Les femmes dans l’œuvre théâtrale de Griselda Gambaro ou la résistance depuis les marges

Samantha Faubert

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Samantha Faubert, « Les femmes dans l’œuvre théâtrale de Griselda Gambaro ou la résistance depuis les marges », Tropics [En ligne], 8 | 2021, mis en ligne le 01 juillet 2021, consulté le 04 décembre 2024. URL : https://tropics.univ-reunion.fr/1297

Après une mise en contexte qui retrace l’histoire des violences politiques en Argentine dans la deuxième moitié du 20e siècle et la place des femmes dans ces systèmes libéraux et patriarcaux, l’article propose quelques réflexions théoriques autour de la problématique de la violence de genre. Puis il s’agit d’examiner, à la lumière de l’œuvre théâtrale gambarienne, deux figures littéraires de la violence exercée par des femmes : la sorcière et l’infanticide. À travers la réappropriation de stéréotypes sociaux féminins extrêmes comme la sorcière ou la criminelle (le mons­trueux féminin), la dramaturge montre que, au-delà de la violence frontale, la lutte feministe passe aussi par l’élaboration d’une autre définition du féminin.

Tras una contextualización que recuerda la historia de las violencias políticas en la Argentina de la segunda mitad del siglo XX y el lugar ocupado por las mujeres en estos sistemas liberales y patriarcales, el artículo propone algunas reflexiones teóricas en torno a la problemática de la violencia de género. Luego, se examinará a la luz de la obra teatral de Griselda Gambaro, dos figuras literarias de la violencia ejercida por mujeres : la bruja y la infanticida. A través de la reapropriación de los estereotipos sociales femeninos extremos como la bruja o la criminal (lo monstruoso femenino), la dramaturga muestra que, más allá de la violencia frontal, la lucha feminista pasa también por la elaboración de otra definición de lo femenino.

Le théâtre de Griselda Gambaro – dramaturge, romancière et essayiste argen­tine née en 1928 – nous dépeint une société repliée sur elle-même, où la famille est le lieu privilégié de l’exercice de la brutalité et où la femme, assujettie aux alliances matrimoniales dictées par l’autorité paternelle ou soumise à la tyrannie conjugale, est confinée dans l’exercice des tâches domestiques. L’ensemble de son œuvre se construit autour du concept de pouvoir et met en scène la violence des relations qui en découlent. La question du corps – surtout celui de la femme – est centrale, le discours dominant reposant sur une définition normée des identités de genre. L’étude de plusieurs pièces de Gambaro permet de mettre en évidence le fonctionnement dramaturgique de la révolte ou de la résistance des personnages féminins par la transgression, et une déconstruction du système idéologique dominant. Nous évoquerons ici principalement trois pièces : Para llevarle a Rosita (1995), La persistencia (2004) et El don (2014). La première de ces pièces aborde la question du harcèlement de rue, dans la deuxième il est question d’infanticide et dans la denière de violences conjugales.

L’histoire de l’Amérique latine au 20e siècle est jalonnée de périodes d’insta­bilité politique, régimes autoritaires hautement répressifs, crises diverses, violences politiques, économiques et sociales liées à l’implantation (en grande partie du fait de la politique étasunienne et de ses méthodes néocoloniales) du libéralisme puis du néolibéralisme. L’Argentine ne fait pas exception. Depuis les années 30, le pays connaît une alternance de dictatures militaires issues de coups d’État (década infame1 du général Uriburu, « Révolution argentine » du général Onganía puis la tristement célèbre dictature de la junte militaire réunie autour du général Videla, 1976-1983) et de gouvernements péronnistes élus démocratiquement mais néan­moins violents (depuis la purge des univeristés, en passant par la suppression des libertés d’expression, jusqu’au soutien apporté par certains membres du gouverne­ment au groupe paramilitaire « Triple A » – Alliance Anti-communiste Argentine – qui s’illustre par des assassinats et des disparitions de syndicalistes, d’étudiant.e.s, de journalistes et d’avocat.e.s de gauche, 1974-1976). Après l’échec de la guerre des Malouines, le général Bignone reçoit en 1982 l’ordre de conduire le pays vers la démocratie. En 1983, les élections sont gagnées par le Raúl Alfonsín de la Unión Civil Radical (parti conservateur anti-peronniste), qui met en place la Commission Nationale sur la Disparition des Personnes (CONADEP), avant de plier sous les pressions militaires et de promulguer les lois d’amnistie du Punto final2 (en décembre 1986) puis celle d’Obediencia debida (en juin 1987). Le président Menem octroie finalement aux militaires une amnistie totale en 1990. Il faudra attendre la présidence de Néstor Kirchner pour que les lois d’impunité soient annulées. Après un demi-siècle de violence et d’arbitraire, l’Argentine peut enfin récupérer la mémoire de ses mort.e.s et disparu.e.s, torturé.e.s et exilé.e.s. Quelques 30 000 personnes sont mortes ou ont disparu entre 1976 et 1983.

Depuis cette date, le pays vit sous des régimes démocratiques d’obédiences diverses. La population argentine doit maintenant faire face aux violences écono­miques et sociales dues, comme dans la plupart des pays du monde, à un système économique de plus en plus inégalitaire et dont les deux crises de début du 21e siècle argentin ne sont que la face émergée de l’iceberg. Pour les femmes, dans tous les contextes, la violence prend des formes spécifiques dues à leur genre3. C’est le cas des violences sexuelles perpétrées en temps de guerre ou par les agents du terrorisme d’État comme ce fut le cas durant la dictature Videla. Par ailleurs, les différents régimes autoritaires ou dictatoriaux qu’a connus ce pays durant les deux premiers tiers du 20e siècle (depuis le régime du général Uriburu jusqu’à la dictature de la junte Videla-Viola- Galtieri-Bignone) prétendent opérer une transformation totale de la société argentine à travers l’imposition de valeurs conservatrices, issues de la religion catholique, considérant comme subversif tout comportement qui attenterait à ces valeurs. Bien sûr, la sacralisation de l’institution familiale passe par la subordination de la femme qui est nécessaire au maintien de l’ordre social4.

