De la moisson humaine : botanique et perfectibilité dans les Lumières médicales

Rudy Le Menthéour

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Rudy Le Menthéour, « De la moisson humaine : botanique et perfectibilité dans les Lumières médicales », Tropics [En ligne], 1 | 2013, mis en ligne le 01 décembre 2013, consulté le 19 avril 2024. URL : https://tropics.univ-reunion.fr/160

Il est devenu banal de noter que le siècle des Lumières fut aussi celui des projets. Les propositions de réforme et de perfectionnement en tout genre se fondaient sur l’appréhension d’un supposé déclin de la nation, souvent fustigé en termes de dépopulation ou de dégénération physique et morale1. En ce domaine, l’analyse des thèses et l’histoire des idées semblent avoir rejeté dans l’ombre notre attention aux figures de rhétorique qui légitimaient de telles perspectives. La fin du discrédit pluriséculaire pesant sur la métaphore, notamment grâce à la réhabilitation théorique inaugurée par Max Black et parachevée par Hans Blumenberg2, nous permet de porter un regard neuf sur les réseaux métaphoriques, d’apparence anodine, mais servant en réalité à justifier le projet prométhéen d’une manipulation de l’homme par l’homme3. Quitte à simplifier la complexité de ces réseaux, on peut en distinguer deux principaux, le premier reposant sur l’analogie entre l’homme et l’animal et s’inspirant du modèle de l’élevage, le second se fondant sur l’analogie entre l’homme et le végétal, ce qui incite à considérer l’humanité comme l’objet d’une culture. Loin de considérer ces analogies comme des lieux communs figés, nous devons nous attacher à la façon dont les écrivains font vivre ces réseaux métaphoriques, les relient les uns aux autres, ou au contraire les disjoignent, en fonction du dessein rhétorique et de la visée idéologique de chacun. Ainsi, la tradition – vivace et mouvante – des géorgiques4 incite les écrivains qui s’y rattachent à envisager élevage et culture comme relevant d’une seule et même entreprise : l’amélioration de la nature par l’art, autrement dit par la technique. Quiconque entreprend de perfectionner l’homme, ou la nature humaine, doit donc se situer par rapport à cette double analogie, c’est-à-dire l’embrasser entièrement, n’en retenir que certains aspects, ou la rejeter entièrement.

Fiction et interprétation

Bien qu’il ait forgé le terme néologique de « perfectibilité », c’est cette dernière voie que semble suivre Rousseau, si l’on en croit le célèbre paragraphe ouvrant l’Émile (1762) :

Tout est bien, sortant des mains de l’auteur des choses : tout dégénére entre les mains de l’homme. Il force une terre à nourrir les productions d’une autre ; un arbre à porter les fruits d’un autre. Il mêle et confond les climats, les élemens, les saisons. Il mutile son chien, son cheval, son esclave. Il bouleverse tout, il défigure tout : il aime la difformité, les monstres. Il ne veut rien tel que l’a fait la nature, pas même l’homme ; il le faut dresser pour lui comme un cheval de manége ; il le faut contourner à sa mode comme un arbre de son jardin5.

La transplantation, la greffe, la castration, le dressage et la taille sont considérés comme autant d’exemples d’une seule et même entreprise de dénaturation s’appliquant aussi bien au règne végétal qu’aux animaux, et même à l’homme. Et pourtant, Rousseau s’empresse d’ajouter ce correctif, qui justifie l’entreprise éducative et, ultérieurement, le projet politique : « Sans cela, tout iroit plus mal encore, et nôtre espéce ne veut pas être façonnée à demi. »6 L’art de modifier la nature, qu’elle soit végétale, animale ou humaine, n’est ainsi que le parangon de ces « arts » et sciences que Rousseau condamnait moralement, tout en les considérant nécessaires dans la mesure où le retour à l’état de nature était absolument impossible. Au fond, l’analogie végétale joue ici une double fonction, heuristique et narrative. D’un côté, elle élucide l’énigme de l’éducation négative (ne pas éduquer, c’est déjà éduquer) ; de l’autre, elle justifie sa forme narrative (l’Émile sera le récit du développement de l’enfant). Il s’agit pour la « tendre et prévoyante mére », puis pour le gouverneur, de « garantir l’arbrisseau du choc des opinions humaines » et de « forme[r] de bonne heure une enceinte autour de l’ame » de l’enfant7 : c’est grâce à cette condition que l’on pourra cultiver son corps et son esprit sans le déformer. L’analogie végétale permet ainsi d’unir en un seul et même ouvrage une méthode et une fiction : si l’Émile déconcerte parfois le lecteur actuel, c’est qu’il s’agit à la fois d’un art d’éduquer et du récit de la nature humaine.

