« Les Facéties de Rabelais à Rome », illustration de la rivalité entre Paul Lacroix et Balzac

Stéphane Fossard

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Stéphane Fossard, « « Les Facéties de Rabelais à Rome », illustration de la rivalité entre Paul Lacroix et Balzac », Tropics [En ligne], 6 | 2019, mis en ligne le 01 juillet 2019, consulté le 21 novembre 2024. URL : https://tropics.univ-reunion.fr/1171

Paul Lacroix (1806-1884) publie en 1832 « Les Facéties de Rabelais à Rome », nouvelle dans laquelle il partage les bons mots de l’auteur de Gargantua lors de son deuxième voyage à Rome. Rabelais y accompagne le cardinal Jean du Bellay en 1535 et rencontre le Pape Paul III qu’il aura l’occasion d’interroger sur sa vision de la religion et sa croyance en Dieu. Le lecteur est confronté à l’irrévérence de Rabelais et s’amuse de situations improbables et qui pourtant, l’amènent à se questionner sur la place de l’Eglise dans la société.

Cette nouvelle, que nous nous proposons de présenter ici, mérite l’attention du lecteur à plus d’un titre. Tout d’abord, elle permet de rencontrer un auteur prolifique des années 1830 : Paul Lacroix, appelé aussi le Bibliophile Jacob, dont la réputation à l’époque est aussi grande que l’oubli dans lequel il est tombé de nos jours. Ensuite, elle trouve son origine dans une querelle qui opposa Lacroix à Balzac. Le premier, vexé par un article peu flatteur qu’il pense être composé par le second, se venge en écrivant les « Facéties », texte censé apprendre à son rival comment écrire dans le style des conteurs anciens. Enfin, elle illustre quelques-unes des préoccupations littéraires de l’époque : l’hommage aux auteurs du passé (et en particulier à Rabelais) et la libération d’un langage enfermé dans une hypocrite pudibonderie.

Un illustre inconnu

En 1829 paraît Soirées de Walter Scott à Paris, recueil de nouvelles qui connaît un franc succès. Son auteur, le Bibliophile Jacob, accède ainsi à la notoriété et voit sa réputation grandir auprès des lecteurs. Centenaire doté d’une érudition sans faille, véritable amoureux des livres, le Bibliophile impressionne par sa foisonnante activité littéraire. Il publie ainsi des contes (Contes littéraires du Bibliophile Jacob à ses petits-enfants), des romans historiques (La Danse macabre, Les Deux Fous, Les Francs-Taupins), des romans de mœurs (Un Divorce, Vertu et Tempérament), participe à de nombreux journaux ou encore est l’éditeur scientifique d’ouvrages dont les thèmes sont surtout historiques. Pourtant, malgré cette renommée, le public tarde à découvrir celui qui se cache derrière cette identité.

Ce centenaire est effectivement une création de Paul Lacroix, jeune homme qui, dès la classe de seconde, ambitionne une carrière d’écrivain. Ainsi, en 1821, il lance cet appel à son lecteur :

Encourage ma muse, aide moi de tes conseils, peut être que plus tard, suivant le chemin que tu me montreras, fort de ton secours je franchirai les rochers du parnasse et j’irai m’asseoir sur les degrés du temple de l’immortalité1.

Le jeune Lacroix s’imagine aux côtés des plus grands et se lance dans l’écriture de poèmes et de pièces de théâtre. Il publie en 1824 une édition des Œuvres complètes de Clément Marot grâce à laquelle il acquiert une certaine notoriété. Ce premier succès préfigure le bibliophile incontournable qu’il deviendra quelques années plus tard. Cependant, après quelques déconvenues théâtrales, Paul Lacroix abandonne la poésie et le théâtre pour se consacrer au roman, genre moins noble mais qui lui assure un revenu plus important. Il écrit en 1825 L’Assassinat d’un Roi2 qu’il fait paraître sous son propre nom et qui connaît un succès d’estime3.

C’est donc en 1829 qu’il donne naissance au Bibliophile Jacob. Mais comment justifier le choix de ce pseudonyme ? Ce nom rappelle immédiatement celui du patriarche Jacob et les lecteurs forment son innombrable descendance. Cependant, il renvoie d’abord à un érudit du XVIIe siècle :

Le célèbre pseudonyme de M. Lacroix a une origine ; il ne l’a point pris au hasard. Il existait sous Louis XIII et sous Louis XIV un savant jésuite, Jacob de Saint-Charles, dit le Père Jacob, et qui devint bibliothécaire du cardinal de Retz. Il a donné une Histoire des papes, et surtout un Traité des plus belles bibliothèques (1644), qui lui a valu une très grande réputation auprès des bibliophiles. C’est le nom même de cet érudit, nom âgé déjà de plus de deux siècles, que s’est approprié le docte bibliothécaire de l’Arsenal4.

Lacroix situe donc son personnage dans la tradition des bibliophiles et se crée ainsi une sorte de légitimité dans le domaine. Ses nombreuses recherches, l’inépuisable énergie qu’il y consacre et le nombre impressionnant de ses publications seront autant de preuves que ce choix n’est pas usurpé.

Le 5 décembre 1855, Lacroix est nommé Conservateur de l’Arsenal. Il se consacre alors entièrement à ses nouvelles fonctions mais poursuit également ses publications, à un rythme moins soutenu. C’est pourquoi « à partir de 1860, l’œuvre purement originale du bibliophile Jacob, œuvre d’historien et de romancier, se fait moins abondante »5. Il signera ses œuvres de ce pseudonyme jusqu’en 1868 où, sur la couverture des Amoureux brandons de Franciarque et Callixene, il reprend sa véritable identité. Son nom tombe alors petit à petit dans l’oubli. Lacroix donne l’impression de s’isoler dans son Moyen Âge et de laisser le monde qui l’entoure évoluer sans qu’il y prenne part. Gustave Brunet relève ainsi que, « tout dévoué à l’étude, absorbé jour et nuit dans les livres qu’il feuillette sans cesse et qu’il aime avec passion, le bibliophile Jacob a su se tenir sagement à l’écart des luttes politiques, des intrigues diverses, où se sont égarées tant d’intelligences contemporaines »6. Toute l’énergie que Lacroix consacre à ses travaux de bibliophile l’a finalement amené à délaisser les relations sociales et à se mettre à côté d’un siècle dans lequel il ne se reconnaît plus. Il fait partie de ceux que Jules Claretie appelle « les vrais historiens de la "vie vivante", les petits Michelet des mœurs et de l’anecdote »7. D’ailleurs, il avouera lui-même être « un des doyens, un des derniers représentants d’une autre littérature qui fait rayonner dans son auréole les noms de Victor Hugo, d’Eugène Sue, de George Sand, de Jules Janin, de Balzac et de Frédéric Soulié »8. Le désabusement est perceptible et souligne l’isolement dans lequel Lacroix s’est enfermé. Son œuvre, méconnue, mérite toutefois une attention particulière, tant elle est représentative des enjeux de la littérature des années 1830 mais aussi des relations entre les auteurs. C’est ce que nous révèle l’histoire des « Facéties ».

A l’origine du texte : une dispute entre Balzac et Lacroix

A l’âge de soixante-seize ans, Lacroix se remémore son passé et publie une « Simple histoire de [s]es relations avec Balzac »9, texte dans lequel il revient sur le début de sa carrière et la rencontre avec celui qu’il considère comme son rival. Il donne les raisons qui l’ont poussé à écrire les « Facéties ». Tout part d’un acte de « camaraderie littéraire »10 que Lacroix exige de Balzac :

Mon cher Balzac, je vous prépare un magnifique et altitonnant article dans Le Mercure voire dans Le Gastronome mais il serait important que vous me fissiez la revanche dans Le Voleur où je serais bien aise d’avoir de votre style sur mes Deux fous11.

Cette pratique n’est pas rare à l’époque et Lacroix attend de Balzac le retour des louanges qu’il lui décerne dans son article. Cependant, le compte rendu qui paraît dans Le Voleur ne lui convient pas. Il reproche à Balzac de ne pas respecter les termes implicites de ce contrat de camaraderie et de critiquer de manière ironique son dernier roman. Néanmoins, Balzac affirme ne pas être l’auteur de cet article. Cela ne convainc pas Lacroix qui se décide à rompre toute relation avec son rival :

Depuis plusieurs années, il est vrai, je n’ai aucun rapport avec M. de Balzac et j’évite de m’approcher trop des lieux où il rayonne comme le soleil de Louis 14 : haud non pluribus impar12.

L’ironie déployée ici par Lacroix fait comprendre à quel point il est vexé de l’attitude de Balzac. Il profite alors de chaque occasion pour dénigrer les compétences du Tourangeau. Lorsque paraît le premier volume des Contes drolatiques en 1832, Balzac subit de nombreuses critiques relatives au choix d’écrire dans la langue du XVIe siècle. Lacroix ne résiste pas à l’envie de lui donner une leçon et s’inspire de « Rabelais à Rome » pour écrire les « Facéties ». La publication de ce texte est une première attaque qui ne désigne pas directement Balzac et qui met en valeur la supériorité du Bibliophile Jacob :

Le vieux langage a été imité dans certains pastiches avec plus ou moins de bonheur. Le bibliophile Jacob, qui possède si parfaitement la langue des époques que ses ouvrages ont peintes, nous a communiqué ce curieux fragment d’un livre qu’il n’avait pas destiné à l’impression et dans lequel sont puisées les meilleures pages des Soirées de Walter Scott. Nous nous sommes permis de modifier l’orthographe et la ponctuation, lorsque l’intelligence du texte réclamait ces anachronismes, qui déparent la fidélité de ce fac-simile du seizième siècle13.

Comme Lacroix l’avouera dans sa « Simple histoire », ces « pastiches » désignent les Contes drolatiques14. Il critique l’orthographe de son rival et se pose en spécialiste qui maîtrise parfaitement la langue des auteurs anciens. Notons également la prudence de l’écrivain qui met sur le compte d’anachronismes volontaires les erreurs qu’il aurait lui-même laissées dans son texte. De la même manière, Lacroix joue avec le stéréotype du manuscrit retrouvé puisque ce texte est présenté comme un « Extrait des mémoires inédits de Jean de Laval, comte de Chateaubriant » et non comme une fiction écrite par le Bibliophile Jacob. Ce dernier n’est que celui qui partage la découverte de ce texte, devenant grâce à sa réputation le garant de la qualité de la langue utilisée.

La version de 1836, publiée dans Mon grand Fauteuil, attaque cette fois-ci explicitement Balzac qui, de son côté, poursuit la publication de ses Contes drolatiques. Elle est introduite par le texte qui suit. Il devait, selon Lacroix, précéder la publication des « Facéties » mais a été censuré :

M. de Balzac, qui a tant d’esprit et de mémoire, en a fait preuve dans ses Contes drolatiques, où les vieux conteurs français sont mis à contribution, qui pour un sujet, qui pour une scène, qui pour une phrase, qui pour un mot : or, il y a des mots sublimes dans Rabelais, Verville, Eutrapel, Desperriers, Bouchet, Marguerite de Navarre, comme dans Corneille. Mais M. de Balzac, qui sait si bien prendre, n’a pas pris le langage du temps qu’il voulait reproduire en fac-similé ; il a fait un style de tous les styles, forgeant des phrases sur l’enclume de son imaginative, créant des expressions, des barbarismes, des solécismes, et surtout l’orthographe la plus monstrueuse et la plus drolatique qui fut jamais : c’est un grimoire parfait et une délicieuse mystification. Or, j’avais écrit ce petit fragment pour donner à M. de Balzac une simple leçon d’orthographe étymologique, et pour le renvoyer au chapitre du Pantagruel : Comment Pantagruel rencontra ung limosin qui contrefaisoyt le langaige francoys15.

Le Bibliophile assume ici l’écriture des « Facéties » (la véritable identité du Bibliophile Jacob est connue mais Lacroix continue d’utiliser ce pseudonyme qui marque toujours les esprits en 1836) et critique à nouveau Balzac sur sa méconnaissance de la langue du XVIe siècle. La référence à Pantagruel accentue la leçon puisque, tel Pantagruel qui déclarait au Limousin : « Je vous apprendray à parler »16, Lacroix renvoie Balzac à ce chapitre pour lui enseigner l’orthographe des auteurs anciens. Avec la modestie qui le caractérise, Lacroix souligne dans sa « Simple histoire » l’efficacité de sa méthode puisque le projet de son rival d’écrire cent contes n’aboutit pas et que le Tourangeau semble depuis éviter de le croiser17.