Les sociétés machistes et les régimes réactionnaires imposent un modèle fami­lial et des relations hommes/femmes qui passent par l’assignation de la femme à un rôle passif de mère et d’épouse, à la merci d’une violence qui s’exerce tant dans le foyer que dans l’espace public. Lors des dictatures des généraux Onganía et Lanusse (1966-1973) puis de la junte militaire Videla-Viola-Galtieri-Bignone (1976-1983), l’Argentine connaît de longues périodes de terrorisme d’État dans lequel les femmes sont doublement victimes : de la répression politique et des valeurs machistes et conservatrices imposées par ces régimes catholiques et autoritaires. Par ailleurs, il ne faut pas négliger l’importance des facteurs économiques et sociaux pour la perpétuation de la domination masculine. Car le poids que fait peser le système patriarcal sur les femmes est d’autant plus écrasant que, en raison des charges familiales qu’elles assument souvent seules, elles sont les premières victimes de l’appauvrissement dû aux inégalités de répartition des richesses.

Deux autres aspects de la question des femmes à prendre en compte dans le contexte argentin de la deuxième moitié du 20e siècle sont les rôles joués par deux figures : Eva Perón, d’une part, et les Mères de la Place de Mai, d’autre part. Ces deux figures se réfèrent au rôle symbolique de la mère dans la société argentine. La chercheuse Nora Domínguez relève cette particularité de la culture argentine :

Entre 1950 y 2000, dos configuraciones maternas adquieren presencia y peso en la sociedad y cultura argentinas: el grupo político las Madres de la Plaza de Mayo y Eva Perón. En circunstancias histórico-políticas absoluta y diametral­mente diferentes, estos sujetos asumen visible y públicamente su condición de madre. Muestran los vínculos entre maternidad y política…5

La première de ces figures est individuelle et s’appuie sur la vision conser­vatrice traditionnelle de la femme, mère protectrice et personnage sacré. L’autre, et ce n’est pas un hasard, est une figure collective. L’organisation collective des Mères de la Place de Mai, réclamant publiquement la vérité sur le sort de leurs enfants disparus, est une prise en main par les femmes de leur destin politique. Cette efficacité du rôle des femmes dans l’histoire est un pas important vers leur visibi­lisation.

Plus particulièrement dans cet article, nous analyserons le féminin chez Gambaro comme expérimentation des marges ainsi que les conflits qui opposent ceux – et surtout celles – qui les occupent à l’idéologie de la centralité. À travers la réappropriation des stéréotypes sociaux féminins extrêmes comme la sorcière ou la criminelle (le monstrueux féminin), la dramaturge montre que, si la lutte frontale est bien souvent vouée à l’échec pour les femmes, elle passe aussi par l’élaboration d’une autre définition du féminin. C’est le sens de la notion de différence telle qu’elle est employée par Teresa de Lauretis. Dans son introduction à Théorie queer et culture populaire, Pascale Molinier6 rappelle très justement la phrase de Colette Guillaumin : « Les femmes sont différentes des hommes, les hommes eux ne sont pas différents »7. C’est dans cet écart que se situe le conflit entre norme et marges tel qu’il est traité par Griselda Gambaro. Mais tout d’abord, rappelons-le, il y a une première violence, celle de la domination masculine. Ce qu’on appelle « conflit » ou « mise en danger de l’ordre du monde », ou parfois « guerre des sexes », est une résultante de la résistance des femmes au système patriarcal qui les soumet et les opprime.

Genre et violence

L’idée de lutte des femmes, même si elle ne se présente pas frontalement comme anti-patriarcale, est en elle-même subversive. En effet, la révolte des femmes détruit la possibilité même de conserver une définition d’une part du masculin comme naturellement associé à la force, au courage, à la guerre, et d’autre part de la femme comme être faible et passif. Car le privilège de l’exercice de la violence, cet élément structurant de la virilité, ne se partage pas. Au contraire, l’agressivité masculine se nourrit de la passivité féminine. La vocation du corps des hommes à la guerre, implique une contrepartie implicite attendue dans le corps fragile, sans défense et disponible des femmes8.

Traditionnellement et symboliquement, la masculinité se construit à travers la figure du héros soumis à une série d’épreuves initiatiques. Que devient ce schéma ancestral lorsque le héros est une héroïne ? Y a-t-il une possibilité de penser l’héroïsme au féminin ? Le système patriarcal impose une organisation sociale autour de la violence : au centre un mécanisme bien réglé dans lequel la raison supérieure, la norme, justifient la domination et l’assujettissement ; dans les marges tout ce que ce système rejette : le « hors norme », ce qui ne se définit pas en terme de binarité masculin/féminin ou risque d’apporter le désordre dans le système dominant. La transgression de la norme n’est pas seulement dangereuse pour la société parce qu’elle représente un comportement différent, qui risquerait de heurter les habitudes sociales. Le plus grave est que le « hors norme » prouve que l’on peut exister en dehors de la norme et, par là-même, il remet en cause les conventions, comme le genre et la répartition binaire des rôles.

Les « technologies du genre » évoquées par Teresa de Lauretis9 sont des discours et des pratiques socioculturelles qui créent des « effet de sens » dans la production des sujets hommes et des sujets femmes. Ce système possède sa propre logique et impose une lecture unique du monde. Sur le terrain de l’imaginaire et du symbolique, certains mythes anciens et modernes ont participé à la détermination d’une dichotomie opposant les figures du héros à celles du monstre. La violence des hommes agit comme un exutoire considéré comme nécessaire, tandis que l’excès de vigueur chez une femme est monstrueux et doit absolument être canalisé. Pauline Schmitt Pantel se réfère aux pratiques de la Grèce ancienne, telles qu’elles sont représentées dans les différents écrits fondateurs de l’époque. Elle compare la per­ception de la violence des femmes à celle des hommes :

Ainsi, à la violence exceptionnelle d’une Atalante, répond la violence ordinaire des hommes, qui par tous les moyens se procurent des épouses, une violence qui n’est même pas nommée ni représentée, une violence que l’on aurait même tendance à oublier10.

Malheureusement, cette remarque qui pointe la naturalisation de la violence masculine et le caractère hors-norme de celle des femmes est toujours d’actualité. Ainsi, à propos de la pratique de la boxe féminine au Mexique, Hortensia Moreno11 explique qu’un des facteurs qui permet l’acceptation des femmes dans les salles d’entraînement est l’association du combat à la pratique de l’autodéfense, dans une société qui n’a pas d’autre choix que de reconnaître son extrême violence, notam­ment envers les femmes. Il est en revanche bien difficile pour les hommes de voir la boxe féminine comme la possibilité de l’initiative de l’attaque. Si la brutalité masculine, associée à la force et au courage, est une noblesse, celle de la femme est vécue comme un danger, une anomalie, une sauvagerie. Ainsi, la violence masculine est bénéfique à l’ordre social tandis que celle de la femme risque de mener à sa destruction.

