Préface

Valérie Andrianjafitrimo-Magdelaine, Guilhem Armand et Yolaine Parisot

Citer cet article

Référence électronique

Valérie Andrianjafitrimo-Magdelaine, Guilhem Armand et Yolaine Parisot, « Préface », Tropics [En ligne], 4 | 2017, mis en ligne le 01 décembre 2017, consulté le 21 décembre 2024. URL : https://tropics.univ-reunion.fr/742

Dans son tout premier poème, publié dans L’Almanach des Muses en 1772, intitulé « Aux Sauvages », Antoine de Bertin feint de plaindre les Bourbonnais pour louer la vie parisienne et ses artifices1. Mais l’épître relève de ce qui est déjà une tradition des Lumières et joue de l’antiphrase pour dénoncer la facticité de la capitale et souligner la facilité de la vie sous les tropiques. En ce sens, il s’inscrit aussi dans la continuité d’une vision de l’île comme locus amoenus, véritable paradis terrestre selon Flacourt qui y avait envoyé des mutins de Fort-Dauphin, devenus les premiers habitants de Bourbon2. Jouant sur la corde exotique alors en vogue à Paris, mais aussi habité d’une nostalgie sincère pour Bourbon qu’il avait quittée à l’âge de neuf ans, Bertin ne cesse ensuite de chanter les perfections de l’île tropicale. Pourtant, grâce à son ami Evariste (de3) Parny, il sait bien que l’île du souvenir n’est pas l’île réelle. Celui-ci, dès 1773 – au moment de la parution du Voyage à l’ïle de France de Bernardin de Saint-Pierre – est rappelé à Bourbon par son père. Il écrit à son frère aîné et à son ami Bertin des lettres qui vraisem­blablement formeront le Voyage à l’île Bourbon, en 1777, soit un an avant la parution de la première version des Poésies érotiques. Or l’île Bourbon décrite par Parny durant son voyage, à l’instar de l’Île de France dépeinte par Bernardin, s’avère assez peu idyllique. C’est surtout la société créole, esclavagiste, qui fait l’objet de critiques assez sévères de la part de ces deux auteurs qui contribuent à figer de nouveaux clichés (notamment celui du Créole à la fois indolent et vaniteux). Même la belle Créole ne l’est pas tant que cela, selon Parny qui nuance : « nous avons peu de belles femmes, mais presque toutes sont jolies »4. Mais l’Eléonore qu’il chante dans ses Poésies érotiques relève bien évidemment de la première catégorie. Mus par l’amour, les poèmes du recueil peignent une île redevenue paradisiaque. Plus loin, une fois la rupture consommée, le paysage s’obscurcit à nouveau, donnant lieu à des descriptions aussi sublimes qu’effray­antes, telle celle du volcan5. La relation de Parny à son île, au fil de ses retours, demeure paradoxale. Cette oscillation se retrouve dans l’œuvre de Bernardin de Saint-Pierre, entre son regard fortement critique dans le Voyage à l’Île de France (1773) et la vision pastorale de Paul et Virginie (1788), quinze années se sont écoulées qui pourraient laisser penser que la nostalgie a enchanté le souvenir de l’auteur. Mais en fait, hors de la petite société établie au cœur de l’île par les mères des héros, l’île demeure dystopique6. Habitants ou voyageurs, les auteurs évoquant les Mascareignes en cette fin du siècle des Lumières paraissent bien jouer du paradigme exotique qui plaît alors tant au lecteur européen, mais cèdent aussi à la sincérité qui donne souvent lieu à une peinture réaliste et alors sans concession : les îles flottent entre deux extrêmes de la représentation, à l’instar d’une écriture qui s’élabore entre le centre et la périphérie.

