirs », « amusements frivoles », « voluptés dangereuses ». Les « égarements » et les « désirs » sont des « périls » qui doivent susciter des « frémissements d’horreur » dans l’individu désabusé des plaisirs mondains et rendu à lui-même. Mais de cette leçon tellement sage ainsi mise en scène qui oppose les plaisirs au bonheur, le lecteur qui n’aurait pas commencé à avoir quelques soupçons devant le côté exagérément orthodoxe – et comment ne concevrait-il pas quelque méfiance, lui qui s’est procuré un livre interdit à la réputation immédiatement sulfureuse, au titre provocant, édité « chez Philotanus », bref, lui que tout le paratexte a déjà mis en alerte ? – comprend très vite qu’il faut avoir une lecture ironique. Et lorsqu’il est arrivé à la fin de l’ouvrage et qu’il comprend que l’« heureuse privation » désigne par anticipation cruelle la castration dont Saturnin est bien malgré lui la victime, et qu’elle ne peut certes pas passer pour un bonheur, il se rend bien compte que ce début doit être lu exactement par antiphrase et qu’il convient de comprendre le contraire de ce qu’il dit.

La fin du livre, où l’histoire du personnage rejoint le présent du narrateur, revient sur cette thématique du bonheur religieux opposé aux plaisirs de la chair, avec une insistance sur ce thème qui ne doit rien au hasard. Privé de « la meilleure partie de lui-même », Saturnin se renseigne sur le sort de Suzon. « Il est plus heureux que le vôtre » lui répond-on, « elle est morte dans les remèdes »15. Errant, au désespoir, il passe devant le mur des chartreux :

« Heureux mortels, m’écriais-je, qui vivez dans cette retraite à l’abri des fureurs de la fortune, vos cœurs purs et innocents ne connaissent pas les horreurs qui déchirent le mien ! » L’idée de leur félicité m’inspira le désir de la partager. J’allais me jeter aux pieds du supérieur : je lui contai mes infortunes. « Ô mon fils » me dit-il, en m’embrassant avec bonté, « louez Dieu, il vous réservait ce port après tant de naufrages : vivez-y, et vivez-y heureux s’il est possible »16.

La répétition de l’adjectif « heureux » en quelques lignes, aussi bien que la haine du monde en laquelle se fortifie le mémorialiste dans le dernier paragraphe du texte, portent à nouveau la marque de l’exagération ironique, que dévoilent les tous derniers mots, l’épitaphe que se souhaite Saturnin : « His situs est Dom Bougre ; fututus, futuit ». Renversement destructeur de l’ironie, littérarité contre littéralité : le texte doit être lu à rebours de ce qu’il écrit. Le seul vrai bonheur, ce sont les plaisirs. Ou, plus précisément, il n’y a d’accès au bonheur que dans un bon usage des plaisirs, hors cette opposition idéologique que l’exagération ironique détruit, qui doit aller avec une déculpabilisation de la chair.

Mais un tel bonheur est-il possible ? Il suppose tant la définition d’une nouvelle forme de sagesse que l’invention du mode de vie qui lui correspond. La narration permet d’en montrer des figurations pensables, de mettre en scène une réflexion sur les conditions d’une bonne vie qui échapperait au lot commun du malheur.

La dernière scène de Thérèse philosophe présente Thérèse et son amant se livrant au plaisir, en pratiquant la contraception par le retrait. Passant du singulatif à l’itératif, cette première expérience sexuelle de Thérèse devient un mode de vie :

Nous recommençâmes et nos plaisirs se sont renouvelés depuis dix ans, dans la même forme, sans trouble, sans enfants, sans inquiétude17.

