Le dragon, support de communication médiatisé et intermédialisé

Daisy De Palmas Jauze

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Daisy De Palmas Jauze, « Le dragon, support de communication médiatisé et intermédialisé », Tropics [En ligne], 9 | 2020, mis en ligne le 01 décembre 2020, consulté le 21 novembre 2024. URL : https://tropics.univ-reunion.fr/1705

La figure draconique indo-européenne volante que nous connaissons aujourd’hui – et à laquelle nous limitons cette étude – a été retrouvée et remodelée encore par la littérature populaire moderne. Véhiculée par les contes oraux d’antan qu’on commença à collecter et à transcrire aux XVIIe-XVIIIe siècles, elle fit quelques incursions dans la science-fiction mais elle fut essentiellement accaparée par la Fantasy et ses philtres magiques, deux genres nés à la même période au siècle dernier.

La créature dotée d’ailes n’était cependant jamais vue en vol dans les récits anciens alors que la capacité inhérente de voler prime désormais sur toutes les autres qui constituent l’alchimie draconique (cracher du feu, nager et provoquer des inondations, posséder un trésor, se métamorphoser, ensorceler d’un simple regard, etc.).

Elle fut détournée des schémas classiques des contes anciens où elle n’était qu’un monstre solitaire difficilement approchable et/ou visible dans son antre glauque et obscur, pour évoluer dans le monde des humains en tant que personnage à part entière, à peine thériomorphe tant elle est anthropomorphisée, jouant un rôle d’adjuvant ou d’opposant dans le récit, d’ennemi ou d’ami du héros, quand elle n’incarne pas le héros lui-même, et ce, grâce à l’explosion des romans de Fantasy à dragons à l’approche de l’an 2000, qui mettent en scène des hordes, des familles et des clans organisés, de sorte que le spécimen qu’on croise n’apparaît plus comme le seul survivant d’un univers perdu ou d’un temps moribond, ni comme une erreur magique, ni comme un accident de la nature, ni comme une créature venue d’ailleurs et aberrante parmi les humains.

Au début de notre siècle, le dragon a encore emprunté deux orientations décisives : d’un côté, le gigantesque destructeur se laisse chevaucher par un humain pour combattre avec lui dans les romans de Dragon Fantasy1, de l’autre, paré de couleurs acidulées, il devient lourd, gaffeur et puéril dans les contes modernes illustrés et/ou animés. Dans le même temps, ses représentations modernes vont de la créature animée hyperréaliste, effrayante et gigantesque, aux dessins réducteurs et/ou invraisemblables des livres de coloriage, en passant par les friandises amusantes ou les doudous aux formes grotesques prisés par les très jeunes enfants. On peut légitimement s’interroger sur lien que la créature moderne entretient encore avec le Dragon.

L’emprunt de l’image draconique va beaucoup plus loin que la sphère littéraire. Nous en voyons sur des cartes à jouer, sur des objets courants les plus divers tels les sacs scolaires ou les pièces de vaisselle, mais également en décalcomanies sur les voitures, en bijoux, en tatouages sur la peau. L’homme en ressent-il désormais le besoin de la proximité immédiate ou agit-il par fascination ?

L’Indo-européen et ses avatars (qui empruntent à toutes les civilisations), sont devenus la cible d’une extraordinaire flambée médiatique à la fin du XXe siècle. Au tournant de ce millénaire, en quelques années seulement, les dragons s’affranchirent des pages pour être vus partout, dans les films et leur affiches publicitaires, les dessins animés ou les jeux vidéo et leur jaquette, sur des couvertures d’encyclopédies dans lesquelles ils ne bénéficient que de quelques lignes : des média et des supports médiatiques qui tentent, tous, de mettre à profit leur popularité.

Cet emprunt massif par des média aussi disparates n’annoncerait-il pas la programmation de la fin du Dragon ?

Sa figure est si bien adaptée à notre monde moderne et technologique qu’on en arrive à oublier qu’elle a été façonnée par d’autres modes de vie et de pensée, séculaires et révolus, pour servir de support de communication immédiatement reconnaissable, au service d’anciennes convictions socioculturelles et d’exigences de propagande.

Ceci nous conduit à considérer tout d’abord le dragon en tant que support de communication, puis la part des média dans la propagation de son image. Nous examinerons ensuite comment le dragon fut l’objet de la première intermédialité de l’histoire grâce à l’Église Judéo-chrétienne. Enfin, l’apport du monde moderne et technologique sur sa silhouette et ses symbolismes nous aidera à comprendre son emprunt par la littérature populaire contemporaine, en l’occurrence, la Fantasy.

Le dragon, support de communication

Le dragon est la seule créature à avoir été accaparée par des domaines très divers tout en renforçant ses dynamiques symboliques et mythiques. Un peu avant le premier millénaire, il perdit de son caractère semi-divin pour servir d’intermédiaire entre les hommes, les morts et les dieux, et il prit l’aspect chtonien du monstre qui se dresse en travers de la route des hommes. Peu à peu, il devint un condensé de symboles ambivalents, un pictogramme de tout ce que l’homme refoulait au fond de lui, ses peurs du chaos, ses fantasmes, ses interdits sociétaux et sa bestialité, ce que l’être social ne pouvait plus être, ne devait plus être et qu’il devait combattre. Sa figure complexe s’avérait commode néanmoins pour représenter ce qu’on devait taire, les actes interdits, la monstruosité ou les écrits hermétiques (fig. 4). En faire-valoir, il endossa le côté obscur de l’homme afin que ce dernier puisse œuvrer dans la lumière, et si l’affrontement reste le moyen pour l’homme de se révéler en tant qu’être solaire, il se constitua cependant, entre eux deux, un lien profond de double opposé indispensable à l’équilibre psychologique humain. L’idée d’être un faire-valoir du héros est exploitée aussi bien en littérature qu’en hagiographie, domaine où il suffit de considérer la liste des personnages sanctifiés grâce à un combat héroïque contre un dragon (voir D. de Palmas Jauze, 2012).