Cette naissance d’une littérature des Mascareignes s’opère donc sous le signe d’une profonde ambiguïté qui tient aussi à ses conditions d’émergence7. C’est aussi en tant que « racines » d’une littérature de la zone que le statut de ses œuvres est devenu de plus en plus problématique. Lorsque Bertin et Parny écrivent, le terme « Créole » désigne le blanc né dans les îles, quand il embrasse maintenant à La Réunion toute une population métissée, une culture et une langue faites de brassages et de mutations incessantes, au fil des évolutions socio-politiques de l’île, tandis qu’à Maurice il renvoie à une « communauté » ethnique, qui est celle des Noirs, descendants d’esclaves, et qu’il reste lié à une profonde sensation de malaise8. Ces « poètes créoles » représentent, tout comme Bernardin de Saint-Pierre, une littérature que l’on célèbre notamment par besoin de mémoire, d’an­crage historique, mais que l’on s’efforce en même temps d’oublier9 : des vestiges respectés mais dont on se tient à distance pour en éviter les fantômes. Ils ont contribué à programmer la représentation que l’on se fait de ces littératures comme d’une production écrite, en langue française, créée et lue au prisme des normes esthétiques de la France. Ils occultent de fait l’ampleur de la littérature orale, profane ou sacrée, qui se développe dans les îles dans diverses langues ver­naculaires, et peu à peu, dans les langues créoles qui se constituent alors. À l’époque contemporaine encore, l’on est tenté de chercher d’abord à caractériser ces littératures comme écrites et francophones, ce qui peut contribuer à créer une forte disparité entre une littérature mauricienne florissante, et une littérature réunionnaise peu féconde. Mais la sélection de ce seul corpus écrit et francophone crée un hiatus souvent peu pris en considération avec un processus qui a fait et continue pourtant de faire les beaux jours de la critique, et qui est celui de la créolisation10. Comment penser la créolisation sans penser la multiplicité des langues et des imaginaires, des formes et des genres artistiques pour les exprimer, sans mettre les îles en relation entre elles et avec leurs entours plus ou moins lointains, comment les constituer en nations unilingues sans en réinterroger la for­mation et sans considérer les divers modes de conflictualité et de subalternisation dont elles continuent de faire l’objet ? Ce sont ces questionnements que portent nombre de fictions (ultra-)contemporaines11, littéraires, cinématographiques ou relevant des arts de la scène. Si, comme on l’aura compris de ce qui précède, la littérature doit s’envisager ici dans la connexion avec les autres discours et pratiques artistiques, les œuvres analysées par les différents contributeurs du volume ont en commun d’interroger conjointement la notion polysémique de représentation, les mythes, les constructions culturelles, historiques et sociales et la possibilité de repenser l’utopie. Procédant d’une forme de réflexivité à l’égard des violences épistémiques – et épistémologiques – imposées par l’histoire, ces fictions, donc, y opposent une résistance qui n’est souvent lisible, audible ou visible, comme on va le lire, que sur un mode « infrapolitique »12, en même temps qu’elles mettent en cause aussi l’obédience au dogme d’une « culture populaire authentique ». Par là même, elles invitent le ou la chercheur-e à revisiter la lecture postcoloniale de l’espace indiaocéanique à partir de l’intersectionnalité historique et politique du genre, de la classe et de la race13. Elles confrontent celle-là à ce que celle-ci dit de la communauté, de l’imaginaire de la nation ou du peuple, du corps et de l’individuation. De l’articulation de l’une et de l’autre, elles font surgir une contribution originale de la littérature et des arts de l’océan Indien à la résistance aux forces du pouvoir biopolitique (Foucault et Agamben) comme à la réponse qu’il s’agit d’apporter aujourd’hui aux enjeux écologiques mondiaux.