La critique est continue durant les années qui suivent la publication des « Facéties ». En effet, Lacroix s’inspire de Balzac pour décrire certains personnages de ses romans. Ainsi, en 1834, il évoque dans Les Francs-Taupins « un de ces Balzac, seigneurs d’Entragues, originaires de Brioude en Auvergne »18. L’homme est laid, gros, lubrique, orgueilleux. Il essaie de « devenir presque un personnage »19 et « se gonfl[e] de majesté et d’assurance »20 en présence d’hommes de pouvoir. La critique se poursuit en 1838 avec la publication des Aventures du grand Balzac, histoire comique du temps de Louis XIII dans lequel Lacroix avoue dès la préface le rapprochement entre le personnage historique et l’écrivain contemporain, « ce colosse d’or aux pieds d’argile »21. Dans sa « Simple histoire », il confie que « l’ouvrage n’était pas bien méchant, mais il s’attaquait à la personnalité présomptueuse et triomphante de Balzac, par une foule de malicieuses allusions, car il y avait des rapprochements naturels et comiques entre le Balzac du temps de Louis XIII et le Balzac du règne de Louis-Philippe »22. La satisfaction que l’on perçoit à la lecture de ces lignes souligne le plaisir qu’a ressenti Lacroix lors de l’écriture de ses « malicieuses allusions ». L’éloignement temporel n’efface finalement pas le désir de se montrer une nouvelle fois supérieur. Il faut néanmoins remarquer qu’après le décès de Balzac, Lacroix rend hommage au talent de son rival en le rapprochant de Rabelais :

Balzac et Rabelais sont deux frères jumeaux nés à deux siècles d’intervalle l’un de l’autre. Rabelais avait deviné, pressenti Balzac ; Balzac a compris et absorbé Rabelais23.

Lacroix salue enfin « la gaîté, la poésie, la philosophie »24 des Contes drolatiques qui immortalisent Balzac au panthéon des écrivains et des conteurs qu’ils admiraient tous les deux. Le temps aura finalement dissipé la rancune mais cela n’empêchera pas Lacroix d’évoquer avec un plaisir perceptible l’histoire de cette dispute dans ses mémoires. Quelle valeur attribuer alors à cette leçon de langue ?

Les sources des « Facéties »

En 1828, Lacroix fait paraître anonymement dans Le Mercure de France une nouvelle intitulée « Rabelais à Rome. Extrait de mémoires du temps inédits »25. Ce texte, dans lequel apparaît déjà la volonté de l’auteur de se rapprocher du langage des auteurs anciens, est une première version de celui qui prendra place dans les Soirées de Walter Scott à Paris sous le nom de « La Pantoufle du Pape ». Si le premier constitue l’origine même des « Facéties » qui en sont la traduction en Français du XVIe siècle, tel que Lacroix se le représente, le second participe à la naissance du Bibliophile Jacob. Il existe également de nombreuses différences entre les deux textes si bien qu’on peut considérer « La Pantoufle du Pape » comme une réécriture de « Rabelais à Rome ». Il est nécessaire de replacer ce texte dans le projet littéraire de Lacroix avant de revenir à l’étude comparée des différentes versions des « Facéties »26.

« La Pantoufle du Pape »

Dans ses œuvres, Lacroix privilégie les faits mineurs, pittoresques de l’Histoire. Il explique comment la recherche du pouvoir, l’amour, le désir sexuel, la déception ou encore la vengeance apportent aux hommes la force nécessaire pour changer leur destin et ainsi modifier le cours de l’Histoire. « La Pantoufle du Pape » s’inscrit dans cette volonté mais elle a également un statut particulier. En effet, Lacroix rend ici un hommage à Rabelais et il en fait une figure positive qui bénéficie d’un traitement de faveur qui tranche avec les aventures habituelles de ses héros. Il faut dire que l’auteur de Gargantua est un modèle pour les auteurs de l’époque. Lacroix suit cette tendance et met donc en scène Rabelais en 1535, au moment où, accompagnant le cardinal Jean du Bellay à Rome en qualité de médecin et de secrétaire, il rencontre le Pape Paul III. Par ses bons mots et son regard à la fois amusé et critique, Rabelais s’attire la sympathie du Pape. Profitant de la liberté de parole qui lui est donnée, il démontre que l’Eglise peut être ébranlée par l’aveuglement du peuple mais aussi par le comportement de ses représentants. Lacroix offre finalement dans cette nouvelle l’image d’un Rabelais bon vivant, amateur de la dive bouteille27 et de jolies pucelles28, mais aussi observateur critique des travers de la société.

La nouvelle s’appuie sur un fait historique réel : le second voyage en Italie de Rabelais. Elle s’inspire également d’une anecdote relatée par Brantôme dans Vie des Dames galantes : le mariage du cardinal du Bellay et de madame de Châtillon (Blanche de Tournon, veuve de Jacques de Coligny, seigneur de Châtillon-sur-Loing). Cette origine littéraire inscrit « La Pantoufle du Pape » dans la lignée des chroniques galantes et accentue la vraisemblance du cadre historique29. Lacroix reprend donc le récit publié en 1828 mais il l’enrichit de ces références littéraires afin de développer l’intrigue amoureuse du cardinal et la personnalité de Rabelais. Au vu du succès des Soirées, « La Pantoufle du Pape » passe, aux yeux des lecteurs, pour le texte qui a inspiré les « Facéties » mais cette nouvelle n’en est en réalité qu’une réécriture.

Des « Facéties » aux « Gaietés »

Le texte de 1832 est, nous l’avons dit, une traduction de celui publié en 1828 dans Le Mercure de France. Le manque de temps a certainement poussé Lacroix à cette facilité qui lui permet de donner rapidement sa leçon de langue à Balzac. Il l’a malgré tout enrichie de plusieurs anecdotes et livre surtout la fin de ce récit30. Il récidive en 1836 en insérant une nouvelle version de ce texte dans Mon grand Fauteuil. Les différences entre les versions de 1832 et de 1836 laissent entrevoir un travail de correction orthographique essentiellement. Notre objectif n’est pas ici de juger de la maîtrise de la langue utilisée par Lacroix mais plutôt de comprendre les intentions de l’auteur à travers les modifications du texte.

Le titre des deux versions présente une première différence. En 1832, Lacroix parle des « Facéties » de Rabelais et en 1836, de ses « Gaietés ». Ce changement de titre interroge sur le genre du texte. En effet, « pour les uns, la facétie se définit par rapport aux Facetiae du Pogge, la repartie brillante et l’ingenium de la Renaissance ; pour bien d’autres, la facétie est avant tout ce qui est facile, ou licencieux, ou simplement explicite sur le plan sexuel (ce qui n’est pas nécessairement la même chose) »31. En qualifiant les aventures de Rabelais de « Facéties », Lacroix assume l’aspect licencieux du texte et reste conforme à la présence du sexe dans les romans historiques qu’il publie à la même époque. Le changement de 1836 confère au texte un aspect plus sage en enlevant toute référence sexuelle dès le titre et en insistant davantage sur la plaisanterie, la bonne humeur. Cependant, le texte est précédé de l’indication « Fragment drolatique » qui, puisqu’elle vise explicitement les Contes drolatiques de Balzac, propose une lecture licencieuse et inquiétante du texte. En effet, le drolatique balzacien se situe à la frontière du rêve et de la réalité, et célèbre le bas corporel en mettant en scène des personnages dans des situations érotiques et scabreuses, souvent teintées de satanisme. Le changement de titre est donc pour Lacroix un moyen de contrebalancer la grille de lecture drolatique.

Les modifications sont nombreuses entre les deux versions. On peut cependant recenser trois grandes catégories : une révision de la ponctuation, une archaïsation de l’orthographe et une correction de la syntaxe par l’ajout ou la suppression de mots. Quelques exemples représentatifs permettront de mieux se rendre compte du travail effectué par Lacroix32. Les modifications de la version de 1836 sont indiquées entre crochets.

Le travail sur la ponctuation confère à la phrase un nouveau rythme proche certainement de ce que Lacroix considère être celui des auteurs anciens. L’exemple qui suit est significatif des changements opérés :

Ainsy ne pourray-je certifier que je ne fauldray point, publiant les beaulx et merveilleux mysteres que m’escript-on nouvellement de Camera Romae. [:] C’est la chancellerie de nostre très sainct père le pape Paul, troisième du nom, qui puisse vendre des pardons et reliques, cohabiter avecq sa propre sœur et planter de jolys enfans jusqu’à l’advenement de l’Antechrist, amen ! [.]

Lacroix peut aussi supprimer les virgules, comme dans l’exemple suivant : « ceulz-là qui cherchent la vérité, non dans un puitz, mais dedans la bouteille [ceulz-là qui cherchent la vérité non dans un puitz mais dedans la bouteille] », ou en ajouter, comme dans la première phrase du texte : « Fault que je boute cy par escript ce qui advint l’an passé (1555), en l’ambassade à Rome[,] de messire cardinal Jean Du Bellay de Langey, Françoys Rabelais estant son medicin ordinaire et secretaire ». Ce travail sur la ponctuation accentue l’oralité du texte en donnant du rythme à la phrase et en mettant en valeur, par les pauses, certaines expressions.

De plus, Lacroix procède à une archaïsation de l’orthographe. Il insiste davantage sur la prononciation du mot et sur sa graphie. Par exemple, il préférera écrire en lettres le nom du Pape, car l’archaïsme est ici plus visible : « Paul IIIe [Paul troyziesme] »33 ; ou encore il rassemble deux mots pour n’en faire qu’un comme dans « mon très cher [trescher] filz ». Il se rapproche également de la prononciation de l’époque. Ainsi, « profond [profund] », « surement [seurement] », « nostre mère l’église [l’Ecclise] », « croyance [creance] », « sceau [scel] », « aperceut [apperceut] », « héretique [hereticque] » sont autant d’exemples qui illustrent les changements opérées par Lacroix. La suppression de l’accent aigu, l’ajout de la consonne –c, le doublement de consonnes sont des transformations qu’il pratique couramment entre les deux versions. De même, lorsqu’il évoque la pantoufle, il suit deux orthographes d’apparence archaïques mais choisit en 1836 de les faire correspondre à celle que choisit Rabelais dans Gargantua34 : « possible se guermentoit-il d’avoir seul baisé la pentouffle [pantoufle] », « cuydoit parler de la pantouffle [pantoufle] ».

Les principales modifications syntaxiques apportées par Lacroix portent sur les désinences verbales (« je vous avertis [averty] », « Dictes-luy [Dites luy] »), le déplacement d’un adverbe (« car il me tarde moult [car moult il me tarde] »), l’ajout ou la suppression d’un pronom ou d’un adverbe (« Partant, il appert que la foy seule nous saulve, et non le fouet duquel on use bellement [on use trop bellement] envers les vendeurs de psalmes en francoys », « je te promets large absolution sur parchemin scellé de mon sceau avec lequel iras surement en [jusqu’en] paradys », « vous nous avez brassé de belle et copieuse besogne [vous avez brassé de belle et copieuse besogne] »), ou encore le changement de classe grammaticale (« goustant voluntiers ses [ces] mocqueries et audaces »).

Ces quelques exemples des corrections qu’il opère entre les deux textes soulignent l’intention de Lacroix de correspondre au mieux à la manière de s’exprimer de l’époque et, ne l’oublions pas, de prouver à Balzac sa supériorité dans ce domaine. Néanmoins, elles rendent également compte des interrogations qui parcourent la littérature des années 1830.

