Les institutions francophones dans le champ artistique mozambicain : les deux faces de la médaille1

Nazir Ahmed Can

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Nazir Ahmed Can, « Les institutions francophones dans le champ artistique mozambicain : les deux faces de la médaille », Tropics [En ligne], 4 | 2017, mis en ligne le 01 décembre 2017, consulté le 07 novembre 2024. URL : https://tropics.univ-reunion.fr/756

Le flux de capitaux étrangers est un moteur de changement du « paysage culturel »2 mozambicain, qui connaît actuellement un dynamisme puissant mais inégal. Membre du Commonwealth, de la Communauté des Pays de Langue Portugaise et observateur externe de la Francophonie, le Mozambique nous invite à repenser les processus globaux et les rapports entre arts nationaux et intérêts transnationaux. Les intérêts institutionnels francophones représentés, dans le domaine de la culture, par le Centre Culturel Franco-Mozambicain (CCF-M), jouent un rôle décisif dans la diffusion et la production des arts mozambicains. Nous avons d’une part les arts plastiques et visuels, auxquels le CCF-M offre un espace pour se faire connaître, qui opèrent actuellement, selon Fátima Mendonça, un « élargissement des possibilités esthétiques »3 et compensent en cela l’actuelle stagnation de la littérature mozambicaine. D’autre part, les travaux de ces artistes sont presque toujours destinés à l’élite du pays (et plus précisément de la capitale, Maputo), et sont donc adaptés à un horizon de réception peu représentatif des réalités et des pratiques locales, ainsi que le soutient Filimone Meigos4.

L’analyse de ces deux mouvements devrait nous permettre de déterminer le degré de renouvellement mais aussi de dépendance du « champ artistique »5 mozambicain par rapport aux facteurs extra-artistiques qui lui donnent de l’élan et l’enferment tout à la fois.

Situé dans le centre historique de Maputo, le CCF-M a été bâti sur les ruines d’un ancien hôtel colonial de 1896. Le centre a été inauguré le 13 juillet 1995 et a permis de faire émerger certains des artistes plasticiens du pays. Ces artistes travaillent souvent en réseau et produisent de nouvelles formes esthétiques qui résistent aux exigences habituelles (linguistiques, thématiques, formelles) que l’on rencontre, par exemple, sur le marché littéraire. Dans cet article, nous examinerons l’influence qu’une telle institution peut exercer sur une production locale en quête de reconnaissance et de visibilité. Notre objectif est donc moins d’étudier en détail l’évolution artistique mozambicaine de ces dernières décennies que de proposer une méthodologie qui puisse, dans le cadre de recherches ultérieures, aider à décrire la relation complexe qui unit arts et institutions au Mozambique. Nous nous appuierons pour cela sur la théorie du « champ » telle que l’a définie Bourdieu en 1992, qui met en exergue les orientations et le conditionnement que les institutions font peser sur l’artiste ; nous ferons également appel à la théorie des « réseaux littéraires »6 qui rend possible l’étude des champs artistiques vulnérables ou peu autonomes ; et enfin, nous recourrons à la notion de « cité par projets »7 qui insiste sur les conditions matérielles et les types d’argumentation développés par les agents impliqués.

Jacques Dubois définit l’institution comme un ensemble de normes s’appliquant à un champ d’activités donné et conditionnant la légitimité de celui qui s’exprime selon tel ou tel code. Les arts constituent donc une institution, et leur fonctionnement interne est régi par les liens que leurs agents établissent ou souhaitent établir en fonction d’une norme particulière : dans le champ artistique, il n’y a pas d’existence en dehors de la légitimité8. Bernard Mouralis étudie quant à lui des aspects comme la structure et l’intégration de nouveaux éléments dans le champ (littéraire). Selon lui, la structuration du champ vise en premier lieu à transformer le fruit du hasard en nécessité logique et, en second lieu, à intégrer de nouvelles œuvres sans que celles-ci n’altèrent l’homogénéité de l’ensemble. Cela s’explique par le fait que le fonctionnement du système ne s’inscrit pas dans une logique d’ouverture ou d’extension ; il s’agit plutôt d’un processus de différenciation ou d’homologation. Mouralis établit une distinction entre deux axes structurants du champ : l’axe spatial et l’axe temporel. Le premier suppose que l’œuvre s’appuie sur des critères qui varient d’une culture à l’autre, tandis que l’axe temporel permet d’intégrer des œuvres récentes et anciennes, ce qui conduit à percevoir ces dernières comme un héritage9.

Bien que certaines dynamiques (linguistiques et institutionnelles) se dégagent de l’espace artistique mozambicain, celui-ci est loin d’être autonome et homogène. Du fait de ses multiples fragilités structurelles, il est régi par des logiques complexes et parfois inextricables qui ne facilitent pas les descriptions instantanées et définitives. Pour ajouter encore à la complexité ambiante, le climat d’instabilité qui a marqué le pays au cours de ces dernières décennies (pour des raisons diverses qui vont de la guerre civile à l’actuelle dépendance au FMI et à la Banque Mondiale), conjugué à l’ouverture du Mozambique au marché extérieur, a contribué à accélérer, entre autres, la création de réseaux nationaux et transnationaux qui influent directement ou indirectement sur la vie artistique du pays. L’analyse des réseaux artistiques qui se sont formés dès avant l’indépendance du Mozambique devrait permettre, comme le suggèrent les critiques qui théorisent leur fonction-nement10, de déceler efficacement l’imbrication du social et de l’artistique, en écartant provisoirement les catégories aprioristes de compréhension de la matière esthétique. L’analyse des réseaux, d’ailleurs, ne dévalorise pas l’objet artistique mais met à mal un certain positivisme critique qui, selon Alain Viala, se contente d’établir des liens directs entre l’origine des auteurs et la signification de leurs œuvres. Cet angle d’analyse permet ainsi de contester les différentes formes de la « théorie du réflexe » qui, comme le laisse entendre la proposition d’Escarpit en 196011, partent d’homologies entre les œuvres et l’aspect social pour reléguer au second plan les effets spécifiques de leur dissémination12. En tant qu’outil descriptif, la notion de « réseau » reprend la théorie du « champ » et lui ajoute un « supplément d’intelligibilité »13 dans les cas institutionnellement vulnérables, c’est-à-dire les cas dont la visibilité dépend d’une légitimation institutionnelle exogène.

