Sympathie(s) et fiction dans l’œuvre de Charles Tiphaigne

Philippe Vincent

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Philippe Vincent, « Sympathie(s) et fiction dans l’œuvre de Charles Tiphaigne », Tropics [En ligne], 1 | 2013, mis en ligne le 01 décembre 2013, consulté le 21 novembre 2024. URL : https://tropics.univ-reunion.fr/176

Le premier ouvrage fictionnel publié par Charles Tiphaigne en 1749, L’Amour dévoilé ou Le Système des sympathistes1, est consacré à la sympathie dans son acception médicale. Tiphaigne y développe et illustre un point de vue déjà exposé dans sa thèse de médecine2 rédigée en vue de l’obtention du baccalauréat en 1747. Mais quel besoin avait-il de redire ce qu’il avait déjà présenté sous une autre forme deux années plus tôt ? Pourquoi alors un recours à la fiction ? Pourquoi également ce glissement de genre, doublé d’un glissement sémantique, de la matière transpirante à la matière sympathique ? D’ailleurs, à quoi renvoie au juste le terme sympathie en cette première moitié du XVIIIe siècle ? S’interroger sur la place de la sympathie – ou des sympathies – dans l’œuvre du médecin normand, et la part de fictionnalisation inscrite dans cette théorie, c’est interroger la cohérence d’une œuvre3 et l’ensemble des sources littéraires et scientifiques auxquelles elle puise4, et partant les fondements de cette République des lettres peuplée d’écrivains et de savants qui ont en partage un même imaginaire.

De quoi la sympathie est-elle le nom ?

En cette première moitié du XVIIIe siècle, Charles Tolomas5 nous livre une synthèse révélatrice à la fois de ce qu’est la sympathie et de la façon dont elle est considérée, dans sa première dissertation présentée devant ses collègues de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon le 24 septembre 17406. Il constate que tout le monde parle de sympathie : des esprits les plus superficiels aux philosophes qui se piquent de profondeur, des conversations frivoles aux discussions les plus sérieuses. Et il ne faut pas en être surpris, prévient-il, car c’est, comme le remarque Scaliger, un asile à notre ignorance7. Dès lors, il est bien naturel qu’une telle ressource soit souvent mise en œuvre. « Mais quelle est donc la nature de cette sympathie ? La question est courte et précise. La réponse entrainera bien des longueurs »8. Pour justifier le choix d’un sujet présenté comme rebattu, Charles Tolomas s’emploie à défendre que la vérité ne doit pas moins à celui qui la répand, qu’à celui qui le premier en fait la découverte. Pour lui, l’un a travaillé plus heureusement pour sa gloire et l’autre plus solidement pour le public. Par ailleurs, il rejette l’hypothèse de systèmes scientifiques et philosophiques établis tabula rasa de ceux qui les ont précédés, et affirme la nécessité de suivre les routes battues pour réussir à en frayer de nouvelles, la nécessité d’étudier et approfondir l’ancien système pour en composer de nouveaux, l’un étant le germe des autres. Pour preuve, il invoque l’autorité de Pierre Sylvain Régis (1632-1707) qui ne trouvait dans Descartes et dans Gassendi que le développement de la doctrine des Anciens. Et de préciser que des physiciens plus récents n’ont pas réussi à dénaturer leurs prétendues découvertes au point que nous ne puissions en trouver les traces bien marquées dans des ouvrages des siècles précédents.

Après avoir évoqué le magnétisme de la pierre d’Hercule ou aimant, le chevalier Digby et sa poudre de sympathie qui guérit à distance, l’encre sympathique, la terre sigillée des Anciens, Aldrovandi et les vertus sympathiques singulières que ce dernier attribue à tout minéral, végétal ou animal, le révérend père jésuite prend soin de préciser que « nous verrons bientôt qu’au lieu de s’épuiser à trouver des explications de la plupart des faits merveilleux qu’on raconte au sujet de la sympathie et de l’antipathie, le parti le plus sensé est de s’inscrire en faux sur les faits mêmes »9. L’affaire semble entendue, en cette première moitié du XVIIIe siècle, la sympathie serait définitivement hors la science. Elle participerait d’un imaginaire merveilleux et se résumerait à n’être qu’une fiction. Cependant Charles Tolomas continue sa dissertation en ajoutant que la défiance doit avoir ses bornes. Il demande qui pourrait refuser d’ajouter foi à ce qu’on dit du pouvoir qu’exercent sur les hommes la sympathie et l’antipathie. Et de citer, après avoir critiqué les sympathies et les antipathies nationales selon lui dépourvues de fondements physiques et relevant seulement de l’ordre moral, les sympathies et les antipathies personnelles dont il est certes difficile de remonter à la cause mais dont il est encore plus difficile de ne pas éprouver les effets10. « Et après tout l’existence de la chose la plus incroyable est toujours bien prouvée quand la preuve s’en trouve dans le sentiment. Or il n’est rien de plus ordinaire que celui dont il est question ici. Deux personnes se voient pour la première fois. Elles ne feront même que s’entrevoir : ce coup d’œil comme échappé au hasard décidera des dispositions de leur cœur l’une à l’égard de l’autre »11. Le professeur de rhétorique rappelle que tout le monde sait comment le grand Corneille s’est exprimé sur les sympathies, ne les expliquant que par le je ne sais quoi qu’on ne peut expliquer12, et ajoute qu’un aveu de cette espèce coûterait trop à des philosophes. Ainsi, pour expliquer ces phénomènes, certains ont eu recours aux influences des astres, d’autres encore plus nombreux à des qualités occultes, les partisans de Newton à l’attraction. Après ce tour d’horizon des explications de la sympathie se donnant comme philosophico-scientifiques, Charles Tolomas se livre à un éloge critique du chevalier Digby car ce dernier a étudié avec succès la bonne physique, a établi des principes vrais mais a eu le tort de pousser trop loin ses conséquences et a abusé de la crédulité de ses lecteurs par les récits multipliés d’une foule d’expériences incroyables et démontrées fausses.

