Avant-propos

Guilhem Armand

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Guilhem Armand, « Avant-propos », Tropics [En ligne], 2 | 2015, mis en ligne le 01 décembre 2015, consulté le 04 décembre 2024. URL : https://tropics.univ-reunion.fr/587

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Armand (Guilhem)

TrOPICS accueille désormais une rubrique de Varia à la suite du numéro thématique. La recherche n’est pas toujours une question de projets collectifs et de plans quadriennaux basés sur des critères dits d’excellence – voire sur des effets de mode – et dont résultent, la plupart du temps, les appels à communication ou à publication. Le chercheur en sciences humaines connaît parfois une progression de ses recherches personnelles qui l’amène quelque peu à la marge des sentiers tracés par les grands axes décidés depuis les centres. Si ceux-ci sont essentiels, la liberté individuelle du chercheur ne l’est pas moins et peut faire tout autant avancer la connaissance. Or il convient de rendre compte de ces études, parfois étapes nécessaires dans l’avancement de projets plus vastes : que l’on pense au chercheur expérimenté qui développe un axe personnel ou au néophyte qui explore ou prolonge une réflexion sur sa thèse.

TrOPICS se propose donc d’être aussi le lieu de publication de certains travaux « hors-sol », toujours selon les critères de la revue et ses exigences scientifiques (comité ad hoc et lecture en double aveugle).

Huit articles composent aujourd’hui cette première rubrique de Varia. Si la plupart sont essentiellement orientés vers la littérature, ils ressortissent néanmoins – dans l’esprit de DIRE, l’équipe d’accueil à laquelle est rattachée la revue – à divers domaines (l’opéra), diverses approches (génétique, thématique, comparatisme), diverses époques (du XVIe à nos jours) et contrées (Afrique, Amérique, Europe).

Nicolas Correard est remonté aux origines de la figure du savant-fou, bien connu des lecteurs de romans fantastiques ou de l’amateur de cinéma SF : en s’intéressant à la figure du Morosophe de la Renaissance, il étudie des auteurs et des œuvres en marge de toute catégorisation univoque et nous entraîne dans un monde littéraire et philosophique, dans la continuité de More et d’Érasme, où folie et sagesse semblent se fondre pour mieux nous confondre. Loin du mythe faustien ou prométhéen, le Morosophe souligne bien au contraire l’impuissance du savant.

Caroline Hoarau propose une relecture de l’Histoire d’une Grecque moderne de l’abbé Prévost à la fois comme réécriture du mythe de Pygmalion et comme renouvellement philosophique des questionnements à l’œuvre dans L’École des femmes. Elle souligne ainsi combien la problématique de l’interprétation au cœur de la diégèse prend une portée métatextuelle pour interroger la fiction en tant que telle.

Avec la contribution de Sébastien Baudoin, on reste dans le domaine littéraire et même, le plus « classique » puisqu’il revient sur une la question de l’autobio­graphie chez Chateaubriand ; mais c’est pour s’intéresser à un texte encore un peu méconnu, au statut incertain : la Vie de Rancé. Il analyse ici comment la biographie d’un abbé se trouve investie par l’écriture autobiographique, sur le plan diégétique mais aussi stylistique, mettant ainsi au jour le concept d’outre-écriture.

En se penchant sur Les Troyens d’Hector Berlioz, Gaëlle Loisel nous fait entendre le fonctionnement de la récurrence d’un motif à l’opéra. Concentrant son analyse sur le dernier acte – et plus particulièrement sur « Adieu fière cité » – elle montre comment la scène s’ouvre par ce medium sur une autre scène imaginaire, comment la récurrence motivique donne véritablement à voir le sentiment de l’héroïne.

Vincent Tavan poursuit sa réflexion sur l’œuvre vernienne, encore trop souvent classée parmi les ouvrages de SF. C’est à la dimension politique de l’œuvre qu’il s’intéresse ici, soulignant la profondeur paradoxale de certaines intuitions d’apparence légère dans quatre textes d’anticipation : « Une Ville idéale », L’Île à hélice, « La Journée d’un journaliste américain en 2890 » et Paris au XXe siècle.

On sait combien la littérature latino-américaine a renouvelé le fantastique, notamment par son exploitation du réalisme magique. C’est tout particulièrement valable en ce qui concerne Horacio Quiroga sur lequel se penche ici Anouck Linck : et c’est à un conte quelque peu marginal de cet auteur qu’elle confronte les théories du fantastique pour démontrer comment ce texte déjoue les dichotomies traditionnelles (nature/surnature ; corps/esprit) dans une esthétique qui renverse les notions de rationnel et d’irrationnel, renouvelant ainsi le genre.

Sonia Kotiah offre une lecture de The Passion of New Eve d’Angela Carter, roman caractéristique du postmodernisme, au confluent de divers genres. Dans une approche de type gender – à laquelle invite l’écriture d’Angela Carter – elle inter­roge le texte pour montrer comment s’y écrit et s’y fonde une nouvelle compré­hension culturelle du monde.

Enfin Marc Arino revient sur le génocide rwandais à travers l’étude de plusieurs récits qui relèvent du documentaire ou de la fiction. Cette étude se situe à mi-chemin de l’analyse littéraire et de l’approche anthropologique et historiographique, croisement nécessaire pour comprendre un discours portant sur une violence si récente, pour saisir comment elle se dit dans une oscillation entre la mise à distance et la plongée dans l’horreur.