Quoiqu’il pratique délibérément la confusion des genres, Rousseau persiste à distinguer strictement sens propre et sens figuré : le traité éducatif dérive de plus en plus vers le roman, mais il ne s’apparente jamais à un songe philosophique. Si son ouvrage peut être lu comme les « rêveries d’un visionnaire sur l’éducation »8, c’est uniquement dans la mesure où le lecteur à préjugés oublie que c’est sa propre dépravation qui transforme ce qui « devroit être l’histoire de [notre] espéce » en « un assés beau roman »9. L’analogie végétale fournit un cadre narratif général (nous suivons l’épanouissement progressif de l’enfant), mais sans aboutir à l’écriture allégorique, où interprétation et narration vont toujours de pair. Un autre exemple peut nous aider à mieux distinguer ces deux fonctions : dans L’Homme-plante, le médecin matérialiste La Mettrie, s’en tient encore plus strictement à l’usage heuristique de l’analogie entre l’homme et le végétal :

L’Homme est ici métamorphosé en Plante, mais ne croïez pas que ce soit une fiction dans le goût de celles d’Ovide. La seule Analogie du Règne Végétal, et du Règne Animal, m’a fait découvrir dans l’un, les principales Parties qui se trouvent dans l’autre10.

S’ensuit une comparaison systématique entre la structure des végétaux et l’anatomie humaine, qui fait ressortir similitudes et différences. L’analogie se fonde ici sur l’uniformité des lois naturelles et vise à prouver la validité d’une réinterprétation matérialiste de la chaîne des êtres. Loin d’inspirer le récit d’une métamorphose, l’analogie ne sert ici qu’à exposer un système, c’est-à-dire un réseau de relations préétablies.

Analogie et allégorie

Est-ce qu’à l’inverse, l’usage fictionnel de l’analogie végétale suppose que soit mise de côté sa fonction heuristique ? Un songe philosophique comme Amilec, ou la graine d’hommes, du médecin normand Tiphaigne de La Roche11, semble suivre une voie opposée à celle du libelle matérialiste de La Mettrie, dans la mesure où la fiction y repose sur la confusion volontaire des deux termes de l’analogie : autrement dit, Tiphaigne prend délibérément au pied de la lettre la métaphore végétale. Le narrateur de ce récit s’endort après avoir compulsé une multitude d’ouvrages consacrés à la reproduction. Si sa quête de vérité s’est révélée vaine à l’état de veille, un songe inopiné comble soudain ses vœux : un génie nommé Amilec lui apparaît qui lui dévoile les mystères de la « génération ». Ce « grand-maître de la manufacture des hommes »12 dirige « une troupe de génies »13 chargés de recueillir, de purifier, d’amalgamer, d’emmagasiner et de semer les graines d’hommes non seulement sur terre, mais dans les autres planètes. La description de ces différentes opérations, qui se situent aux confins de l’agriculture et de la chimie, supplante les aspects proprement narratifs du songe : comme l’a remarqué Yves Citton, « l’intrigue minimale n’est qu’une excuse […] pour présenter des mondes imaginaires dans lesquels, fondamentalement, rien ne se passe » et où le narrateur se réduit à la transparence du regard, cette « posture d’impersonnalité » rapprochant le récit de « l’investigation scientifique » plutôt que de « la psychologisation romanesque »14. Les choses, les personnages et les discours se présentent à un narrateur cantonné au rôle de spectateur. Cette dimension épiphanique remet ainsi en cause la dualité fonctionnelle (narration/interprétation) que nous discernions dans ce type de fantaisie analogique. Bien plus qu’une représentation d’actions ou qu’un traité sur la génération, Amilec fait surgir une apparition, le but n’étant plus vraiment de raconter, ni d’expliquer, mais de fasciner.

La question est alors de savoir si cette écriture merveilleuse requiert une lecture allégorique : le lecteur saisi peut-il encore saisir ? Si l’allégorie est bien une « métaphore continuée », comme l’affirme Du Marsais15, la métaphore-source pourrait bien être cette « graine d’hommes » présente dans le titre. Bien qu’une telle expression figurée désigne le même signifié que, par exemple, l’expression « semence humaine », « la graine d’hommes » est une métaphore inusitée d’où peut découler la fiction. Alors que la première est une catachrèse16, qui maintient le lecteur dans un cadre de référence réaliste, la seconde accroît le « transport » de sens caractérisant la métaphore. Cette transposition permet à la fiction de s’épanouir : pour prendre au pied de la lettre une métaphore, encore faut-il au préalable la percevoir comme telle. Dans Amilec, le dispositif allégorique est malgré tout très fragile : l’allégorie de la génération y semble impossible dans la mesure où l’analogie entre végétal et humain repose sur l’idée d’une uniformité des lois naturelles. C’est ainsi du moins qu’Amilec présente les choses :

[C]omme les hommes et les animaux, les plantes naissent, vivent, meurent ; comme eux, elles croissent et multiplient ; tout cela est commun aux uns et aux autres, tout cela doit donc suivre certaines règles générales, dont les variations ne sont pas un objet. Ainsi quand on saura comment s’exécute la génération des plantes, on saura, à peu de choses près, comment s’opère celle des hommes et des animaux. En général les plantes viennent de graine, les hommes et les animaux doivent en venir aussi.