Des préoccupations contemporaines

L’intérêt, le culte même, que Lacroix et Balzac portent à Rabelais35 est également au centre d’une réflexion contemporaine sur le devenir de la littérature. En effet, pour Balzac, « le vrai progrès en littérature consistera, non pas à exprimer complaisamment le marasme de l’époque, mais à lui répondre par un appel à l’énergie et à la plus saine et française énergie : celle du rire »36. Nos deux auteurs partagent l’idée que le renouvellement de la littérature passe par la redécouverte des auteurs anciens et de ce rire franc, gaulois, qui est celui célébré entre autres par Rabelais. De plus, l’activité de bibliophile de Lacroix lui permet de rééditer des œuvres du Moyen-Âge et du XVIe siècle alors oubliées et d’offrir un nouveau public aux auteurs qu’il admire. Il participe ainsi à cette redécouverte romantique de la littérature « gauloise »37, « native du cœur même de la France, et essentiellement populaire »38 qui comprend « toutes œuvres où le plaisant dominait, mais qui ne laissent pas d’offrir souvent des morceaux profonds ou sublimes, et des enseignements d’une haute morale parmi des flots de gaieté frivole et licencieuse »39. Le projet balzacien d’écrire cent contes drolatiques (dix livraisons de dix contes, mais Balzac n’ira pas au bout de son intention) renvoie de même aux Cents nouvelles nouvelles, au Decameron de Boccace, mais aussi à L’Heptaméron de Marguerite de Navarre (ouvrage inachevé qui aurait dû contenir cent récits). En s’inscrivant dans la lignée de ces célèbres devanciers, Balzac rend hommage à la tradition des conteurs anciens. Il est donc nécessaire de se ressourcer à cette littérature primitive dont la beauté reste inaccessible à certains de ses contemporains. Ainsi, Lacroix reproche à ceux qui critiquent son intérêt pour le Moyen-Âge et la Renaissance leur incompréhension de la poésie de cette époque :

Oh ! le moyen âge ! le moyen âge ! Les véritables barbares sont ceux qui déclarent la guerre à ces magnifiques épisodes de poésie et d’art, ceux qui retranchent de notre histoire les plus merveilleuses pages, ceux qui ne comprennent pas la seule phrase originale de l’ère vulgaire40.

Ecrire dans la langue archaïque est donc pour les deux auteurs un moyen de redonner aux Français le goût de cette poésie dénigrée. Il ne s’agit pas pour autant d’imiter mais bien de renouveler, de réinventer le langage. Nerval explique que celui qui fait son entrée sur la scène littéraire ne doit pas se contenter de reproduire mais bien de dépasser les auteurs anciens : « Mais qu’il les [les illustres modèles] surpasse, entendez-vous ? car il est impossible d’admettre une littérature qui ne soit pas progressive »41. Il ajoute qu’il faut choisir « ou de les surpasser […], ou de poursuivre une littérature d’imitation servile qui ira jusqu’où elle pourra »42. Le drolatique est la réponse apportée par Balzac ; le désir d’instruire en associant une solide érudition et le plaisir de découvrir les secrets sulfureux de l’Histoire est celle de Lacroix.

Le texte qui nous intéresse illustre ces préoccupations : il associe une grande connaissance de la biographie de Rabelais, un intérêt pour le pittoresque et laisse aussi une place au comique du bas corporel. Ainsi, le pape découvre Gargantua et s’amuse à la lecture de ce « tant joyeux chapistre touchant l’usage le plus convenient d’une oye bien dumeté » ; l’austère cardinal Salviati « dedans ses chausses se conchia vilaynement » en écoutant les bons mots de Rabelais ; et ce dernier explique qu’à la lecture de décrétales, il ressentit les signes d’une indigestion telle qu’il pensait « deterger l’ame qui, comme il appert, gist en trippes et boyaux, parmi les matieres fecales, d’ond les moribonds exhalent le dernier souffle par en bas ». Le choix d’une époque éloignée et d’une orthographe archaïque mettent à distance les pudibonderies qui pourraient naître d’une telle lecture. Le langage, ainsi libéré de son hypocrisie, renoue avec ce rire gaulois tant prisé de nos deux auteurs.

L’œuvre du Bibliophile Jacob, tombée dans l’oubli de nos jours, mérite d’être redécouverte, tant elle reflète les préoccupations qui parcourent la littérature de l’époque. La nouvelle présentée ici ne représente qu’une partie des centres d’intérêt de Lacroix. Ainsi, l’étude de ses relations avec ses contemporains montrerait de quelle manière il a lui aussi participé à l’essor du Romantisme des années 1830. De même, l’analyse de ses écrits journalistiques compléterait le portrait de ce jeune homme discret mais à l’humour grinçant qui, pour beaucoup, est devenu « un homme qui s’est fait livre ! »43 Ce personnage complexe donne finalement l’impression d’avoir vécu à distance de son siècle, tant sa passion pour l’Histoire l’a gardé auprès de ses bien aimés livres et a fait de lui un observateur critique des mœurs de son siècle.

Texte de référence : Paul Lacroix (Le Bibliophile Jacob), « Facéties de Rabelais à Rome. Extrait des mémoires inédits de Jean de Laval, comte de Chateaubriant », in L’Artiste, 1832, tome IV, p. 260

Contrairement à l’usage qui veut que la version de référence soit la plus récente du vivant de l’auteur, nous avons fait le choix de privilégier la version de 1832 puisqu’elle est le résultat de ce conflit entre Lacroix et Balzac. De plus, elle illustre parfaitement le travail de réécriture du texte original présenté en annexe 1, alors que la version de 1836 comporte, à l’exception du titre, des corrections orthographiques et grammaticales du texte de 1832.

Le vieux langage a été imité dans certains pastiches avec plus ou moins de bonheur. Le bibliophile Jacob, qui possède si parfaitement la langue des époques que ses ouvrages ont peintes, nous a communiqué ce curieux fragment d’un livre qu’il n’avait pas destiné à l’impression et dans lequel sont puisées les meilleurs pages des Soirées de Walter Scott. Nous nous sommes permis de modifier l’orthographe et la ponctuation, lorsque l’intelligence du texte réclamait ces anachronismes, qui déparent la fidélité de ce fac-simile du seizième siècle.

Fault que je boute cy par escript ce qui advint l’an passé (1535), en l’ambassade à Rome de messire cardinal Jean du Bellay de Langey, Françoys Rabelais estant son medicin ordinaire et secretaire. Ledict Rabelais, né en44 la ville de Chinon en Tourraine, moyne d’abord, puys apostat seculier, puys moyne encores jusques à ce qu’il se rendist à la Faculté de Montpellier docteur perite et disert en toutes sciences et arts depuis alpha jusqu’à omega, a mis en lumière avec bruict et los le prime livre de la Vie admirable de Gargantua filz de Grandgousier, auquel se trouve satyre bien poignante et obscure des choses recentes, tant divines que royales : mais ce n’est dont il s’agit pour le present. Mondict Rabelais, que j’ay veu aulcunes foys à Paris et aussy en la ville de Lyon au temps qu’il establissoit ung bel almanach, n’est pas, comme disent les langards, cafards et aultres maulvaises graines, ung gros truand vivant parmy l’ordure diogénique et crasse monacale, non plus ung muguet ne sentant que basme et benjoin, mais ung franc, gay, riant bonhommet, bien mangeant et davantage bien beuvant, jamais ivre et jamais à jeun, voyre aux quatre-temps et vigiles. Beaucoup de follies, folastreries, gaudisseries, hardiesses et apothegmes du susdict ont couru par le monde, lesquelz sont partie faulse et partie vraye, car tel est l’us et coustume de nous aultres curieux amateurs de ce qui passe le vulgaire, de grossir la verité et l’habiller de mensonges d’agréable estoffe : voila comme trop de licences et vilenies furent prestées à maistre Francoys. Ainsy ne pourray-je certifier que je ne fauldray point, publiant les beaulx et merveilleux mysteres que m’escript-on nouvellement de Camera Romae. C’est la chancellerie de nostre très sainct père le pape Paul, troisième du nom, qui puisse vendre des pardons et reliques, cohabiter avecq sa propre sœur et planter de jolys enfans jusqu’à l’advenement de l’Antechrist, amen !

Lorsque Rabelais parut en face de nostre veneré dieu en terre, ainsi dit-on le pape, il se signala par dix mille gentillesses dont la moindre eust faict rire ung mort de trois jours. Son seigneur le cardinal qui là estoit, quoyque tout bas goustant voluntiers ses mocqueries et audaces, par politique refrenna tout hault la langue drue et picquante comme herisson de son amé docteur45 ; ains ledict Paul troisième, de naturel dehait et raillard, n’ayant garde de rancuner ses46 gentilles parolles, le pria au contraire de lascher la bonde à son gualant esperit, tellement que maistre Françoys, dessus la licence qui luy fust baillée, entra en ses gaietez et dégoisa mieulx que papegeay47 touchant le pape present, la sainte église romaine, le sacré collége, le roy de France nostre sire, voyre contre Dieu en son paradys. C’estoit par toute l’assemblée une musique d’esclatante hilarité, et nul ne se peust tenir de rire à ventre deboutonné, si que les huissiers et appariteurs riaient aussy en écho ; mesmement le très austère cardinal Salviati lequel, sa vie durant, avoit redoubté comme peste toutes cachinnations et drosleries profanes, oyant les excellens discours du frater Rabelais, se laissa cheoir à bas de sa selle en pamoyson de rire et se rouloit, le pauvre digne homme, en baudouinant parmi le tapys de la salle, tant que sa barbe chenue essuyoit la poussière, et que dedans ses chausses se conchia vilaynement, comme l’a depuis conté sa fine mouche de chambrière.

Or, que disoit, que faisoit ce divin Pantagrueliste, pour esmouvoir ceste fureur de rire ! De mesme vous le rapporteray cy après, non sans rire de memoire.

Primo, son bonnet doctoral en teste, il ne salua le pape ni pas un des assistans, qui s’indignerent d’abord de ceste façon malhonneste ; mais luy, tendant vers un angelot de pierre sculptée qui servoit de pupistre en ung coing retiré pour poser les Heures du pape, fist deux beaulx et honorables salutz en grande reverence ; puis baisa la statue très respectueusement sur le front, et fischant le genouil en terre, grigotta l’oraison qui s’ensuyt :

« Monsieur le pape, s’il plaisoit à vostre infaillible saincteté d’avoir la teste moins dure ung petit, possible seroit que celle qui est appellée heresie, ne scay pourquoy ni comment, s’accointast en bonne estrenne avec la religion papale, id est catholique, apostolique et romaine. Mais point : le seigneur Christ a prononcé saigement ceste prophetie : Tu es pierre ! Es Petrus, et super petram œdificabo ecclesiam meam48. O l’élegant latin de la Vulgate ! ô la sainte equivocque translatée en la langue des payens idolastres ! se recria-t-il, interpellant les cardinaulx esbahys comme fondeurs de cloches : Cicero ni Quintilianus, doctes rheteurs, n’escrivoient point de ce style. Il n’est que d’estre bon christian pour latiniser en haulte game par decoction de l’Esprit sainct. Partant il appert que la foy seule nous saulve et non le fouet duquel on use bellement49 envers les vendeurs de psalmes en francoys ».

A ce coup messire Dubellay ordonna que son medicin fust mis dehors, pour veoir si d’adventure il avoit deschaussé sa raison à la porte ; mais le pape à ce s’opposa, et joyeux compagnon qu’il estoit, bailla à maistre Francoys indulgence pleniere et copieuse absolution pour parler à son aise et sans reserve, car il s’enquit à son voisin quel fust ce brave et hardy parleur.

Adonc, monsieur l’ambassadeur vint à baiser, en pieuse ceremonie, la pantouffle immaculée du sainct père, et ung chascun confict en silence comtemploit ceste anticque coustume, abhorrée des heretiques ; soudainement fut entendue une voix aigre comme cornemuse arcadique disant : « Hé ! petit page, vite apporte une aiguière pleine d’eau beniste pardevant le maistre-autel, avecq linge blanc et net affin d’en laver et essuyer le derrière de monseigneur le pape ». Telle impieté sembla à tous les oyans trop roide et trop pesante ; aussi s’entre-regardoit-on sans mot sonner ni broncher des oreilles ; c’est pourquoy conclud Rabelais : « Assurement, si mon reveré seigneur Dubellay s’en va baisant les pieds au pape, que baiseray-je plus humblement, moy son indigne serviteur ». On en rit encore à Rome et long-temps rira.