Son enveloppe hybride, empruntant aux animaux les plus meurtriers pour l’homme que sont le fauve, le serpent et le rapace (idée développée par D. Jones, 2000), devint un porteur de message des domaines scientifiques et parascientifiques de tous les pays et de toutes les époques : l’alchimie (fig. 4), la médecine ancienne, les sciences occultes, la magie, la sorcellerie et la psychanalyse. Elle fut exploitée sémiotiquement pour sa capacité de produire un sens immédiat à sa simple vue ; le subconscient, déjà sensibilisé par la souffrance causée par les animaux-souches, fait le reste.

On octroya durablement au dragon une supériorité sublimée, enviée et crainte à la fois, du fait de son animalité destructrice indomptable.

Le médium dragon va de pair avec les média anciennement utilisés :

  • Il était de tissu, de bois ou de métal léger, et brandi afin qu’on le voie de loin lorsqu’il avertissait de l’offensive qu’il pouvait générer. Son image servait à fragiliser l’équilibre psychologique de l’adversaire et à décourager les plus résolus. C’est le cas du draconarius, l’étendard porté en tête des légions romaines (une tête de dragon de métal martelé et un long corps de tissu de couleur). La haute proue des drakkars anglo-normands (fig. 1) visible de loin, relevait des mêmes intentions.

  • Porté sur soi ou dans ses armoiries, il conférait sa force aux hommes qui l’arboraient, à l’instar des tatouages aux poignets d’Arthur Pendragon, de la bourguignotte (fig. 3) ou des blasons de maisons et d’états.

  • Les effigies étaient de pierre, avant J.-C., lorsque les peuples faisaient appel à son pouvoir de protection et, suffisamment lourdes pour ne pas être déplacées aisément, à l’instar des runes vikings ou des monuments funéraires. On en trouve ces sculptures à toutes les périodes de confrontation de plusieurs religions et de pouvoirs politiques, périodes qui intègrent les grandes invasions, le morcellement de l’Occident et l’instauration du Christianisme, entre le IIe et le VIIIe siècles. Elles étaient placées en des lieux sensibles de confluence obligatoire qui nécessitaient pour cette raison une vigilance de toute heure : les entrées des villages, les gués sur les fleuves, les voies frontalières et surtout les fontaines et les sources d’eau potable. Près d’elles se rencontraient les monstres les plus effrayants comme la Tarasque de Noves découverte au gué de Bonpas sur la Durance (fig. 2). Ce gardien redoutable au dos écailleux caractéristique de la statuaire zoomorphe de la Gaule juste avant la période chrétienne, possède d’énormes crocs et des griffes plantées dans deux têtes humaines. Il indique clairement au visiteur les moyens extrêmes qu’il met en œuvre pour faire respecter son territoire.

L’image draconique avait la double fonction de repousser l’adversaire et de protéger celui qui l’arborait. Elle demeurait cependant foncièrement positive en dépit de la frayeur qu’elle éveillait.

Si le dragon est un animal de cauchemar, ce cauchemar est parfois nécessaire pour éloigner le mal […] un bon dragon […] utilise sa puissance pour terroriser les méchants, écarter les ennemis, protéger les demeures princières, tombeaux et édifices de culte2.

La part des média dans la propagation de l’image du dragon

Les média désignent tous les moyens qui permettent une large diffusion d’informations ou d’opinions et, leur utilisation – la médiatisation – joue un rôle essentiel dans la publicité et la propagation rapide d’un événement généralement très proche, d’une œuvre ou d’une personne à faire connaître dans l’urgence d’un contexte de marché. Or, le dragon est une donnée atemporelle qui a apposé son empreinte dans la pérennité mythique et une multitude de symbolismes. Il est difficile à présenter rapidement alors qu’on se le représente immédiatement. L’évocation du terme englobe une foule d’images et de symbolismes croisés qui se complètent et s’opposent parfois et la vue d’un dragon renvoie aussitôt à un flux d’émotions et d’impressions très subjectives.

Les média dévoilent alors une perception du médium qu’il est. Le public qui y rajoute immédiatement et inconsciemment ses préconçus créés psychologiquement et socio-culturellement, se charge d’aller découvrir le message qu’il divulgue, le rôle qu’il joue et les spécificités dont on le dote, dans l’événement particulier qu’il intègre.

Manuscrits, statuaire, vitraux, dessins, peintures, sculptures, le dragon a mis à profit tous les supports médiatiques qui l’ont emprunté et, par là-même, popularisé, au cours des siècles. Leurs différents matériaux (papier, vélin, pierre, plâtre, bois, métal, verre, toile) l’ont adapté et les média (journaux, affiches, radio) l’ont enraciné dans le terreau de l’inconscient. Il s’y est lové, y a survécu sans se dissimuler mais en se reconstruisant sans cesse et en peaufinant son image ambigüe. Il a resurgi à notre époque de l’image animée, en phénomène médiatique.