Or, la double lecture propre à l’allégorie suppose que l’écart entre sens propre et sens figuré soit constamment préservé. La relation de similitude est ici menacée par une éventuelle identité de structure, et l’allégorie est pervertie par la confusion toujours possible entre sens propre et sens figuré : après tout, si la graine d’hommes est effectivement une graine comme une autre, a-t-on encore besoin du référent végétal ? À force de justifier la métaphore-source, Tiphaigne prend le risque de transformer sa fiction allégorique en tautologie descriptive, dont l’énoncé ne peut jamais déboucher ni sur une révélation, ni sur une narration : « la graine d’hommes est bien une graine », semble répéter, page après page, le génie prolixe.

Sans doute est-ce pour cette raison que Tiphaigne s’empresse de revivifier l’allégorie en lui donnant un autre objet, moral et non plus physique. Dès les premières pages, le dévoilement des mécanismes de la génération cède en effet la place à la satire sociale, ce qui permet d’échapper à la tautologie descriptive et de réactiver une double lecture : lorsqu’Amilec estime que « la graine des gens de robe est pourvue d’une qualité corrosive extraordinaire »17 ou que le narrateur observe le vent emporter des « graines d’auteurs de romans, de poètes manqués, de dissertateurs frivoles »18, il est évident que l’on a délaissé la controverse scientifique entre les partisans de l’épigénèse et ceux de la préexistence des germes19. Les choses se compliquent cependant lorsque les naturalistes eux-mêmes deviennent les cibles de la satire : dans le rapport sur les mœurs lunaires que Zamar envoie à Amilec, Buffon devient ainsi « Ataman, marchand de physique en gros et en détail »20. Empressons-nous d’ajouter que Tiphaigne n’en a pas fini avec ses tours de malice (d’où provient l’anagramme Amilec, comme on l’a déjà remarqué). C’est vers la fin du songe que l’on quitte momentanément la satire sociale pour revenir à l’histoire naturelle de l’homme : Amilec révèle au songeur sa théorie de la génération qui repose toute entière sur l’hypothèse des « tubules végétables », sortes de cylindres vivants caractérisant à la fois les végétaux et les animaux21. Comment interpréter ce discours au ton sérieux, dénué de toute marque d’ironie, mais situé au sein d’une satire à cible mouvante ? Dans ces conditions, on comprend qu’Amilec ait pu troubler et diviser la critique moderne, qui y a vu tour à tour une apologie du préformationnisme22, un « pot-pourri satirique » ou encore « une fiction à vocation scientifique », qui « reprod[uit] l’évolution des idées sur la génération au cours des dix années précédentes, en tâchant d’en gommer les contradictions »23.

Un objet textuel non identifié : le « tubule végétable »

L’ultime explication physique d’Amilec est un passage crucial, car la lecture qu’on en propose régit l’interprétation, ou plutôt la réinterprétation de tout l’ouvrage. Une première voie consiste à accorder les expressions préformationnistes qui dominent la plus grande part du récit avec la théorie, d’allure épigénétique, des « tubules végétables » : les graines d’hommes ne seraient qu’une façon impropre et imagée de désigner les cylindres élémentaires qui composent le vivant. Autrement dit, le langage de la préexistence des germes n’est justement qu’un langage, et non une théorie scientifique valide. Amilec affirme clairement qu’il ne s’agit que d’une différence de nomination, et qu’à l’usage métaphorique doit succéder l’appellation savante :

Tantôt on a pris ces cylindres pour des rudiments de plantes et d’animaux, tantôt pour des vers, tout récemment on les a pris pour des molécules organiques. Mais au vrai ce ne sont que des tubules végétables, et c’est le seul nom que je leur donnerai dans la suite, soit que nous les considérions dans les plantes, soit que nous les considérions dans les animaux.24