Le pape, hoschant la teste en tesmoignaige de son contentement, somma ce gay diseur de venir au plus pres de son throsne, et s’informa de ce qui mieulx luy seroit duysant et convenient, avec promesse papale de complaire à ses desirs : « A si hault sire que vous estes, declara le philosophe pyrrhonien50, rien n’est trop ardu, ni trop profond. Or je vous supplie, mains joinctes et prieres melliflues au bec, de demonstrer bien clairement et geometriquement à moy chetif, que Dieu est, que Jésus est son veritable filz de chair, que vous estes faict pape à son image, et que moy qui vous interroge ne suys une machine toute de boue et que mort rendra boue, sans plus. Si vous pouvez, de vostre infaillibilité canonique, m’expliquer ces mystères horrifîques, et si estranges, que d’y songer mon esprit est tout affollé et que ma teste s’en fend, je vous intitule fameux abstracteur de quintessence supereternelle51, et pour prix, je vous fais oblation du Grand-Œuvre qui est au pays des chimères ». A ce, le pape saigement et paternellement respondist de bouche en oreille : « Mon très cher filz, si moy mesme savois ces belles choses que nul ne scayt, serois-je pape ? demande à moy ce que homme ou pape peust donner. – Ouy dea, dist Rabelais en soubriant, faictes de vostre auctorité que j’espouse madame vostre fille, moyennant ung honneste et profictable conjungo vos52 : ensuyte, j’ay fiance, si m’aide Dieu, de devenir par elle pere cornard d’ung petit pape qui succedera à son ayeul par héredité ; car moy, ne bois point assez pour estre ung pape parfaict. – Mon filz, repliqua pertinemment Paul IIIe, le bon Dieu, qu’il fault en ses desseins adorer, ne m’a encores octroyé qu’un filz, et madame ma fille est à naistre. – Dictes-luy de se haster, finist Rabelais en se monstrant les cornes ; car il me tarde moult de la rendre plus héretique qu’un fagot, plus fringuante que la papesse Jeanne, et plus fertile que dix mille genisses. Pour la dot, trouvez moy une vraye relique de sainct, s’il en est, et nous ballerons a la nopce où nostre mère l’église entrera en dance ».

Messire Du Bellay, s’ennuyant de ne pas participer aux devis de son medicin avec le pape, ne se tint plus long-temps d’aller bouter le nez en leur entretien : possible se guermentoit-il d’avoir seul baisé la pentouffle, chose honteuse pour ung congnoissant la vanité insolente de ces superstitions : « Comment, mon très vénérable père, feit-il d’un air pathelin, ne voulez-vous point que maistre Francoys vous la baise ? » Ce disant, cuydoit parler de la pantouffle ; ains Rabelais continuant son propos de la fille à naistre du pape : « Oui dea, je n’y faudray mie, monseigneur : toutesfoys j’attendray qu’elle soit née, sinon pucelle. – Voilà belle rentrée de picques noires, monsieur l’equivocqueur ! reprit nostre cardinal le museau plus rubicond que son chapeau, non de vergoigne d’ouir si aigre équivocque, mais du despit d’estre mocqué par son secrétaire : baisez, s’il vous plaist, comme bon chrestien que vous n’estes pas, la plus saincte pantouffle qui soit en ce monde terrien ? – Ainsy faictes, dict le bon monsieur le pape, l’endroit du baiser de monsieur l’embassadeur est encores quasy chauld et moite. – Enda, respondit Rabelais qui se gaussoit, est-ce pas M. sainct Crepin qui ouvra ces tant bonnes, tant divines, tant puissantes, tant magnifiques pantouffles, que chascun baise et rebaise à tout venant, fut-il duc ou roy ? Je prétends en achepter de semblables pour ce qu’avecques icelles onc n’auray à guerir goutte, cors et varices aux jambes ; chaussé de la sorte, on n’a garde de mourir par les pieds. – Sans plus arraisonner, interrompit messire Dubellay, baisez. – Quelle ? demanda iterativement Rabelais : brune ou noire, blonde ou rousse ? – Pantouffle, objecta le cardinal. – O la mauvaise viande que cuir tanné de veau ou mouton ! s’escria l’aultre, ce m’est grande penitence, monsieur du pape, que d’accoller ceste cy en pire estrenne ».

Sur ce, il feit le semblant de soy baisser à deux genouilz pour le faict de l’accollade ; mais ce n’estoit que feinte, car au temps que le sancte pater, avecq agreable sourire, tendoit la patte à l’encontre du baiser, le faulx compaignon happa la jambe papale soubdainement, et la soubzleva en l’air par surprise, si que le pape cheut à l’envers, la face noyée au prochain benoistier, dond ses blancs cheveux esgouttoient l’eau salée en maniere d’aspergeoir. Trop temeraire et insolent estoit le jeu de Rabelais, et jà commençoit-on à murmurer là autour, cependant que les officiers du pape, s’estant approché à l’ayde, l’avoient remis sus son siege, plus camus que geline couvant ung œuf de vipere emmy les siens. « Hola, ce quidam est heretique et sent le roussy d’une lieue, disoient les spectateurs de ce scandale : il est venu à Rome allumer son buscher et savoir si les rostisseurs ont adextre façon de faire en ce pays. Possible convient-il de le mener aux prisons de l’inquisition ? » Quant à Rabelais, tel que la femme de Loth en sel muée devers Sodome, droict, roide et mut il demeura pour imiter l’esbayssement et le deuil : « Misereremei53, repeta-t-il haultement par troys foys ; mercy, mon très honoré pere en Dieu et diable, je ne soupçonnois qu’il peust en arriver ainsy, ayant de toutes parts ouy exalter la sempiternité inebranlable de nostre mere l’egclise catholique qui ne fust fondée sur l’esvangile, comme dist-on, et je pourpensois, moy avaleur de lanternes, que nulle force humaine, tant grande qu’elle soit54, ne pourroit seulement mouvoir sa base qui est monsieur le pape. Vertu Dieu ! je m’advise icy qu’on m’a mal informé, et qu’il n’est difficile de ruer jus pape. De ce me souviendray devant que le jugement des ames advienne : amen ». Les tesmoings de ces baliverneries entendirent le sens allégorique, et la pluspart cardinaulx et prebstres, n’en rirent qu’à rebours. Toutesfoys Paul IIIe prisa grandement l’esprit satyricque de Rabelais, encores que du coup lui demeurast une belle bigne à sa teste oincte, et luy ayant présenté mainte aultre question sur maint subjet divers, lesquelles par luy feurent solues honorablement, le congedia d’honneste facon, l’assignant pour ung entretien secret, non aux kalendes gregeoises, mais au jour du demain après matines dites et avant litanies bachiques.

Messire Du Bellay, tout preude homme et philosophe condigne qu’il estoit et est encores, si sa vertu n’a faict peau neufve, feut moult envieux et picqué du recueil advenant que son secrétaire avoit eu du pape : d’ond le manda seul à seul, au retour, en son hostel ; à son ordre, vind Rabelais, jocquetant ses Heures, comme il avoit accoustumé de dire, à savoir en humeur de fanfrelucher antidotalement : or, ceste fois, lunettes magistralement dessus le nez, tenant ung livre de bulles, vraye fruition55 du pays romain, lequel il alloit lisant à l’envers et marmonnant ses patenostres de cinge, comme joly descrotteur de messes :

« Par sainct Martin de Langey56, cria l’ambassadeur au plus loin qu’il aperceut icelui, vous avez brassé57 de belle et copieuse besogne, monsieur le gargantuiste : estes-vous du tout insensé et en vos lunes que faisiez la figue à la saincteté du pape ? J’ordonneray qu’on vous chasse comme ladre, si poursuyvez tel scandale. – Composons, dist fermement Rabelais, et changeons ce propos malseant pour ce que si parlez de la sorte à vostre secretaire, je n’ay là encre ni charte pour escrire ces choses, si au medicin, je ne voys comment guerir vostre mal, si à l’amy, je ne m’arrange de ces duretés, si à l’aulteur, je ne coucheray point vostre dire en mes abstractions de quintessence, si au prebstre, je n’ay leu cela dedans mon breviaire, si enfin à moy Francoys Rabelais, natif de Chinon en Tourraine et vostre germain en la famille d’Adam, je ne vous respondray mie peur de vous trop respondre ».

Puis, hors cet esclat58 de cholere pichrocdoline59, rassit son oultrance et devisa d’aultre style :

« Cà, cà, maistre, seriez vous malhaigné ou melancolié que m’avez faict appeler en haste ? j’apporte ce qui est besoin60 pour vostre guerison ; voycy remede à toutes maladies et panacée simpiternuniverselle : ce sont mignonnes Decretales61 qui valent mieulx qu’or potable : migraine, pleuresie, goutte, apoplexie, ignorance, anerie, moinerie, rien ne se garde du baulme decretalien : vela de quoy, ainsy que dict Francoys Sagon contre Fripelipes valet de Marot, poète et valet de chambre du roy »62.

M. de Langey eut vergoigne de se fascher envers ce fin diseur, d’autant que nul n’oyoit leur dialogue familier ; adonc, oublieux de sa fantaisie colereuse, ne se tint pas de rire en bonne intelligence, se ceignant des deux mains le ventre, paour qu’il ne crevast. Rabelais, excité par ce, ne se contenta pour si peu, mais continuant son dire :

« Si j’estois roy de France ou d’Yvetot63, feit-il, je rendrois une belle ordonnance touchant les apothecaires et pharmacopoleurs, pour ce qu’ilz ne vendissent aultres drogues que Decretalles. Neanmoins ne serviroient onc de restrictif ; car d’icelles la doctrine est tant relaxée, que, par un certain jour, ayant devoré une Clementine entière et gousté le suc d’une Extravagante64 (c’est remède decretalique contre les heresies du temps) j’allay du ventre si copieusement et si catholiquement que je pensai deterger l’ame qui, comme il appert, gist en trippes et boyaux, parmi les matieres fecales, d’ond les moribonds exhalent le dernier souffle par en bas : autant en emporte ange ou dyable ».

Là eust fin ce propos decretalisant, et Rabelais s’estant assis aux costés du seigneur son maistre, comme l’esleu à la dextre de Dieu, tous deux mocquerent, s’emberlucocquerent et papalement equivocquerent, par interrogation, comme il s’ensuyt :

Messire Du Bellay. – Souventesfoys pape peut estre dict papa.
Rabelais. – Mieulx pape asne.
Du Bellay. – Adonc ses petits filz seront papegeais.
Rabelais. – Ou plutost teigneux et venimeux papillons.
Du Bellay. – Les lutheristes vouluntiers delivreroient l’ecglise de papillote ? (sans doute pape ilote, ains l’equivocque est médiocre).
Rabelais. – Quand ne mangera plus le papelard (ô le fin equivocque).
Du Bellay. – Lors pour ne revenir onc, s’envolera pape comme papier.
Rabelais. – C’est à ce coup que vraiment aurons papauté (pape osté, s’entend) et l’equivocque vaut une belle chemise de souphre et un throsne de bourrees à l’hereticque equivocqueur qui se gausse du pape.

Ensemblement et joyeusement ricanoient et ricancanoient, c’est à dire rioient tirant de leur nez mesme bruict que font les canards caquetant dessus la mare. Puis, feirent apporter flacons, hanaps et crateres de capacité anticque avecques force jambons, force boutargues, force andouilles, force chair salee et fumee, pour apprivoiser la soif, et beurent à tire-larigot, comme le tonneau des Danaïdes, louant Dieu qui faict croistre la vigne et le vin sous le semblant duquel Jesus-Christ est figuré en la communion. Ils menerent ce gualant trac de beuverie jusques à l’heure de matines, devisant de leurs amours, rythmant des carmes en l’honneur et exaltation du nectar italicque, repetant les orgies d’Anacreon et Horatius, et chantant Evohe Bacche !65 en s’accompagnant de la panse non moins que de la gueule, tant et tant que Jupiter en fust esveillé au Capitole et que Paul troisiesme, qui ouyt les esclats de ce souper, dessoubz les courtines de son lit, resva que les Gauloys de Brennus s’en revenoient derechef assieger et mettre à sac la ville Rome.