L’ataraxie, absence de trouble et d’inquiétude, et l’identité dans le temps sont bien caractéristiques du bonheur tel que le définit la tradition épicurienne, et ces qualités sont liées ici aux plaisirs et à leur bon usage. On voit que Thérèse philosophe définit une nouvelle sagesse, qui passe par les plaisirs sans l’inquiétude, et va avec la description d’un mode de vie. La philosophie narrative clandestine met en scène des formes de cette vie heureuse possible à l’échelle individuelle. Thérèse philosophe s’achève sur la description de la vie d’un couple monogame, non marié, à l’écart du monde, pensant librement dans l’entre soi et respectueux des conventions et des préjugés de la société à l’extérieur. Ce modèle du couple philosophique se retrouve dans un grand nombre de conclusions de romans, comme Clairval philosophe ou Les confessions d’une courtisane devenue philosophe (1784). La vie heureuse suppose d’abord de se protéger de la folie des hommes et d’appliquer pour ce faire la devise de Cremonini qui marque clairement comme une partie de l’honnêteté même la séparation du for intérieur et de la vie sociale : intus ut libet, foris ut moris est (« à l’intérieur, fais comme il te plaît ; à l’extérieur, agis selon la coutume »). L’héritage intellectuel du libertinage érudit passe aussi par cette reformulation du « vis caché » des épicuriens antiques, qui donne ici lieu à une forme d’élitisme qui réserve à la petite société des gens éclairés la capacité de goûter un plaisir sans trouble. Dans l’Histoire de Mlle Cronel dite Frétillon, un religieux tient à une jeune fille qu’il « éduque » ce discours topique :

Que les hommes sont simples […] de se figurer qu’un Dieu qu’ils croient punira les faiblesses d’un amour subordonné à la nature. […] Laissons donc les simples errer dans les voies d’une simplicité stupide, livrons-nous sans ressources aux tendres égarements d’une passion innocente, et sachons nous borner aux devoirs capitaux de la société18.

Le roman clandestin s’attache à montrer qu’une vie libérée de la superstition, articulant différemment le rapport du bonheur au plaisir, est possible et heureuse, et qu’elle peut contribuer à la formulation d’une nouvelle figure de l’honnêteté, entièrement sécularisée, dont la nature et la société sont les normes immanentes. À la fin d’Imirce ou la fille de la nature, Ariste, le philosophe qui a élevé selon la nature Imirce et émilor – on voit sans peine quelles sont les lectures de Dulaurens dans le choix de ce prénom – leur tient un discours les invitant à être juste et à suivre la loi que le Ciel a gravé en eux, puisqu’à la différence des autres hommes ils ne connaissent pas le fanatisme et la superstition et que la nature leur sert de norme. La bonne vie que ces enfants de la nature mènent une fois adultes vaut comme épreuve expérimentale par fiction de la possibilité et de la positivité de ce bonheur philosophique libéré des préjugés :

L’image d’Ariste, ou plutôt son esprit, est toujours avec nous ; nous suivons ses conseils, nous pratiquons l’hospitalité, nous aidons de nos richesses les pauvres de la paroisse et des environs ; nous jouissons innocemment des bienfaits du Créateur ; nous ne faisons aucune mauvaise action ; les remords ni le fiel de la superstition ne troublent pas nos plaisirs, nous les goûtons aussi purs que la nature les a faits19.

Il est frappant de voir que, dans toutes ces représentations d’une vie philosophique heureuse possible, qui viennent souvent comme une conclusion obligée aux romans-mémoires clandestins, l’hétérodoxie la plus radicale quant à la morale et à la religion s’accompagne d’un grand conformisme politique – le plus marquant à cet égard étant la conclusion de Thérèse philosophe qui réaffirme les éléments fondamentaux du « spinozisme » développé dans l’ouvrage et appelle dans le même temps à respecter et aimer les lois de la société, les rois, les princes, les magistrats et toute la hiérarchie sociale. La vie heureuse, libérée des préjugés, n’est que pour quelques-uns qui peuvent s’installer légèrement en retrait du monde et de ses trépidations. En un sens, le roman clandestin appartient ici, comme souvent, à son temps, et donne sa version érotique d’un idéal de la micro-société qui traverse les Lettres du XVIIIe siècle – de Voltaire à Bernardin de Saint-Pierre en passant par Rousseau20.