La violence est un pouvoir. Il n’est pas acceptable que le contrôle du corps et du sens (le monde tel qu’il est représenté par les dominants) soit du côté du féminin, ou, plus précisément, du non-masculin. La femme combattante devient un problème à partir du moment où son action signifie une perte du contrôle masculin (sur la femme, sur tout le système). Le danger viendrait de cette violence par laquelle la femme se constituerait comme sujet. C’est ce que relève Hortensia Moreno à propos des boxeuses mexicaines :

Ce travail de signification et d’auto-construction identitaire ne débouche pas sur une conception conventionnelle de la féminité, mais sur sa redéfinition ; au cours de ce processus, l’utilisation du corps et sa légitimité sont des éléments fondateurs privilégiés de l’identité12.

Se revendiquer femme à travers une pratique de la violence, c’est revendiquer une autre féminité, non traditionnelle, antisystème et donc révolutionnaire. C’est donc bien de sens, de définition et de construction des identités qu’il s’agit. La figure du monstre qui s’oppose à celle du héros œuvre sur le terrain de la définition des identités. Il s’agit de disqualifier la femme qui s’oppose, par des processus de déféminisation divers. Car le corps de la femme en lutte est perçu comme un corps qui échappe à la catégorisation binaire du féminin et du masculin, un corps mons­trueux. C’est ce que relève Christine Bard à propos des suffragettes :

Les dirigeantes de la WSPU13 veulent aussi déjouer le stéréotype antiféministe qui les montre laides, mal habillées, masculines avec une ombre de barbe ou de moustache. La disqualification esthétique est un procédé ancien et particulière­ment sexiste : il n’a évidemment pas son équivalent chez les hommes14.

Et elle poursuit :

Les militantes ne cherchent pas pour la plupart à se distinguer. Elles le sont déjà assez dans les représentations péjoratives. Banaliser leur corps est une manière de contrer le stigmate de la femme exceptionnelle et donc monstrueuse15.

Nous allons donc à présent examiner, à partir de trois œuvres de Griselda Gambaro, quelques cas de conflits mettant en scène ces femmes hors-norme, consi­dérées par la société des hommes comme « monstrueuses », dangereuses, éléments perturbateurs à neutraliser ou individus faibles à manipuler. À travers ces héroïnes « de traviole », selon l’expression si juste de Marie-Hélène/Sam Bourcier16, Griselda Gambaro avance des propositions dont le mérite – outre celui de donner voix à celles que l’on entend peu – est précisément de montrer que « ça bouge » dans les marges.

Des sorcières

Un des éléments importants qui nous est apparu au fur et à mesure de l’étude des héroïnes gambariennes, est le rôle que joue le concept de résistance dans cette confrontation entre femmes et hommes, c’est-à-dire dans cette représentation de la révolte des femmes. L’entrée des femmes dans le conflit implique non seulement leur capacité à exercer la violence (physique ou verbale) mais surtout la preuve de leur détermination à résister aux forces qu’on oppose à leur liberté et à leur intégrité, et à s’ériger contre un monde qui exclut. C’est sans doute à cet endroit précis, dans la figuration de la résistance féminine, que l’écriture gambarienne est la plus subversive. Dans son introduction à l’ouvrage collectif intitulé, « Comment faire des études-genres avec de la littérature. Masquereading », Marie-Hélène/Sam Bourcier relève l’importance de ce travail sur la résistance en littérature :

La prolifération des échecs de ce système sexe/genre dont la littérature devient l’archive ouverte et involontaire, le choix d’un angle qui met l’accent non tant sur la domination que sur les résistances sont deux des éléments qui expliquent l’efficacité des lectures pratiquées dans ce recueil17.

On peut globalement distinguer deux étapes dans l’œuvre gambarienne, du point de vue de la composition des personnages féminins. Dans les années 1960 et 1970, les personnages féminins représentés sont essentiellement des victimes. Même si ce statut n’est pas réservé aux femmes, elles sont souvent les plus vulnérables aux violences perpétrées par des personnages masculins. A partir des années 1980, les protagonistes femmes restent des victimes mais elles commencent à se rebeller, et, fait très important, à prendre la parole pour d’autres victimes (on pense notamment à la protagoniste de Antígona furiosa, qui renvoie aux figures des Mères de la Place de Mai réclamant infatigablement la vérité sur la disparition de leurs enfants). Depuis les années 1990, l’évocation des conflits passe le plus souvent par des formes indirectes. La dramaturge cherche à ouvrir à ses héroïnes des voies transversales, moins frontales, dans lesquelles elles pourront mener leur lutte. C’est notamment le cas à travers la représentation de certaines héroïnes du quotidien, des figures subversives qui tirent leur force de leur non adéquation avec le système, petit grain de sable qui pourrait bien commencer à en user les rouages.

Ainsi, plusieurs pièces gambariennes font apparaître la problématique de la sorcière, archétype de la femme puissante que l’on craint parce qu’elle semble détenir un pouvoir qui échappe à la société des hommes. Nous nous arrêterons ici sur deux protagonistes : Serafina, l’une des trois sœurs de Para llevarle a Rosita (1995) et Márgara, la mère voyante de El don (2014). A l’instar de Márgara qui voit l’avenir mais refuse de reconnaître la violence conjugale dont sa fille est victime, Serafina a le pouvoir de changer le cours des choses mais uniquement à des milliers de kilomètres. Il lui est donc impossible de résoudre le problème qui les occupe elle et ses sœurs : l’enfermement forcé dans leur maison imposé par un homme qui les poursuit de ses assiduités dès que l’une d’elles sort. Serafina peut agir sur ce qui se passe dans d’autres pays, usant de méthodes contestables et souvent maladroites, avec parfois des conséquences catastrophiques. Par exemple, voulant prouver la bonne entente entre les peuples aux Etats-Unis, elle provoque un incident entre un Noir et un Blanc, persuadée que les deux hommes vont s’excuser avec bienveillance. Le résultat n’est pas celui qu’elle espérait et plusieurs jours d’émeutes raciales s’ensuivent. Sa sœur, Magda, la réprimande et lui intime de ne pas se mêler des affaires du monde : « Ya te dije que cuando te asaltara la tentación… tejieras, no sé, cocinaras algo, cosa de distraer la mente… ¡Tenés demasiado poder con el pensamiento a distancia!»18 Pourtant, Magda proteste avec beaucoup moins de fougue le jour où Serafina lui explique que l’homme qui va mourir seul dans son avion privé est sur le point de fermer trois sites industriels pour délocaliser les usines, laissant des milliers de travailleurs au chômage.