Grâce à ce rapide survol, il s’impose avec force que la question de la sympathie est irriguée par de multiples sources tant littéraires que scientifiques et se situe au cœur même des grandes interrogations du XVIIIe siècle. Comme le remarque avec justesse Marc André Bernier dans son introduction aux Lettres sur la sympathie (1798) de Sophie de Grouchy, « les discours sur la sympathie se situent au cœur des préoccupations d’une époque qui s’interroge aussi bien sur les fondements de la sociabilité que sur les sources du Moi, en présumant chaque fois un jeu complexe d’influences et de déterminations entre le corps et l’esprit, la raison et la sensibilité. » La sympathie est une notion trouble, troublée et troublante, à la fois évidente et insaisissable. Cette « ambiguïté de la notion elle-même, que son histoire sémantique inscrit aux confins de la médecine et de la psychologie, de la philosophie morale et de la science politique, de l’imaginaire amoureux, voire érotique, et de la théorie esthétique »13 rend toute synthèse difficile, d’autant plus que l’histoire sémantique du mot est marquée à travers les siècles, de l’antiquité grecque aux Lumières, par la discontinuité, des sauts et des failles, comme l’a bien montré Jürgen Richter14, des métamorphoses serait-on tenté de dire.

Visions médicales de la sympathie, vibrations nerveuses et chasse à l’âme

Pour mieux saisir la notion de sympathie, il faut se référer à sa définition médicale car cette dernière bénéficie, au-delà de multiples variations singulières, d’une remarquable continuité dans ses principes généraux, comme l’a montré avec précision Roberto Poma dans ce qui est à ce jour la meilleure synthèse sur le sujet, son ouvrage de référence15. « La définition médicale de la sympathie a été systématisée pour la première fois par Galien au IIe siècle de notre ère. Il s’agit de la seule interprétation du mot sympathie qui n’a jamais été disputée ou discréditée »16. Aujourd’hui encore les médecins parlent de systèmes nerveux sympathique et parasympathique qui correspondent au système neuro-végétatif, aussi appelé système nerveux autonome. Ses organes effecteurs sont les muscles viscéraux (dont le cœur) et les glandes (sudoripares incluses). La contraction des muscles viscéraux et la sécrétion des glandes sont automatiques. Le système nerveux végétatif n’intervient que pour en modifier le rythme et l’étendue en fonction des besoins de l’organisme. Les systèmes sympathique et parasympathique innervent tous deux la plupart des organes. Pour simplifier, le système nerveux sympathique tend le plus souvent à préparer l’organisme à l’action (activité accrue du cœur, augmentation de la glycémie, intensification du métabolisme, irrigation sanguine orientée vers les muscles aux dépens de la peau, apport d’oxygène facilité par la dilatation des bronches, travail digestif ralenti). Le système nerveux parasympathique inverse ces effets. La sympathie désigne en médecine le rapport entre l’activité de plusieurs organes plus ou moins éloignés les uns des autres par l’intermédiaire du système nerveux. « [L]es phénomènes qui se produisent en vertu de ce rapport sont dits phénomènes sympathiques. La majorité des phénomènes autrefois qualifiés de sympathiques entrent aujourd’hui dans la catégorie des actes réflexes »17. Comme le précise justement Roberto Poma, toutes les autres interprétations possibles de la sympathie seront stigmatisées à un moment ou à un autre, du XVIe siècle jusqu’au XVIIIe siècle, ce qu’illustre bien la dissertation de Charles Tolomas.

Charles Tiphaigne traite de la sympathie en 1747 dans sa première thèse de médecine intitulée Pour savoir si l’explication de la sympathie et de l’antipathie doit être cherchée dans la matière transpirante (Bac., 1). Il y annonce d’une certaine façon L’Amour dévoilé ou Le Système des sympathistes, lorsqu’il précise que toutes les idées exposées par les philosophes au fil des siècles passés – citant platoniciens, péripatéticiens et cartésiens – il les développera, si on le demande, mais que si on les défend, il les réfutera. Il affirme être d’avis que l’amour naît de l’action sur les organes de la matière transpirante18. Pour cela, il s’appuie sur les expériences du célèbre médecin de Padoue, Santorio de Santori (1561-1636), auxquelles ce dernier a consacré son Art de statica medicina en 1634, texte dans lequel il démontre l’existence d’une matière transpirante que Tiphaigne définit comme « une matière qui s’exhale continuellement de nous » (Sym., 50). Ce terme strictement médical est le seul utilisé dans la thèse de médecine. Dans l’Amour dévoilé, il disparaît progressivement au profit de celui de matière sympathique qui pourtant « n’est autre chose que la matière transpirante » (Sym., 55). Le glissement de genre, d’une thèse universitaire à un ouvrage littéraire, s’accompagne d’un glissement sémantique qui ne relève pas de l’anecdotique. La première explication, l’auteur la fournit en précisant que les médecins se servirent de la matière transpirante pour expliquer nombre de maladies, épuisements, faiblesses et jusqu’à la mort même par « une transpiration plus ou moins abondante » (Sym., 54), alors que les sympathistes ont pris cette matière une fois exhalée et répandue au-dehors, là où les médecins avaient cessé de s’en préoccuper. La seconde explication, rendue nécessaire par l’insuffisance de la première qui justifie l’adjectif sympathique par le nom sympathistes sans pour autant en mentionner l’origine ni en fonder le sens, est le basculement qui s’opère d’une vision médicale voulant se définir strictement comme une science du vivant à une vision médicale élargie à une dimension plus largement philosophique qui réinscrit le terme dans un vaste réseau d’analogies et de correspondances que justifie cette remarque à la fois élémentaire et fondamentale de Jacques Proust : « La médecine après tout est un art, et non pas une science »19. Le choix de développer et d’illustrer dans un ouvrage littéraire ce qu’il avait déjà présenté deux ans plus tôt sous forme universitaire traduit sans doute aussi un désir non encore assouvi et humainement compréhensible de basculement de l’ordre de la connaissance alimentée par la curiosité – medicinalia – à l’ordre de la reconnaissance, tant par les pairs que par le public, alimentée par la vanité – moralia – qui constituent, pour reprendre l’expression de Patrick Dandrey, « la double ascendance de la "Sympathie" »20.