Amilec s’oppose nettement aux préformationnistes, aux partisans des « vers spermatiques » ou animalcules (que nous nommons spermatozoïdes) et à ceux des molécules organiques comme Buffon et Maupertuis25. Sous le masque de son personnage, Tiphaigne ne vise pourtant pas des cibles tous azimuts et de façon indifférenciée, comme on pourrait le croire au premier abord. C’est le second tome de l’Histoire naturelle (1749) qui est surtout visé ici. En effet, Buffon y tire des conclusions générales des observations menées par Needham sur la semence du calmar. Ce dernier avait discerné dans la laite de cette espèce de sèche des « parties organiques » qui « n’étoient autre chose que de petits ressorts faits en spirale […] & renfermez dans une espèce d’étui transparent »26 : selon Buffon, ce « ne sont pas des animaux, mais de simples machines, des espèces de pompes »27. Dans la fièvre de l’extrapolation, il estime même que les prétendus vers spermatiques observés dans la semence des autres animaux ne sont eux aussi que des « espèces de machines naturelles », des « parties qui cherchent à s’organiser », à mi-chemin entre la molécule organique et le corps organisé à proprement parler28. Après tout,

pourquoi le calmar seul n’auroit-il dans sa semence que des machines, tandis que tous les autres animaux auroient des vers spermatiques, de vrais animaux ? l’analogie est ici d’une si grande force, qu’il ne paroît pas possible de s’y refuser.29

Or, n’est-ce pas justement sous l’emprise d’une analogie similaire qu’Amilec échafaude la théorie des « tubules végétables » ? Ces derniers ne sont finalement pas très éloignés des machines naturelles de Buffon.

Une telle proximité peut nous faire hésiter dans l’interprétation de ce passage crucial. Selon une première lecture, que nous avons suivie jusqu’à présent, Tiphaigne aurait bel et bien masqué une thèse qui pourrait faire scandale au sein d’une fiction gouvernée par la très orthodoxe doctrine de la préexistence des germes – présente sous ses deux espèces, l’emboîtement et la dissémination. Cette perspective est encouragée par les pratiques d’écriture de l’époque, la persécution des écrivains les plus frondeurs les forçant à manier avec dextérité la double entente et la double adresse (le versant exotérique étant destiné au public inculte et aux censeurs vétilleux, la face ésotérique étant réservée aux sages sachant lire entre les lignes)30. Les notes sarcastiques de l’auteur insérées dans la quatrième édition (1754)31 ne seraient ainsi qu’un nouvel écran de fumée destiné à voiler le véritable enseignement d’Amilec. Cette lecture est également encouragée par la cinquième édition, parue la même année : bien que les multiples ajouts l’aient rendue indigeste, elle a du moins le mérite de rappeler que l’allure fantaisiste n’est pas incompatible avec des objets fort sérieux comme une « Reforme de l’Education », un éloge de « la subordination » et la proposition de « Reforme d’un Etat »32. Ces trois discours débités par un génie vénusien sont très abruptement insérés au sein de la théorie d’Amilec sur la génération. Le visage de l’auteur perce le masque du personnage et la légèreté du songe philosophique sombre dans la dissertation. Il n’en reste pas moins que par contrecoup, le lecteur est incité à prendre très au sérieux les thèses physiques d’Amilec.

On pourrait objecter que tirer argument de la dernière édition pour juger de l’intention des éditions précédentes, c’est faire peu de cas du droit à l’évolution dont peut se prévaloir tout écrivain. Après tout, il se pourrait bien que Tiphaigne ait fait dévier Amilec de son intention originelle en y insérant in extremis des discours de son cru33. Cette bigarrure volontaire qui donne à la cinquième édition l’allure d’Arlequin rappelle les pratiques des auteurs de libelles si bien décrits par Robert Darnton34. Si nous évitons désormais l’approche rétrospective, une seconde lecture du discours d’Amilec sur la génération devient possible : le « tubule vegétable » ne serait alors qu’une forme parodique des « molécules organiques » et autres « moules intérieurs » de Buffon. Tiphaigne répliquerait ainsi par le sarcasme à la longue justification du naturaliste, qui entendait démontrer qu’une telle supposition est « fondée sur de bonnes analogies » et qu’« elle ne renferme aucune contradiction »35. En se livrant à la malice de l’analogie et en accumulant les énoncés contradictoires et les métaphores illogiques – telle la « moisson des germes humains »36 –, Tiphaigne-Amilec pasticherait le délire intellectuel du grand Buffon-Ataman. Selon cette seconde approche, l’ironie omniprésente d’Amilec n’aurait pas pour fonction de préparer l’édification d’un nouveau système, elle ne jouerait pas de rôle instrumental, mais serait partie intégrante d’une démystification généralisée, dont le directeur du Jardin du Roi serait certes la cible principale.