La grande pertinence des propos de cette pièce réside dans l’évocation de plusieurs échelles de conflits. Au niveau international, dans l’exemple que nous venons de voir, Serafina possède un petit moyen d’action qui ne renverse pas tout le système du néolibéralisme mais qui, tout au moins, offre un bref espoir de sauver des emplois. Il est également fait mention du niveau national. Le texte ne permet pas d’identifier le pays où se déroule l’action, mais les commentaires que les trois sœurs font à la lecture du journal nous font entrevoir un culte de la personnalité voué au dirigeant. Au niveau du pays, aucun conflit n’est donc relevé. Cela est assez paradoxal, étant donné la situation politique de l’Argentine depuis la deuxième moitié du 20e siècle, que Gambaro ne cesse de dénoncer dans ses écrits. Mais l’ironie est perceptible et le public argentin n’est sans doute pas dupe. Au niveau des rapports de proximité sociale, le conflit est extrêmement violent et témoigne de la grande acuité de la dramaturge dans le traitement des diverses violences faites aux femmes. D’autre part, pour la femme, il s’agit du niveau de l’intime, puisqu’il est question de son corps. Dans la rue, le corps des femmes devient un enjeu qui renvoie à la vision de la femme comme objet. L’exclusion des femmes de l’espace public passe par toutes sortes de procédés de disqualification par lesquels on leur refuse le statut de sujet. Le harcèlement de rue, phénomène qui fait aujourd’hui parler de lui dans nos sociétés occidentales où l’on prend enfin la mesure du problème, est ici évoqué dans toute sa cruauté et à travers l’une de ses conséquences insidieuses les plus extrêmes : l’enfermement de la femme dans l’espace privé. Ce foyer protecteur composé de trois sœurs offre le seul refuge et la seule solution possible face à la violence de la rue. La plus jeune, Elisa, qui en est la première victime, s’insurge contre cet état de fait : « ¡Me tocó a mí! A mí no me gusta limpiar, me gusta ir por la calle, la nariz alta, ¡sentirme libre! Y estoy presa. No decido mis actos. ¡No soy dueña de mí!»19. On voit bien, par la mention des tâches ménagères (comme d’ailleurs dans l’une des citations proposées plus haut), à quel point le conflit harceleur/harcelée, une des variantes de la domination masculine, renvoie la femme au foyer et la cantonne à l’accomplissement des tâches domestiques. Ce qui est mis en évidence ici, c’est l’efficacité de la violence de rue pour le contrôle social de la femme.

À la fin de la pièce, la maison se trouve envahie par les nombreux cadeaux imposés par le harceleur, cadeaux que Serafina offre à la voisine Rosita qui vient d’accoucher. La situation semble inextricable et pourtant Serafina, la sorcière attachante, la douce illuminée de la famille, propose une solution. Il ne s’agit pas d’une résolution du conflit de manière directe ou par la force, mais plutôt d’un petit pas de côté, d’un changement de perspective que seule celle qui voit ce que les autres ne perçoivent pas pouvait proposer. Serafina va sortir faire les courses à la place d’Elisa :

Serafina : No se preocupen. […] Cuando se enamore de mí, me llenará de regalos.
Magda : ¿A vos?
Serafina : Claro.
Elisa (sonríe) : Entonces… ¡me olvidará!
Serafina : No puede. Tiene fijación. Pero enamorado de mí y con Magda que le simpatiza, seremos tres. Tendré más cosas para llevarle a Rosita (Sale)20.

La situation ne change pas radicalement et pourtant tout change. Car à trois, elles seront plus fortes et elles cesseront d’être des victimes isolées et sans défense. Le conflit prend un autre visage, celui de la sororité, de la solidarité et de la réponse collective. Nous verrons dans l’étude du cas suivant, celui de Márgara dans El don, que l’appel à l’union des forces se fait encore plus pressant dans cette pièce datant de 2014.

L’image de la sorcière, telle qu’elle apparaît à travers le personnage de Márgara, est une image plutôt classique, mythique et primitive de la voyante. Márgara est une vieille femme, son aspect respecte l’imagerie populaire classique de la sorcière. Souvent, ce personnage est associé à l’idée de folie ou tout au moins de sénilité. A l’instar de Cassandre, personne ne croit à ses prédictions, sauf quand elles prennent une forme qui arrange l’auditoire. Ainsi, Renata, une voisine, vient interroger Márgara sur l’issue de la maladie de son mari. Dans un premier temps, Márgara refuse de le faire, avant de céder, sous l’insistance de Renata, et de prédire la mort de l’époux. Renata exprime alors son agressivité contre ce qu’elle considère comme un mensonge pervers de Márgara. Ici, le conflit semble inévitable. Même si Márgara n’est pas animée d’intentions belliqueuses, elle se trouve, dans tous les cas, en position de déclencher les foudres contre elle. C’est la brutalité qu’oppose la société à ceux et celles qui ne se conforment pas et, comble de l’irrévérence, ne manifestent aucunement l’intention de quitter les marges pour rentrer dans le moule.

Cette pièce met en évidence la solitude de la « sorcière ». Cet aspect est un élément important de compréhension de la problématique de la sorcellerie. En effet, un des arguments sur lequel s’appuyaient les grands procès en sorcellerie du Moyen Âge était l’appartenance desdites « sorcières » à des sectes ou à des conspirations sataniques. Dans les années 1960, Norman Cohn21, un historien britannique, a démontré qu’il n’y avait pas de structuration en groupe des personnes accusées de sorcellerie mais qu’il s’agissait plutôt d’individus isolés. La peur de la sorcière s’appuie donc, à l’origine, sur la peur spontanée qu’éprouve l’individu face à celui ou celle qui adopte des modes de vie différents. Pourtant, ce qui a le plus dérangé les institutions, c’est le risque de mise en péril de tout le système. Non seulement la sorcière est dangereuse par cette alliance inacceptable entre femme et pouvoir qu’elle incarne, mais, par ailleurs, il y a le risque que l’ennemi s’organise et tente d’imposer un ordre différent du monde. Car c’est bien d’ordre qu’il s’agit. La sorcière médium que représente Márgara bouscule l’ordre des choses en faisant communiquer ce qui devrait rester séparé pour le bon fonctionnement de la cité. A travers son discours, présent et futur ne font qu’un dans un grand élan de révolte pour un avenir plus juste.