Pour autant, les thèses de médecine de Charles Tiphaigne sont bien loin d’avoir livré tous leurs mystères. Il y précise qu’autour des années de puberté, grâce à l’afflux neuf de semence dans la masse sanguine, les particules de matière transpirante solides acquièrent de la force, celles liquides prennent une nouvelle fluidité. La transformation du corps est si grande que s’installe donc entre la matière transpirante des enfants et celle des adultes la plus grande différence21. Cette précision troublante déroute le lecteur moderne qui ne peut s’empêcher de penser à la distinction entre les glandes dites sudoripares eccrines, situées sur tout le corps à l’exception des parties génitales, qui sécrètent la sueur permettant la thermorégulation par la transpiration, et les glandes sudoripares apocrines, qui ne sont actives qu’à partir de la puberté, ne participent que peu à la thermorégulation et sécrètent des phéromones dont le rôle primordial dans la biochimie amoureuse humaine est tout sauf à exclure. Mais notre médecin normand va plus loin et associe cette matière transpirante à tous les sens. N’importe quel être humain entouré de cette matière transpirante s’exclame, chante ou parle. L’air mis en mouvement par ces particules doit communiquer ce mouvement, et ainsi, en même temps que l’air, la matière transpirante agit sur les oreilles de celui qui écoute. De la même manière, poursuit Tiphaigne, il est clair, pour examiner la chose, qu’elle frappe la membrane pituitaire, pour l’odorat ; la langue pour le goût ; la peau pour le toucher et l’œil pour la vue22.

Dans sa thèse de licence consacrée à la mystérieuse et inouïe fibrae patienti, ainsi qu’au mécanisme des affections de l’esprit et de leur usage (Lic., 1), il semble emprunter à la théorie pythagoricienne l’idée selon laquelle l’âme est une harmonie du corps de la même manière que l’harmonie d’une lyre résulte d’un certain rapport entre la longueur des cordes. Mais le propos est plus subtil et puise à d’autres sources. Tiphaigne utilise les unissons pour expliquer le fonctionnement du système nerveux et pour cela, il utilise la métaphore des instruments à cordes. Dans l’instrument à cordes, comme l’a bien montré Luc Breton, « tout fonctionne selon le schéma périchorétique », la périchorèse s’exerçant à partir de Dieu et aboutissant à Lui. « Une corde vibrante manifeste la perfection des êtres et assure une représentation cosmologique très remarquable » comme le confirme le psaume XLVIII23. « En jouant d’un instrument, le musicien va donc, […] d’une manière déficiente par rapport au modèle, selon les termes de l’analogia entis, reproduire la périchorèse trinitaire, et la modalité en sera d’amour »24. Si la métaphore est filée jusqu’à ses dernières conséquences, la vision du système nerveux développée par Tiphaigne porterait en elle-même la nécessité de l’existence de l’âme au même titre que la périchorèse implique l’existence de Dieu. Cette ambition, voire prétention, à se lancer dans une grande entreprise, le bachelier en médecine en plaisante et note que nombre d’hommes célèbres par leur savoir ayant entrepris cet ouvrage sont tombés après avoir échoué malheureusement. Mais, précise-t-il aussitôt, l’exemple de ces hommes, bien loin de le briser, excite l’esprit. Il demande à son lecteur si se perdre dans ce labyrinthe sera une honte, là où tant d’hommes illustres se sont perdus25. Et, en effet, sa thèse ne manque pas de hardiesse. Après avoir critiqué Jean Astruc – pourtant celui qui sans difficulté y a travaillé avec le plus de succès (Lic., 4) – et son explication du fonctionnement du système nerveux, Charles Tiphaigne recourt, comme nous l’avons évoqué, à la métaphore musicale. Il affirme que ce qui se dit au sujet des cordes des lyres, peut se dire au sujet des extrémités des nerfs26. Les sympathies seraient entre elles comme les unissons, ou plutôt comme les vibrations des nerfs occasionnées par les unissons (Lic., 4). Que les fibres nerveuses soient ébranlées, elles donnent le mouvement aux esprits dont elles sont entourées et les esprits mis en branle atteignent la fibram patientem.

Mais qu’est au juste cette mystérieuse fibre qui souffre – ou qui subit ? Notre ingénieux auteur demande d’imaginer une petite chambre où une symphonie se fasse entendre : l’esprit animal est dans le cerveau ce que l’air est dans la pièce. Les fibres présentant les idées à l’âme et agitant les esprits qu’elles rencontrent sont comparables aux instruments de musique produisant un son et frappant l’air. La fibra patiens est pour les mouvements des esprits ce que l’oreille est pour les vibrations de l’air. Enfin, comme l’action de l’air sur les oreilles apporte à l’esprit les idées consonantes et dissonantes des sons, de même l’action des esprits sur la fibram patientem inflige à l’âme des mouvements soit bien soit mal venus que nous appelons affections27. La fibra patiens serait donc une partie physique, matérielle du cerveau servant d’interface avec l’âme. Mais elle n’est pas à Tiphaigne ce que la glande pinéale est à Descartes, puisque notre téméraire licencié en médecine n’évoquera plus cette mystérieuse fibre dans ces écrits ultérieurs, notamment les Bigarrures philosophiques28. Enfin, il n’est pas inutile de noter l’absence de matière transpirante ou sympathique dans l’action de l’air sur les oreilles en vue d’apporter à l’esprit les idées consonantes et dissonantes des sons, contrairement à ce qu’affirmait notre sympathiste auteur dans sa thèse de baccalauréat. Il achève sa thèse de licence en précisant que sur ce sujet qui réclame de plus amples développements, il développera davantage29. Ceci est sans doute l’annonce de sa thèse de doctorat qu’il soutiendra l’année suivante, en janvier 1749, mais dont nous n’avons pas encore retrouvé la trace, ni même le titre. Notons encore que dans l’Amour dévoilé, il s’interroge sur ce qu’on appelle esprit animal, sa réalité, son action sur le cerveau ; il se demande s’il forme des traces dans le cerveau ou s’il ne fait qu’y ébranler des fibres ; et finit par conclure que ces questions sont indissolubles et que leurs réponses resteront à jamais dans l’obscurité pour l’esprit humain (Sym., 97-98).