Sans anticiper sur les conclusions que l’on tirera des contributions que l’on va lire, nous voudrions donc souligner d’emblée les résonances et transversalités au sein d’une démarche collective de décentrement critique et de renouvellement épistémologique, impliquant de sonder l’articulation entre le discours esthétique et les concepts empruntés aux sciences sociales. La réflexion intermédiale sur la reconstitution / traduction de la voix de l’opprimé chez Ananda Devi, Barlen Pyamootoo ou Abhimanyu Unnuth – l’entretien de Mar Garcia avec le réalisateur mauricien Harrikrisna Anenden et les contributions de Marc Arino, Anny Curtius et Nazir Can – dialogue ainsi avec la politique d’une représentation artistique qui renvoie la condamnation qui est la nôtre à « vivre exposés les uns aux autres »14 à une phénoménologie du corps comme archive – l’expérience du théâtre Taliipot, analysée par Valérie Magdelaine-Andrianjafitrimo – et à une dichotomie du high et du low désormais invalidée – les contributions de Vicram Ramharai, sur le dramaturge anglophone et créolophone Azize Asgarally, et de Marie-Manuelle Da Silva, sur la « graphiation » (Philippe Marion) des histoires « clandestines » dans la bande dessinée réunionnaise. Sans doute serait-il possible d’exhumer une figure paradigmatique « locale », entendue comme construction artistique répondant à un imaginaire collectif, de ce « peuple qui manque »15 que Gilles Deleuze invitait l’auteur de cinéma à inventer, contre les histoires du dominant, mais aussi contre les mythes élaborés en réaction par le dominé. Documenté par diverses archives, dont les lettres adressées à la régence du roi Louis XIV par le nouveau gouverneur de Fort-Dauphin, Étienne Flacourt, quelque dix ans avant L’Histoire de la grande isle, l’opéra Maraina16 (2005), fruit du travail de longue haleine du compositeur Jean-Luc Trulès et de l’auteur et metteur en scène Emmanuel Genvrin au sein du Théâtre Vollard, montre comment la société contemporaine interroge le mythe des origines, tandis que la partition est présentée, dans les discours d’escorte, comme l’alliance de la « musique populaire de l’océan Indien et [de la] musique symphonique occidentale ». Non content de substituer une légende à une autre, française et coloniale – qui fait entrer en scène la fameuse Françoise Châtelain de Cressy, « la grand-mère des Réunionnais » –, Emmanuel Genvrin imagine sans mal de présenter la Malgache Maraina comme l’amante de deux hommes, le Français Louis Payen et le Malgache Jean Managna, ce qui revient à introduire le ver dans le fruit du métissage. Et le librettiste de faire remarquer avec jubilation, dans le documentaire de César et Marie-Clémence Paes17, que le premier enfant né sur l’île Bourbon, le fameux métis, n’était peut-être qu’un Malgacho-Malgache : « Mada­gascar pourrait alors revendiquer La Réunion. Alors qu’avec un enfant ayant du sang français dans les veines, la France peut attester de sa prééminence sur le territoire ». En élaborant une fiction autour du personnage de Maraina, l’opéra met alors au jour la manière dont la narration de la nation renvoie tant à la « généalogie sexuelle et coloniale de la Nation française », pour reprendre le sous-titre de La Matrice de la race d’Elsa Dorlin, qu’au « discours dominant et pacifiant sur
le métissage de la société réunionnaise »18. Que les résistances opposées, à La Réunion, au projet du Théâtre Vollard concernent précisément son ambition « élitiste » permet de comprendre que ce qui est en jeu relève davantage du clivage. N’est en effet pas anodin le choix de l’opéra, dont, au-delà de l’étiquette de « genre élitiste », il est aussi implicitement dit que, par ses sujets, son « classicisme », la diversité des médias qu’il emprunte, il bénéficie d’une réception « populaire », large, internationale, là où la culture « populaire authentiquement créole » de la « nation métisse » peine à traverser la mer et entérine la subalternité du ver­naculaire, en dépit de l’inscription du maloya au patrimoine immatériel de l’Unesco. Le métissage stratégique emprunte le médium de l’opéra pour mettre au jour le potentiel subversif de la culture populaire créole, potentiel que réduisent au silence le métissage de la pacification comme le recours aux grands genres de la littérature non vernaculaire19.