La présence francophone au Mozambique s’inscrit, en particulier depuis les vingt dernières années, dans ce contexte d’ouverture et de réseaux. L’enseignement de la langue est bien sûr une étape nécessaire pour assurer la réussite de quelque stratégie de pénétration politique et culturelle que ce soit. Cependant, les chiffres relatifs à la langue française au Mozambique dénoncent une faiblesse flagrante : on ne compte actuellement, sur 23 millions d’habitants, que 6 000 locuteurs du français environ. Cette faiblesse avait peut-être été prévue car, selon Christian Daziano, ambassadeur français au Mozambique, l’École Française de Maputo ne vise que la nouvelle élite mozambicaine14. Par ailleurs, les récents échanges entre artistes du Mozambique et d’autres régions de l’océan Indien constituent une stratégie de renforcement de la Francophonie plus vaste qui ambitionne de consolider la position de celle-ci dans un espace historiquement enclavé au milieu des intérêts britanniques. Du reste, pour Daziano, le Mozambique et Madagascar sont deux pays qui ont un rôle clef à jouer dans le renforcement de la Francophonie : « Il y a une volonté d’agir ensemble. Ce désir est enraciné dans une longue histoire et se reconnaît dans un partage de valeurs humaines qui nous sont communes »15.

Naturellement, cette opinion n’est pas partagée par tous. Sans aucune concession à la politique extérieure française, Cécile Canut analyse la relation entre les intérêts culturels francophones et les enjeux politiques qu’ils masquent : « Au fond, ce que la francophonie permet de valoriser, au bout de la chaîne, ce n’est pas les pays en question mais le français-drapeau, les marchés économiques, l’implantation des entreprises françaises et les relations diplomatiques de la France »16. Sur le cas spécifique du Mozambique, l’auteur ajoute :

L’implantation de la « francophonie » au Mozambique est de ce point de vue exemplaire. La construction d’un gigantesque centre culturel franco-mozambicain à Maputo, capitale lusophone où le français est totalement marginal, en dit long sur la volonté « francophone » de s’implanter dans la zone (entre l’Afrique de l’Est anglophone, l’Afrique des Grands Lacs convoitée et déstabilisée par les Américains, et l’Afrique du Sud en pleine expansion économique). Ces stratégies ne sont que les pâles répliques du libéralisme américain dont l’implantation est bien plus rapide et durable en Afrique17.

La présence francophone au Mozambique s’avère donc très complexe. En raison de la position fragile qu’y occupe la langue française, les institutions francophones doivent constamment renégocier leur existence, leur rôle et leur influence sur les productions artistiques – d’un côté avec les artistes et institutions locaux et de l’autre avec les institutions internationales comme l’Instituto Camões du Portugal et le Centro de Estudos Brasileiros. Malgré ces circonstances apparemment peu favorables, le CCF-M a fait preuve d’un dynamisme supérieur à celui de ses concurrents.

Le CCF-M propose en effet une programmation régulière alliant expositions artistiques, tables rondes et ateliers, entre autres. Il donne en outre accès au public de la capitale à des cours de langue, à des cycles de cinéma ou de théâtre et à des concerts en français, en portugais, en espagnol, en allemand, etc. Cela montre bien que, contrairement à la stratégie déployée dans les pays africains qui entretiennent des liens historiques avec la France, au Mozambique, la Francophonie ne peut pas se limiter à la diffusion exclusive des valeurs culturelles de la nation française. Cette position moins privilégiée du français pousse à cultiver les échanges entre des expressions artistiques et des langues différentes, ce qui se reflète dans le discours public de l’institution. Selon sa page web18, le CCF-M ambitionne de « servir de trait d’union avec le monde francophone » et de « valoriser et diffuser les cultures et les arts français, mozambicains et européens ». On trouve le même type de discours en Guinée-Conakry et Guinée-Bissau, en Namibie et au Niger, pays où les centres culturels francophones ont aussi un statut binational.

L’articulation de langues et d’intérêts artistiques variés que la Francophonie promeut dans ces pays nous invite, dans un premier temps, à penser la relation entre les arts et leur fonctionnement institutionnel, et à nous pencher sur la question de la médiation. Antoine Hennion montre, dans son livre La Passion musicale, paru en 199319, que le terme de « médiation » est plus approprié pour décrire l’objet artistique que le concept de « négociation ». Il rend en effet compte de la variété des interactions qui se nouent dans le monde musical, notamment entre les musiciens, entre les musiciens et leur public, ou entre un musicien et son instrument20. En réfléchissant au cas des centres culturels francophones dans les pays africains susmentionnés, nous pouvons aussi repérer les principales lignes de médiation qui se dessinent entre les centres internationaux, entre les centres et les artistes locaux, et entre le centre et son instrument (la langue). Or si la langue ne réussit pas à répondre aux exigences locales, l’institution se tourne vers d’autres arts et principalement vers les arts non-verbaux, comme les arts plastiques et performatifs contemporains, c’est-à-dire ceux qui, dans le contexte mozambicain actuel, communiquent le plus facilement avec leurs contreparties françaises. Ces arts sont le principal support sur lequel s’appuie le CCF-M.