Au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles, comme l’a bien montré Alain Mothu, le discours scientifique sur l’anatomo-physiologie du cerveau et du système nerveux est annexé par un débat sur la nature de l’âme qui, après avoir été longtemps centré sur la question de son immortalité, a pris une inflexion nettement ontologique30. L’enjeu principal n’est pas scientifique mais métaphysico-religieux. Dans ce cadre, il s’agit pour le médecin montebourgeois de combattre un matérialisme qui se livre de fait à une chasse à l’âme, au sens où il repousserait l’âme hors de la science et ne lui attribuerait que le statut de fiction ou de merveille issue de l’imagination humaine. Par conséquent, au XVIIIe siècle où la scala naturae connaît sa plus grande diffusion, car « les sciences naturelles s’appui[ent] sur l’idée de la grande échelle des êtres pour entreprendre une œuvre gigantesque de description et de classification du monde vivant »31, il faut une argumentation beaucoup plus fine et plus délicate que celle, radicale, de Descartes « fondée sur la certitude qu’il existe dans l’univers deux éléments fondamentaux qui ne peuvent se confondre : la matière (ou étendue, res extensa) et l’esprit (res cogitans). Appliquée aux êtres vivants, cette théorie sépare complètement le corps de l’âme identifiée avec l’esprit »32. C’est donc une chasse à l’âme bien différente que doivent mener ceux qui ne souhaitent pas se résigner au matérialisme, une chasse à l’âme au sens de quête de l’âme : trouver les voies mystérieuses par lesquelles le corps communique avec l’âme, et ainsi prouver l’existence d’une âme immortelle.

Une histoire de la médecine chimique déguisée en fiction ?

Ce débat sur l’âme et son immatérialité, Charles Tiphaigne y prend toute sa part dans les Bigarrures philosophiques publiées en 1759, principalement par l’Essai sur la nature de l’âme (Big., I, 117-244 et Big., II, 209-294). Mais ce qui doit ici retenir l’attention, c’est une nouvelle variation sur le thème de la sympathie qui se trouve contenue dans les Visions d’Ibraïm (Big., I, 1-114). Après nous avoir fait sympathiser par le truchement de la matière transpirante, après avoir introduit la fibram patientem, et une sympathie par les vibrations nerveuses occasionnées par les unissons mais dépourvue de matière transpirante, Tiphaigne livre une nouvelle explication du fonctionnement du système nerveux par lequel le sentiment ou la réflexion dépend, sans en être le résultat, du jeu du liquide animal (Big., I, 6), et dans lequel il semblerait que le liquide animal se mette à l’unisson des corps qui frappent les sens (Big., I, 8), mais sans plus évoquer la fibram patientem. La métaphore musicale est de nouveau convoquée sans pour autant s’appliquer aux mêmes éléments du système nerveux. Ibraïm, philosophe arabe qui a étudié sous le célèbre Saïouph dont le talent était d’enhardir les esprits, continue sa démonstration en évoquant l’influence de la Lune remise en crédit, ce qui réintroduit la sympathie dans un vaste réseau d’analogies et de correspondances qui prend racine dans une tradition remontant à l’antiquité et inscrite au cœur de la science à l’âge classique. Mais il conclut à l’attention de ses disciples : « Qu’il en soit donc des influences comme de toute autre chose, n’en croyez point les anciens, n’en croyez point les modernes ; observez vous-mêmes, et jugez. » (Big., I, 18)

L’ultime variation sur le thème de la sympathie qu’il nous faut relever ici se trouve dans l’Histoire des Galligènes, ou Mémoires de Duncan33. Un dissertateur soutient qu’une des prérogatives de l’humanité est celle de l’amour. Le désir reproductif – en commun avec les animaux – se double d’un désir sympathique proprement humain car la volupté de l’homme résiste à la rigueur des hivers (Gal., II, 6). Notre savant Galligène précise que le désir sympathique est à l’amant et à l’objet aimé ce que l’attraction est au fer et à l’aimant, au verre électrique et à la paille (Gal., II, 9). Si les animaux ont une ouïe plus subtile, une vue plus perçante, un odorat plus sensible, « nous avons la délicatesse du toucher au plus haut point, et cela suffit pour nous combler de plaisirs » (Gal., II, 10). Notre dissertateur se livre alors naturellement à un éloge du baiser et de la caresse et, après avoir disserté sur l’organisation de la peau et expliquer les causes physiques de nos plaisirs, il identifie le désir sympathique au désir du tact (Gal., II, 14).

Tant de variations sous la plume d’un même auteur ne peuvent qu’interroger la validité scientifique accordée et à accorder à la sympathie. Elles conduisent inéluctablement à se demander si la sympathie n’est pas conçue comme une fiction, ainsi que l’affirme Jean-Pierre Cléro, au sens où l’entendra Bentham, c’est-à-dire comme « une entité à laquelle on n’entend pas attribuer en vérité et en réalité l’existence, quoique, par la forme grammaticale du discours que l’on emploie lorsqu’on parle d’elle, on la lui attribue »34. La sympathie a quelque affinité avec la fiction en ce qu’elle puise dans un imaginaire puissant qui met en lien tant le microcosme et le macrocosme, les êtres et les choses que les mots et les choses.

L’Histoire des Galligènes fournit un exemple original et rare de la cohérence d’une œuvre qui, passant de la sympathie comme élément d’explication relevant de la science, propose au sein même d’une fiction une histoire de la science à laquelle la sympathie a partie liée, celle de la médecine chimique. Almont est le père fondateur de la république des Galligènes (Gal., I, 38-48), il en a lui-même établi les règles (Gal., I, 81-92 et 101-122). Le voyageur français qui fait naufrage au siècle suivant et nous livre ses mémoires, s’appelle Duncan (Gal., I, 1-6). Il est témoin lors de son séjour sur l’île des Galligènes d’une conjuration menée contre la république par un citoyen nommé Montmor, assez connu de ses concitoyens et tombé amoureux de la femme la plus considérée – pour sa beauté unie au mérite et à la vertu – de la république de Galligénie, Alcine, qui elle-même n’est pas indifférente aux charmes de cet homme à la taille avantageuse, d’une physionomie prévenante et d’un abord séduisant (Gal., II, 57-61). Comment ne pas y voir une mise en fiction de l’histoire de la médecine chimique telle qu’elle est encore fortement présente et influente dans la pensée française des sciences de la vie au XVIIIe siècle ?