La bigarrure contre l’esprit de sérieux

Que l’on incline vers l’une ou l’autre interprétation, il semble certain que chez Tiphaigne, le ton ironique et la fiction fantaisiste sont destinés à saper des fictions qui, elles, se prennent au sérieux. Alors que l’ironie voltairienne visait avant tout les fictions métaphysiques, l’ironie fantaisiste de Tiphaigne mine principalement l’esprit de système scientifique. Amilec s’attaque à la science comme discours. Aux yeux de Tiphaigne, les savants ont le fâcheux défaut de prendre pour argent comptant leurs propres analogies et métaphores. Il s’agit donc d’exhiber la dimension discursive de la science pour préserver le public éclairé des délires de l’analogie. L’emboîtement des niveaux narratifs et la bigarrure du propos exagèrent et défigurent la belle rhétorique de l’évidence sur laquelle repose l’efficacité du discours savant. La dérive onirique d’Amilec s’oppose à une mise en scène de la maîtrise scientifique, où l’analogie est cantonnée à son rôle justificateur, comme ici sous la plume d’un autre médecin, Charles-Augustin Vandermonde :

Si le hasard peut faire dégénérer l’espèce humaine, l’art peut aussi la perfectionner. La nature contient toutes sortes de variétés, c’est à nous de les débrouiller du chaos où elles sont, de créer en mettant notre industrie à profit et en combinant avec intelligence les différentes productions de la nature. Avant que l’on eût connu les greffes et les boutures, on aurait été surpris de voir un arbre croître sur un autre arbre d’une espèce différente, et des branches dépourvues de racines et plantées en terre, prendre vigueur et produire un nouvel arbrisseau37.

Vandermonde justifie le perfectionnement de l’espèce humaine par le mélange des races – selon une technique issue de l’élevage – en le comparant avec la greffe des arbres, pratique ennoblie par la coutume, mais aussi par la mention élogieuse qu’en fait Virgile dans ses Géorgiques38. C’est dans le même esprit que Benoît de Maillet – un autre adepte de l’anagramme comme en témoigne le titre de son principal ouvrage, Telliamed (1748) – pose cette question rhétorique : « Ne pourroit-on pas dire, qu’il en est de certaines races d’hommes comme de quelques espèces d’arbres, qu’il faut enter sur d’autres pour les perfectionner ? »39Avec ses troupes d’hommes émergeant des flots et récemment « terrestrisés », de Maillet n’a certainement rien à envier à Tiphaigne du côté de la fantaisie, mais le sourire du lecteur n’absout point le sérieux avec lequel était avancée une telle hypothèse. Contrairement à Tiphaigne, Vandermonde et de Maillet croyaient fermement en leurs fictions et en leurs analogies.

Au fond, la sélection morale des graines d’hommes et la spéculation d’Amilec sur les tubules végétables, bien que diamétralement opposés d’un point de vue discursif, jouent le même rôle idéologique : il s’agit de refuser la sélection, la manipulation ou l’altération physique, au sens propre, des êtres humains. Tiphaigne déjoue le réductionnisme physique suggéré par l’analogie entre homme et végétal en (ab)usant des potentialités discursives et narratives de cette dernière. Avec Amilec, la botanique humaine est arrachée à la terre et plantée à la lune. Rousseau, quant à lui, isolait la botanique de la logique du perfectionnement en la cantonnant à la théologie naturelle, à la classification linnéenne, à la contemplation de la structure des plantes. Pour éviter que sa théorie politique ne soit assimilée aux projets « anthropotechniques » de ses contemporains, il débarrasse l’entreprise de dénaturation politique des images classiques de la dénaturation. Il dépasse la botanique humaine en recourant au paradigme chimique40.

L’interprétation d’ouvrages issus des Lumières médicales au sens large, comme Amilec, Telliamed, ou encore l’Essai de Vandermonde, n’a pas que des enjeux historiographiques limités au XVIIIe siècle français. De nos jours, on néglige trop souvent la dimension discursive de la science. Le culte du « fait brut » n’est que l’ultime avatar d’une rhétorique de l’évidence qu’il s’agit d’analyser comme telle. Une figure intellectuelle mineure, comme Tiphaigne de La Roche, ou majeure, comme Rousseau, ne peut se résumer à un ensemble doctrinal, détaché de tout positionnement rhétorique. La mutilation analytique qui consiste à séparer strictement le « philosophique » ou le « scientifique » du « littéraire » ne peut mener qu’à une lecture partielle et faussée des œuvres et diminue ainsi le sens qu’elles peuvent donner à notre action présente. Ce genre de clivage disciplinaire nous interdit également d’user des armes de Tiphaigne contre les nouveaux semeurs de plantes humaines. Mais les graines de malice n’ont pas tout à fait disparu, et elles se nichent là où on ne les attend point.

1 Sur la prédilection des Lumières pour l’amélioration, voir l’étude – quelque peu descriptive – de Michael E. Winston, From perfectibility to

2 Voir Max Black, Models and metaphors : studies in language and philosophy, Ithaca (New York, USA), Cornell University Press, 1962, notamment ch. III

3 L’importance du rôle justificateur de ce type de réseau métaphorique a été mise en valeur de façon limpide dans le cas des Physiocrates : voir Yves

4 Les Géorgiques inspirant une tradition qui finit par dépasser la seule référence à Virgile, il nous semble que le nom commun s’impose. Sur point

5 Émile, Livre I, in Œuvres complètes, éd. B. Gagnebin et M. Raymond, Paris, Gallimard, 1969, t. IV [OC IV], p. 245.