La médiation est aussi la pratique à laquelle les artistes du Mozambique recourent le plus souvent car, confrontés à une réalité où le public, les acquéreurs et même les critiques sont rares21, ils n’ont pas d’autre choix que de tisser des liens directs avec les centres internationaux établis dans la capitale. Quelques artistes, par ailleurs, participent aux projets et aux expositions organisés dans la région (principalement en Afrique du Sud mais aussi à La Réunion et à Madagascar) et sont souvent invités à exposer et à vendre dans les galeries européennes. Si nous nous contentions uniquement de nous pencher sur la trajectoire de quelques-uns de ces artistes, nous perdrions toutefois de vue les aspects liés aux faiblesses institutionnelles de ce champ artistique : les structures de formation, la gestion culturelle et les subventions publiques destinées à encourager la production sont presque inexistantes, de même que la politique d’acquisition d’œuvres d’art reste très informelle.

Ainsi, dans un circuit où il n’y a presque que du soutien privé et où les arts sont fréquemment utilisés par les entreprises comme supports publicitaires, les espaces d’exposition, comme le CCF-M, se trouvent dans une position privilégiée pour établir les « règles de l’art », ou plutôt les règles d’un certain type d’art. Ces espaces ne contribuent donc pas uniquement à la diffusion de l’art, comme le laisse entendre leur discours officiel, mais influencent également la production locale. Cela est lié au fait que, comme l’affirme Lorenzo Mammì, l’œuvre d’art contemporaine tire moins son origine du choix d’un objet que d’un processus de devenir, un cheminement qui conduit du projet à l’œuvre. Aujourd’hui, ce processus ne recouvre plus tellement, ou plus seulement, la fabrication de l’objet : il inclut également ses modalités d’exposition. Voilà pourquoi le conservateur a un rôle si important à jouer et pourquoi son ingérence est si délicate et dangereuse. Il n’est désormais plus possible de distinguer l’œuvre de sa présentation dans l’espace car la distinction entre l’espace de l’œuvre et l’espace commun n’existe plus22. En conséquence, les différentes étapes de création (choix du matériau, manipulation, montage, présentation) sont aujourd’hui plus imbriquées, en particulier dans les espaces d’exposition exogènes tels que ceux du CCF-M. L’autonomie de l’art, encore selon Mammì, bat de l’aile et l’œuvre se transforme en un point d’intersection entre différents plans du discours : théorique, éthique, esthétique. Ce n’est qu’en adoptant une perspective historique, et pas seulement une posture conceptuelle, qu’il nous sera possible de forger de nouveaux outils de lecture de l’art contemporain et de continuer à faire ce qui, au bout du compte, importe le plus : attribuer une valeur esthétique à des œuvres singulières23.

La sculpture, la céramique et la peinture occupent une place de choix dans les expositions du CCF-M. Or ces différents arts ont connu une évolution historique similaire : pour chacun d’entre eux, au moins un artiste reconnu aux niveaux national et international a jeté un pont entre le traditionnel et le contemporain. Pour la sculpture, comme l’explique José Pimentel Teixeira, le nom le plus important est celui de Chissano, qui a créé l’expressionnisme anthropomorphique et a apporté à cet art des éléments tragiques. Naftal Langa propose quant à lui un style plus cristallin, tourné vers la recherche de formes épurées et de la beauté esthétique, de thèmes harmonieux et d’un ordre narratif. Dans le domaine de la céramique, Reinata part du grotesque humain pour arriver à un petit bric-à-brac intimement lié à une vision ironique de la tradition. Finalement, en ce qui concerne la peinture, Malangatana, Estevão Mucavele, Matias Nthundo et Naguib, proposent, malgré des projets artistiques bien différents, des lithographies qui abandonnent une vision univoque du monde24 (Teixeira, 2008) et font l’éloge de ce qui est « national » en termes de dynamisme, de mélanges, de contradictions et d’inconnu.

La nouvelle génération, celle-là même qui dialogue avec les attentes esthétiques du CCF-M, s’est approprié et a retravaillé l’héritage de ces grands artistes. Dans le domaine de la céramique, il convient par exemple de retenir le nom de Celestino Mudaulane qui, encore selon Teixeira, a donné une nouvelle dimension au dessin au Mozambique. Pour ce qui est de la peinture, un certain nombre d’artistes, pour la plupart formés à l’étranger, accueillent et diffusent des formes d’art contemporain en utilisant des installations provocatrices, des matériaux multiples, des images en mouvement et, surtout, une interdisciplinarité profonde – Gemuce, Anésia Manjate et Jorge Dias sont quelques-uns des représentants de cette génération. Enfin, le sculpteur Pekiwa, aussi étudié par Teixeira, réunit des vestiges de différentes époques provenant pour la plupart de l’île de Mozambique, évocateurs des beautés et des cruautés de l’Histoire, afin de sculpter une sorte de présent mozambicain fragmenté. Dans son œuvre, le processus de production des objets et l’organisation conceptuelle à laquelle ils renvoient sont aussi importants que la forme de ceux-ci.