Jean-Baptiste Van Helmont (1579-1644)35, médecin flamand, développe, après Paracelse, la notion d’archée et l’explication chimique des processus physiologiques36. Il peut être considéré avec ce dernier comme père fondateur de la doctrine bio-distillatoire dont Daniel Duncan (1650-1735) est un des propagateurs notoires à la fin du XVIIe siècle et dans la première moitié du XVIIIe siècle. Ce dernier se réclame de Descartes dans l’ordre métaphysique et physique, et de Thomas Willis (1621-1675)37 dans l’ordre anatomo-physiologiste38. Henri-Louis Habert de Montmor (1600-1679) est un ami à la fois de Descartes et de Gassendi. Il réunit chez lui savants et philosophes en une assemblée qui servira de modèle à l'Académie Royale des Sciences. Alcine, enfin, qui est estimée de tous et prend soin de ne se donner à personne, plus qu’une référence au Roland furieux de L’Arioste39, serait la personnification de l’alchimie qui n’est pour la science classique que l’autre nom de la chimie. Or, à l’époque, une des difficultés majeures des sciences du vivant est d’arriver à faire coexister la méthode cartésienne – qui ne pouvait que s’imposer – avec les éléments d’une chimie aux contours encore flous. Daniel Duncan, docteur en médecine de l’université de Montpellier, a essayé d’articuler chimie et mécanisme40 dans l’explication du fonctionnement du corps humain. Comme le précise très justement Allen G. Debus, Duncan reprend Descartes en se référant à la machine hydraulique, comme le fera aussi Charles Tiphaigne (Sym., 80-86), tout en expliquant par la chimie les processus physiologiques41. Mais au fond, l’importance du moment cartésien42 est sans doute à chercher ailleurs que dans la science. Quand, dans l’Amour dévoilé, Tiphaigne déclare son admiration pour la clarté, la méthode, et l’attachement à la raison de Descartes, il le critique dans son explication de l’amour qui renvoie à l’androgyne de Platon, et prend soin de préciser que « du même fond, l’un a tiré une fable, l’autre un système. La fable et le système se valent bien, et l’un est aussi réel que l’autre » (Sym., 34-35). Comme l’a bien montré Yves Citton, Tiphaigne admire en Descartes « la figure idéale de l’Inventeur-Discréditeur de système »43. Il lui sait gré non tant d’avoir « décrédité » ses prédécesseurs que d’avoir « enhardi » ses lecteurs au point de discréditer tout système, le sien inclus.

La percée imaginative et la dimension morale

Notre médecin montebourgeois se méfie des systèmes en ce qu’ils enferment la pensée et peuvent, poussés trop avant, se constituer en déni de la réalité. Le point de vue partiel et partial ne peut prétendre à l’exhaustivité ni rendre compte du tout. Comme le précise Yves Citton, un système est un bricolage qui inspire aux hommes une certaine « vision » de la réalité44 et peut donc être qualifié de « songe philosophique » (Am., 33-35). En ce sens, science et littérature sont bien loin de s’opposer et contribuent à l’élaboration d’un hybride rêvé, pour reprendre l’expression de Guilhem Armand45. Savants et écrivains puisent et contribuent à un même imaginaire puissant qui assigne à l’homme une place dans l’univers et construit son rapport à la nature et au monde. La théorie scientifique de la sympathie entretient avec la fiction une relation complexe car elle renvoie à un système de concordances et de correspondances qui irrigue, entre autres, la pensée d’un Paracelse et d’un van Helmont au cœur de la science à l’âge classique, tout en sympathisant avec la merveille, conçue comme ce que l’esprit de l’homme n’est pas en mesure d’expliquer à une époque donnée. Au moment où l’alchimie devient chimie, les « esprits » et le système de concordances et de correspondances analogiques se réfugient dans la fiction, cèdent à la puissance de la représentation46. Il s’agit alors d’assurer la continuation d’un imaginaire scientifique qui n’a plus sa place dans la science dite moderne et se retrouve exilé en littérature, réduit à n’être plus que fiction. Cette dernière n’a qu’à puiser librement dans un vaste magma – au sens chimique et géologique, donc génésique – d’images, de concepts et de mots. La sympathie dans sa dimension médicale, considérée comme médecine chimique à laquelle l’université de Montpellier continue d’être identifiée et dont l’influence s’étend jusqu’à l’Encyclopédie47, se métamorphose et trouvera refuge dans le vitalisme d’un Paul Joseph Barthez (1734-1806). La sympathie dans l’œuvre de Tiphaigne fonctionne un peu à la manière du microscope que se procure à Londres Vigneul-Marville : « si excellent qu’il ne faisait pas seulement voir les cirons les plus imperceptibles mais aussi les atomes d’Épicure, la matière subtile de Descartes, les vapeurs que notre corps transpire, et les influences des astres »48.

À cette définition scientifico-merveilleuse, il faut ajouter celle sociale et morale qui en découle et qui fait suite à un renversement qui s’accomplit au cœur de la période classique entre référent et image, au terme duquel « dire que l’aimant a de la sympathie pour le fer sera désormais ressenti comme une métaphore, et non plus qu’une personne a de la sympathie pour une autre »49. Désormais les sympathies humaines se définissent comme principe social et économique. Cette réflexion autour de ce qui agit – ou agite – les hommes de par le monde parcourt toute l’œuvre de Charles Tiphaigne, d’Amilec en 1753 et sa contredanse des graines d’hommes au son d’une basse de viole (Ami., 120-121) à Sanfrein ou Mon dernier séjour à la campagne en 1765, en passant par l’Histoire des Galligènes la même année, l’Empire des Zaziris sur les humains ou la Zazirocratie en 1761 ou encore les Bigarrures philosophiques en 1759 qui mettent en scène une vanité humaine qui contribue tant au bonheur de l’individu qu’au bien commun50. Adam Smith dira-t-il autre chose en parlant de sympathie dans sa Théorie des sentiments moraux51 ? La sympathie fait s’émouvoir les hommes et se mouvoir le monde.

1 Charles Tiphaigne, L’Amour dévoilé, ou le système des Sympathistes, où l’on explique l’origine de l’amour, des inclinations, des sympathies, des

2 Charles Tiphaigne, An a materia perspirationis Sympathiae & Antipathiae ratio repetenda, Caen, Jean-Claude Pyron, 1747 (abrégé Bac.), 7 p. Voir fig

3 Voir Philippe Vincent, « Charles Tiphaigne, bigarrure et cohérence d’une œuvre », dans Yves Citton, Marianne Dubacq et Philippe Vincent (dir.)