Les iconographies anciennes, fixées au fil du temps, sans cesse renouvelées, complétées et adaptées à chaque contexte socio-culturel, se sont jumelées aux média animés modernes (télévision, cinéma) qui les propagent toutes, sans distinction. Et ainsi, conjointement, tous les supports de communication n’ont cessé de parfaire la figure de cette aberration culturelle ancienne, complexe et exceptionnelle, légitimée par la voix populaire et, de la diffuser à grande échelle, participant au vaste travail de signification archétypale de cette créature mythique.

En passant d’un médium à l’autre, le dragon a été, d’un côté, adapté et réajusté pour correspondre au format, à la technique et au support et, de l’autre, chaque emprunt en a fait l’expression d’une cause et l’a retraduit pour correspondre aux besoins doctrinaux. On progresse alors de la notion de médiatisation à celle de l’intermédialité3, les média et leurs supports s’ajoutant pour diffuser l’œuvre, mais aussi la transformer, la déformer, allant même jusqu’à en détruire l’image initiale.

Première intermédialité de l’histoire : le dragon de l’Église Judéo-chrétienne

Si l’intermédialité est une notion récente, elle convient néanmoins pour exprimer la volonté médiatique qui donna à voir et propulsa la créature durant tout le Moyen Âge. En effet, le terrifiant dragon fut judicieusement accaparé par l’hagiographie et l’Église Judéo-chrétienne qui l’arrachèrent aux rituels païens et légendes antiques, grecques en particulier, qui étaient encore des modèles vivaces. L’Église l’utilisa afin d’enseigner ses dogmes de l’immortalité de l’âme, de résurrection possible et d’accession au paradis après la mort, à une population analphabète. L’entrée des Enfers fut hypostasiée sous la forme de gueule draconique ; elle devint particulièrement concrète dans les miniatures du XVe siècle (fig. 9). Le dragon fut configuré et adapté à des supports variés afin de produire le même écho négatif stéréotypé sur tous les publics, qu’ils fussent lettrés ou ignares, nobles ou paysans, croyants ou non, adultes ou enfants, des campagnes ou des villes.

La voie vers la renaissance commandait de tuer le dragon symbolique pour rétablir l’ordre et reconstruire le monde, mais les populations conditionnées finissaient par l’apercevoir réellement. Les moyens considérables mis en œuvre, financés par l’Église pour adapter sa propagande à chaque milieu, imposèrent son nom aux peurs de l’inconnu, de l’obscurité et de l’obscurantisme et, son image, à la représentation de l’Enfer et du péché (fig. 9 et 10).

Depuis le XIe siècle, avec un pic entre le XIVe et le XVe siècle, le terme « dragon » et son image furent distillés dans les homélies et les écrits, dans les livres d’Heures (fig. 9), dans les sculptures et les peintures (fig. 12), sur les frontons des églises et des cathédrales (fig. 8), des autels, des vitraux (fig. 5), etc. Quelque chose d’imprévu se passa : des images nées de cette période, incrustées durablement dans les statues des saints réitérant les gestes de mise à mort, totems d’un genre nouveau placés dans les lieux sacrés, le dragon obtint un regain d’élan mythique lié à la magie qu’il dégage et au besoin de « protections » proches du fétichisme.

Lors des Rogations, les églises de France processionnèrent leur dragon en relief par les rues des villes : la Tarasque provençale (fig. 6) à Tarascon, le Graouilly à Metz (fig. 7), la Grand’Goule à Poitiers (jusqu’à la Révolution Française de 1789). La population leur jetait des gâteaux, des fleurs et des rubans, applaudissant ainsi la sauroctonie, c’est-à-dire la mise à mort de la bête d’un côté et le héros sanctifié qui les avait délivrés du démon de l’autre. Les dragons processionnés, preuves d’appétits psychologiques profonds, connurent longtemps des élans de mysticisme incontrôlé sur lequel l’Église ferma les yeux jusqu’au XXe siècle (voir D. de Palmas Jauze, 2012).

Cette époque a le double privilège, d’un côté, d’avoir connu une invasion sans précédent, de dragons régionaux de toutes sortes, tels les lindorms, les dracs, les worms ou les wyverns, et de l’autre côté, de les avoir tués et d’avoir fièrement exhibé leur dépouille aux côtés de héros sauroctones4, martyrs sanctifiés et adulés. À cette période, pour bien encadrer les dogmes, éviter les débordements artistiques et supprimer la superstition qui s’y rattachait toujours, l’Église romaine codifia l’image du dragon. Celui-ci devint alors noir ou marron et rapetissa suffisamment (fig. 11) afin que le croyant puisse combattre un adversaire à sa taille et le vaincre, réitérant le geste des évêques et des saints pourfendeurs de dragons (fig. 12).

Les sauroctones devinrent les modèles universels de la lutte du Bien contre le Mal que l’on retrouve dans d’autres cultures, en Iran notamment dans la légende très illustrée où le héros Rustam tue le dragon avec l’aide de son cheval Rakhsh (fig. 13). En Iran au XVIIe siècle, sous le règne des Safavides (et en particulier durant celui du Shah Abbas Ier le Grand), on tua le dragon afin de réunir les peuples du même pays dans un même combat, en Chine au IIIe av. J.-C. l’image draconique orientale si spécifique fut construite et divulguée alors que le pouvoir cherchait à constituer un état unifié en tenant compte de la diversité ethnique du pays. Guan Di imposa une figure du dragon fabriquée à partir des animaux emblématiques de chaque peuplade, comme symbole unificateur de toutes les provinces sous une seule bannière (celle de la dynastie Han) et l’empereur devint le fils du Dragon, son représentant sur terre.