Chacun à sa façon, ces artistes de la nouvelle génération ont aidé à légitimer l’activité du CCF-M à Maputo et à la fois ont gagné en visibilité dans la presse locale. Celle-ci les considère d’ailleurs souvent comme les plus radicaux et importants du champ artistique national. Cependant, la nouveauté dont ils sont porteurs va au-delà de l’esthétique. C’est la première fois, en effet, qu’un groupe d’artistes s’organise formellement en école, autour d’un projet collectif qui privilégie l’art contemporain. Ce n’est pas tellement le besoin d’une praxis ou d’une pensée artistique commune qui préside au travail en groupe ou dans le cadre d’écoles, mais plutôt la nécessité de se rendre visibles et d’occuper des espaces lacunaires du champ artistique et critique. En fait, contrairement à ce qui se passe dans l’espace littéraire, qui a plusieurs noms dans le champ de la critique, l’absence presque totale de spécialistes et de chercheurs encourage les artistes à tenir eux-mêmes un discours théorique sur leurs œuvres. Les nombreux manifestes individuels et collectifs du MUVART (Movimento de Arte Contemporânea de Moçambique), le plus actif de Maputo, en fournissent une bonne illustration.

Nous considérons donc que la théorie des « réseaux littéraires », bien qu’élaborée en référence à un autre type d’espace de création, pourrait nous aider à mieux comprendre les schémas d’association du champ artistique mozambicain. La rareté des fonds publics et surtout des structures formelles de formation contraint ces artistes à nouer, sous l’une ou l’autre des diverses formes possibles, une « alliance multiple »25, concept différent mais qui s’inscrit dans la même problématique que la notion de « réseau »26. L’analyse conjointe des aspects formels proposés par ces artistes, des manifestes et des groupes (formels ou informels) qui se constituent porte un coup à l’idée reçue de la singularité du « génie créateur » tout en rompant avec une certaine tendance à réduire l’étude de l’art à une dimension exclusivement collective ou nationale27 (« mozambicanité », art « lusophone », « africain », etc.). Nous estimons donc qu’une telle perspective critique devrait nous permettre de saisir certaines des logiques de production, de circulation et de réception des arts plastiques dans le contexte mozambicain.

En même temps, et d’une façon presque paradoxale, le MUVART et les professeurs de l’École d’Arts Visuels ont montré, grâce à leurs recherches esthétiques et théoriques innovantes, la fragilité institutionnelle du champ artistique. Dans un champ où les critiques et le public sont rares et les subventions infimes, ils ont réaffirmé, dans la pratique et dans la théorie, leur dépendance aux institutions de légitimation. Jorge Dias, l’un des noms les plus importants des arts plastiques au Mozambique, nous le confirme : « Si un artiste n’existe pas dans le circuit occidental, il n’existe pas. L’Europe est la principale vitrine du monde. Si nous sommes en Europe, aux États-Unis, dans les collections européennes ou américaines, nous avons de la force, de la visibilité, de la valeur et de la légitimité »28. Il décrit en effet certaines des caractéristiques spécifiques de ce double jeu, individuel et collectif, qui est le lot commun de tous les agents désireux de se faire une place sur le très disputé marché de l’art. Dans ses déclarations, Dias nous rappelle une fois de plus que l’idée reçue de « l’insularité constitutive de l’œuvre » ne tient aucun compte du fait que celle-ci ne se manifeste dans sa véritable originalité qu’à partir de l’ensemble de la structure qui a permis son apparition29. Autrement dit, comme le montre Pascale Casanova, c’est ce qui pourrait paraître le plus étranger à l’œuvre, à sa construction, à sa forme et à sa singularité esthétique qui en est en réalité la source et qui permet son émergence. À ce stade, il convient donc de nous interroger : à qui s’adresse cette génération de la rupture ?

Malgré le renouvellement des langages que ces artistes ont opéré au Mozambique, leur obsession de la légitimation occidentale réaffirme la polarisation artistique – reflet de la polarisation politique et sociale – entre les élites du Sud, formées principalement à Maputo, et les autres artistes, invisibles et complètement dépourvus des conditions nécessaires à leur travail. Nous pensons, avec Alain Viala, que si leurs œuvres les consacrent, le lieu de l’énonciation (dépendant, éloigné du centre décisionnel) et le tropisme du mécénat (et les manipulations qu’il implique) nuisent à l’autonomie symbolique de ces artistes – il s’agit dès lors d’une « consécration confisquée »30 qui constitue un effet émergent de la fragilité du champ artistique mozambicain. Voilà pourquoi l’intégration de certains produits artistiques dans un circuit et une esthétique communs, même lorsqu’ils sont accueillis par des termes flatteurs tels que « postcolonial », « post-moderne », « transgressif » ou « cosmopolite », doit être articulée avec des facteurs sociopolitiques afin que l’effort de valorisation des arts africains ne conduise pas à une discrète mise à l’écart d’autres visions artistiques (sans capital symbolique et institutionnel), originaires du même espace géographique.