4 Voir Jacques Marx, « De la tradition à l’anticipation : la culture scientifique de Tiphaigne de La Roche », dans Y. Citton, M. Dubacq et P. Vincent

5 Charles-Pierre-Xavier Tolomas (1706-1762), jésuite, professeur de rhétorique et bibliothécaire au grand collège de Lyon, membre de l’académie des

6 Charles Tolomas, « Sur la Sympathie et l'Antipathie » dans Mémoires divers. Trente-sept pièces, manuscrit conservé à la bibliothèque de l’académie

7 Jules César Scaliger, Exotericarum exercitationum libri […] ad Hieronimum Cardanum, Paris, Vascosanum, 1557. « Reciensores, qui detestantur occultas

8 Charles Tolomas, « Sur la Sympathie et l’Antipathie », Art. cit., f°. 261r.

9 Ibid., f°. 265v.

10 Charles Tiphaigne ne dit pas autre chose dans sa thèse de licence, Positiones de fibra patiente, sive de animi affectuum mechanismo et usu, Caen, J

11 Charles Tolomas, « Sur la Sympathie et l’Antipathie », Art. cit., f°. 266v-267r.

12 Vers de Pierre Corneille que Charles Tiphaigne attribue à Vincent Voiture dans la préface de l’Amour dévoilé. Voir Jacques Marx, Tiphaigne de La

13 Marc André Bernier, « Les métamorphoses de la sympathie au siècle des Lumières », dans Marc André Bernier, Deidre Dawson (dir.) Les Lettres sur la

14 Jürgen Richter, Die Theorie der Sympathie, Frankurt am Main, Peter Lang, 1996.

15 Roberto Poma, Magie et guérison. La rationalité de la médecine magique (XVIe-XVIIe), Paris, Orizons, 2009.

16 Ibid., « Sympathies immaculées. Galien et le baptême scientifique de la sympatheia », p. 233-237.

17 Ibid., p. 233.

18 « Has et alias ejusmodi opiniones, si quaeras, explicabimus ; si deffendas, refutabimus. Nos a materiae perspirantis actione in organa, amorem

19 Jacques Proust, « Les chemins méconnus de la sympathie chez Diderot et les encyclopédistes », dans Sabrina Vervacke, Thierry Belleguic, Éric Van

20 Patrick Dandrey, « Entre medicinalia et moralia : la double ascendance de la "Sympathie" », dans S. Vervacke, T. Belleguic, É. Van der Schueren (

21 « Circa pubertatis annos, novo seminis in saguineam molem refluxu, solida robur acquirunt, fluida novam adipiscuntur indolem, ingens sit totius

22 « cum ergo quivis homo perspirationis materia circumdatus exclamat, cantat, aut loquitur ; aër motus his-ce particulis motum communicare debet : et

23 Psaumes de David, XLVIII, 4, dans la traduction de Lemaître de Sacy. La Bible, éd. Philippe Sellier, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins »

24 Luc Breton, « L’instrument à cordes dans l’occident chrétien », dans Christophe Coin (dir.), Amour et sympathie. Actes du colloque sur les

25 « Quot insignes doctrina viri, hoc opus aggressi, infeliciter irriti cecidere ? Sed animum arrigunt horum exempla, nedum frangant. Nunquid erit

26 « Quod de fidibus dicitur, de nervorum capitibus dictum autuma. » (Lic., 4)

27 « Cubiculum imaginemur ubi canat symphonia, fiatque concentus. Quod aër in cubiculo, spiritus animalis est in cerebro. Fibrae ideas menti

28 Id., Bigarrures philosophiques, À Amsterdam et à Leipsick, chez Arkstée et Merkus, 1759 (abrégé Big.).

29 « Hac de re plura quaerenti, plura enarrabimus. » (Lic., 6)

30 Alain Mothu, « La Pensée en cornue », dans Chrysopœia, tome IV (1990-1991), Paris, 1993, p. 320.

31 Laura Bossi, Histoire naturelle de l’âme, Paris, PUF, 2003, p. 99.

32 Ibid., p. 94.

33 Charles Tiphaigne, Histoire des Galligènes, ou Mémoires de Duncan, À Amsterdam, chez Arkstée et Merkus, 1765 (abrégé Gal.). Voir Julie Boch, « 

34 Jeremy Bentham, De l’ontologie et autres textes sur les fictions, 1997, p. 165 cité par Jean-Pierre Cléro dans son introduction à l’ouvrage de S. 

35 Voir Bernard Joly, Histoire de l’alchimie, Paris, Vuibert-Adapt, 2013, p. 143-153.

36 Alain Mothu, « La Pensée en cornue », art. cit., p. 352.

37 Thomas Willis, médecin anglais, a beaucoup travaillé à éclaircir le lien entre cerveau et esprit. C’est à lui que nous devons le terme de

38 Voir Alain Mothu, « La Pensée en cornue », Art. cit., p. 371.

39 L’île des Galligènes ferait ainsi écho à celle d’Alcine, quand le statut de magicienne de cette dernière autoriserait la référence à l’alchimie.

40 Voir notamment Daniel Duncan, La Chymie naturelle ou l’Explication chimique et méchanique de la nourriture de l’animal, Paris, Laurent d’Houry

41 Allen G. Debus, The Chemical Promise. Experiment and Mysticism in the Chemical Philosophy 1550-1800. Selected Essays, Sagamore Beach, Science

42 Sur l’importance du cartésianisme comme moment décisif d’explication de la sympathie, voir Jean-Pierre Cléro, « Introduction », Art. cit., p. 

43 Yves Citton, Zazirocratie. Très curieuse Introduction à la biopolitique et à la critique de la croissance, Paris, Éditions Amsterdam, 2011, p. 339.

44 Ibid.

45 Guilhem Armand, Les fictions à vocation scientifique de Cyrano de Bergerac à Diderot. Vers une poétique de l’hybride, Bordeaux, Presses

46 Michel Foucault, Les Mots et les Choses. Une archéologie des sciences humaines, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1990, p. 66.