Le langage visuel a été la prééminence afin de toucher le maximum d’une population largement illettrée. Le dragon devint, selon les règles alors admises, l’incarnation de l’Enfer, des supplices et du démon à combattre. Les images étaient terrifiantes et insupportables pour les populations non habituées à en voir et qui en subissaient le pouvoir. Autorisées dans tous les lieux saints, elles gagnèrent en importance pour imposer les dogmes et l’idéal éthique chrétien dans la peur et le martèlement des esprits naïfs. Ainsi détournées par l’Église judéo-chrétienne pour servir son souci de représenter le démon associé à son concept du péché et de Fin du Monde, les images desservirent la cause du dragon et imposèrent durablement le mythe de la créature noire et diabolique qui n’y était pas associé auparavant. Un point positif est que les média, en montrant le dragon, même au travers d’un symbolisme maléfique imposé par l’Église, ont permis de lui faire franchir les âges sans tomber en désuétude ou dans l’oubli, à l’instar d’autres créatures fabuleuses qui sont restées cantonnées aux récits pour enfants ou aux contes.

La figure monstrueuse du prédateur de l’âme s'est superposée à celle plus ancienne qui plaçait le dragon dans la sphère des dieux, sans pour autant l’effacer, de sorte que le subconscient de l’homme est impacté par les grands mythes opposés de la Création et du Chaos.

Dans les deux cas, le mythème dragon (selon le concept de Lévi-Strauss) qui intègre le langage mythique, obéissant aux injonctions de l’Esprit, devient suffisamment vrai pour se dresser devant l’homme coupable et/ou effrayé, en une production de la fonction imageante, un produit de la peur, au point de dépasser le stade de vision individuelle pour devenir une créature réelle et vivante dont l’histoire garde des témoignages de chose certifiée vue.

Au début de l’ère chrétienne, le dragon était une créature réelle car la population en vivait le mythe : en tant qu’élément participant au mythe, il a été un fondement de cette société, permettant sur le plan collectif de rendre compte de la réalité en lui apportant une explication surnaturelle et une référence au sacré.

Les croyances des hommes sont liées à la perception de leur place dans le monde, de leur rapport à l’extérieur et leur équilibre psychique. Le dragon a apporté cet équilibre. En le tuant par héros sauroctone interposé, chacun a pu extérioriser et calmer ses peurs de tous ordres et, en conservant le rite, il a permis de maintenir son équilibre psychologique. Le geste des saints sauroctones a été d’une importance capitale dans l’acceptation de la nouvelle religion.

Mis à part l’image négative de la peur du dragon symbole des croyances païennes opposées au Christianisme, le matraquage médiatique a forcé les artistes à lui concevoir un aspect physique, même s’il était soumis au message à transmettre.

Silhouette imposée durablement grâce aux média

Le dragon indo-européen est le résultat d’une hybridité exceptionnelle. Malgré quelques différences d’aspect d’une région à l’autre, et d’un pays à l’autre, selon l’époque, on peut cependant l’identifier comme étant une même créature parce qu’il possède les mêmes charges émotives, et qu’il répond aux mêmes stimuli et besoins psychologiques des groupes humains qui l’ont dessiné. Sa silhouette reconnaissable s’est imposée au fil des siècles et elle n’a globalement plus changé depuis la fin du Moyen Âge, période durant laquelle les artistes lui attribuèrent ses derniers constituants morphologiques spécifiques.

Dans les peintures des dragons du Liber Floridus de Lambert de Saint Omer dont voici deux extraits de la copie de 1460 de cet ouvrage du XIIe siècle (fig. 15), ils ont des ailes, incapables de les soutenir dans l’air, certes, puisqu’ils sont chtoniens, mais mises en relief contrairement aux iconographies précédentes. En effet, les ailes sont à peine visibles jusqu’au VIIIe siècle environ ainsi que l’indique la plaque de ceinture scytho-sarmate (fig. 14) sur laquelle l’artiste donne à voir un prédateur félin ailé à deux pattes, pourvu de crocs puissants et de griffes, aussi gros que le cheval. Il est doté d’ailes mais qui ne sont que des ornements plaqués. On attribuait volontiers au dragon la morphologie et le gîte des carnassiers qui terrorisaient les populations, en accentuant particulièrement sur les griffes et les crocs meurtriers.

Le nombre de pattes oscilla un moment entre deux et quatre en fonction de l’effet voulu de sa rencontre ou du lieu de gîte : il a deux pattes lorsqu’il vit dans l’eau et bondit sur sa proie ; sa queue est plus forte pour générer des crues des fleuves. Le dragon à quatre pattes se comporte tel un fauve et vit dans les forêts.

En règle générale, il possède un corps écailleux emprunté au serpent, des ailes membraneuses et des crochets alaires de chauve-souris, un long cou reptilien orné d’une crête dorsale épineuse, des pattes musclées terminées par de longs doigts à mi-chemin entre les serres de l’aigle et les griffes de l’ours et du félin, une longue queue parfois encore lancéolée comme dans les iconographies d’autrefois. Sa tête équine arbore deux ou plusieurs cornes et enfin, sa gueule est toujours armée de crocs impressionnants. Et bizarrement, tout ce qu’on lui rajoute ne parvient pas à lui ôter l’appellation « dragon » parce qu’il véhicule une zoomorphie doublée d’une hybridité spécifique immédiatement reconnue.

Cette silhouette particulière s’est concrétisée en grande partie grâce aux progrès technologiques d’animation et aux moyens mis en œuvre pour que l’adaptation filmique renvoie à une créature probable et tangible qui amalgame tous les avatars du grand dragon indo-européen. Elle emprunte également, indéniablement, aux dinosaures qui connaissent également un regain d’intérêt. Mais jusqu’à présent, aucun paléontologue ne peut se vanter d’avoir trouvé le moindre bout d’os de dragon. Sa silhouette relève de créations artistiques perpétuellement corrigées afin de répondre à un besoin de matérialité et de réalisme de plus en plus poussé.