Plus encore, fortes d’un « savoir qui puise dans la précarité et la vulnérabilité toute son énergie créatrice » (Magali Compan), les œuvres de l’océan Indien, pour certaines longtemps confinées à un « non-espace critique » (Nazir Can), ne se limitent pas à une généalogie du global selon un point de vue décentré.20 Elles invitent à une « heuristique transdisciplinaire et inclusive » (Marie-Manuelle Da Silva), dans la perspective d’une « histoire connectée »21 qui s’affronterait à la prétendue irréductibilité de la littérature, à l’intraduisible comme à l’implicite des histoires « égales mais séparées ». C’est bien à de tels exercices que se livrent encore, dans ces pages, Ritu Tyagi, Farhad A.K. Sulliman Khoyratty, Ireena Kanhye et Stéphane Hoarau, dont les contributions, sur Shenaz Patel, sur une réécriture très contemporaine de Paul et Virginie ou sur le fonnkézèr André Robèr, repensent efficacement la notion d’intertextualité à partir de la relation politique des arts au monde. À l’instar du travail de Nazir Can sur le champ artistique mozambicain, ils entrent ainsi en résonance étroite avec les recherches en cours dans d’autres espaces de la « francophonie ».

1 Antoine de Bertin, Œuvres complètes, Guilhem Armand (éd.), Paris, Classiques Garnier, « Bibliothèque du XVIIIe siècle », 2016, p. 243-245.

2 Étienne de Flacourt, Histoire de la Grande Île de Madagascar, Paris, Gervais Clouzier, 1661, p. 269 : « Ce serait avec juste raison que l’on

3 Né Evariste Parny, il devient Chevalier puis Vicomte grâce à l’influence de son frère aîné à la cour, auprès du Comte d’Artois et de

4 Evariste Parny, Voyage à l’île Bourbon, Jean-Michel Racault (dir.), Voyages badins, burlesques et parodiques du XVIIIe siècle, Saint-Etienne

5 Evariste Parny, Poésies érotiques, Livre IV, Élégie VI.

6 Sur ce point, voir les analyses de Jean-Michel Racault, notamment : Nulle part et ses environs. Voyage aux confins de l’utopie littéraire

7 Sur ce point, voir notamment : Chantale Meure et Guilhem Armand, Lumières et océan Indien. Bernardin de Saint-Pierre, Evariste Parny, Antoine de

8 Rosabelle Boswell, Le Malaise Créole : Ethnic Identity in Mauritius, New York, Oxford, Berghahn Books, 2006.

9 Sur la postérité de Paul et Virginie, voir l’article de Valérie Magdelaine-Andrianjafitrimo : « Décalages, réinterprétations et sacrilèges. Les

10 Sur ce point, voir Françoise Vergès et Carpanin Marimoutou, Amarres, Créolisations india-océanes, Paris, L’Harmattan, 2005 et Françoise Lionnet

11 Voir Véronique Bragard et Valérie Magdelaine-Andrianjafitrimo (dirs.), Écritures de l’océan Indien. De l’ethnicité contestée à l’extrême

12 Voir James C. Scott, La Domination et les arts de la résistance. Fragments du discours subalterne (1992), trad. O. Ruchet, Paris, éd. Amsterdam

13 On doit le concept d’intersectionnalité, à Kimberlé Williams Crenshaw, « Cartographies des marges : intersectionnalité, politique de l’identité

14 Jean-Luc Nancy, La Création du monde ou la mondialisation, Paris, Galilée, 2002, p. 176. Cité par Achille Mbembe, Sortir de la grande nuit. Essai

15 Gilles Deleuze, Cinéma 2. L’Image-Temps, Paris, Éditions de Minuit, 1985.

16 L’analyse proposée autour de Maraina, dans les lignes qui suivent, reprend partiel­lement un travail amorcé par Yolaine Parisot lors d’une

17 L’Opéra du bout du monde (2012) de César et Marie-Clémence Paes, où se mêlent le reportage sur les coulisses du « premier opéra de l’océan Indien

18 Carpanin Marimoutou, « Se représenter migrant(e) », dans Yolaine Parisot et Nadia Ouabdelmoumen (dirs.), Genre et migrations postcoloniales :