Si nous prenons l’exemple des œuvres (littéraires, musicales, théâtrales, cinématographiques) qui s’appuient sur des langues locales, nous constatons qu’elles sont très peu nombreuses et de moins en moins diffusées. Leur disparition progressive est en grande partie due à certains facteurs du champ artistique liés à des logiques internes et concurrentielles. Parmi ces facteurs, on pourrait citer le rôle des publics (fondamentalement l’élite lettrée), l’enseignement des langues dans les écoles mozambicaines, la centralisation de l’activité artistique à Maputo, etc. La tradition de la poésie chantée, par exemple, est toujours vivace au Mozambique, mais seulement dans des espaces à la visibilité moindre. Dans son recueil bilingue de poésie du Mozambique, Frederick Williams met en avant l’une de ces formes, le m’saho. Il s’agit d’un style hybride, écrit et chanté en langue chope et qui fait participer des danseurs et des chanteurs accompagnés de leurs orchestres de timbila31. Il comporte huit parties dont le point d’orgue est le m’zeno, texte poétique chanté avec solennité qui aborde des questions sociales, historiques, voire liées à l’institution artistique32. Bien qu’il ait, en 1952, donné son nom à un célèbre supplément culturel mozambicain et bien qu’il soit évoqué dans certains poèmes d’auteurs nationaux, le m’saho pervertit l’homogénéité linguistique et esthétique du champ artistique mozambicain, ce qui explique, selon nous, qu’il soit toujours confiné à un non-espace critique. Il est vrai que la langue portugaise et son fort capital institutionnel d’une part, et les formes artistiques contemporaines, plus proches du « goût francophone » d’autre part, offrent aux auteurs qui opèrent et ont opéré d’indéniables transformations esthétiques une (relative) visibilité. Cependant, l’insertion dans ces mondes « occidentaux » n’est pas exempte d’une pré-orientation, génératrice de conditionnements spécifiques en fonction d’intérêts idéologiques et économiques.

C’est pourquoi nous avons tendance à nous ranger du côté de José Pimentel Teixeira lorsqu’il affirme que « le radicalisme des approches formelles des artistes contemporains mozambicains actuels n’est pas accompagné par un radicalisme des approches analytiques, c’est-à-dire, d’une mise en question radicale et idéologique des événements – ou, si l’on préfère, d’une ethnographie explicite du processus productif »33. Il nous semble que, pour analyser cette phase complexe dans le contexte de la production artistique au Mozambique − contexte caractérisé à la fois par une révolution esthétique en cours et un fort conservatisme institutionnel − la notion de « cité par projets » développée par Luc Boltanski et Ève Chiapello en 1999 dans Le Nouvel Esprit du capitalisme pourrait nous être aussi d’un grand secours – même si celle-ci a été présentée d’abord comme contrepoint et critique au modèle proposé par Bourdieu34. Pour ces auteurs, comme le souligne Claisse, les « cités par projets » constituent une boîte à outils, un ensemble de lieux communs du discours des acteurs qui, en groupe, dialoguent avec l’institution de manière formelle ou informelle. En privilégiant les conditions matérielles et les formes d’argumentation des acteurs impliqués dans le processus de production, la notion de « cité par projets » fournit, encore selon Claisse, certains indicateurs quantitatifs et qualitatifs sur le champ. À partir des arguments qui sont au service d’une vision transgressive du monde, d’une façon de s’y situer et d’un désir de justice, ces cités, « au nombre de six, font partie de l’équipement sociocognitif des membres d’une société » et essayent de trouver et de justifier tous types d’équilibres35.

On retrouve en effet les mêmes arguments dans presque toutes les déclarations publiques de la nouvelle génération d’artistes plastiques reconnus. Le désir de contrarier les attentes conventionnelles par rapport à l’art africain, mêlé au désir d’exister et d’être exposé dans les centres européens est particulièrement fréquent. Encore une fois le CCF-M joue dans ce contexte un rôle décisif. Pour Jorge Dias, « aujourd’hui, les choses ont complètement changé, parce que les centres culturels, tels que le Franco-Mozambicain, ont adopté une politique qui donne la priorité aux expositions d’art contemporain […] Nous avons compris que l’institution doit catalyser la production artistique dans le pays »36. Quand un peintre contemporain acclamé, qui a été aussi professeur et critique d’art à Maputo, révèle de façon ouverte ce type de logique, on constate qu’une analyse purement esthétique ne saurait saisir le sens le plus profond des œuvres actuelles. Précisément parce qu’elle tient compte à la fois des aspects matériels et discursifs, l’idée de « projet », articulée avec des théories du « champ » et des « réseaux », nous permet de mieux comprendre le décalage de la perception et de la production locale37.

Les déclarations de Jorge Dias attirent notre attention aussi bien sur l’insuffisance des espaces de divulgation et de réception que sur les tendances de production que les rares espaces existants contribuent à faire émerger. De plus, elles attestent de plusieurs caractéristiques actuelles de l’art contemporain : la situation de l’œuvre dans l’espace où elle est appelée à être montrée n’est plus une question postérieure à sa réalisation mais un élément à part entière dans le processus de production : le sens de l’objet artistique semble s’être déplacé de l’intérieur de l’œuvre vers sa surface, ou plutôt vers le seuil qui la sépare du monde38. Dias paraît donc synthétiser les idées de médiation et de réseau, ainsi que de projet et de champ (en tant que moteur et facteur de conditionnement de la pratique artistique). Les espaces internationaux qui organisent des expositions artistiques au Mozambique, et le CCF-M en particulier, représentent donc un nouveau défi à relever pour la critique. Au-delà de l’analyse formelle des œuvres, qui mérite que l’on s’y attarde, d’autant plus que la nouveauté dont elles sont porteuses est grande, deux autres types d’examens s’imposent : une analyse esthétique de leur situation dans l’espace, comme l’a préconisée Mammì, et une analyse de leurs implications politiques et idéologiques.