47 Voir Allen G. Debus, The Chemical Promise, op. cit., p. 399. Voir aussi Jacques Proust, « Les chemins méconnus de la sympathie », Art. cit., p. 100

48 Vigneul-Marville (alias Bonaventure d’Argonne, 1640-1704), Mélanges d’histoire et de littérature, quatrième édition revue, corrigée et augmentée

49 Patrick Dandrey, « Entre medicinalia et moralia », Art. cit., p. 17.

50 Julie Boch, « Sub specie vanitatis : le Voyage aux Limbes de Tiphaigne de La Roche » dans Y. Citton, M. Dubacq et P. Vincent (dir.), Imagination

51 Adam Smith, Théorie des sentiments moraux, Paris, PUF, coll. « Quadrige », 2011. Voir Jean Mathiot, Adam Smith philosophie et économie. De la

1 Charles Tiphaigne, L’Amour dévoilé, ou le système des Sympathistes, où l’on explique l’origine de l’amour, des inclinations, des sympathies, des aversions, des antipathies, &c., s.l., 1749 (abrégé Sym.), viij – 170 p.

2 Charles Tiphaigne, An a materia perspirationis Sympathiae & Antipathiae ratio repetenda, Caen, Jean-Claude Pyron, 1747 (abrégé Bac.), 7 p. Voir figures 28 à 34 du cahier iconographique dans Charles-François Tiphaigne de La Roche, Amilec ou La Graine d’hommes, Rouen, PURH, 2012 (abrégé Ami.), p. 220-226.

3 Voir Philippe Vincent, « Charles Tiphaigne, bigarrure et cohérence d’une œuvre », dans Yves Citton, Marianne Dubacq et Philippe Vincent (dir.), Imagination scientifique et littérature merveilleuse. Charles Tiphaigne de La Roche, à paraître aux Presses Universitaires de Bordeaux, coll. « Mirabilia », 2013.

4 Voir Jacques Marx, « De la tradition à l’anticipation : la culture scientifique de Tiphaigne de La Roche », dans Y. Citton, M. Dubacq et P. Vincent (dir.), Imagination scientifique et littérature merveilleuse, op. cit., 2013.

5 Charles-Pierre-Xavier Tolomas (1706-1762), jésuite, professeur de rhétorique et bibliothécaire au grand collège de Lyon, membre de l’académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon, est surtout célèbre pour une harangue latine prononcée à la rentrée des classes le 31 novembre 1754, dans laquelle il fait part de son hostilité aux encyclopédistes en allant jusqu’à insulter d’Alembert avec la formule « cui nec pater nec res ».

6 Charles Tolomas, « Sur la Sympathie et l'Antipathie » dans Mémoires divers. Trente-sept pièces, manuscrit conservé à la bibliothèque de l’académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon, lu à l’académie le 24 septembre 1740. Ms. PA 143, cahier n° 243, f°. 260-270.

7 Jules César Scaliger, Exotericarum exercitationum libri […] ad Hieronimum Cardanum, Paris, Vascosanum, 1557. « Reciensores, qui detestantur occultas proprietates, easque inscitiae asylum contumeliosis verbis vocant. »

8 Charles Tolomas, « Sur la Sympathie et l’Antipathie », Art. cit., f°. 261r.

9 Ibid., f°. 265v.

10 Charles Tiphaigne ne dit pas autre chose dans sa thèse de licence, Positiones de fibra patiente, sive de animi affectuum mechanismo et usu, Caen, J.-C. Pyron, 1748 (abrégé Lic.), 7 p. Voir figures 39 à 45 (Ami., 229-235) « Les causes de ces mouvements [sympathiques] sont autant cachées, que leurs effets sont sensibles. »

11 Charles Tolomas, « Sur la Sympathie et l’Antipathie », Art. cit., f°. 266v-267r.

12 Vers de Pierre Corneille que Charles Tiphaigne attribue à Vincent Voiture dans la préface de l’Amour dévoilé. Voir Jacques Marx, Tiphaigne de La Roche. Modèles de l’imaginaire au XVIIIe siècle, Bruxelles, 1981, p. 31.

13 Marc André Bernier, « Les métamorphoses de la sympathie au siècle des Lumières », dans Marc André Bernier, Deidre Dawson (dir.) Les Lettres sur la sympathie (1798) de Sophie de Grouchy : philosophie morale et réforme sociale, Voltaire Foundation, Oxford, 2010.

14 Jürgen Richter, Die Theorie der Sympathie, Frankurt am Main, Peter Lang, 1996.

15 Roberto Poma, Magie et guérison. La rationalité de la médecine magique (XVIe-XVIIe), Paris, Orizons, 2009.

16 Ibid., « Sympathies immaculées. Galien et le baptême scientifique de la sympatheia », p. 233-237.

17 Ibid., p. 233.

18 « Has et alias ejusmodi opiniones, si quaeras, explicabimus ; si deffendas, refutabimus. Nos a materiae perspirantis actione in organa, amorem oriri opinamur. » (Bac., 2)

19 Jacques Proust, « Les chemins méconnus de la sympathie chez Diderot et les encyclopédistes », dans Sabrina Vervacke, Thierry Belleguic, Éric Van der Schueren (dir.), Les Discours de la sympathie. Enquête sur une notion de l'âge classique à la modernité, Presses de l’Université Laval, 2009, p. 112.

20 Patrick Dandrey, « Entre medicinalia et moralia : la double ascendance de la "Sympathie" », dans S. Vervacke, T. Belleguic, É. Van der Schueren (dir.), Les Discours de la sympathie, op. cit., p. 3-23.

21 « Circa pubertatis annos, novo seminis in saguineam molem refluxu, solida robur acquirunt, fluida novam adipiscuntur indolem, ingens sit totius corporis mutatio : ergo infantium inter et Adultorum materias perspirantes, maxima intercedit differentia. » (Bac., 3)

22 « cum ergo quivis homo perspirationis materia circumdatus exclamat, cantat, aut loquitur ; aër motus his-ce particulis motum communicare debet : et sic una cum aëre in aures audientis agit perspirationis materia. Quomodo autem membranam pituitariam, in olfactu; linguam in gustu; cutem, in tactu percellat, attendenti patet. » (Bac., 4)

23 Psaumes de David, XLVIII, 4, dans la traduction de Lemaître de Sacy. La Bible, éd. Philippe Sellier, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1990. « Je rendrai moi-même mon oreille attentive à l’intelligence de la parabole ; je découvrirai sur la harpe ce que j’ai à proposer. » p. 686.