Certains textes imaginent cependant des utopies sexuelles. Dans Le portier des chartreux, la vie des moines, qui pratiquent la communauté des femmes dans le cadre de la « piscine » – le bordel dissimulé par les murs de l’institution – est bien une forme d’imaginaire politique. D’autant que l’auteur prend bien soin de donner la parole à une des pensionnaires de la piscine, qui explique à Saturnin que, étant donné la condition de la femme dans la société du XVIIIe siècle – soit mariée, soit religieuse –, son sort est le meilleur possible et qu’elle en est pleinement heureuse. Dans Les Bijoux indiscrets, Diderot avait envisagé tardivement de rajouter des chapitres qui auraient été une version fantaisiste du Supplément au Voyage de Bougainville, décrivant une société insulaire fondée sur une science des bons appariements en matière sexuelle. Mais ces figurations d’un bonheur collectif, au reste plutôt rares dans notre corpus, sont d’emblée placées sous le signe de l’irréalité d’une fiction qui se dit comme telle.

La libération des préjugés, le contrôle des passions et le bon usage déculpabilisé des plaisirs dans une vie philosophique à l’abri du monde suffisent-ils toutefois à garantir un bonheur sans trouble ? Un certain nombre d’angoisses affleurent dans les réflexions du roman, qui révèlent combien les inquiétudes demeurent au sein des plaisirs :

Mon bonheur était trop parfait pour être durable. Tel est le sort de l’humanité. Elle ne peut jouir constamment d’une félicité suivie. Mille éléments imprévus en arrêtent le cours21.

La narratrice Frétillon livre là des lieux communs des romans en général, qui se déclinent dans le roman libertin en quelques angoisses plus particulières. La peur de l’épuisement tout d’abord. L’imaginaire sexuel du XVIIIe est beaucoup pensé du côté de la performance quantitative et pas seulement dans les textes de fictions, puisqu’il suffit de lire Casanova pour s’en rendre compte. Le revers de cette représentation du sexuel est évidemment, du côté masculin, l’angoisse de l’incapacité22. Dom Bougre, est au bout d’un moment tellement excédé des plaisirs variés de la piscine qu’il sombre dans une forme d’atonie dont seule pourrait le tirer, selon les conseils d’un vieux moine, la séduction d’une jeune pénitente à l’occasion de la confession. La représentation du couple philosophique monogame des fins de romans-mémoires est aussi une manière de conjurer cette crainte d’épuisement par excès.

Du côté féminin, c’est le risque d’être enceinte qui est source d’angoisse. Parce qu’il représente un danger physique réel, bien sûr, dans une période où de nombreuses femmes meurent en couches – qu’on songe à la marquise du Châtelet, victime de la maladresse de Saint-Lambert son amant. Parce qu’il représente un danger social également, l’enfant hors-mariage étant une source de scandale qui peut compromettre complètement la valeur sociale d’une jeune fille (sa capacité à figurer en société, à faire un mariage avantageux, etc.). De là le fait que les romans clandestins abondent en explications très pédagogiques sur le mécanisme de la conception et sur la manière de l’éviter. On peut d’ailleurs se demander dans quelle mesure ils n’ont pas contribué non seulement à la diffusion des idées hétérodoxes en matière de mœurs et de religion mais aussi, plus concrètement, de connaissances et de pratiques sexuelles que l’église catholique réprouve23.

Moyennant quoi, on peut penser que le roman libertin aura contribué à diffuser la philosophie morale des Lumières hétérodoxes qui voit dans une fondation naturelle des valeurs et des normes la possibilité de penser un bonheur terrestre qui passe par un usage déculpabilisé des plaisirs mesurés, une forme d’épicurisme moderne qui serait le versant pratique du « spinozisme moderne » matérialiste défini par Diderot pour la philosophie fondamentale : un bonheur sans mièvrerie.

Philosophie morale narrative, donc, qui passe par l’exemple et le raisonnement, le récit et la dissertation, pour promouvoir une pensée hétérodoxe qui substitue à la vertu chrétienne une nouvelle définition de l’honnêteté dans le cadre d’une morale eudémoniste immanente au corps et à la société. C’est de manière tout à fait délibérée que la conclusion de Thérèse philosophe lie, dans son grand moment récapitulatif, bonheur public et bonheur individuel, honnêteté et déterminations du corps :

Le bonheur dépend de la conformation des organes, de l’éducation, des sensations externes ; et les lois humaines sont telles que l’homme ne peut être heureux qu’en les observant, qu’en vivant en honnête homme24.