Apport du monde moderne

Les supports anciens ont largement représenté sa morphologie singulière mais il fallut le stade de l’animation pour la développer réellement et faire du vol sa capacité prépondérante, liée aux exigences de notre siècle. Les ailes du dragon moderne se sont immensément agrandies pour le soutenir dans l’air (fig. 16), sa queue gouvernail et son cou se sont équilibrés. Il vole, il s’aventure hors de son territoire de prédilection, il s’approche des hommes, on le voit dans le ciel (fig. 17). Il n’a plus rien de l’image de « la voracité aquatique », « du gigantesque saurien, palmipède et quelquefois ailé », du « nœud où convergent et s’emmêlent l’animalité vermidienne et grouillante, la voracité féroce, le vacarme des eaux et du tonnerre, comme l’aspect gluant, écailleux et ténébreux de "l’eau épaisse" »5. Il jouit d’une force extraordinaire et magique en relation avec les Éléments Eau, Air, Feu, Terre et, aussi, de sombres pouvoirs de sorcellerie supposés repousser les hommes mais qui ne firent qu’en conforter la puissance.

Soustrait du panel des créatures de l’ombre voraces où il était relégué autrefois, il se pare de franches couleurs et agit désormais en pleine lumière dans la littérature populaire où il confère un plaisir esthétique au support qui le représente (fig. 17). On en a toujours une peur viscérale au premier abord, mais on parvient cependant à l’approcher sans que ce soit toujours pour le tuer. On l’écoute parler, par héros interposé. Chaque genre littéraire lui octroie une image emblématique particulière correspondant à un univers spécifique. La Fantasy a vu dans la figure draconique le moyen assuré « de projeter l’imagination dans un contexte propice à la réactivation mythique, […] à la constitution de l’atmosphère rétrograde mythique préconisé par Tolkien, le précurseur et parangon du genre »6.

Les romans de Fantasy mettent en scène des quantités de dragons de toutes les couleurs, de différentes dimensions et dotés de détails morphologiques des plus rocambolesques aux plus monstrueux afin de le faire concorder au mieux au rôle et à l’image qu’on lui réserve dans leurs univers romanesques particuliers. Grâce à la littérature populaire, sa perception a changé. Sa taille, de quelques centimètres à plusieurs mètres, sa profondeur psychologique, son langage, sa réaction à l’homme, différents selon les voies de la Fantasy à dragons, promeuvent une créature plurielle, aux facettes aussi nombreuses que ses écailles. Ainsi, il est une arme de destruction, stéréotypé, prédéterminé au service du mal dans l’univers primitif chaotique de l’Heroic de même que dans la High (l’épique) héritée de Tolkien, à l’instar de Game of Thrones de G.R.R. Martin. Dans l’Arthurienne, le dragon est une créature ancienne, puissante, respectueuse de l’équilibre des forces naturelles. Il possède le savoir pour aider (et souvent sauver) l’homme mais il demeure néanmoins un prédateur et un danger mortel. Dans le dernier-né des sous-genres, la Dragon Fantasy, le dragon n’est plus considéré tel un animal, mais une espèce intelligente, parlante, antérieure aux humains, qui sait parfois lire et écrire et possède un territoire souverain, des droits et une légitimité d’existence. Anthropomorphisé, le double de l’humain s’est détaché de l’ombre de son porteur. En se montrant au grand jour, le formidable hybride qui fut longtemps considéré telle une monstruosité, possède désormais une normalité légitime.

Il est un médium complexe qui peut toucher toutes les sensibilités de tous les âges et de toutes les couches sociales, quel qu’en soit le genre. Le dragon moderne superstar subit une exploitation de son image porteuse à des fins promotionnelles pour toutes sortes de produits qu’on cherche à rentabiliser, qui ne lui apporte cependant personnellement aucune prérogative supplémentaire. Il n’a nul besoin de publicité pour se faire connaître. On le connaît, en effet, depuis la nuit des temps, il a imprimé l’imaginaire en tant que transcription conjuguée des grands prédateurs de l’homme. De ce fait, le dragon hypnotise. On le dote par ailleurs de ce pouvoir dans la légende du dragon de Beaucaire, et Tolkien l’utilise dans le Silmarillion (où Glaurung ensorcelle Túrin) et dans Bilbo le hobbit, où Smaug tente par ce biais de soutirer des informations à Bilbo.

Le dragon demeure un propulseur des rêves qui satisfait le jeune lecteur ou le spectateur dont on oriente le point de vue ; sa puissance destructrice permet d’anéantir l’adversaire mais protège cependant le héros auquel on s’est attaché psychologiquement et émotionnellement. Des barrières et conventions sociales sont alors rompues. On dialogue avec les dieux, on utilise la magie pour avancer, on élimine des adversaires d’un coup de griffe, on vole sans être enfermé dans une machine. On trouve une solution à ses problèmes, on se libère. Le dragon est un symbole intégrateur de l’humain ébranlé, égaré et fragilisé par la société moderne de rupture dans de nombreux domaines.

Le dragon évoque alors l’idée de mixité possible et de partage de la connaissance, d’acceptation et de besoin de la différence, un contexte nouveau où il est intégré par la réception qui correspond à l’évolution de la société urbaine.