19 Valérie Magdelaine-Andrianjafitrimo, « Mémoires enfouies, décomposées, reformulées. La question des genres dans les littératures contemporaines

20 Sur ce point, lire la contribution de Françoise Lionnet au French Global : Françoise Lionnet, « Conventions critiques, paysages littéraires et

21 Pour emprunter au modèle proposé par l’historien des Empires, Sanjay Subrahmanyam. Voir notamment Sanjay Subrahmanyam, « Par-delà l’incommen­

1 Antoine de Bertin, Œuvres complètes, Guilhem Armand (éd.), Paris, Classiques Garnier, « Bibliothèque du XVIIIe siècle », 2016, p. 243-245.

2 Étienne de Flacourt, Histoire de la Grande Île de Madagascar, Paris, Gervais Clouzier, 1661, p. 269 : « Ce serait avec juste raison que l’on pourrait appeler cette île un Paradis terrestre ».

3 Né Evariste Parny, il devient Chevalier puis Vicomte grâce à l’influence de son frère aîné à la cour, auprès du Comte d’Artois et de Marie-Antoinette mais à la Révolution, il abandonne sa particule. Pour une information plus complète, voir : Catriona Seth, Evariste Parny (1753-1814). Créole, révolutionnaire, académicien, Paris, Hermann, « La République des Lettres », 2014.

4 Evariste Parny, Voyage à l’île Bourbon, Jean-Michel Racault (dir.), Voyages badins, burlesques et parodiques du XVIIIe siècle, Saint-Etienne, Publications de l’Université de Saint-Etienne, « Lire le Dix-huitième siècle », 2005, p. 257.

5 Evariste Parny, Poésies érotiques, Livre IV, Élégie VI.

6 Sur ce point, voir les analyses de Jean-Michel Racault, notamment : Nulle part et ses environs. Voyage aux confins de l’utopie littéraire classique (1657-1802), Paris, PUPS, « Imago Mundi », 2003, p. 389-443 ; et Mémoires du Grand Océan. Des relations de voyages aux littératures francophones de l’océan Indien, Paris, PUPS, « Lettres francophones », 2007, p. 103-123 et p. 143-159.

7 Sur ce point, voir notamment : Chantale Meure et Guilhem Armand, Lumières et océan Indien. Bernardin de Saint-Pierre, Evariste Parny, Antoine de Bertin, Paris, Classiques Garnier, « Rencontres », 2017.

8 Rosabelle Boswell, Le Malaise Créole : Ethnic Identity in Mauritius, New York, Oxford, Berghahn Books, 2006.

9 Sur la postérité de Paul et Virginie, voir l’article de Valérie Magdelaine-Andrianjafitrimo : « Décalages, réinterprétations et sacrilèges. Les échos de Paul et Virginie dans quelques textes de la littérature contemporaine de l’océan Indien », Jean-Michel Racault, Chantale Meure et Angélique Gigan (dirs.), Bernardin de Saint-Pierre et l’océan Indien, Paris, Classiques Garnier, « Rencontres », 2011, p. 485-500.

10 Sur ce point, voir Françoise Vergès et Carpanin Marimoutou, Amarres, Créolisations india-océanes, Paris, L’Harmattan, 2005 et Françoise Lionnet, The Creolization of Theory, Durham, Duke University Press, 2011, en contrepoint avec les propositions de Jean Bernabé, Patrick Chamoiseau et Raphaël Confiant dans Éloge de la créolité, Paris, Gallimard, 1989 et en relation avec celles d’Édouard Glissant, Introduction à une poétique du divers, Paris, Gallimard, 1996.

11 Voir Véronique Bragard et Valérie Magdelaine-Andrianjafitrimo (dirs.), Écritures de l’océan Indien. De l’ethnicité contestée à l’extrême contemporain, Les Lettres romanes, 68. 1-2, 2014.