6 Ibid.

7 Ibid., p. 245-246. Sur la tradition de l’éducation négative, que Rousseau n’invente point, mais qu’il renouvelle et popularise, voir Christophe

8 Ibid., Préface, p. 242.

9 Ibid., Livre V, p. 777.

10 L’Homme-Plante, Préface, in Julien Offray de La Mettrie, Œuvres philosophiques, Paris, Fayard, t. I, p. 283

11 L’œuvre de Charles-François Tiphaigne de La Roche connaît actuellement un fort regain critique, dont témoignent notamment l’excellente édition

12 C’est le titre que lui donne son « lieutenant » Zamar au seuil de son rapport sur les mœurs lunaires : voir Amilec, op. cit., p. 109.

13 Ibid., p. 98.

14 Yves Citton, « Des parties du puzzle au tout de la durée : les fantômes de Tiphaigne de la Roche », in Jean-Paul Sermain et Marc Escola (dir.), La

15 César Chesneau du Marsais, Des tropes ou des diférens sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue, Paris, David, 1757 [1730

16 La catachrèse était classiquement définie comme une « espèce de métaphore qui consiste dans l’abus d’un terme » (Dictionnaire de l’Académie

17 Op. cit., p. 99-100.

18 Ibid., p. 105.

19 Sur ce débat et plus généralement sur le contexte intellectuel dans lequel se situe l’histoire naturelle au siècle des Lumières, voir Jacques Roger

20 Ibid., p. 115. Bien que Philippe Vincent ait raison d’identifier Buffon derrière le masque d’Ataman et de considérer le Coup d’œil sur l’univers et

21 Op. cit., p. 121-131.

22 A l’époque de Tiphaigne fait rage la controverse entre les tenants du préformationnisme, qui estiment que la génération n’est que le développement

23 Voir respectivement Jacques Marx, Tiphaigne de la Roche : Modèles de l'imaginaire au XVIIIe siècle, Bruxelles, Éditions de l’Université de

24 Amilec, op. cit., p. 123. Je souligne.

25 Cf. ibid., note 53, p. 143.

26 George-Louis Leclerc de Buffon et Louis-Jean-Marie Daubenton, Histoire naturelle, générale et particuliére, avec la description du Cabinet du Roy

27 Ibid., p. 225.

28 Ibid., p. 230.

29 Ibid., p. 229. Je souligne.

30 Il s’agit évidemment d’une approche encouragée par le célèbre chapitre « Persecution and the art of writing » de l’ouvrage éponyme de Leo Strauss (

31 Nous suivons la description bibliographique de Philippe Vincent : voir op. cit., p. 71-83. Notons que ce dernier a choisi la quatrième édition

32 Voir Amilec…, 5e éd., p. 55-83.

33 Sans même considérer qu’un éditeur peu scrupuleux aurait pu lui-même insérer ces discours pour débiter une nouvelle version d’un ouvrage jouissant

34 Voir notamment Robert Darnton, Édition et sédition : l’univers de la littérature clandestine au XVIIIe siècle, Paris, Gallimard, 1991.

35 HN II, p. 35.

36 Amilec, éd. Philippe Vincent, p. 98.

37 Charles-Augustin Vandermonde, Essai sur la manière de perfectionner l’espèce humaine, Paris, Vincent, 1756, p. 34. Nous préparons une édition

38 Voir Virgile, Les Géorgiques, 3e éd., trad. Delille, Paris, C. Bleuet, 1770, p. 106 : « […] nec longum tempus, & ingens / Exiit ad cœlum ramis fel

39 Benoît du Maillet, Telliamed ou entretiens d’un philosophe indien avec un missionnaire français sur la diminution de la mer, Paris, Fayard, 1984 [

40 Voir Bruno Bernardi, La Fabrique des concepts, recherches sur l'invention conceptuelle chez Rousseau, Paris, Champion, 2006.

1 Sur la prédilection des Lumières pour l’amélioration, voir l’étude – quelque peu descriptive – de Michael E. Winston, From perfectibility to perversion : meliorism in eighteenth-century France, New-York, Peter Lang, 2005 ; sur l’obsession du déclin, voir l’excellent ouvrage de Sean M. Quinlan, The great nation in decline : sex, modernity and health crises in revolutionary France c. 1750-1850, Burlington (Vermont, USA), Ashgate, 2007.