L’exclusion est la punition pour celle qui refuse de se plier aux lois de la cité, quitte à provoquer le conflit. La solitude de Márgara est une solitude existentielle, qu’elle exprime dans de longues tirades où se mélangent dénonciations de l’état du monde, espoirs d’un monde meilleur et expression de ses désirs. Ainsi, Márgara rappelle le pouvoir du groupe, elle appelle à l’union et son discours prend une tonalité politique :

Todos podemos salvarnos y ayudar a alguien más a que se salve. Si todos me acompañan, entonces tengo el poder de muchas manos, el aliento, la voluntad unánime. […] Si me oyen, mis predicciones se harán verdad. Como decir : ¡todos unidos venceremos!22

Bien sûr, même si elles gardent un caractère révolutionnaire indéniable, ces paroles n’ont rien d’original et peuvent sembler avoir perdu quelque peu de leur efficacité à force d’être répétées. Il nous semble cependant que la puissance de cette pièce réside dans le fait d’exprimer certaines vérités à travers Márgara, personnage discordant. En effet, seule une protagoniste habitant les marges permet d’opérer cette déconstruction, cette résistance créatrice, plutôt efficace pour aller contre le destin immuable du monde en général (les monologues de Márgara évoquent les horreurs des dictatures, les bateaux chargés de migrants, mais aussi la catastrophe écolo­gique), et de la femme en particulier. Car pour pouvoir changer le monde, il faut d’abord pouvoir le penser en termes de changement, il faut pouvoir imaginer qu’autre chose est possible. Sur ce dernier aspect, nous laissons la parole à Márgara qui résume l’intérêt de la prédiction comme mouvement, qui s’oppose à l’immobi­lisme des règles qui régissent le monde, une problématique particulièrement applicable à la condition féminine : « ¡Ahora decidiré! ¡Yo puedo…! Cambiar todo. Me viene el futuro y no es inerte. Nada es inmutable. Nadie. Para esto envejecí, para saber que puedo cambiar todo »23.

Chez Gambaro, le conflit est mouvement, il s’oppose à l’oppression dont l’objectif est la conservation du système. Dans cette perspective, les femmes, souvent exclues des centres de décision et de pouvoir, ont un rôle important à tenir. C’est pourquoi, à travers ses personnages féminins, Gambaro explore toutes les possibilités de la révolte féminine. Même à travers des protagonistes hautement ambigües, comme nous allons le voir en examinant le cas de Zaida dans La persistencia, la question est bien celle d’une remise en question du patriarcat. C’est en ce sens que l’on peut parler de rébellion féministe.

Une héroïne ambigüe : Zaida la criminelle

La persistencia a été écrite en 2004 et fut représentée pour la première fois en 2007 au Teatro San Martín de Buenos Aires. Comme en témoigne la postface de l’auteure dans l’édition de 200724, le point de départ de cette œuvre fut la lecture d’un article concernant le massacre de Beslan, en Ossétie du Nord, le 1er septembre 2004. Nous rappelons brièvement les faits : un commando composé en partie de Tchétchènes pénètre dans une école et prend en otage un millier de personnes, enfants et parents réunis pour la rentrée des classes. En réaction, le gouvernement russe, soucieux d’en finir après 3 jours de crise, donne l’assaut. La bataille qui s’ensuit se solde par la mort de 331 otages dont 186 enfants. Au moins une femme faisait partie du commando terroriste, ce qui a inspiré Griselda Gambaro pour la création de Zaida, le personnage central de la pièce. La question qui semble donc être le moteur de l’écriture de cette pièce serait : pourquoi, au milieu de l’horreur que nous inspire la mort de ces êtres humains – et en particulier de ces enfants, sommes-nous encore plus gênés par le fait que l’action a été menée, entre autres, par une femme ? Il y a là un fait monstrueux, discordant, une situation qui ne correspond pas aux normes qui s’appliquent dans la pensée collective du féminin. Car, rappe­lons-le, cette histoire qui met en scène une femme infanticide met à mal deux préjugés : le premier est que les enfants représentent l’innocence, la neutralité, et qu’ils ne sont par conséquent pas concernés par les conflits (présupposé qui n’a de cesse d’être démenti par l’histoire), le deuxième est que la femme est un être maternel, dont la priorité est la protection des enfants.

Zaida a perdu son jeune fils dans la guerre civile fratricide qui oppose des villages voisins, dans une région du globe que le texte ne définit pas. Dans la première scène, nous la trouvons dans une attitude de femme abattue qui ne se remet pas de cette mort. Zaida est donc bien dans le rôle traditionnel que l’on attend d’elle : la femme faible et éplorée qui reste à la maison en attendant le retour de son mari qui, lui, s’occupe des affaires de la cité. Au cours de la pièce, l’attitude de Zaida évoluera, elle redressera la tête et sa participation au commando mené contre l’école du village voisin et au massacre des enfants qui s’y trouvent sera décisive.

Trois personnages masculins entourent Zaida : Enzo, son époux, fervent défenseur de la guerre et instigateur du commando, Boris, son frère, perturbé par l’idée de mener une action contre une école, et El Silencioso, un personnage énigmatique, muet, sur lequel nous reviendrons. C’est à travers le personnage de Boris que s’exprime le regard réprobateur que la société porte sur la femme infanticide. Boris est un personnage moral (« No peleo contra niños »25 déclare-t-il) hanté par la même question que celle qui anime nécessairement le spectateur ou la spectatrice : « ¿Y cómo pudiste? […] Eras… la más maternal de las mujeres, la más bondadosa… »26. Cette question, « ¿Cómo pudiste? »27, ou d’autres variantes (« ¿Quién te envenenó de esa manera? »28), Boris la répètera tout au long de la scène, traduisant ainsi son incapacité à comprendre l’inacceptable. Car Zaida est avant tout l’incarnation de l’inattendu. C’est d’ailleurs pour cette raison que son action sera fort utile à la cause : l’attaque venant de celle sur qui pèse le présupposé de bonté et de douceur provoque un effet de surprise qui est sans aucun doute un des facteurs de la victoire sur l’ennemi, au moins dans un premier temps. Ainsi, paradoxalement, les deux réactions, celle de Boris choqué par l’attitude de Zaida et celle d’Enzo utilisant sa femme comme arme de guerre, sont des manifestations des stéréotypes de genre. La véritable transgression est à chercher ailleurs.