Sans prétendre réduire la pratique artistique à une « mécanique cynique » préconçue ni, dans le sens contraire, au résultat d’une série plus ou moins floue de gestes et d’inspirations (compris comme autant de manifestations d’une subjectivité isolée)39, nous faisons appel aux notions de « champ », de « réseaux » et de « cités par projets » pour analyser la présence francophone au Mozambique. Bien que cette tâche ne soit pas toujours aisée, car elle implique une description moins « célébrante » de l’objet artistique, nous considérons, tout comme Rosier, Dupont et Reuter, que passer de la topographie des lieux culturels au questionnement politique par le biais d’une interrogation sur le rôle des pouvoirs publics et sur la nature du champ artistique constitue une stratégie logique qui donne toute sa dimension éthique au savoir40. Ces trois outils, en ce qu’ils se penchent à la fois sur la situation dans l’espace des œuvres, sur leurs caractéristiques et les divers prismes auxquels elles sont soumises, nous semblent être à même de contribuer à enrichir la discussion sur ce lieu de permanents renouvellements et de nouveautés
– ancrées dans l’Histoire – que constitue l’espace des arts mozambicains.

1 1 Le présent article a été élaboré en lien avec le projet de post-doctorat Imediações, mediações, consagrações : o campo literário moçambicano (

2 Arjun Appadurai, La Modernidad Desbordada. Dimensiones Culturales de la Globalización, Montevideo, Ediciones Trilce S.A, 2001 [1996].

3 Fátima Mendonça, « Literaturas emergentes, identidades e cânone », in Margarida Calafate Ribeiro et Maria Paula Meneses (dirs.), Moçambique - Das

4 Filimone Meigos, « Sobre a produção, disseminação e legitimação da arte : riscos transnacionais e a estruturação do campo artístico moçambicano »

5 Pierre Bourdieu, Les Règles de l’art. Genèse et structure du champ littéraire, Paris, Seuil, 1992.

6 Dans l’ouvrage dirigé par Daphné de Marneffe et Benoît Denis, Les Réseaux littéraires, Bruxelles, CIEL-Le Cri, 2006, voir les articles de Paul

7 Luc Boltanski et Ève Chiapello, Le Nouvel Esprit du capitalisme,Paris, Gallimard, 1999.

8 Jacques Dubois, L’Institution de la littérature, Paris, Labor, 2005, p. 31.

9 Bernard Mouralis, Les Contre-littératures,Paris, Presses Universitaires de France, 1975. Nouvelle édition revue et corrigée avec une préface

10 Voir note 6.

11 Robert Escarpit, Sociologie de la littérature,Paris, Presses Universitaires de France, 1960.

12 Alain Viala, Naissance de l’écrivain, Paris, Minuit, 1985, p. 11.

13 Paul Aron et Benoît Denis, « Réseaux et institution faible », op. cit., p. 15.

14 Helga Nunes, « Trocas bilaterais em constante crescimento », interview avec Christian Daziano, Revista Capital, nº 43, Julho de 2011, p. 26.

15 Ibid., p. 27. Nous traduisons.

16 Cécile Canut, « À la frontière des langues. Figures de la démarcation », Cahier d’études africaines, n° 163-164, 2001, p. 449.

17 Id. Ibid.

18 http://www.ambafrance-mz.org/

19 Antoine Hennion, La Passion musicale. Une sociologie de la médiation, Paris, Métailié, 1993.

20 Sur la notion de médiation chez Hennion, voir Frédéric Claisse, « De quelques avatars de la notion de réseau en sociologie », op. cit., p. 35.

21 Exception faite, naturellement, des excellents travaux d’Alda Costa, d’António Sopa, Filimone Meigos ou José Pimentel Teixeira. Nous renvoyons

22 Lorenzo Mammì, O que resta. Arte e crítica da arte, São Paulo, Companhia das Letras, 2012, p. 27.

23 Ibid., p. 27-28.

24 Voir José Pimentel Teixeira, « Assistindo a alguma “arte contemporânea” », op. cit.

25 Alain Viala, Naissance de l’écrivain, op. cit., p. 184.

26 Voir Daphné de Marneffe et Benoît Denis, Les Réseaux littéraires, op. cit.

27 Sur l’importance du paradigme des réseaux pour ces ruptures, voir Gisèle Sapiro, « Réseaux, institution(s) et champs », op. cit., p. 44-45.

28 Sandra Vieira Jürgens, « Entrevista », interview avec Jorge Dias, ArteCapital, http://www.artecapital.net/entrevista-25-jorge-dias, 20-03-2006.

29 Pascale Casanova, A República Mundial das Letras, Trad. Marina Appenzeller, São Paulo, Estação Liberdade, 2002, p. 17.