1 Le présent article prolonge des travaux antérieurs : sur la notion de « philosophie narrative », voir C. Duflo, Les Aventures de Sophie, la

2 Mémoires de Suzon, sœur de D.. B.... portier des chartreux, écrits par elle-même ; où l’on a joint la Perle des Plans économiques ou la Chimère

3 Les Lauriers ecclésiastiques ou Campagnes de l’abbé de T*** avec le Triomphe des religieuses […], à Luxuropolis, de l’Imprimerie ordinaire du

4 Gervaise de Latouche, Histoire de Dom B***, portier des chartreux, écrite par lui-même, éd. Alain Clerval, in Romanciers libertins du XVIIIe

5 Ibid. p. 335.

6 Thérèse philosophe ou Mémoires pour servir à l’histoire du Père Dirrag et de Mademoiselle Éradice, éd. Florence Lotterie, Paris, GF-Flammarion

7 Comme on sait, cette fin n’arrive pas toujours, lorsque l’auteur laisse le récit inachevé : Marivaux, Crébillon, Prévost en fournissent quelques

8 Durosoy, Clairval philosophe ou la force de passions. Mémoires d’une femme qui s’est retirée du monde, La Haie, 1765, II, 306.

9 Mirabeau, Le rideau levé ou l’éducation de Laure (1788), in Mirabeau, Œuvres érotiques, in L’Enfer de la Bibliothèque Nationale, I, dir. Michel

10 On songe ici aux ouvrages désormais classiques de Klossovski (Sade mon prochain, Paris, Seuil, 1947) ou de Bataille (L’érotisme, Paris, Minuit

11 Par exemple dans le conte de La Fontaine, « Les Frères de Catalogne ».

12 Andréa de Nerciat, Le Doctorat impromptu, éd. A. Chareyre-Méjan et C. Floren, Actes sud, 1993, p. 70.

13 Rousseau, Julie ou La nouvelle Héloïse, première partie, Lettre 26. Sur les avatars de cette formule, voir à nouveau Michel Delon : « "Fatal

14 Gervaise de Latouche, Histoire de Dom B***, éd. cit., p. 335.

15 Ibid. p. 494.

16 Ibid. p. 495.

17 Thérèse philosophe, éd. cit., p. 195.

18 Histoire de Mlle Cronel, dite Frétillon, La Haye, 1742, p. 67.

19 Du Laurens, Imirce ou la fille de la nature (1765), éd. Annie Rivara, Saint-étienne, Publications de l’Université de Saint-étienne, 1993.

20 Voir notamment Jean-Michel Racault, L’utopie narrative en France et en Angleterre, 1675-1761, Voltaire Foundation, Oxford, 1991.

21 Histoire de Mlle Cronel dite Frétillon, éd. cit., p. 45.

22 Voir Yves Citton, Impuissances. Défaillances masculines et pouvoir politique de Montaigne à Stendhal, Paris, Aubier, 1994.

23 Les historiens du livre clandestin, et au premier chef Robert Darnton, ont bien montré l’importante diffusion de certains de ces textes dans le

24 Thérèse philosophe, éd. cit., p. 197.

1 Le présent article prolonge des travaux antérieurs : sur la notion de « philosophie narrative », voir C. Duflo, Les Aventures de Sophie, la philosophie dans le roman au XVIIIe siècle, Paris, CNRS éditions, 2013. Sur son application à l’étude du roman libertin à ambition philosophique, voir, C. Duflo, « Aspects philosophiques du roman libertin : Thérèse philosophe », in Archives de Philosophie, n°78, 2015, p. 433-450. Lesquels s’inscrivent eux-mêmes dans la lignée de recherches pionnières, telles celles de Michel Delon (« De Thérèse philosophe à La Philosophie dans le boudoir, la place de la philosophie », Cahiers d’histoire des littératures romanes, 7, 1/2, 1983, p. 76-88) ou de Roland Mortier (« Les voies obliques de la propagande philosophique », dans Le Cœur et la raison, Oxford, Voltaire Foundation, Bruxelles, Universitas, 1990).

2 Mémoires de Suzon, sœur de D.. B.... portier des chartreux, écrits par elle-même ; où l’on a joint la Perle des Plans économiques ou la Chimère raisonnable, à Londres, 1778, éd. Michel Delon, in Romanciers libertins du XVIIIe siècle, II, sous la dir. de Patrick Wald Lasowski, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2005, p. 898-899.