Car, si l’attitude de Zaida est sans aucun doute inacceptable et moralement condamnable, il faut revenir aux origines du conflit pour comprendre d’où vient le scandale. Finalement, ce qui a causé le premier attentat à l’ordre social dans cette histoire, c’est bien la guerre. La guerre est un scandale, un désordre qui ne dit pas son nom. Françoise Héritier relève ce paradoxe dont elle situe l’origine précisément dans la hiérarchie des sexes :

La différence entre les sexes est, toujours et dans toutes les sociétés, idéologique et traduite dans un langage binaire et hiérarchisé […]
Un seul des deux pôles est valorisé ; et, chose troublante, est souvent valorisé l’aspect considéré moralement comme négatif et a contrario dévalorisé l’aspect positif d’une paire d’opposition. Par exemple, tous les hommes en société disent préférer la paix à la guerre, mais, néanmoins, partout il est mieux vu pour un homme d’être valeureux au combat que « femmelette » (ce terme est choisi à dessein). La valorisation du pôle négatif rend compte du rapport de forces. Ce qui est moralement le meilleur peut être socialement décrié ou de peu de statut29.

C’est donc là qu’est le premier renversement des valeurs, dans le fait de faire primer la mort sur la vie, au nom de la virilité, cette catégorie structurante de la masculinité qui s’exprime dans la violence. Ainsi, dans la pièce, le scandale arrive par la mort du fils, conséquence inévitable de la guerre des hommes (la première scène évoque d’ailleurs l’assemblée des hommes qui décide des faits de guerre à venir). La mort du fils de Zaida, c’est la trahison d’une société qui devrait protéger ses membres et qui, au lieu de cela, impose la mort et le deuil à ceux et celles qui n’ont pas de voix dans les instances décisionnelles. D’ailleurs, dans le mythe de Médée, l’archétype de l’infanticide, la première trahison vient aussi de la société des hommes, à travers Jason qui épouse une autre femme dans un souci d’alliance politique. Le pouvoir masculin mène le monde, les femmes et les enfants n’étant que les victimes collatérales de décisions qui leur sont extérieures ou pire, des objets que l’on manipulera pour les besoins de la cause. Zaida explique clairement le rapport entre son geste et l’hypocrisie de la guerre : « Zaida : ¿Llorar? ¿Por esos niños? Mi ocupación es odiarlos. […] Y creo…no sé…que los odio para evitarme la hipocresía de amarlos. Porque… ¿qué clase de amor tenemos por los niños? Si los amáramos, de verdad los amáramos, la tierra trastocaría su eje, ante cada muerte saldríamos aullando desgreñadas y feroces, rasgándonos las ropas de desesperación »30.

Le paradoxe, l’hypocrisie, le scandale résident dans le silence et la passivité de toute la collectivité. Ce qui nous ramène à ce troisième personnage masculin évoqué plus haut et nommé El Silencioso. Ce personnage est une sorte de démiurge, une sorte d’autel incarné, qui occupe un coin du foyer et auquel les habitants du lieu font des offrandes de nourriture. Il se déplace, il s’entretient à des tâches domestiques (il coud, il balaye…31), mais il n’intervient jamais dans les conversations ou les débats, ni par la parole ni par un geste approbateur ou désapprobateur, même lorsque les personnages le convoquent : « Boris : (se deja caer frente a El Silencioso) Señor, ¿qué debo hacer? Guíame señor. (Angustiosamente lo mira. Lentamente, El Silen­cioso abre los brazos en un vago gesto de incertidumbre) »32.

Le message que fait passer la dramaturge à travers la présence silencieuse de ce personnage, c’est la neutralité coupable de toute la collectivité à laquelle renvoie ce Dieu convoqué, utilisé comme caution (par Enzo pour justifier son combat) et coupable de laisser tant d’horreurs se perpétrer. Dans une longue tirade où elle exprime à la fois sa douleur et sa culpabilité face à la mort de son fils, et sa volonté de continuer à participer au massacre des enfants de l’ennemi, Zaida s’adresse à El Silencioso : « ¿Acaso no querías esto, señor? ¿Que las mujeres odiemos como hombres? Aun con más entrega »33. Ces questions, qui resteront bien évidemment sans réponse, rappellent à quel point ce silence est au service de la violence masculine. Si Zaida est bien responsable de ses actes et agit ici comme sujet pensant, Gambaro met en évidence le fait que l’origine du conflit se trouve dans la domination masculine, qui passe nécessairement par la violence, sous toutes ses formes.

Depuis l’Antiquité grecque, berceau du théâtre occidental, la scène est le lieu où les spectateurs peuvent observer les défis et les conflits dans lesquels se débattent les êtres humains. Le théâtre de Gambaro n’a de cesse de démontrer de quelle manière le fonctionnement de la société patriarcale génère le conflit, au profit de la conservation d’un système. Le conflit bourreau/victime, qui occupe la dramaturge depuis ses premières pièces, est aussi et surtout le conflit qui oppose le masculin et le féminin. La littérature de Gambaro est un acte performatif en ce sens qu’elle permet, selon les mots de Marie-Hélène/Sam Bourcier, de « lire les genres au prisme de la lecture, renversant ainsi l’analyse habituelle qui consiste à pratiquer des lectures au prisme du genre »34. Ainsi, à l’instar de la sérigraphie de Barbara Kruger intitulée Untitled (Your body is a battleground)35, l’art est à la fois démonstration du conflit et participation au combat.