12 Voir James C. Scott, La Domination et les arts de la résistance. Fragments du discours subalterne (1992), trad. O. Ruchet, Paris, éd. Amsterdam, 2008, p. 218 : « L’infrapolitique est continuellement en train de tester, de presser, de caresser les limites de ce qui est permis. Au moindre relâchement de la surveillance et de la punition, le tirage au flanc menace de se transformer en grève déclarée, les contes populaires d’agression se métamorphosent en défi et en mépris jeté au visage, les rêves millénaristes deviennent politiques révolutionnaires. Dans cette perspective, l’infrapolitique peut être vue comme la forme élémentaire – au sens de fondatrice – de la politique. »

13 On doit le concept d’intersectionnalité, à Kimberlé Williams Crenshaw, « Cartographies des marges : intersectionnalité, politique de l’identité et violences contre les femmes de couleur » [1994], traduction d’Oristelle Bonis, Les Cahiers du genre, n° 39, 2005, p. 51-82. Il s’agit de penser, dans le contexte étatsunien, l’articulation des rapports de domination liés aux catégories du genre, de la race et de la classe. Par d’autres voies, Étienne Balibar considère que « le phénomène de “minorisation” et de “racisation” » représente « un système historique d’exclusions et de dominations complémentaires, liées entre elles » et qu’il n’y a pas lieu de distinguer entre « racisme ethnique » et « racisme sexiste » (Étienne Balibar et Immanuel Wallerstein, Race, nation, classe. Les identités ambiguës, [1988], Paris, La Découverte, « Poche », 1997, p. 71). Voir également Yolaine Parisot et Nadia Ouabdelmoumen (dirs.), Genre et migrations postcoloniales : lectures croisées de la norme, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, « Plurial », 2013.

14 Jean-Luc Nancy, La Création du monde ou la mondialisation, Paris, Galilée, 2002, p. 176. Cité par Achille Mbembe, Sortir de la grande nuit. Essai sur l’Afrique décolonisée, [2010], Paris, Éditions de La Découverte, « Poche », 2013, p. 118.

15 Gilles Deleuze, Cinéma 2. L’Image-Temps, Paris, Éditions de Minuit, 1985.

16 L’analyse proposée autour de Maraina, dans les lignes qui suivent, reprend partiel­lement un travail amorcé par Yolaine Parisot lors d’une communication présentée au congrès du Conseil International d’Études Francophones, à l’île Maurice, en 2013. – Maraina est le premier volet d’une trilogie dont les deux autres portent sur l’histoire contemporaine de l’île : Chin, créé en 2010, revient sur les tentations maoïstes des mouvements communistes de la décolonisation et sur l’alliance du communiste Paul Vergès et du sucrier René Payet lors du conflit socio-politique de 1955 ; Fridom, « a work in progress », évoque la destinée de la radio libre Radio Freedom, créée par Camille Sudre en 1981, et sur le soulèvement populaire du quartier du Chaudron, en février 1991, au centre duquel elle se retrouva. Voir le site du Théâtre Vollard, http://www.vollard.com/, dernière consultation le 1er février 2018.

17 L’Opéra du bout du monde (2012) de César et Marie-Clémence Paes, où se mêlent le reportage sur les coulisses du « premier opéra de l’océan Indien », l’enquête sur les traces et la mémoire de cette histoire et les discours sur les mythes d’origine et leurs fictionnalisations (DVD 16 : 9, 96 mn, Laterit Productions, 2013). Une captation de Maraina, au théâtre Silvia Monfort, en juin 2009, est également disponible sur support DVD, 16 : 9, 85 mn, Théâtre Vollard / Laterit Productions / France Télévisions, 2010.

18 Carpanin Marimoutou, « Se représenter migrant(e) », dans Yolaine Parisot et Nadia Ouabdelmoumen (dirs.), Genre et migrations postcoloniales : lectures croisées de la norme, op. cit., p. 28.

19 Valérie Magdelaine-Andrianjafitrimo, « Mémoires enfouies, décomposées, reformulées. La question des genres dans les littératures contemporaines de La Réunion », Africultures, « Les Armes miraculeuses », Françoise Vergès (dir.), n° 98, 2014, p. 76-91 [79].