24 Luc Breton, « L’instrument à cordes dans l’occident chrétien », dans Christophe Coin (dir.), Amour et sympathie. Actes du colloque sur les instruments à cordes sympathiques, Limoges, 1995, p. 23-51.

25 « Quot insignes doctrina viri, hoc opus aggressi, infeliciter irriti cecidere ? Sed animum arrigunt horum exempla, nedum frangant. Nunquid erit dedecori in labyrintho illo deviare, ubi tot erraverunt praestantes viri ? » (Lic., 3)

26 « Quod de fidibus dicitur, de nervorum capitibus dictum autuma. » (Lic., 4)

27 « Cubiculum imaginemur ubi canat symphonia, fiatque concentus. Quod aër in cubiculo, spiritus animalis est in cerebro. Fibrae ideas menti repraesentantes et spiritus obvios agitantes, instrumentis musicis sonum edentibus et aërem verberantibus, comparandae. Fibra patiens est ad spirituum motus, quod auris est ad aëris vibrationes. Quo denique modo actio aëris in aures, consonantes vel dissonantes sonorum ideas menti referat, eodem modo actio spirituum in fibram patientem, menti motus gratos, vel ingratos infigit, quos vocamus affectus. » (Lic., 5)

28 Id., Bigarrures philosophiques, À Amsterdam et à Leipsick, chez Arkstée et Merkus, 1759 (abrégé Big.).

29 « Hac de re plura quaerenti, plura enarrabimus. » (Lic., 6)

30 Alain Mothu, « La Pensée en cornue », dans Chrysopœia, tome IV (1990-1991), Paris, 1993, p. 320.

31 Laura Bossi, Histoire naturelle de l’âme, Paris, PUF, 2003, p. 99.

32 Ibid., p. 94.

33 Charles Tiphaigne, Histoire des Galligènes, ou Mémoires de Duncan, À Amsterdam, chez Arkstée et Merkus, 1765 (abrégé Gal.). Voir Julie Boch, « Galligènes, île des », dans Dictionnaire des lieux et pays mythiques, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2011, p. 539-541.

34 Jeremy Bentham, De l’ontologie et autres textes sur les fictions, 1997, p. 165 cité par Jean-Pierre Cléro dans son introduction à l’ouvrage de S. Vervacke, T. Belleguic, É. Van der Schueren (dir.), Les Discours de la sympathie, op. cit., p. XIII-XIV.

35 Voir Bernard Joly, Histoire de l’alchimie, Paris, Vuibert-Adapt, 2013, p. 143-153.

36 Alain Mothu, « La Pensée en cornue », art. cit., p. 352.

37 Thomas Willis, médecin anglais, a beaucoup travaillé à éclaircir le lien entre cerveau et esprit. C’est à lui que nous devons le terme de neurologie. Il a aussi été un des cofondateurs de la Royal Society en 1662.

38 Voir Alain Mothu, « La Pensée en cornue », Art. cit., p. 371.

39 L’île des Galligènes ferait ainsi écho à celle d’Alcine, quand le statut de magicienne de cette dernière autoriserait la référence à l’alchimie.

40 Voir notamment Daniel Duncan, La Chymie naturelle ou l’Explication chimique et méchanique de la nourriture de l’animal, Paris, Laurent d’Houry, 1683.

41 Allen G. Debus, The Chemical Promise. Experiment and Mysticism in the Chemical Philosophy 1550-1800. Selected Essays, Sagamore Beach, Science History Publications, 2006, p. 470-471.

42 Sur l’importance du cartésianisme comme moment décisif d’explication de la sympathie, voir Jean-Pierre Cléro, « Introduction », Art. cit., p. XVI-XVIII.

43 Yves Citton, Zazirocratie. Très curieuse Introduction à la biopolitique et à la critique de la croissance, Paris, Éditions Amsterdam, 2011, p. 339.

44 Ibid.

45 Guilhem Armand, Les fictions à vocation scientifique de Cyrano de Bergerac à Diderot. Vers une poétique de l’hybride, Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, coll. « Mirabilia », 2013, p. 581-619.

46 Michel Foucault, Les Mots et les Choses. Une archéologie des sciences humaines, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1990, p. 66.

47 Voir Allen G. Debus, The Chemical Promise, op. cit., p. 399. Voir aussi Jacques Proust, « Les chemins méconnus de la sympathie », Art. cit., p. 100-101. Voir enfin Christine Lehman, « Gabriel-François Venel, un chimiste vitaliste ? » et François Pépin, « Vitalisme, chimie et philosophie autour de l’Encyclopédie et de Diderot », dans Pascal Nouvel (dir.), Repenser le vitalisme. Histoire et philosophie du vitalisme, Paris, PUF, 2011, p. 117-143.

48 Vigneul-Marville (alias Bonaventure d’Argonne, 1640-1704), Mélanges d’histoire et de littérature, quatrième édition revue, corrigée et augmentée, Paris, 1725, vol. 2, p. 461.

49 Patrick Dandrey, « Entre medicinalia et moralia », Art. cit., p. 17.

50 Julie Boch, « Sub specie vanitatis : le Voyage aux Limbes de Tiphaigne de La Roche » dans Y. Citton, M. Dubacq et P. Vincent (dir.), Imagination scientifique et littérature merveilleuse, op. cit., 2013.

51 Adam Smith, Théorie des sentiments moraux, Paris, PUF, coll. « Quadrige », 2011. Voir Jean Mathiot, Adam Smith philosophie et économie. De la sympathie à l’échange, Paris, PUF, coll. « Philosophies », 1990, p. 21-32.

Philippe Vincent

Lycée Frédéric Faÿs, Villeurbanne
Professeur de lettres, il travaille depuis plusieurs années sur l’œuvre de Charles Tiphaigne. Il a publié la première édition critique d’Amilec ou La Graine d’hommes (PURH, coll. « Lumières normandes », 2012) et a codirigé avec Yves Citton et Marianne Dubacq l’ouvrage Imagination scientifique et littérature merveilleuse. Charles Tiphaigne de La Roche (PUB, coll. « Mirabilia », à paraître). Il participe actuellement à l’édition des œuvres complètes de Charles Tiphaigne sous la direction du Professeur Jacques Marx