1 L’infâme décennie.

2 La loi du Point final est une loi argentine promulguée le 24 décembre 1986 qui interdisait les poursuites au pénal contre les crimes commis lors

3 Voir l’ouvrage collectif dirigé par Coline Cardi et Geneviève Pruvost, Penser la violence des femmes, Paris, La Découverte, 2012. Cet ouvrage, qui

4 Citons un extrait du discours du général Juan Carlos Onganía, prononcé lors de la Cinquième Conférence des Armées Américaines à West Point en 1964

Traduction : « les institutions armées américaines existent de par la nécessité de garantir la souveraineté et l’intégrité territoriale des états ;

5 Nora Domínguez, De donde vienen los niños. Maternidad y escritura en la cultura argentina, Rosario, Beatriz Viterbo, 2007, Colección Ensayos

Traduction : « Entre 1950 et 2000, deux figures maternelles acquièrent une présence et un poids dans la société et la culture argentines : le groupe

6 Pacale Molinier, préface à Teresa de Lauretis, Théorie queer et cultures populaires, Paris, La Dispute, 2007, p. 7-34.

7 Sexe, race et pratique du pouvoir. L’idée de nature, Paris, Côté-femmes éditions, 1992, p. 63.

8 Voir Françoise Héritier, Masculin/Féminin, Paris, Odile Jacob, 1996 et Masculin/ féminin II. Dissoudre la hiérarchie, Paris, Odile Jacob, 2002.

9 Teresa De Lauretis, « La tecnología del género », Diferencias. Etapas de un camino a través del feminismo, Madris, Horas y horas, 2000, p. 33-69.

10 Pauline Schmitt Pantel, « La construction de la violence dans la Grèce ancienne : femme meurtrière et homme séducteur », in De la violence et des

11 Hortensia Moreno, « Boxeuses à Mexico : corps, violence et genre », Problèmes d’Amérique latine, n° 84, 2012/2, p. 9-112.

12 Op. cit., p. 16.

13 L’Union sociale et politique des femmes (Women’s Social and Political Union, ou WSPU) est une organisation féministe créée en 1903 par Emmeline

14 Bard, Christine, « "Mon corps est une arme", des suffragettes aux Femen », Les Temps Modernes, 2014/2 n°678, (p. 213-240), p. 217.

15 Ibid., p. 218.

16 Marie-Hélène/Sam Bourcier, « Mini-épistémologie des études genre », préface à Comment faire des études-genre avec de la littérature :

17 Ibid.

18 Griselda Gambaro, Para llevarle a Rosita, in Teatro 7, Buenos Aires, Ediciones de la Flor, 2004, (p. 78-98), p. 85.

19 Ibid., p. 82.

20 Ibid., p. 98

21 Norman Cohn, Démonolâtrie et sorcellerie au Moyen Age, Payot, 1982.

22 Griselda Gambaro, El don, in Querido Ibsen : soy Nora, El don, Buenos Aires, Alfaguara, 2017, (p. 93-147), p. 118-119.

NB : L’édition précise (p. 147) que la phrase « Todos juntos podemos salvarnos y ayudar a alguien a que se salve » provient du livre Necrópolis de

23 Ibid., p. 105.

24 Griselda Gambaro, La persistencia, Buenos Aires, Grupo Norma Editorial, 2007, p. 77.

25 Ibid., p. 26.

26 Ibid., p. 45.

27 Ibid., p. 48-49.

28 Ibid., p. 49.

29 Françoise Héritier, Masculin/Féminin, Paris, Odile Jacob, 1996, p. 206-207.

30 Op. cit., p. 51.

31 On remarque au passage la disqualification de ce dieu impuissant et inutile qui passe par la féminisation.

32 Ibid., p. 35.

33 Ibid., p. 54.

34 Op. cit., p. 14.

35 Sans titre (Ton corps est un champ de bataille), 1989.

BARD, Christine, « "Mon corps est une arme", des suffragettes aux Femen », Les Temps Modernes, n°678, 2014/2, p. 213-240.

BOURCIER, Marie-Hélène/Sam, « Mini-épistémologie des études genre », préface à Comment faire des études-genre avec de la littérature : Masquereading, Guyonne Leduc (éd.), Paris, L’Harmattan, 2013, p. 13-28.

CARDI, Coline et PRUVOST Geneviève, Penser la violence des femmes, Paris, La Découverte, 2012.

COHN, Norman, Démonolâtrie et sorcellerie au Moyen Age, Payot, 1982.

DE LAURETIS, Teresa, « La tecnología del género », Diferencias. Etapas de un camino a través del feminismo, Madrid, Horas y horas, 2000, p. 33-69.

DOMÍNGUEZ, Nora, De donde vienen los niños. Maternidad y escritura en la cultura argentina, Rosario, Beatriz Viterbo, 2007.

GAMBARO, Griselda, Para llevarle a Rosita, in Teatro 7, Buenos Aires, Ediciones de la Flor, 2004, p. 78-98.

GAMBARO, Griselda, La persistencia, Buenos Aires, Grupo Norma Editorial, 2007.

GAMBARO, Griselda, El don, in Querido Ibsen : soy Nora, El don, Buenos Aires, Alfaguara, 2017, p. 93-147.

GUILLAUMIN, Colette, Sexe, race et pratique du pouvoir. L’idée de nature, Paris, Côté-femmes éditions, 1992.

HÉRITIER, Françoise, Masculin/Féminin, Paris, Odile Jacob, 1996.

MOLINIER, Pascale, préface à Teresa de Lauretis, Théorie queer et cultures populaires, Paris, La Dispute, 2007, p. 7-34.

MORENO, Hortensia, « Boxeuses à Mexico : corps, violence et genre », Problèmes d'Amérique latine, n° 84, 2012/2, p. 9-112.

SCHMITT PANTEL, Pauline, « La construction de la violence dans la Grèce ancienne : femme meurtrière et homme séducteur », in De la violence et des femmes, Cécile Dauphin et Arlette Farge (éd.), Paris, Albin Michel, 1997, p. 19-32.

1 L’infâme décennie.

2 La loi du Point final est une loi argentine promulguée le 24 décembre 1986 qui interdisait les poursuites au pénal contre les crimes commis lors de la dictature argentine pour toute plainte dépassant le délai de prescription de 60 jours fixé à compter de la promulgation de la loi. Cette loi amnistiait de facto toute détention arbitraire, torture ou assassinat commis jusqu’en 1983, année de la fin de la dictature militaire. Seul le cas des « bébés volés » sortait de l’application de la loi, disposition spécifiée par l’article 5. Celle-ci fut suivie, l’année suivante, par la loi d’Obéissance due, qui protégeait les militaires de rang inférieur au nom du principe hiérarchique de l’armée, puis par les amnisties décrétées par Carlos Menem en 1989-90. L’ensemble de cette réglementation est connu sous le nom de « lois d’impunité ». En 1998, ces lois furent abrogées, mais sans effet rétroactif : elles continuaient donc à servir leur objectif fondamental. Toutefois, elles furent considérées comme nulles et non avenues par le Congrès, en 2003, sous la présidence de Nestor Kirchner, la Cour suprême les déclarant enfin anticonstitutionnelles le 14 juin 2005.