20 Sur ce point, lire la contribution de Françoise Lionnet au French Global : Françoise Lionnet, « Conventions critiques, paysages littéraires et écocritique postcoloniale », dans Christie McDonald et Susan R. Suleiman (dirs.), French Global. Une nouvelle perspective sur l’histoire littéraire, [2010], Paris, Classiques Garnier, « Littérature, histoire, politique », 2014, p. 195-222.

21 Pour emprunter au modèle proposé par l’historien des Empires, Sanjay Subrahmanyam. Voir notamment Sanjay Subrahmanyam, « Par-delà l’incommen­surabilité. Pour une histoire connectée des empires aux temps modernes », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 54, 5, 2007, p. 34-53.

Valérie Andrianjafitrimo-Magdelaine

Valérie Magdelaine-Andrianjafitrimo est maître de conférences en littératures francophones à l’Université de La Réunion, membre du laboratoire LCF. Rédactrice en chef de la revue NEF - Nouvelles Études Francophones depuis 2014, elle est francophoniste spécialisée dans les littératures de l’océan Indien, les littératures de la diaspora indienne dans les Caraïbes et l’océan Indien, les problématiques postcoloniales liées aux questions des dominations et des résis­tances, aux questions des « races, nations, classes » et aux études de genres. Elle a co-organisé plusieurs colloques, publié de nombreux articles, codirigé ou dirigé plusieurs ouvrages sur ces champs de questionnements dont les deux derniers sont Interculturel francophonies « Écrivaines de l’Ile Maurice et de La Réunion, “Tisser des fils épars” » (2016) et Iles/Elles. Résistances et revendications fémi­nines dans les îles des Caraïbes et de l’océan Indien (XVIII-XXIe siècles), (2015, en codirection avec M. Arino).

Guilhem Armand

Guilhem Armand est maître de Conférences à l'Université de La Réunion. Il travaille principalement sur le rapport entre fictions et savoirs aux xviie et xviiie siècles, domaine dans lequel il a publié divers ouvrages et articles. Il s’intéresse également aux problématiques littéraires de l'océan Indien à la même période (littérature de voyage, Bernardin de Saint-Pierre, Parny et Bertin). Il a notamment édité les Œuvres complètes de Bertin (Garnier, 2016) et Lumières et océan Indien, en collaboration avec Chantale Meure (Garnier, 2017).

Articles du même auteur

Yolaine Parisot

Yolaine Parisot est professeure de littératures francophones et comparées et responsable de l’axe « Francophonie et échanges culturels » du LIS EA 4395, à l’Université Paris-Est Créteil. Présidente sortante du Conseil International d’Études Francophones, elle codirige la collection Plurial aux Presses Universitaires de Rennes. Portant sur les littératures francophones et anglophones postcoloniales, ses recherches concernent les relations entre littérature, histoire et politique, les poétiques de la fiction, l’articulation entre théorie littéraire et concepts venus des sciences sociales et la réflexion sur une histoire connectée des littératures. Elle a dirigé ou codirigé les ouvrages collectifs suivants : Caraïbe, océan Indien. Questions d’histoire, Itinéraires. Littérature, textes, cultures, n°2, 2009 [avec V. Bonnet et G. Bridet], Genre et migrations postcoloniales : lectures croisées de la norme, Presses Universitaires de Rennes, 2013 [avec N. Ouabdelmoumen], Pour un récit transnational. La fiction au défi de l’histoire immédiate, Presses Universitaires de Rennes, 2015 [avec C. Pluvinet], Dany Laferrière : énergie du roman, mythologies de l’écrivain, Interculturel Francophonies, n°30, nov.-déc. 2016 et Pouvoir, puissance, force de la littérature. De l’energeia à l’empowerment, Presses Universitaires de Rennes, à paraître en 2018 [avec E. Bouju et C. Pluvinet]. Elle est l’auteure d’un essai, Regards littéraires haïtiens. Cristallisations de la fiction-monde, Classiques Garnier, coll. « Bibliothèques francophones », à paraître en 2018.