De tout temps, le dragon est une traduction allégorique de la peur du changement. En effet, l’histoire démontre qu’il est demeuré latent et qu’il a même su se faire oublier durant les temps de paix, de relatif équilibre politique, économique et social :

Il a resurgi périodiquement depuis l’Antiquité, depuis la période où les tribus nomades se sont rassemblées en chefferies plus stables, à chaque tournant sociopolitique économique et religieux décisif, à chaque changement qui a fait craindre l’homme pour ses acquis, son confort, son mode de vie, ses habitudes et la peur de l’avenir. Chacune de ses réapparitions correspond à une période de changement rapide, de développement important et de centralisation de pouvoirs. Ces éléments socio-politico-culturels qui se répètent dans le temps de façon cyclique, ramènent à chaque fois leur lot d’instabilité7.

Le dragon est toujours un faire-valoir, certes, non plus seulement celui d’un héros solaire, mais celui d’une société en mutation. Celle d’aujourd’hui, qui se caractérise par la nécessité de bouger, d’aller vite chercher ailleurs ce qu’on n’a pas sur place, a imposé au dragon le besoin de voler. Ses ailes caractérisent, en un ajout au récit esthétique et poétique, le symbole de la liberté de mouvement, de l’Ailleurs sublimé vers lequel il peut transporter l’humain élu.

Conclusion

Le dragon a traversé les siècles parce qu’il fut donné à voir, à toucher, à entendre, à lire. On l’interpréta pour l’adapter dans les églises, sur les parvis et lors des processions, dans les textes sacrés et laïques. Il se propagea dans les visions paysannes, dans les récits fabuleux, merveilleux, héroïques et légendaires. L’imagination stimulée fit voir et rencontrer des dragons élaborés de manière quasi hallucinatoire et décrits proportionnellement à la peur vécue, mais il est revenu au niveau humain sans pour autant se réduire à un simple animal sauvage. Le dragon médium multifacette soumis à l’intermédialité ne s’est jamais vidé de ses contenus symbolique et mythique successifs. Son image et ses symbolismes sont indissociables de l’évolution sociétale et des média.

Faire-valoir médiatisé d’un héros, d’une doctrine ou d’un système, intermédialisé, il a permis dans le temps de symboliser des pensées très diverses qui furent inculquées durablement par la force de son image et, grâce à cette mise en avant incessante, son image a gagné en force et en complexité. N’est-il pas aussi l’Ouroboros (fig. 18) qui avale sa queue, recommence une vie, se recréant encore et encore ?

On retient qu’il n’est pas un produit d’une époque particulière tant on le rencontre partout au fil des siècles. Certes, il a été plus médiatisé à certaines périodes qu’à d’autres, mais à chacune de ses réapparitions, il imprègne largement la culture populaire et la vie sociétale. Il demeure le mythe qui efface l’épaisseur du temps en ce sens où sa venue propulse toujours l’humain dans un univers atemporel chaotique de Début ou de Fin du Monde ou encore dans un contexte moyenâgeux de chevalerie revisitée et de forêts denses.

Le dragon ne se réduit pas à la créature contemporaine. Le monde moderne l’a retrouvé et remodelé certes, mais il participe au Mythe qui nous dépasse et nous fédère. La technologie n’a fait qu’en extérioriser des figures latentes, rajoutant des voies d’accès à l’archétype Dragon.

Annexe

Figure 1 : Drakkar viking, enluminure, manuscrit anglo-saxon du Xe siècle

Figure 1 : Drakkar viking, enluminure, manuscrit anglo-saxon du Xe siècle

British Museum, Londres

Figure 2 : La Tarasque de Noves, calcaire III-IIe siècle av. J.-C.

Figure 2 : La Tarasque de Noves, calcaire III-IIe siècle av. J.-C.

Musée Lapidaire, fondation Calvet, Avignon

Figure 3 : Bourguignotte, Talie, XVIe siècle,

Figure 3 : Bourguignotte, Talie, XVIe siècle,

Musée de l’Armée, Paris

Figure 4 : Hermaphrodite couronné, manuscrit alchimique du XVIIe siècle

Figure 4 : Hermaphrodite couronné, manuscrit alchimique du XVIIe siècle

Bibliothèque de l’université de Leyde

Figure 5 : Saint Michel et saint Georges, archétypes de la sauroctonie

Figure 5 : Saint Michel et saint Georges, archétypes de la sauroctonie

Vitraux de l’église de Saigon

Figure 6 : Procession de la Tarasque, carte postale de 1905

Figure 6 : Procession de la Tarasque, carte postale de 1905

Édition Cournand, France

Figure 7 : Procession du dragon au XIVe siècle

Figure 7 : Procession du dragon au XIVe siècle

Manuscrit Vie de saint Clément, biblio de l’Arsenal, Paris

Figure 8 : Saint-Georges terrassant le dragon

Figure 8 : Saint-Georges terrassant le dragon

Tympan de l’église de Lyon

Figure 9 : La bouche des Enfers

Figure 9 : La bouche des Enfers

Livre d’Heures de Catherine de Clèves (v. 1430-60), Utrecht, Pays-Bas

Figure 10 : Lucas de Leyde, « La bouche de l’enfer »

Figure 10 : Lucas de Leyde, « La bouche de l’enfer »

Partie du triptyque du Jugement dernier, 1526-27, Stedelijk Museum de Lakenhal

Figure 11 : Raphaël, Saint Michel contre le dragon, v. 1503-5

Figure 11 : Raphaël, Saint Michel contre le dragon, v. 1503-5

Huile sur panneau, Louvre, Paris

Figure 12 : Crosse avec saint Michel terrassant le dragon, Toul. XIIIe, Nancy, émail champlevé