3 Voir l’ouvrage collectif dirigé par Coline Cardi et Geneviève Pruvost, Penser la violence des femmes, Paris, La Découverte, 2012. Cet ouvrage, qui prend pour point de départ l’étude de la violence perpétrée par les femmes, met en évidence d’une part son instrumentalisation par la société patriarcale, et d’autre part le caractère systémique de l’émergence de cette violence dans le contexte de la domination masculine.

4 Citons un extrait du discours du général Juan Carlos Onganía, prononcé lors de la Cinquième Conférence des Armées Américaines à West Point en 1964 : « las instituciones armadas americanas existen en función de la necesidad de garantizar la soberanía e integridad territorial de los estados; preservar los valores morales y espirituales de la civilización occidental y cristiana » (Discours reproduit dans le journal La Prensa, Buenos Aires, le 7 août 1964).

Traduction : « les institutions armées américaines existent de par la nécessité de garantir la souveraineté et l’intégrité territoriale des états ; préserver les valeurs morales et spirituelles de la civilisation occidentale et chrétienne ».

5 Nora Domínguez, De donde vienen los niños. Maternidad y escritura en la cultura argentina, Rosario, Beatriz Viterbo, 2007, Colección Ensayos Críticos, p. 282.

Traduction : « Entre 1950 et 2000, deux figures maternelles acquièrent une présence et un poids dans la société et la culture argentines : le groupe des Mères de la Place de Mai et Eva Perón. Dans des circonstances historico-politiques absolument différentes, ces sujets assument visiblement et politiquement leur condition de mère. Elles montrent les liens qui existent entre maternité et politiques ».

6 Pacale Molinier, préface à Teresa de Lauretis, Théorie queer et cultures populaires, Paris, La Dispute, 2007, p. 7-34.

7 Sexe, race et pratique du pouvoir. L’idée de nature, Paris, Côté-femmes éditions, 1992, p. 63.

8 Voir Françoise Héritier, Masculin/Féminin, Paris, Odile Jacob, 1996 et Masculin/ féminin II. Dissoudre la hiérarchie, Paris, Odile Jacob, 2002.

9 Teresa De Lauretis, « La tecnología del género », Diferencias. Etapas de un camino a través del feminismo, Madris, Horas y horas, 2000, p. 33-69.

10 Pauline Schmitt Pantel, « La construction de la violence dans la Grèce ancienne : femme meurtrière et homme séducteur », in De la violence et des femmes, Cécile Dauphin et Arlette Farge (éd.), Paris, Albin Michel, 1997, p. 19-32.

11 Hortensia Moreno, « Boxeuses à Mexico : corps, violence et genre », Problèmes d’Amérique latine, n° 84, 2012/2, p. 9-112.

12 Op. cit., p. 16.

13 L’Union sociale et politique des femmes (Women’s Social and Political Union, ou WSPU) est une organisation féministe créée en 1903 par Emmeline Pankhurst et ses filles Christabel Pankhurst et Sylvia Pankhurstet, qui a milité en faveur du droit de vote des femmes au Royaume-Uni. Elle fut dissoute en 1917.

14 Bard, Christine, « "Mon corps est une arme", des suffragettes aux Femen », Les Temps Modernes, 2014/2 n°678, (p. 213-240), p. 217.

15 Ibid., p. 218.

16 Marie-Hélène/Sam Bourcier, « Mini-épistémologie des études genre », préface à Comment faire des études-genre avec de la littérature : Masquereading, Guyonne Leduc (éd.), Paris, L’Harmattan, 2013, (p. 13-28), p. 14 : « En soi, la littérature "met en scène ces normes" […], mais elle fournit surtout le plus grand réservoir de ratages, de dissonances, de répétitions "de traviole", de déviations, de perversions, de subversions des fameuses normes de genre ».

17 Ibid.

18 Griselda Gambaro, Para llevarle a Rosita, in Teatro 7, Buenos Aires, Ediciones de la Flor, 2004, (p. 78-98), p. 85.

19 Ibid., p. 82.

20 Ibid., p. 98

21 Norman Cohn, Démonolâtrie et sorcellerie au Moyen Age, Payot, 1982.

22 Griselda Gambaro, El don, in Querido Ibsen : soy Nora, El don, Buenos Aires, Alfaguara, 2017, (p. 93-147), p. 118-119.

NB : L’édition précise (p. 147) que la phrase « Todos juntos podemos salvarnos y ayudar a alguien a que se salve » provient du livre Necrópolis de Boris Pahor.

23 Ibid., p. 105.

24 Griselda Gambaro, La persistencia, Buenos Aires, Grupo Norma Editorial, 2007, p. 77.

25 Ibid., p. 26.

26 Ibid., p. 45.

27 Ibid., p. 48-49.

28 Ibid., p. 49.

29 Françoise Héritier, Masculin/Féminin, Paris, Odile Jacob, 1996, p. 206-207.

30 Op. cit., p. 51.

31 On remarque au passage la disqualification de ce dieu impuissant et inutile qui passe par la féminisation.

32 Ibid., p. 35.

33 Ibid., p. 54.

34 Op. cit., p. 14.

35 Sans titre (Ton corps est un champ de bataille), 1989.

Samantha Faubert

Maîtresse de conférences en Espagnol à l’Université du Havre, elle a soutenu sa thèse en 2001 sur « Les traductions françaises du théâtre de Ramón del Valle-Inclán : adaptation et interprétation ». Ses recherches se sont ensuite poursuivies, d’une part sur la problématique de la traduction dans le domaine littéraire et, d’autre part, sur l’approfondissement de la compréhension du théâtre de Valle-Inclán. Depuis quelques années, elle publie des articles sur le théâtre de la dramaturge argentine Griselda Gambaro et plus particulièrement sur la problématique du genre dans son œuvre. L’art est une arme de combat féministe. France, Argentine, Honduras et Salvador, regards pluridisciplinaires croisés (Samantha Faubert et Fanny Jedlicki eds.) est paru aux Presses Universitaires Caen-Le Havre en 2020.