Au jour du lendemain, les fumees septembrales66 estant par le somme chassées, Rabelais, affin de visiter le sainct pere ainsy que convenu estoit, s’accoustra de telle sorte, se cœuvrit le corps d’unq amict67 sans manches descendant au genouil, vestement chrestien, meit amples chausses bouffantes à la maniere des hereticques lutheristes, suspendist à ses espaules ydoles indicques68 et amulettes egyptiaques, enceignit son front d’ung turban sacré à Mahom prophete des Turcqs, dessus lequel superposa divers livres figurant Bible, Evangile, Koran et aultres sainctes escriptures des juifz, catholicques, reformistes, payens et infidelles. Adonc embeguiné de si mysterieuse et droslaticque fasson, estalant maint attribut de religion, secte et dyablerie, traversa les rues et carroys de la ville papale parmy les ris des facquins et nacquetz qui lui faisoyent la figue, et magistralement s’en alla droict au palays, dont les portiers avisant ceste merveilleuse mascarade ne vouloyent l’huis desserrer et sommoyent ce caresme-prenant de tirer devers Pasquino qui l’attendoit. Ains sitost que maistre Francoys eust nommé son nom, s’intitulant bedeau du pape et commissaire enquesteur des clefz de sainct Pierre, chiens de se taire, portes de s’ouvrir, valetz de courir et toutes gens d’oster leurs bonnetz à deux mains avecq force salutations et beau remuement des badigoinces ; car l’honneste pape avoit ordonné ce, et aulcuns, voyant ceste triumphante reception, pourpensoient que le medicin feut ung roy, sinon ung empereur. Introduict feut à grand tumulte en une chambre peincte et dorée en laquelle Paul troisiesme se prelassoit sus de molz coussins assys, revant par advance aux mirificques choses qu’il estoit devant ouyr issant de bouche si docte et eloquente : mesmement je m’estonne que ce digne poursuyvant des muses n’imita la fantaisie de madame Marguerite d’Escosse, laquelle au regne du roy Louis unziesme, son mary, baisa bien druement sur le bec messire Alain Chartier endormy, non pour la beaulté d’icelluy, qui feut layd et contrefaict, mais pour l’amour des gentes poesies qu’il scavoit faire. Or voilà que ceste momerie extravaguante le boute en belle humeur, et il entonne ung joly rire de plain chant, riant de fureur si désordonnée, qu’il s’esbat par les coussins plus doulx que hermine et se compissant comme un pendu desconfès.

« Qu’est-ce ? » demandoit le pape. Rabelais, sans s’esmouvoir plus que la grosse tour de Bourges, s’approcha avec l’air grave et compassé d’ung maistre es-arts crotté de la rue au Feurre : « Devinez quel personnage je représente icy de vray par figure ? » dict-il en toussetant et branlant ; puis, se tint courbassé et paralytique, clignant de l’œil, tordant la bouche et composant la plus desplaisante grimace.

  • Par le sainct prépuce de Jesus Christ qu’on garde au tresor de Sainct de Latran69 ! s’escria le pape estouffant par force de rire, c’est l’Antechrist, je le reconnois à ce hault bonnet.

Alors Rabelais descrivant l’ordonnance de ses habits : « Veez cy pourtraicte l’ymage de ma religion Thelemicque ».

  • Laquelle ? remarqua le sainct pere.

  • Sage et naturelle, feit Rabelais, humaine plus que divine, bonne autant que possible est et comme l’a faicte à moy l’estude profond de toutes religions passées et presentes ; j’ay battu, bluté70, tamisé ceste moisson si riche d’ivraye et maulvaises herbes, ainsy Maro Virgilius fouillant le fumier Ennius71. Voilà comme, des evangiles gregeoys, romains, indicques, hebreux, chrestiens et aultres, j’ay tiré à grand’peine et election une sorte d’habit bigarré, d’assez bonne estoffe, dont j’ay ma nudité vestue, au grand profict de mon intelligence petite. Pour parler non plus en langage figuré et parabolique, j’ay pris le peu qui m’a semblé de valeur parmy ce tas de momeries, fripperies et bagatelles, affin d’en extraire le meilleur suc, et partant chausser croyance à mon pied. Comment ? Livrant aux bestes les mysteres, metamorphoses, miracles, legende dorée et pareilles revasseries gonflees de vent, mais recueillant bien religieusement la morale engendrée de Dieu mesme, si toutesfoys Dieu est.

  • Assez, mon tres cher frere en pesché, interrompit le pape esmeu de scandale, avez la langue moult trop ardue et legere : cecy oultrepasse la mienne intelligence, et il y auroit audace bien grande de penser seulement comprendre telz blasphesmes. Si Dieu n’estoit, dictes-moi, je vous prie, qui feroit meurir le raisin et nous donroit les gentes pucellettes que tant vous aymez ? Oui, gros, grand, poillu, bon, clement, paternel, Dieu est : dire en quel lieu, ne m’appartient, non plus à quiconque vivant dessus terre : ains ayons foy en luy jusques à ce que treuvions mieulx.

  • « Dieu me gard, reprist Rabelais, de vouloir prescher et censurer ung pape ! ce seroit le supresme jour de la Catholicque, si pape venoit à resnier d’adventure : j’attendray à demain pour veoir cela. Or maintenant que vous avez par les yeulx de la chair perceu quelle est ma creance et religion, permettez que je m’abstienne de paroistre, pardevant vous aultre que je suis reellement. Néanmoins je refuiray le scandale autant que possible.

  • Ainsy soit, dict le pape rassis. On m’a conté que vous feustes moyne nagueres ?

  • Depuys l’aage de douze ans, respondit Rabelais, et le plus moyne qui feut veu onc moynant dans toute momerie, je veux dire moynerie, ne faictes attention, ce sont lapsus linguae, heresie de bec, faulte de salive, et Dieu me pardoint ! J’avois bien toutes vertuz de moyne, n’estoit que je preferois bouteille à breviaire, vin à messe, beaulx dez à respons, andouilles et jambons au reste. Les cordeliers de Fontenay-le-Comte en Bas-Poitou m’eurent pour frère mal frocqué. Il y a long-temps de ce, car lors n’avois-je pas quarante-et-six ans comme pour le présent. J’entends par ledit nom de cordeliers, gens dignes de la corde ; qu’en pensez-vous, beau père ? Mais admirez : honteux et envieux de me veoir si bien et si pleinement entonner (scavoir le benoist pyot) qu’ils estoient pauvres clercs auprès, prirent la mousche, face cramoisie, teste esventee et male rage de dentz, et vouloit-on me jetter en chartre avecq gros pain ballé et eau claire à dévotion : eusse-je pas esté trop nice de me ranger soubz leur bon plaisir ? Donc je quittay le couvent sans emporter aultre depouille que ma robe et mon personnage dedans. Ah ! si le ciel juste eust consenty à leur maligne intention, de moy ne seroit demeuré rien que cendres aux vents ? Je suis content qu’il n’en arriva de la sorte pour ma postérité. Cuydez peust-estre que j’avois le mestier monacal en aversion plus qu’engine ou colique ? Point : je chérissois trop diligement le jus de la vigne et la faitise. Cepourquoy sans reprendre haleine, je passay au moustier de Maillezais en Poictou. L’ordre Sainct-Benoist me parust plus plaisant que l’ordre Sainct-Françoys ; mesmement j’aurois vestu l’ordre Sainct-Satanas, si là on eust beu du meilleur et mangé à l’equipolent. Avecque sainct Benoist ou Benet, c’est tout ung, gagnay peu d’indulgences. Messire l’abbé m’ayant penitencié des sept Psaumes de monseigneur David, pour ce que je chantois matines à beaulx ronflemens, à l’heure du past, je meslay en sa soupe de Primes nenuphar et refrigeratifs en pouldre, moyennant quoy le paillard ne peust ses nonnains confesser et doubta estre maleficié : chose horrible en moynaille. Ceste iniquité parachevee, le plus saige feut de partir de ceste tanniere de diables burs, et feis bien, car mondict abbé me condamna, comme hereticque, en bonne forme, lutheriste et brulable comme juif ou pourceau. Merci Dieu ! je n’ay onc veu le fagot, mais il n’y a temps perdu, et fault patienter jusque-là. Finalement allay en la celebre ville Montpellier, en laquelle estudiay cathegoriquement la quintessence de la medecine d’Hippocratés et Galenus. Faulte de pouvoir estre medicin de l’ame, qui est beau pere confesseur, je devins medicin des corps, et depuys, en ay gueris, ne scay combien, avecq l’apothicairerie de la joyeuseté pantagruelicque de maistre Alcofribas Nasier »72.

Ce disant, rejetta les hardes qui couvroient sa robe médicale, et se coiffant du bonnet de la faculté, se montra en fringuant despecheur de malades, car soubz cette livrée doctorale, avoit ample provision de grec et latin pour ses Recipe, fiere assurance de regard et copieux desbridement de langue :

« Or cà, monsieur le pape, feit-il en gaussant, auriez-vous pas d’abundant quelque loup, ulcere malin ou plaies honteuses, ce qui ne seroit estrange, veu qu’estes homme de vostre nature ? Ne vergognez pas et me monstrez voz pieces, que je vous oste ces tesmoings de l’humaine fragilité. Ensuite je vous fierai73 ung miraculeux secret d’74estre tousjours sain et net. Le roy Francoys, s’il eust mes advis escoutez et observez, seroit encores plus munde qu’ung marbre poly ; au contraire, mourra pourry et gangrené comme chien roigneux.

  • Aultre propos, interrompit le pape qui estimoit fort ledict roy. On a parlé à bruyant los jusqu’au-delà des Alpes, du livre admirable qu’avez imprimé environ troys annees en cà, et j’ay grant envie de le lire à l’advantage de mes rognons et entendement.

Rabelais bouta la main en son sein et tira le livre susdict, qu’il présenta amenement au pape, comme chat tendant la patte et dict en mystère :

  • « Prenez et mangez, cecy est mon corps ! prenez et mangez, cecy est mon sang ! »

Voulant par ce texte évangelique faire entendre que là dedans estoient encloses ses pensees les plus abstraictes et l’ame de son genie : le pape prist, ouvrist et leut l’endroict du tant joyeux chapistre touchant l’usage le plus convenient d’une oye bien dumeté, et lisant, recommença de rire à se lascher le ventre, s’exclamant de surprise à chaque nouvel aniterge du petit Gargantua.

« Encores en ai-je omis le plus précieux ? objecta Rabelais. – Quel ? demanda le pape qui cuydoit la litanie complète. – Decretalles, respondist Rabelais, fault corriger ceste omision. » Alors le pape : « Tu mocques, petit, mais bientost auras besoin de bulle papale pour revenir en France où l’on brusle les gens mieulx qu’aux enfers : aultrement tes vieulx pechés seroient nettoyez par le feu, ce qui ne plairoit aux beuveurs tres illustres, non plus au pape de Rome. Je te promets large absolution sur parchemin scellé de mon sceau avec lequel iras surement en paradys. Mais dis : en ce beau livret, comme Renommee en faict rumeur, n’as-tu pas piqué, raillé et blasonné roy, empereur et pape ! Certes, le sel atticque y foysonne. Mais ce sont pourtraictz au vif, tellement qu’on reconnois pas figure moy qui suys le pape, le roy Francoys premier de nom, sa tant bonne femme, ses preux gentilhommes et toute la chrestienté de cour et d’eglise, depuis le cedre jusqu’à l’hysope ! » – « Je ne le celeray mie, repliqua Rabelais, j’ay semé à pleines mains cà et là et partout ung grand planté de mocqueries, satyres et equivocques, lesquelz peuvent estre interprestez des plus puissantz seigneurs de ce monde : c’est une farce et moralité du temps présent par personnages ; toutesfoys onc n’eus l’esprit intrigué et perplex, pour y faire jouer leur jeu au naturel gens mortz ou75 vivantz : seulement j’ay à tous et à chascun emprunté nombre de traitz, faits et gestes, pour en faire honneur à mes acteurs, Grandgousier, Gargantua, Gargamelle, frere Jehan des Entommeures, Picrhocole et le reste. En preuve de quoy, je vous monstreray à l’emblée la continuation de ces chronicques de haulte graisse : ung matin, au lieu d’ouyr l’Angelus, quand aurez grabelé ce commencement, je viendray vous reciter l’histoire très horrificque du grand Pantagruel, filz du bonhomme Grandgousier : mes amys veulent que icelluy soit pour vray le roy Francoys mon maistre, parent et heritier de Louis douziesme : vous m’en direz vostre proposition. D’abord je vous avertis que mon prime livre n’est point desdié aux prebstres, caffards et pattepelues : par ainsy fault-il entendre par ces mots "Beuveurs très illustres et gouteux très precieux"76 ceulz-là qui cherchent la vérité, non dans un puitz, mais dedans la bouteille ».