Figure 12 : Crosse avec saint Michel terrassant le dragon, Toul. XIIIe, Nancy, émail champlevé

Musée lorrain

Figure 13 : Rustam à cheval contre un dragon, aquarelle iranienne, 1640-60

Figure 13 : Rustam à cheval contre un dragon, aquarelle iranienne, 1640-60

British Library, Londres

Figure 14 : Dragon attaquant un cheval. Plaque de ceinture scythe Sarmate en or et turquoise (VIe siècle av J.-C. - Ier après)

Figure 14 : Dragon attaquant un cheval. Plaque de ceinture scythe Sarmate en or et turquoise (VIe siècle av J.-C. - Ier après)

Musée de l’Hermitage St. Petersburg, Russie

Figure 15 : Dragons

Figure 15 : Dragons

Liber Floridus de Lambert de Saint Omer, XIIe siècle

Figure 16 : Dragon survolant un paysage

Figure 16 : Dragon survolant un paysage

Wayne Anderson, XXe siècle

Figure 17 : Envol du dragon

Figure 17 : Envol du dragon

Daisy Jauze, Huile/Papier, 2018

Figure 18 : Ouroboros, jade

Figure 18 : Ouroboros, jade

Musée Jinan, Chine, 2200-1700 av. J.-C.

1 Daisy de Palmas Jauze, spécialiste du dragon de la Fantasy anglo-saxonne, a démontré l’existence d’un sous-genre à part entière de la Fantasy à

2 A. & Ch. Delacampagne, Animaux étranges et fabuleux, Paris : Citadelles Mazenod, 2003, p. 130.

3 L’« intermédialité » est un terme créé en 1997 par le Centre de Recherches Intermédiatiques de l’université de Montréal qui étudie les supports

4 Ce terme, employé à l’origine pour désigner les statues d’Apollon s’apprêtant à tuer un lézard, fut étendu à tous les tueurs de sauriens et de

5 Gilbert Durand, Les structures anthropologiques de l’imaginaire, Paris : Dunod, 1984, p. 105-106.

6 Daisy de Palmas Jauze, Les dragons de la Fantasy : legs du passé et renouveau, Paris : Éditions du Panthéon, 2014, p. 46-47.

7 Daisy de Palmas Jauze, op. cit., p. 10.

BUSCHINGER, Danielle, SPIEWOK, W. (dir.), Le Dragon dans la culture médiévale, Greifswald : Reineke-Verlag, 1994.

JONES, David E., An Instinct for Dragons, New York : Routledge, 2000.

LE QUELLEC, Jean-Loïc, « La naturalisation du dragon en Europe », in Rôle des traditions populaires dans la construction de l’Europe. Saints et dragons, colloque, Mons, 1997, p. 177-212.

LE QUELLEC, Jean-Loïc, Dragons et merveilles, Arles : Éditions Errance, Acte Sud, 2013.

PALMAS JAUZE (de), Daisy, Saints et dragons, la sauroctonie en France du IIe au VIIe siècle, Paris : Éditions du Panthéon, 2012.

PALMAS JAUZE (de), Daisy, Les dragons de la Fantasy, legs du passé et renouveau, Paris : Éditions du Panthéon, 2014.

PALMAS JAUZE (de), Daisy, La Dragon Fantasy, étude structurelle d’un sous-genre de la Fantasy, Paris : Éditions du Panthéon, 2018.

PALMAS JAUZE (de), Daisy, « Du monstre diabolique à l’animal domestique, qu’est-il arrivé au dragon ? », Le Monde 2, 3/08/2018.

PRIVAT, Jean-Marie (dir.), Dans la gueule du dragon, histoire, ethnologie, littérature, Sarregemines : Pierron, 2000.

PRIVAT, Jean-Marie, Dragons. Entre sciences et fictions, Paris : CNRS éditions, 2006.

SADAUNE, Samuel, Le fantastique au Moyen Âge, Rennes : éd. Ouest-France, 2012.

SAINT-GENOIS (de), Jules L., « Origine danoise du dragon qui surmonte le beffroi de Gant », in Le Messager des Sciences Historiques, Archives des Arts et de la Bibliographie de Belgique, 1840, p. 495-514.

TOLKIEN, J.R.R., The Monster and The Critics and other essays, édité par C. Tolkien, London : George Allen & Unwin, 1983.

Conférences de Daisy de Palmas Jauze données à l’université de La Réunion

« Le dragon, une transcription de la peur humaine », 2014.

« L’importance du paratexte, du pré-texte et de l’effet de réel de la Fantasy moderne », 2017.

« Les dragons de l’univers de Tolkien », 2017.

« La Dragon Fantasy », 2018.

« Les dragons de Game of Thrones », 2019.

1 Daisy de Palmas Jauze, spécialiste du dragon de la Fantasy anglo-saxonne, a démontré l’existence d’un sous-genre à part entière de la Fantasy à dragons qu’elle a dénommé la Dragon Fantasy à laquelle elle a consacré un ouvrage, publié en 2018 aux éditions du Panthéon.

2 A. & Ch. Delacampagne, Animaux étranges et fabuleux, Paris : Citadelles Mazenod, 2003, p. 130.

3 L’« intermédialité » est un terme créé en 1997 par le Centre de Recherches Intermédiatiques de l’université de Montréal qui étudie les supports médiatiques et les modes de transmission, les nouvelles technologies de l’information et de la communication, les techniques de diffusion de la culture de masse, les relations qui existent entre les médias et le « recyclage » du contenu et de la forme d’une œuvre. J’ai rajouté le verbe « intermédialiser » correspondant à l’action de reconstitution incessante située en amont du constat du CRI.