30 Alain Viala, Naissance de l’écrivain, op. cit., p. 293.

31 Frederick G. Williams, Poets of Mozambique. A bilingual selection, Provo, Brigham University Studies / Editora da Universidade Eduardo Mondlane /

32 Comme en témoigne ce poème de Felisberto Mulecuane, recueilli et traduit (vers l’anglais) par Valdemiro Jopela : « Va Zavaleni vasika timbila,/

33 José Pimentel Teixeira, « Assistindo a alguma “arte contemporânea” », op. cit. (Nous traduisons)

34 Voir Frédéric Claisse, « La notion de réseau en sciences sociales », http://orbi.ulg.ac.be/bitstream/2268/110493/1/Notion%20de%20reseau%20en%

35 Frédéric Claisse, « De quelques avatars de la notion de réseau en sociologie », op. cit., p. 37.

36 Sandra Vieira Jürgens, « Entrevista », op. cit. (Nous traduisons).

37 Sur l’imbrication des notions de « champ », « réseaux » et « projets » dans les études sociales et artistiques, voir Frédéric Claisse, « La

38 Lorenzo Mammì, O que resta. Arte e crítica da arte, op. cit., p. 55.

39 Paul Aron et Benoît Denis, « Réseaux et institution faible », op. cit., p. 9.

40 Jean-Maurice Rosier, Didier Dupont et Yves Reuter, S’approprier le champ littéraire, op. cit., p. 6.

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1 1 Le présent article a été élaboré en lien avec le projet de post-doctorat Imediações, mediações, consagrações : o campo literário moçambicano (1975-2010), soutenu par la FAPESP et développé à l’Université de São Paulo. Sous la direction de Rita Chaves, ce projet a mis principalement l’accent sur la littérature du Mozambique sans pour autant renoncer à une réflexion sur les autres formes d’art contemporain produites dans le pays. Les résultats de ce projet, dont plusieurs articles et un livre (avec publication prévue pour 2018), ont contribué à la création du groupe « PIELAFRICA – Pactos e impactos do espaço nas literaturas africanas de língua portuguesa », coordonné par Nazir Can et Rita Chaves et certifié par le Conseil National pour le Développement Scientifique et Technologique - CNPq, Brésil.

2 Arjun Appadurai, La Modernidad Desbordada. Dimensiones Culturales de la Globalización, Montevideo, Ediciones Trilce S.A, 2001 [1996].

3 Fátima Mendonça, « Literaturas emergentes, identidades e cânone », in Margarida Calafate Ribeiro et Maria Paula Meneses (dirs.), Moçambique - Das palavras escritas, Porto, Afrontamento, 2008, p. 31.

4 Filimone Meigos, « Sobre a produção, disseminação e legitimação da arte : riscos transnacionais e a estruturação do campo artístico moçambicano », dans Rita Chaves et Tania Macêdo (dirs.), Marcas da diferença, as literaturas africanas de língua portuguesa, São Paulo, Alameda Casa Editorial, 2006, p. 255-266.

5 Pierre Bourdieu, Les Règles de l’art. Genèse et structure du champ littéraire, Paris, Seuil, 1992.

6 Dans l’ouvrage dirigé par Daphné de Marneffe et Benoît Denis, Les Réseaux littéraires, Bruxelles, CIEL-Le Cri, 2006, voir les articles de Paul Aron et Benoît Denis, « Réseaux et institution faible », p. 7-18 ; de Frédéric Claisse, « De quelques avatars de la notion de réseau en sociologie », p. 21-43 ; de Gisèle Sapiro, « Réseaux, institution(s) et champs », p. 44-59.

7 Luc Boltanski et Ève Chiapello, Le Nouvel Esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 1999.

8 Jacques Dubois, L’Institution de la littérature, Paris, Labor, 2005, p. 31.

9 Bernard Mouralis, Les Contre-littératures, Paris, Presses Universitaires de France, 1975. Nouvelle édition revue et corrigée avec une préface inédite de l’auteur et un avant-propos d’Anthony Mangeon, Paris, Hermann, coll. Fictions pensantes, 2011. Pour une systématisation des études sur le « champ littéraire », voir Jean-Maurice Rosier, Didier Dupont et Yves Reuter, S’approprier le champ littéraire. Propositions pour travailler l’institution littéraire en classe de français, Bruxelles, De Boeck Duculot, 2000 ; sur l’idée de système littéraire, voir Antonio Candido, Formação da Literatura Brasileira, Belo Horizonte, Ed. Itatiaia Limitada, 1981.

10 Voir note 6.

11 Robert Escarpit, Sociologie de la littérature, Paris, Presses Universitaires de France, 1960.

12 Alain Viala, Naissance de l’écrivain, Paris, Minuit, 1985, p. 11.

13 Paul Aron et Benoît Denis, « Réseaux et institution faible », op. cit., p. 15.

14 Helga Nunes, « Trocas bilaterais em constante crescimento », interview avec Christian Daziano, Revista Capital, nº 43, Julho de 2011, p. 26.

15 Ibid., p. 27. Nous traduisons.

16 Cécile Canut, « À la frontière des langues. Figures de la démarcation », Cahier d’études africaines, n° 163-164, 2001, p. 449.

17 Id. Ibid.

18 http://www.ambafrance-mz.org/

19 Antoine Hennion, La Passion musicale. Une sociologie de la médiation, Paris, Métailié, 1993.

20 Sur la notion de médiation chez Hennion, voir Frédéric Claisse, « De quelques avatars de la notion de réseau en sociologie », op. cit., p. 35.

21 Exception faite, naturellement, des excellents travaux d’Alda Costa, d’António Sopa, Filimone Meigos ou José Pimentel Teixeira. Nous renvoyons, par exemple, à Alda Costa, « Arte e Artistas em Moçambique : falam diferentes gerações e modernidades », Buala, http://www.buala.org/pt/vou-la-visitar/arte-e-artistas-em-mocambique-falam-diferentes-geracoes-e-modernidades-parte-1, 2012, et à Alda Costa, Arte em Moçambique. Entre a construção da nação e o mundo sem fronteiras, Lisboa, Verbo, 2013 ; ainsi qu’à Antonio Sopa, « Artes Plásticas em Moçambique : Para uma Percepção das Práticas Culturais (1975-1999) », dans Maria Armandina Maia (dir.), Outras Plasticidades, Lisboa, Instituto Camões, 1999, p. 31-48 ; ou encore à José Pimentel Teixeira, « Assistindo a alguma “arte contemporânea” », http://ma-schamba.com/1531505.html, 09-07-2008.