Sur ce on vint dire que les cardinaulx estoient assemblez, et le pape renvoya avec de riches dons le docte Rabelais qu’il convia au prochain entretien : j’ignore s’il y feust et s’il fourvoya le pape en heresie.

Annexe 1 Paul Lacroix, « Rabelais à Rome. Extrait de mémoires du temps inédits », in Le Mercure de France, tome 23, 1828, p. 406-414

77 Faut que je boute ci par écrit ce qui advint l’an passé, 1536, en l’ambassade à Rome de messire Jean Dubellay de Langey, François Rabelais étant son médecin et secrétaire. Ledit Rabelais, né natif de Chinon en Touraine, moine d’abord puis apostat, puis moine encore jusqu’à ce qu’il se rendît à Montpellier un docteur périte en toutes sciences depuis l’alpha jusqu’à l’oméga, a mis au jour avecque bruit et los le prime livre de la Vie admirable de Gargantua, fils de Grangousier, auquel se trouve satire bien poignante et obscure des choses récentes ; mais ce n’est dont il s’agit pour le présent. Mondit Rabelais que j’ai vu aucunes fois à Paris et en dernier lieu en la ville de Lyon au temps qu’il établissait un bel almanach, n’est pas, comme disent les langards, cafards et autres mauvaises graines, un gros truant vivant dans l’ordre diogénique et crasse monacale, non plus un muguet ne sentant que basme et benjoin, mais un franc, gai, riant bonhommet bien buvant, bien mangeant, jamais ivre et jamais à jeun. Beaucoup de folies, folâtreries, hardiesses et réponses du susdit ont couru dans le monde, qui sont partie fausses, partie vraies. Car tel est l’us et coutume de nous autres curieux amateurs de ce qui passe pour le vulgaire, de grossir la vérité et l’habiller de mensonges. Voilà la façon comment tant et tant de licences ont été rapportées à maître François. Ainsi je ne pourrai autrement certifier que je ne faudrai pas en ne faisant que publier les beaux mystères que m’écrit-on nouvellement de Camerâ Romae. C’est la chancellerie de notre saint-père le pape Paul III qui puisse vendre des pardons et reliques, coucher avec sa pauvre sœur et planter des enfans jusqu’à l’avénement de l’antechrist.

La prime fois que Rabelais parut en présence de notre Dieu en terre, ainsi nomme-t-on le pape, il se signala par dix mille gaîtés, dont la moindre eût fait rire un mort de trois jours. Son maître et seigneur le cardinal qui là était, quoiqu’au fond goûtant fort ses railleries et audace, par décence refréna tout haut sa langue piquante comme hérisson. Mais ledit Paul III d’un naturel dehait, loin de rancuner ses paroles trop osées, le pria de lâcher la bonde à son esprit ; si bien qu’usant de la permission, François se dégoisa mieux que papegai sur le pape lui-même. C’était de par la salle un tonnerre d’hilarité, que nul ne se put tenir de rire à bouche que veux-tu et à ventre déboutonné, et mêmement le sacrosaint cardinal Salviati, lequel en sa vie avait fui comme peste les machinations et joyeusetés, oyant les discours du Gargantuiste, se laissa aller à bas de sa selle en pâmoison de rire et se roulait en éclatant, de sorte que sa vénérable barbe chenue balayait la poussière, et que dans ses chausses se conchia vilainement, comme l’a raconté sa chambrière. Mais que disait, que faisait Rabelais pour émouvoir telle gaîté ? Comme vous le dirai tout à l’heure.

Primo entrant dans l’assemblée son chapeau en tête, ne salua ni le pape, ni aucun de ceux qui là étaient ; mais s’approchant d’un angelot de pierre servant de pupitre en un coin de la chambre, lui dit deux beaux saluts avec profonde vénération, ensuite le baisa respectueusement au front, et posant un genoil en terre commença l’oraison qui s’ensuit :

« Monsieur le pape, s’il plaisait à votre sainteté avoir la tête un peu moins dure, possible serait que celle qui est appelée hérésie, ne sais pourquoi, s’accointât en bonne étrenne avec la dive religion papale, id est catholique. Mais non ; le seigneur Jésus a dit bien sagement : Tu es pierre ! es Petrus et super petram œdificabo ecclesiam meam. O l’élégant latin (fit-il en se détournant du côté des cardinaux ébahis comme fondeurs de cloche) ! Cicero ni Quintilianus l’orateur, je vous jure, n’en approcha onc. Il n’est que d’être bon chrétien pour latiniser en haute game. Tant il est vrai que la foi est ce qui nous sauve et non le fouet dont on use par trop envers les vendeurs de psaumes en langue vulgaire ». C’est alors que messire Dubellay voulant que son médecin issît dehors, le saint-père, bon luron et galant compère, bailla à icellui une belle absolution pour parler sans gêne ; car il s’était enquis de quelqu’un quel fut ce gentil parleur.

Sur ce, M. l’ambassadeur vint à baiser bien pieusement la pantoufle trois fois sainte du saint-père, et un chacun recueilli en silence admirait cette antique cérémonie ; adonc s’entendit une voix aigre comme verjus, disant : « Petit page, vite porte une aiguière pleine d’eau bénite devant le maître-autel, puis du linge blanc et net afin d’en laver et essuyer le derrière de monseigneur le pape ». Semblable impiété parut à tous trop roide un petit, aussi s’entreregardait-on sans sonner mot. Mais conclud Rabelais : « Sans doute si mon révéré maître baise les pieds au pape, que baiserai-je, moi, son très-humble serviteur ? » On en rit encore à Rome.

Le pape le fit venir devant son siège et s’informa de ce qui pouvait lui être plaisant, promettant de contenter ses souhaits. « A si haut seigneur que vous êtes, dit Rabelais, rien n’est trop difficile. Or je sous supplierai mains jointes et posture suppliante de me démontrer bien géométriquement que Dieu est, que Jésus est son fils de chair et os, que vous êtes pape à son image, et que moi qui vous parle ne suis une machine faite de boue et que la mort rendra boue, sans plus. Si vous pouvez de votre bonté m’expliquer ces mystères si étranges, que rien qu’y penser ma pauvre tête s’en va toute perturbée, je vous déclare fameux abstracteur de quintessence, et vous fais oblation du grand œuvre qui est encore à trouver ».

A ce, le pape reprit prudemment et à l’oreille : « Mon fils, si je savais ces belles choses serais-je pape ? Demande-moi ce que l’homme peut donner. – Oui dà, dit alors Rabelais, faites que j’épouse madame votre fille moyennant un beau conjungo vos, et j’espère, si m’aide Dieu, être père d’un petit pape qui succédera à vous par hérédation ; car moi pour être pape ne bois-je pas assez ? – Mon fils, répondit encore Paul III, le bon Dieu ne m’a octroyé qu’un fils, et ma fille est encore dans le néant. – Dites-lui de se hâter, finit Rabelais, car j’ai idée de la rendre plus heureuse que la papesse Jeanne ».

Messire Dubellay, s’ennuyant de ne pas ouïr le devis du pape et de son médecin, ne se fit pas plus longtemps faute d’aller fourrer son nez là où il n’avait que faire. Il se chagrinait peut-être d’avoir seul baisé la pantoufle, chose par trop humiliante pour un connaissant la value de ces superstitions : « Comment, se fit-il, Monseigneur, ne voulez-vous pas que maître François vous la baise ? » Cuidant parler de la pantoufle. Mais Rabelais continuant son propos touchant la fille à naître du pape : « Oui bien, d’après le vouloir du pape ; et paravant pour cause, j’attendrai qu’elle soit née. Que non pas, M. l’équivoqueur, repris le cardinal, le museau plus rouge que son chapeau, baisez, s’il vous plaît, comme bon chrétien, la plus sainte pantoufle qui soit en ce monde sublunaire. – Ainsi faites, dit le bon pape ; la place du baiser de M. l’ambassadeur est chaude encore. – Oime ! répondit Rabelais, n’est-ce pas saint Crépin qui a ouvragé ces tant belles et tant divines pantoufles que l’on accole à tout venant ? Si est, je veux lui en acheter de pareilles pour ce qu’avec elles onc n’aurai à guérir goutte, cors et varices, et ne mourrai jamais par les pieds. – Sans plus arraisonner, dit messire Dubellay, baisez…– Pantoufle ? demanda Rabelais. O la mauvaise viande que cuir tanné de veau ou de mouton ! Ce m’est grande pénitence, M. du pape ». Ce disant, il fit semblant de se baisser pour le fait de l’accollade empantouflée ; mais au temps que le sancte pater avec sourire amène tendait le pied à l’encontre la face rabelaisienne, l’autre, faux compagnon, happant la jambe papale, soudain la souleva, et Paul III tomba à l’envers le visage dans le prochain bénitier, dont ses blancs cheveux égouttait l’eau sacrée en matière d’aspergeoir. Trop était téméraire et imprudent l’acte de Rabelais, et jà commençait-on à murmurer là autour, cependant que les huissiers et appariteurs s’étant approchés du pape, l’avaient rétabli sur son trône et se disaient entre eux : « C’est un hérétique renforcé ; il sent le fagot d’une lieue ; par ma fi, il ne partira pas d’ici que rôti comme jambonneau ; ne serait-il à propos de le conduire aux prisons ? » Quant à Rabelais, pareil à la femme de Loth en sel muée, droit et roide il demeurait, le méchant, en signe de stupéfaction ; tout ceci n’était que jeu et feintise. « Pardon, se récria-t-il hautement, miserere nobis, mon très-saint père en Dieu et en diable, je ne savais pas qu’il pût en advenir ainsi ; j’avais par ci par là ouï exhalter la sempiternité inébranlable de notre mère l’église, et je cuidais, moi, crédule par trop, que nulle force humaine, quelque grande qu’elle fut, ne pouvait remuer sa base qui est M. le pape. Pour Dieu ! je m’avise qu’on m’avait mal informé et qu’il n’est pas tant malaisé de ruer par terre pape. Je m’en souviendrai à temps. Amen ». Les assistans sentirent l’allégorie, et beaucoup ne rirent qu’à moitié. Paul III admira grandement l’esprit âcre et mordant de Rabelais, bien que du coup lui restât une belle bosse à sa tête ointe, et lui ayant adressé mainte autre question sur maints sujets divers, auxquelles il lui répondit comme de cire, le congédia en affection, l’assignant, non aux calendes grecques, mais à demain après matines.

Le lendemain Rabelais s’habilla de telle sorte pour aller visiter le pape comme convenu était. Se couvrit le corps d’un amict de prêtre, sans manches et tombant aux genoux, accoutrement chrétien ; mit d’amples chausses à la mode des hérétiques luthériens, attacha à ses bras des petites idoles indiques et amulettes d’Egypte, enceignit son front d’un turban sarrasin sur lequel superposa nombre de livres figurant bible, évangile, alkoran et autres. Ainsi embéguiné, tenant en main nombre d’attributs, traversa les rues et carrefours de Rome parmi les ris et brocards des jeunes gars, et se rendit en droiture au palais papal. Les portiers voyant cette mascarade, ne voulaient le laisser seulement au vestibule ; mais sitôt qu’il eut nommé son nom, chiens de se taire, portes de s’ouvrir, valets de courir, et toutes gens d’ôter leurs bonnets ; car monseigneur le pape avait ordonné qu’il en fût ainsi, de façon qu’aucuns se persuadèrent que Rabelais n’était rien moins qu’un roi ou empereur. Introduit à grand tumulte dans une chambre peinte et dorée où le pape se prélassait sur de mols coussins, semblant rêver par avant aux admirables choses qu’il allait ouïr issantes de bouche si docte ; même je m’étonne qu’il n’en usa à l’exemple de madame Marguerite de France, laquelle au temps passé baisa bien amoureusement sur le bec messire Alain Chartier endormi, non pour l’amour d’icellui, mais pour l’amour des gentes poésies qu’il savait faire.