3 Les Lauriers ecclésiastiques ou Campagnes de l’abbé de T*** avec le Triomphe des religieuses […], à Luxuropolis, de l’Imprimerie ordinaire du clergé, 1748, p. 18.

4 Gervaise de Latouche, Histoire de Dom B***, portier des chartreux, écrite par lui-même, éd. Alain Clerval, in Romanciers libertins du XVIIIe siècle, sous la dir. de Patrick Wald Lasowski, Paris, Gallimard, 2000, p. 496.

5 Ibid. p. 335.

6 Thérèse philosophe ou Mémoires pour servir à l’histoire du Père Dirrag et de Mademoiselle Éradice, éd. Florence Lotterie, Paris, GF-Flammarion, 2007, p. 75.

7 Comme on sait, cette fin n’arrive pas toujours, lorsque l’auteur laisse le récit inachevé : Marivaux, Crébillon, Prévost en fournissent quelques exemples.

8 Durosoy, Clairval philosophe ou la force de passions. Mémoires d’une femme qui s’est retirée du monde, La Haie, 1765, II, 306.

9 Mirabeau, Le rideau levé ou l’éducation de Laure (1788), in Mirabeau, Œuvres érotiques, in L’Enfer de la Bibliothèque Nationale, I, dir. Michel Camus, Fayard, 1984, p. 434.

10 On songe ici aux ouvrages désormais classiques de Klossovski (Sade mon prochain, Paris, Seuil, 1947) ou de Bataille (L’érotisme, Paris, Minuit, 1957 ; La Littérature et le mal, Paris, Gallimard, 1957).

11 Par exemple dans le conte de La Fontaine, « Les Frères de Catalogne ».

12 Andréa de Nerciat, Le Doctorat impromptu, éd. A. Chareyre-Méjan et C. Floren, Actes sud, 1993, p. 70.

13 Rousseau, Julie ou La nouvelle Héloïse, première partie, Lettre 26. Sur les avatars de cette formule, voir à nouveau Michel Delon : « "Fatal présent du ciel qu’une âme sensible". Le succès d’une formule de Rousseau », études Jean-Jacques Rousseau, 5, 1991, p. 53-64.

14 Gervaise de Latouche, Histoire de Dom B***, éd. cit., p. 335.

15 Ibid. p. 494.

16 Ibid. p. 495.

17 Thérèse philosophe, éd. cit., p. 195.

18 Histoire de Mlle Cronel, dite Frétillon, La Haye, 1742, p. 67.

19 Du Laurens, Imirce ou la fille de la nature (1765), éd. Annie Rivara, Saint-étienne, Publications de l’Université de Saint-étienne, 1993.

20 Voir notamment Jean-Michel Racault, L’utopie narrative en France et en Angleterre, 1675-1761, Voltaire Foundation, Oxford, 1991.

21 Histoire de Mlle Cronel dite Frétillon, éd. cit., p. 45.

22 Voir Yves Citton, Impuissances. Défaillances masculines et pouvoir politique de Montaigne à Stendhal, Paris, Aubier, 1994.

23 Les historiens du livre clandestin, et au premier chef Robert Darnton, ont bien montré l’importante diffusion de certains de ces textes dans le public qui lit. Voir notamment Robert Darnton, édition et sédition. L’univers de la littérature clandestine au XVIIIe siècle, Paris, Gallimard, 1991.

24 Thérèse philosophe, éd. cit., p. 197.

Colas Duflo

Colas Duflo est Professeur à l’Université de Paris-Nanterre. Il dirige l’équipe Litt&Phi (Littérature et philosophie) au sein du CSLF (Centre des Sciences des Littératures de Langue Française). Spécialiste du dix-huitième siècle, il s’intéresse aux rapports entre philosophie et roman, à Diderot et à Bernardin de Saint-Pierre. Publications récentes : Les Aventures de Sophie. La philosophie dans le roman au XVIIIe siècle (CNRS Editions, 2013) ; Diderot. Du matérialisme à la politique (CNRS Editions, 2013) ; Diderot philosophe (Champion, 2003, rééd. 2013).