22 Lorenzo Mammì, O que resta. Arte e crítica da arte, São Paulo, Companhia das Letras, 2012, p. 27.

23 Ibid., p. 27-28.

24 Voir José Pimentel Teixeira, « Assistindo a alguma “arte contemporânea” », op. cit.

25 Alain Viala, Naissance de l’écrivain, op. cit., p. 184.

26 Voir Daphné de Marneffe et Benoît Denis, Les Réseaux littéraires, op. cit.

27 Sur l’importance du paradigme des réseaux pour ces ruptures, voir Gisèle Sapiro, « Réseaux, institution(s) et champs », op. cit., p. 44-45.

28 Sandra Vieira Jürgens, « Entrevista », interview avec Jorge Dias, ArteCapital, http://www.artecapital.net/entrevista-25-jorge-dias, 20-03-2006. Nous traduisons.

29 Pascale Casanova, A República Mundial das Letras, Trad. Marina Appenzeller, São Paulo, Estação Liberdade, 2002, p. 17.

30 Alain Viala, Naissance de l’écrivain, op. cit., p. 293.

31 Frederick G. Williams, Poets of Mozambique. A bilingual selection, Provo, Brigham University Studies / Editora da Universidade Eduardo Mondlane / Instituto Camões / Luso-Brazilian Books, 2005, p. 40.

32 Comme en témoigne ce poème de Felisberto Mulecuane, recueilli et traduit (vers l’anglais) par Valdemiro Jopela : « Va Zavaleni vasika timbila,/ Vo pwata inxayis hotsimila./ Hicimahwa vanyantsanzale vo rukva wusakato/ Ngu vava vo mana vaxayisi/ Hi humiside apoio va Zavaleni/ Ya ku vhuna vakwathu Partido khayi hinigi xamulo./ Ina hinga tsaka toneto?/ Timbilu to zumba ticipanda. » « Les gens de Zavalene sont de bons compositeurs, /Ils manquent seulement de soutiens et de mécènes./ Invités à se produire, ils se présentent en haillons./ Et ceux qui ont soutiens et mécènes jouissent de leur art. / Nous soutenons les autres./ Mais le Parti ne dit rien./ Pouvons-nous nous en réjouir ?/ Nos cœurs saignent » (Ibid, p. 52). C’est nous qui traduisons et soulignons.

33 José Pimentel Teixeira, « Assistindo a alguma “arte contemporânea” », op. cit. (Nous traduisons)

34 Voir Frédéric Claisse, « La notion de réseau en sciences sociales », http://orbi.ulg.ac.be/bitstream/2268/110493/1/Notion%20de%20reseau%20en%20sciences%20sociales%20-%20conference.pdf, 2003 et « De quelques avatars de la notion de réseau en sociologie », op. cit. et Gisèle Sapiro, « Réseaux, institution(s) et champs », op. cit.

35 Frédéric Claisse, « De quelques avatars de la notion de réseau en sociologie », op. cit., p. 37.

36 Sandra Vieira Jürgens, « Entrevista », op. cit. (Nous traduisons).

37 Sur l’imbrication des notions de « champ », « réseaux » et « projets » dans les études sociales et artistiques, voir Frédéric Claisse, « La notion de réseau en sciences sociales », http://orbi.ulg.ac.be/bitstream/2268/110493/1/Notion%20de%20reseau%20en%20sciences%20sociales%20-%20conference.pdf, 2003 et « De quelques avatars de la notion de réseau en sociologie », op. cit. et Gisèle Sapiro, « Réseaux, institution(s) et champs », op. cit.

38 Lorenzo Mammì, O que resta. Arte e crítica da arte, op. cit., p. 55.

39 Paul Aron et Benoît Denis, « Réseaux et institution faible », op. cit., p. 9.

40 Jean-Maurice Rosier, Didier Dupont et Yves Reuter, S’approprier le champ littéraire, op. cit., p. 6.

Nazir Ahmed Can

Nazir Ahmed Can est enseignant de littératures africaines de langue portugaise à l’Universidade Federal do Rio de Janeiro. Il a fait ses études en littératures allemande et française à l’Universidade do Porto. Son doctorat, à l’Universitat Autònoma de Barcelona, et son post-doctorat, à l’Universidade de São Paulo, portaient, respectivement, sur l’œuvre de João Paulo Borges Coelho et sur le champ littéraire mozambicain. Il est coéditeur des revues électroniques Mulemba et Diadorim – Revista de estudos linguísticos e literários, de l’Universidade Federal do Rio de Janeiro. Il a écrit Discurso e poder nos romances de João Paulo Borges Coelho (Maputo, Alcance, 2014) et a coédité les volumes collectifs Indicities/ Indices/Indícios. Hybridations problématiques dans les littératures de l’océan Indien (Ille-sur-Têt, Éditions K’A, 2010) et Visitas a João Paulo Borges Coelho. Leituras, diálogos e futuros (Lisboa, Colibri, 2017).Universidade Federal do Rio de Janeiro

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