L’aspect imprévu de la momerie imaginée par Rabelais, le mit tout soudain en belle humeur et se laissa aller, jambes de ci, tête de là par les coussins plus doux qu’hermine. « Qu’est-ce, disait le bonhomme de pape ? » Rabelais s’avança l’air grave et compassé. « Devinez quel personnage je représente de vrai par figure ?– Par le saint prépuce ! c’est l’Antéchrist, je le connais à ce turban, répliqua le pape riant plus fort. » Adonc Rabelais : « Vous voyez ici pourtraite l’image de ma religion. – Laquelle ? remarqua le pape. – Sage et naturelle, dit Rabelais, autant que possible est, comme l’a fait à moi l’étude profonde de toutes religions passées et présentes. J’ai bluté cette moisson si riche d’ivraie et mauvaises graines ; et comme Maro Virgilius fouillant le fumier d’Ennie, des évangiles grégeois, romans, indiens, hébreux, mahométans et autres, toutes friperies et guenilles, j’ai tiré à grand’peine et élection une sorte d’habit bariolé d’assez bonne étoffe, dont j’ai vêtu ma nudité. Pour parler non en langage figuré, j’ai pris ce qui m’a semblé bon dans ce tas de momeries, et ce pour en extraire croyance à ma taille. Comment ? faisant fi des mystères, métamorphoses, miracles, et récoltant religieusement la morale exhalée de Dieu, si toutefois Dieu est. – Assez, mon très-cher frère, interrompit le pape, vous avez une langue beaucoup trop ardue ; ceci passe la mienne intelligence ; or ce serait à moi péché mortel que de tenter seulement de comprendre ces blasphèmes. Si n’était pas de Dieu, dites-moi, je vous prie, qui ferait mûrir le raisin ? Oui, gros, grand, poilu, bon, clément, Dieu est ; vous apprendre où ne m’appartient ni à quiconque vivant sur terre. Mais croyons-le jusqu’à ce que nous ayons mieux. – Dieu me garde, reprit Rabelais, de vouloir prêcher un pape ; ce serait le suprême jour de la catholique, si pape venait à renier. J’attendrai à demain si permettez. Maintenant que vous ai montré par les yeux de la chair quelle fut ma foi, faites que je sois abstenu de paraître à vous, autre que je suis. Cependant je fuirai le scandale autant que possible. – Ainsi soit, dit le pape ; mais, m’a-t-on dit, vous fûtes moine naguère ? – Depuis l’âge de douze ans, répondit Rabelais, et le plus moine qui fût vu onc moinant dans toute momerie, je veux dire moinerie. Ne faites pas attention ; ce sont lapsus linguae, hérésie de bec, faute de salive, et Dieu me pardoint ! J’avais toutes vertus de moine, n’est que je préférais bouteille à bréviaire, vin à messes, beaux dés à répons, andouilles et jambons au reste. Les cordeliers de Fontenay-le-Comte, en Bas-Poitou, m’eurent pour frère ; il y a long-temps de ça, car je n’avais alors quarante et six ans comme ce jourd’hui. J’entends par ce nom de cordeliers, gens dignes de la corde. Qu’en pensez-vous, beau père ? Mais admirez : honteux et scandalisés de voir moi si bien entonner (je parle du jus de vendange), qu’ils étaient pauvres clercs auprès, se fâchèrent tout de bon, face cramoisie, et voulait-on me jeter en chartre avec gros pain ballé et eau claire à dévotion. Aussi quittai le couvent sans en sortir autre chose que mon personnage. Ah ! si le ciel eût servi leur méchante intention, de moi ne serait resté que cendres au vent ! Je suis content qu’il n’en ait été de la sorte. Croyez peut-être que j’avais lors le métier monacal pire que l’angine ou la colique ? Certes non ; j’aimais trop le piot et le rien faire. Je rentrai sans prendre haleine au moûtier de Maillezais en Poitou ; l’ordre de Saint-Benoît m’apparut plus plaisant que celui de Saint-François, mon patron ; j’aurais même vêtu l’ordre de Saint Satanas si là eût-on bu du meilleur. Avec Saint-Benoît gagnait peu d’indulgences, et pour menues iniquités fut forcé de partir de cette tanière sans dire adieu et fis bien ; car M. l’abbé n’avait de cesse de me faire déclarer hérétique en bonne forme, et par là brûlable comme juif ou porc. Dieu merci ! je n’ai onc vu le fagot ; mais je n’ai perdu de temps ; patientons ».

Annexe 2 Paul Lacroix, « Les Gaietés de Rabelais à Rome », in Mon grand Fauteuil, tome II, 1836, p. 321 à 350

M. de Balzac, qui a tant d’esprit et de mémoire, en a fait preuve dans ses Contes drolatiques, où les vieux conteurs français sont mis à contribution, qui pour un sujet, qui pour une scène, qui pour une phrase, qui pour un mot : or, il y a des mots sublimes dans Rabelais, Verville, Eutrapel, Desperriers, Bouchet, Marguerite de Navarre, comme dans Corneille. Mais M. de Balzac, qui sait si bien prendre, n’a pas pris le langage du temps qu’il voulait reproduire en fac-similé ; il a fait un style de tous les styles, forgeant des phrases sur l’enclume de son imaginative, créant des expressions, des barbarismes, des solécismes, et surtout l’orthographe la plus monstrueuse et la plus drolatique qui fut jamais : c’est un grimoire parfait et une délicieuse mystification. Or, j’avais écrit ce petit fragment pour donner à M. de Balzac une simple leçon d’orthographe étymologique, et pour le renvoyer au chapitre du Pantagruel : Comment Pantagruel rencontra ung limosin qui contrefaisoyt le langaige francoys.

Fault que je boute cy par escript ce qui advint l’an passé (1535), en l’ambassade à Rome, de messire cardinal Jean Du Bellay de Langey, Françoys Rabelais estant son medicin ordinaire et secretaire. Ledict Rabelais, issu de la ville de Chinon en Tourraine, moyne d’abord, puys apostat seculier, puys moyne encores jusques à ce qu’il se rendist à la Faculté de Montpellier docteur perite et disert en toutes sciences et artz depuis alpha jusqu’à omega, a mis en lumiere avec bruit et los le prime livre de la Vie admirable de Gargantua filz de Grand gousier, auquel se treuve satyre bien poingnante et obscure des choses recentes, tant divines que royales : mais ce n’est dont il s’agit pour le present. Mondict Rabelais, que j’ay veu aulcunesfoys à Paris et aussy en la ville de Lyon au temps qu’il establissoit ung bel almanach, n’est pas, comme disent les languards, caffards et aultres maulvaises graines, ung gros truand vivant parmy l’ordure diogenique et crasse monacale, non plus ung muguet ne sentant que basme et benjoin, mais ung franc, gay, riant bonhommet, bien mangeant et davantage bien beuvant, jamais yvre et jamais à jeun, voyre aux quatre-temps et vigiles. Beaucoup de follies, follastreries, gaudisseries, hardiesses et apophthegmes du susdict ont couru par le monde, lesquelles sont partie fausse et partie vraye. Car tel est l’us et coustume de nous aultres curieux amateurs de ce qui passe le vulgaire, de grossir la verité et l’habiller de mensonges d’agreable estoffe : voila comme trop de licences et vilanies furent prestees à maistre Francoys. Ainsy ne pourrai-je certifier que je ne fauldray point, publiant les beaulx et merveilleux mysteres que m’escript-on nouvellement de Camera Romae : c’est la chancellerie de nostre tressainct pere le pape Paul, troyziesme du nom, qui puisse vendre des pardons et relicques, cohabiter avec sa propre sœur et planter de jolys enfans jusqu’à l’advenement de l’Antechrist, amen !

Lors que Rabelais pareut en face de nostre veneré Dieu en terre (ainsi dit-on le pape), il se signala par dix mille gentillesses dont la moindre eust faict rire ung mort de troys jours. Son seigneur le cardinal qui là estoit, quoyque tout bas goustant vouluntiers ces mocqueries et audaces, par politique refrenna tout hault la langue drue et picquante comme herisson de son amé secretaire : ains ledict Paul troyziesme, de naturel dehait et raillard, n’ayant garde de rancuner si gentilles paroles, le pria au contraire de lascher la bonde à son guallant esperit, tellement que maistre Francoys, dessus la licence qui luy fust baillee, entra en ses gaiettez et desgoisa mieulx que papegeai touchant le pape present, la saincte ecclise romaine, le sacré college, le roy de France nostre sire, voyre contre Dieu en son paradys. C’estoit par toute l’assemblée une musicque d’esclatante hilarité, et nul ne se peust tenir de rire à ventre deboutonné, si que les huyssiers et appariteurs rioient aussi en echo : mesmement le tresaustere cardinal Salviati, lequel, sa vie durant, avoit redoubté comme peste toutes cachinnations et drosleries profanes, oyant les excellens discours du frater Rabelais, se laissa cheoir à bas de sa selle en pamoyson de rire, et se rouloit, le pauvre digne homme, en baudoinant parmy le tappys de la salle, tant que sa barbe chenue essuyoit la poussiere et que dedans ses chausses se conchia villainement, comme l’a depuys conté sa fine mousche de chambriere.

Or que disoit, que faisoit ce divin Pantagrueliste pour esmouvoir ceste fureur de rire ? De mesme vous le rapporteray cy apres, non sans rire de memoire.

Primo, son bonnet doctoral en teste, il ne salua le pape ni pas un des assistans qui s’indignerent d’abord de ceste façon malhonneste : mais luy, tendant vers un angelot de pierre sculptee qui servoit de pupistre en ung coing retiré pour poser les heures du pape, feit deux beaulx et honnorables saluts en grand’reverence, puys baisa la statue tresrespectueusement sus le front, et, fichant le genouil en terre, gringotta l’oraison qui s’ensuyt :

« Monsieur le pape, s’il plaisoit à vostre infaillible saincteté d’avoir la teste moins dure un petit, possible seroit que Celle qui est appellee heresie, ne scay pourquoy ni comment, s’accointast en bonne estrenne avecq la religion papale, id est catholicque, apostolicque et romaine. Mais point : le seigneur Christ a pronuncé saigement ceste prophetie : Tu es pierre ! es Petrus et super petram œdificabo ecclesiam meam. O l’elegant latin de la vulgate ! o la sainte equivocque translatee en la langue des payens ydolastres ! se rescria-t-il interpellant les cardinaulx esbahys comme fondeurs de cloches : Cicero ni Quintilianus doctes rheteurs n’escrivoient point de ce style. Il n’est que d’estre bon christian pour latiniser en haulte game par decoction de l’Esprit-sainct ! Partant, il appert que la foy seule nous saulve, et non le fouet duquel on use trop bellement envers les vendeurs de psalmes en francoys ».

A ce coup, messire Du Bellay ordonna que son medicin fust mis dehors, pour veoir si d’adventure il avoit deschaussé sa raison à la porte : mais le pape à ce s’opposa, et joyeux compaignon qu’il estoit, bailla à maistre Francoys indulgence pleniere et copieuse absolution pour parler à son aise et sans reserve, car il s’enquit à son voisin quel fust ce brave et hardi parleur.

Adonc, M. l’ambassadeur vint à baiser, en pieuse cerimonie, la pantoufle immaculee du Sainct Pere, et ung chascun confict en silence comtemploit ceste anticque coustume, abhorree des heretiques. Soubdainement fut entendue une voix aigre comme cornemuse arcadique disant : « Hé ! petit page, viste apporte une aiguiere pleine d’eau beneiste pardevant le maistre-aultel, avecq linge blanc et net, affin d’en laver et essuyer le derriere de monseigneur le pape ». Telle impieté sembla à tous les oyans trop roide et trop pesante : aussy s’entreregardoit-on sans mot sonner ni broncher des aureilles. C’est pourquoy conclud Rabelais : « Assurement, si mon reveré seigneur Du Bellay s’en va baisant les pieds au pape, que baiserai-je plus humblement, moy son indigne serviteur ». On en rit encore à Rome et longtemps rira.