2 Voir Max Black, Models and metaphors : studies in language and philosophy, Ithaca (New York, USA), Cornell University Press, 1962, notamment ch. III (p. 25-47) et ch. XIII (p. 219-243) ; Paul Ricœur, La métaphore vive, Paris, Seuil, 1975, notamment le commentaire critique des deux chapitres de Max Black précités (respectivement p. 109-116 et p. 302-308) ; Hans Blumenberg, Paradigmes pour une métaphorologie, trad. D. Gammelin, Paris, Vrin, 2006 [1998], et « Perspectives pour une théorie de l'inconceptuabilité », in Naufrage avec spectateur, trad. L. Cassagnau, Paris, L’Arche, 1994 [1979], p. 93 et sq.

3 L’importance du rôle justificateur de ce type de réseau métaphorique a été mise en valeur de façon limpide dans le cas des Physiocrates : voir Yves Citton, Portrait de l’économiste en physiocrate. Critique littéraire de l’économie politique, Paris, L’Harmattan, 2000.

4 Les Géorgiques inspirant une tradition qui finit par dépasser la seule référence à Virgile, il nous semble que le nom commun s’impose. Sur point, nous suivons les pas de Jenny Davidson, Breeding : a partial history of the eighteenth century, New-York, Columbia University Press, 2009.

5 Émile, Livre I, in Œuvres complètes, éd. B. Gagnebin et M. Raymond, Paris, Gallimard, 1969, t. IV [OC IV], p. 245.

6 Ibid.

7 Ibid., p. 245-246. Sur la tradition de l’éducation négative, que Rousseau n’invente point, mais qu’il renouvelle et popularise, voir Christophe Martin, « Éducations négatives ». Fictions d’expérimentation pédagogique au dix-huitième siècle, Paris, Classiques Garnier, 2010.

8 Ibid., Préface, p. 242.

9 Ibid., Livre V, p. 777.

10 L’Homme-Plante, Préface, in Julien Offray de La Mettrie, Œuvres philosophiques, Paris, Fayard, t. I, p. 283

11 L’œuvre de Charles-François Tiphaigne de La Roche connaît actuellement un fort regain critique, dont témoignent notamment l’excellente édition critique d’Amilec, ou la graine d’hommes (éd. Philippe Vincent, Mont-Saint-Aignan, Publications des Universités de Rouen et du Havre, 2012) et les actes du colloque de Grenoble : Yves Citton, Marianne Dubacq et Philippe Vincent (dir.), Imagination scientifique et littérature merveilleuse : Charles Tiphaigne de la Roche, Pessac, Presses Universitaires de Bordeaux, à paraître.

12 C’est le titre que lui donne son « lieutenant » Zamar au seuil de son rapport sur les mœurs lunaires : voir Amilec, op. cit., p. 109.

13 Ibid., p. 98.

14 Yves Citton, « Des parties du puzzle au tout de la durée : les fantômes de Tiphaigne de la Roche », in Jean-Paul Sermain et Marc Escola (dir.), La partie et le tout, Louvain, Peeters, 2010, p. 230-231. La remarque d’Yves Citton s’applique plus largement aux textes philosophiques de Tiphaigne.

15 César Chesneau du Marsais, Des tropes ou des diférens sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue, Paris, David, 1757 [1730], p. 153.

16 La catachrèse était classiquement définie comme une « espèce de métaphore qui consiste dans l’abus d’un terme » (Dictionnaire de l’Académie Française, éd. 1762). A présent, toute connotation négative a disparu et ce terme désigne une métaphore lexicalisée qui comble, en général, une pénurie de termes propres (par exemple, « le pied de la table »).

17 Op. cit., p. 99-100.

18 Ibid., p. 105.

19 Sur ce débat et plus généralement sur le contexte intellectuel dans lequel se situe l’histoire naturelle au siècle des Lumières, voir Jacques Roger, Les Sciences de la vie dans la pensée française du xviiie siècle. La génération des animaux de Descartes à l’Encyclopédie, Paris, Armand Colin, 1963.

20 Ibid., p. 115. Bien que Philippe Vincent ait raison d’identifier Buffon derrière le masque d’Ataman et de considérer le Coup d’œil sur l’univers et tout ce qu’il contient… comme un travestissement de l’Histoire naturelle, il semble que Tiphaigne amalgame plusieurs figures de savants (l’allusion aux monades y fait davantage songer à Maupertuis qu’à Buffon, les natures plastiques se rapportent plutôt à van Helmont, et les « idées innées » ne peuvent certainement pas être attribuées à Buffon, qui se situait dans le sillage de Locke).