4 Ce terme, employé à l’origine pour désigner les statues d’Apollon s’apprêtant à tuer un lézard, fut étendu à tous les tueurs de sauriens et de dragons anciens, les rapprochant ainsi du dieu protéiforme du panthéon grec. Aujourd’hui on emploie « dracoctone » à la place de « sauroctone ».

5 Gilbert Durand, Les structures anthropologiques de l’imaginaire, Paris : Dunod, 1984, p. 105-106.

6 Daisy de Palmas Jauze, Les dragons de la Fantasy : legs du passé et renouveau, Paris : Éditions du Panthéon, 2014, p. 46-47.

7 Daisy de Palmas Jauze, op. cit., p. 10.

Figure 1 : Drakkar viking, enluminure, manuscrit anglo-saxon du Xe siècle

Figure 1 : Drakkar viking, enluminure, manuscrit anglo-saxon du Xe siècle

British Museum, Londres

Figure 2 : La Tarasque de Noves, calcaire III-IIe siècle av. J.-C.

Figure 2 : La Tarasque de Noves, calcaire III-IIe siècle av. J.-C.

Musée Lapidaire, fondation Calvet, Avignon

Figure 3 : Bourguignotte, Talie, XVIe siècle,

Figure 3 : Bourguignotte, Talie, XVIe siècle,

Musée de l’Armée, Paris

Figure 4 : Hermaphrodite couronné, manuscrit alchimique du XVIIe siècle

Figure 4 : Hermaphrodite couronné, manuscrit alchimique du XVIIe siècle

Bibliothèque de l’université de Leyde

Figure 5 : Saint Michel et saint Georges, archétypes de la sauroctonie

Figure 5 : Saint Michel et saint Georges, archétypes de la sauroctonie

Vitraux de l’église de Saigon

Figure 6 : Procession de la Tarasque, carte postale de 1905

Figure 6 : Procession de la Tarasque, carte postale de 1905

Édition Cournand, France

Figure 7 : Procession du dragon au XIVe siècle

Figure 7 : Procession du dragon au XIVe siècle

Manuscrit Vie de saint Clément, biblio de l’Arsenal, Paris

Figure 8 : Saint-Georges terrassant le dragon

Figure 8 : Saint-Georges terrassant le dragon

Tympan de l’église de Lyon

Figure 9 : La bouche des Enfers

Figure 9 : La bouche des Enfers

Livre d’Heures de Catherine de Clèves (v. 1430-60), Utrecht, Pays-Bas

Figure 10 : Lucas de Leyde, « La bouche de l’enfer »

Figure 10 : Lucas de Leyde, « La bouche de l’enfer »

Partie du triptyque du Jugement dernier, 1526-27, Stedelijk Museum de Lakenhal

Figure 11 : Raphaël, Saint Michel contre le dragon, v. 1503-5

Figure 11 : Raphaël, Saint Michel contre le dragon, v. 1503-5

Huile sur panneau, Louvre, Paris

Figure 12 : Crosse avec saint Michel terrassant le dragon, Toul. XIIIe, Nancy, émail champlevé

Figure 12 : Crosse avec saint Michel terrassant le dragon, Toul. XIIIe, Nancy, émail champlevé

Musée lorrain

Figure 13 : Rustam à cheval contre un dragon, aquarelle iranienne, 1640-60

Figure 13 : Rustam à cheval contre un dragon, aquarelle iranienne, 1640-60

British Library, Londres

Figure 14 : Dragon attaquant un cheval. Plaque de ceinture scythe Sarmate en or et turquoise (VIe siècle av J.-C. - Ier après)

Figure 14 : Dragon attaquant un cheval. Plaque de ceinture scythe Sarmate en or et turquoise (VIe siècle av J.-C. - Ier après)

Musée de l’Hermitage St. Petersburg, Russie

Figure 15 : Dragons

Figure 15 : Dragons

Liber Floridus de Lambert de Saint Omer, XIIe siècle

Figure 16 : Dragon survolant un paysage

Figure 16 : Dragon survolant un paysage

Wayne Anderson, XXe siècle

Figure 17 : Envol du dragon

Figure 17 : Envol du dragon

Daisy Jauze, Huile/Papier, 2018

Figure 18 : Ouroboros, jade

Figure 18 : Ouroboros, jade

Musée Jinan, Chine, 2200-1700 av. J.-C.

Daisy De Palmas Jauze

Daisy De Palmas Jauze est Docteure en littérature anglo-saxonne de l’Uni­versité de La Réunion, spécialiste du dragon de la Fantasy contemporaine. En tant que dragonologue, elle étudie la figure de la créature fabuleuse depuis les origines mythiques, son emprunt par différents domaines parascientifiques, religieux, artistiques et littéraires, l’évolution de sa perception, de son rôle et de sa représen­tation à travers les siècles. Elle donne des conférences sur ses questes, à l’instar des dragons de l’univers de J.R.R. Tolkien ou ceux de la série télévisée Game of Thrones ou encore le façonnage du symbole draconique oriental par Guan Di. Elle a publié trois essais sur sa créature de prédilection aux Éditions du Panthéon, dont la Dragon Fantasy (2018, 292 p.), sujet central de sa thèse, version remaniée et agrémentée d’illustrations personnelles. Elle étudie dans cet ouvrage la formalité narrative spéci­fique d’un sous-genre de la Fantasy à dragons contemporaine qu’elle a nommé la « Dragon Fantasy », où un dragon est le héros romanesque ou partage cette place prépondérante avec son dragonnier humain