21 Op. cit., p. 121-131.

22 A l’époque de Tiphaigne fait rage la controverse entre les tenants du préformationnisme, qui estiment que la génération n’est que le développement d’une structure déjà présente, et ceux de l’épigenèse, selon lesquels l’embryon se forme par conjonction et adjonction de parties organiques éparses. En outre, les préformationnistes sont eux-mêmes divisés entre ovistes (estimant que le germe humain est présent dans l’ovule) et animalculistes (selon lesquels ce germe est situé dans le spermatozoïde), entre partisans de l’emboîtement des germes et tenants de la dissémination. Notons que la position de Buffon est ambivalente : Jacques Roger estime qu’à strictement parler, il s’agit d’un préformationniste dans la mesure où les molécules organiques sont préformées (voir Buffon : un philosophe au Jardin du Roi, Paris, Fayard, 1989, p. 191), mais si l’on s’en tient à son positionnement polémique, il était clairement perçu comme un épigéniste, dans la mesure où il insistait, comme Maupertuis, sur l’auto-organisation de la matière vivante.

23 Voir respectivement Jacques Marx, Tiphaigne de la Roche : Modèles de l'imaginaire au XVIIIe siècle, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1981, p. 44 ; Philippe Vincent, « Charles Tiphaigne et la génération dans Amilec ou la graine d’hommes (1754) », Féeries, n° 6, 2009, p. 114-115 ; Guilhem Armand, « Tiphaigne ou la vocation fantaisiste de la science », in Yves Citton et al. (dir.), Imagination scientifique et littérature merveilleuse…, op. cit.

24 Amilec, op. cit., p. 123. Je souligne.

25 Cf. ibid., note 53, p. 143.

26 George-Louis Leclerc de Buffon et Louis-Jean-Marie Daubenton, Histoire naturelle, générale et particuliére, avec la description du Cabinet du Roy, Paris, Imprimerie Royale, 1749, t. II [HN II], p. 224.

27 Ibid., p. 225.

28 Ibid., p. 230.

29 Ibid., p. 229. Je souligne.

30 Il s’agit évidemment d’une approche encouragée par le célèbre chapitre « Persecution and the art of writing » de l’ouvrage éponyme de Leo Strauss (Persecution and the art of writing, Westport, Connecticut (États-Unis), Greenwood Press, 1973 [1952], p. 22‑37).

31 Nous suivons la description bibliographique de Philippe Vincent : voir op. cit., p. 71-83. Notons que ce dernier a choisi la quatrième édition comme texte de référence.

32 Voir Amilec…, 5e éd., p. 55-83.

33 Sans même considérer qu’un éditeur peu scrupuleux aurait pu lui-même insérer ces discours pour débiter une nouvelle version d’un ouvrage jouissant d’un certain succès. La critique universitaire oublie trop souvent que l’écrivain du XVIIIe siècle n’avait pas toujours une maîtrise de ses textes comparable aux pratiques actuelles. L’absence de documents nous contraint hélas à la prudence.

34 Voir notamment Robert Darnton, Édition et sédition : l’univers de la littérature clandestine au XVIIIe siècle, Paris, Gallimard, 1991.

35 HN II, p. 35.

36 Amilec, éd. Philippe Vincent, p. 98.

37 Charles-Augustin Vandermonde, Essai sur la manière de perfectionner l’espèce humaine, Paris, Vincent, 1756, p. 34. Nous préparons une édition critique de ce texte pour Classiques Garnier (à paraître en 2014).

38 Voir Virgile, Les Géorgiques, 3e éd., trad. Delille, Paris, C. Bleuet, 1770, p. 106 : « […] nec longum tempus, & ingens / Exiit ad cœlum ramis felicibus arbos, / Miratur novas frondes, & non sua poma. » De façon significative, l’abbé Delille traduit ainsi ce passage : « Bientôt ce tronc s’eleve en arbre vigoureux, / Et se couvrant des fruits d’une race étrangere, / Admire ces enfans dont il n’est pas le pere. » L’analogie finale est inventée par Delille : si les Géorgiques inspirent le « perfectionnisme » des Lumières, c’est aussi que les Lumières éclairent d’un jour particulier l’œuvre de Virgile…

39 Benoît du Maillet, Telliamed ou entretiens d’un philosophe indien avec un missionnaire français sur la diminution de la mer, Paris, Fayard, 1984 [1748], p. 295.

40 Voir Bruno Bernardi, La Fabrique des concepts, recherches sur l'invention conceptuelle chez Rousseau, Paris, Champion, 2006.

Rudy Le Menthéour

Bryn Mawr College, USA
Agrégé de Lettres modernes et ancien élève de l’ENS (rue d’Ulm), enseigne la littérature française et l’histoire de la médecine à Bryn Mawr College (États-Unis). Il est l’auteur de La manufacture de maladies : la dissidence hygiénique de Rousseau (Classiques Garnier, 2012), d’une anthologie intitulée Baroque et classicisme (Flammarion, 2003), ainsi que d’articles consacrés à Jean-Jacques Rousseau, à l’histoire naturelle et à la médecine du dix-huitième siècle. Ses recherches actuelles portent sur l’hygiène des Lumières, sur les prémices de l’eugénisme moderne, et notamment sur la figure de l’hygiéniste Charles-Augustin Vandermonde