Le pape, hoschant la teste en tesmoignaige de son contentement, somma ce gay diseur de venir au plus pres de son throsne, et s’informa de ce qui mieulx luy seroit duysant et convenient, avec promesse papale de complaire à ses desirs : « A si hault sire que vous estes, declara le philosophe pyrrhonien, rien n’est trop ardu, ni trop profund. Or je vous supplie, mains joinctes et prieres melliflues au bec, de demonstrer bien clairement et geometriquement à moy chetif, que Dieu est, que Jésus est son veritable filz de chair, que vous estes faict pape à son ymage, et que moy qui vous interroge ne suys une machine toute de boue, et que mort rendra boue, sans plus. Si vous pouvez, de vostre infaillibilité canonnique, m’expliquer ces mystères horrifîques et si estranges, que d’y songer mon esprit est tout affollé, et que ma teste s’en fend, je vous intitule fameux abstracteur de quintessence supereternelle, et, pour prix, je vous faiz oblation du Grand-Œuvre qui est au pays des chimères ». A ce, le pape saigement et paternellement respondist de bouche en aureille : « Mon trescher filz, si moy-mesme savois ces belles choses que nul ne scayt, serois-je pape ? Demande à moy ce que homme ou pape peust donner. – Ouy dea, dist Rabelais en soubriant, faictes de vostre auctorité que j’espouse madame vostre fille, moyennant ung honneste et profictable conjungo vos : ensuyte, j’ay fiance, si m’aide Dieu, de devenir par elle pere cornard d’un petit pape qui succedera à son ayeul par heredité. Car moy, ne bois point assez pour estre pape parfaict. – Mon filz, repliqua pertinemment Paul troyziesme, le bon Dieu, qu’il fault en ses desseins adorer, ne m’a encores octroyé qu’un filz, et madame ma fille est à naistre. – Dites luy de se haster, finist Rabelais en se monstrant les cornes, car moult il me tarde de la rendre plus hereticque qu’un fagot, plus fringuante que la papesse Jeanne, et plus fertile que dix mille genisses. Pour la dot, treuvez moy une vraye relicque de sainct, s’il en est, et nous ballerons a la nopce ou nostre mère l’Ecclise entrera en dance ».

Messire Du Bellay, s’ennuyant de ne pas participer aux devis de son medicin avec le pape, ne se tint plus long temps d’aller bouter le nez en leur entretien : possible se guementoit-il d’avoir seul baisé la pantoufle, chose honteuse pour ung congnoissant la vanité insolente de ces superstitions. « Comment, mon tresvenerable père, feit-il d’un air pathelin, ne voulez-vous point que maistre Francoys vous la baise ? » Ce disant, cuydoit parler de la pantoufle. Ains Rabelais continuant son propos de la fille à naistre du pape : « Oui dea, je n’y faudray mie, monseigneur : toutesfoys j’attendray qu’elle soit nee, sinon pucelle. – Voila belle rentree de picques noires, monsieur l’equivocqueur ! reprit nostre cardinal, le museau plus rubicund que son chappeau, non de vergoigne d’ouyr si aigre equivocque, mais du despit d’estre mocqué par son secrétaire. Baisez, s’il vous plaist, comme bon chrestien que vous n’estes pas, la plus saincte pantoufle qui soit en ce monde terrien ? – Ainsy faictes, dict le bon monsieur le pape ; l’endroit du baiser de monsieur l’ambassadeur est encores quasy chauld et moite. – Enda, respondit Rabelais qui se gaussoit, est-ce pas monsieur sainct Crepin qui ouvra ces tant bonnes, tant divines, tant puissantes, tant magnificques pantoufles, que chascun baise et rebaise à tout venant, fust-il duc ou roy ? Je pretends en achepter de semblables, pour ce qu’avecques icelles onc n’auroy à guerir goutte, cors et varices aux jambes : chaussé de la sorte, on n’a garde de mourir par les pieds. – Sans plus arraisonner, interrompit messire Du Bellay, baisez. – Quelle ? demanda iterativement Rabelais, brune ou noire, blonde ou rousse ? – Pantoufle, objecta le cardinal. – O la mauvaise viande que cuir tanné de veau ou mouton ! s’escria l’aultre, ce m’est grand’penitence, monsieur du pape, que d’accoller ceste-cy en pire estrenne ».

Sur ce, il feit le semblant de soy baisser à deux genouilz pour le faict de l’accollade ; mais ce n’estoit que feinte, car au temps que le sancte pater, avecq agreable sourire, tendoit la patte à l’encontre du baiser, le faulx compaignon happa la jambe papale soubdainement, et la soubzleva en l’air par surprise, si que le pape cheut à l’envers, la face noyee au prochain benoistier, d’ond ses blancs cheveux esgouttoient l’eau salee en maniere d’aspergeoir. Trop temeraire et insolent estoit le jeu de Rabelais, et ja commencoit-on à murmurer là entour, ce pendant que les officiers du pape, s’estant approchez à l’ayde, l’avoient remis sus son siege, plus camus que geline couvant ung œuf de vipere emmy les siens. « Hola ! ce quidam est hereticque et sent le roussy d’une lieue, disoient les spectateurs de ce scandale : il est venu à Rome allumer son bucher et scavoir si les rotisseurs ont adextre fasson de faire en ce pays. Possible, convient-il de le mener aux prisons de l’inquisition ? » Quant à Rabelais, tel que la femme de Loth en sel muee devers Sodome, droict, roide et mut, il demeura pour imiter l’esbayssement et le deuil. « Miserere mei, repeta-t-il haultement par troys foys : mercy, mon treshonnoré pere en Dieu et dyable, je ne soupconnois qu’il peust en arriver ainsy, ayant de toutes partz ouy exalter la sempiternité inebranlable de nostre mere l’Ecclise catholicque, qui ne fust fondee sur l’Evangile, comme dist-on, et je pourpensois, moy avaleur de lanternes, que nulle force humaine, tant grande qu’elle fust, ne pourroit seulement mouvoir sa base qui est monsieur le pape. Vertu Dieu ! je m’advise icy qu’on m’a mal informé, et qu’il n’est difficile de ruer-jus pape : De ce me souviendroy, devant que le jugement des ames advienne. Amen ». Les tesmoings de ces baliverneries entendirent le sens allegoricque, et la pluspart, cardinaulx et prebstres, n’en rirent qu’à rebours. Toutesfoys Paul troyziesme prisa grandement l’esprit satyricque de Rabelais, encores que du coup lui demeurast une belle bigne à sa teste oincte, et luy ayant presenté mainte aultre question sus maintz subjetz divers, lesquelles par luy furent solues honnorablement, le congedia d’honneste fasson, l’assignant pour ung entretien secret, non aux kalendes gregeoises, mais au jour du demain apres matines dites et avant litanies bacchiques.

Messire Du Bellay, tout preude homme et philosophe condigne qu’il estoit et est encores, si sa vertu n’a faict peau neufve, feut moult envieux et picqué du recueil advenant que son secrétaire avoit eu du pape : d’ond le manda seul à seul, au retour, en son hostel. A son ordre, vind Rabelais, jocquetant ses heures, comme il avoit accoustumé de dire, ascavoir en humeur de fanfrelucher antidotalement.

Or, ceste fois, lunettes magistralement dessus le nez, tenant ung livre de bulles, vraye fruition du pays romain, lequel il alloit lisant à l’envers et marmonnant ses patenostres de singe, comme joly descrotteur de messes :

« Par sainct Martin de Langey ! cria l’ambassadeur au plus loin qu’il apperceut iceluy, vous nous avez brassé de belle et copieuse besoigne, monsieur le gargantuiste : estes vous du tout insensé et en vos lunes que faisiez la figue à la saincteté du pape ? j’ordonneray qu’on vous chasse comme ladre, si poursuyvez tel scandale. – Composons, dist fermement Rabelais, et changeons ce propos malseant pour ce que si parlez de la sorte à vostre secretaire, je n’ay là encre ni charte pour escrire ces choses : si au medicin, je ne voys comment guerir vostre mal : si à l’amy, je ne m’arrange de ces duretez : si à l’aulteur, je ne coucheray point vostre dire en mes abstractions de quintessence : si au prebstre, je n’ay leu cela dedans mon breviaire : si enfin à moy Francoys Rabelais, natif de Chinon en Tourraine et vostre germain en la famille d’Adam, je ne vous respondray mie, peur de vous trop respondre ». Mis hors cet esclat de cholere pichrocoline, rasseit son oultrance et devisa d’aultre style : « Cà, cà, maistre, seriez vous malhaigné ou melancolié que m’avez faict appeler en haste ? J’apporte ce qui est mestier pour vostre guerison ; voycy remede à toutes maladies et panacee simpiternuniverselle, ce sont mignonnes decretales qui valent mieulx qu’or potable : migraine, pleuresie, goutte, apoplexie, ignorance, asnerie, moynerie, rien ne se garde du baulme decretalien : Vela de quoy ! ainsy que dict Francoys Sagon contre Frippelipes valet de Marot, poete et valet de chambre du roy ».

M. de Langey eut vergoigne de se fascher envers ce fin diseur, d’autant que nul n’oyoit leur dialogue familier : adonc, oublieux de sa fantaisie colereuse, ne se tint pas de rire en bonne intelligence, se ceignant des deux mains le ventre, peur qu’il ne crevast. Rabelais, excité par ce, ne se contenta pour si peu, mais continuant son dire : « Si j’estois roy de France ou d’Yvetot, feit-il, je rendrois une belle ordonnance touchant les appothicaires et pharmacopoleurs, pour ce qu’ilz ne vendissent aultres drogues que decretales en pouldres, pillules, medicines et clysteres. Neanmoins ne serviroient onc de restrictif, car d’icelles la doctrine est tant relaxee, que, par un certain jour, ayant devoré une Clementine entiere et gousté le suc d’une Extravaguante (c’est remède decretalien contre les heresies du temps), j’allay du ventre si copieusement et si catholiquement que je pensoy deterger l’ame qui, comme il appert, gist en trippes et boyaux, parmy les matieres fecales, d’ond les moribonds exhalent le dernier souffle par en bas : autant en emporte ange ou dyable ».

Là eust fin ce propos decretalisant, et Rabelais s’estant assis aux costez du seigneur son maistre, comme l’esleu à la dextre de Dieu, tous deux mocquerent, s’emberlucocquerent et papalement equivocquerent, par interrogation, comme il s’ensuyt :

Messire Du Bellay. Souventesfoys pape peut estre dict papa.
Rabelais. Mieulx pape asne.
Du Bellay. Adonc ses petits filz seront papegeais.
Rabelais. Ou plutost teigneux et venimeux papillons.
Du Bellay. Les lutheristes vouluntiers delivreroient l’ecclise de papillote ? (sans doute pape ilote, ains l’equivocque est médiocre.)
Rabelais. Quand ne mangera plus le papelard (o le fin equivocque).
Du Bellay. Lors, pour ne revenir onc, s’envolera pape comme papier.
Rabelais. C’est à ce coup que vraiment aurons papauté (pape osté, s’entend, et l’equivocque vaut une belle chemise de soulphre et un throsne de bourrees à l’hereticque equivocqueur qui se gausse du pape).

Ensemblement et joyeusement ricanoient et ricancanoient, c’est à dire rioient tirant de leur nez mesme bruit que font les canards caquetant dessus la mare. Puys, feirent apporter flaccons, hanaps et crateres de capacité anticque avecques force jambons, force boutargues, force andouilles, force chair salee et fumee, pour apprivoiser la soif, et beurent à tirelarigot comme le tonneau des Danaïdes, louant Dieu qui faict croistre la vigne, et le vin sous le semblant duquel Jesus Christ est figuré en la communion : ils menerent ce guallant trac de beuverie jusques à l’heure de matines, devisant de leurs amours, rithmant des carmes en l’honneur et exaltation du nectar italicque, repetant les orgies d’Anacreo et Horatius, et chantant Evohe Bacche en s’accompagnant de la pance non moins que de la gueule, tant et tant que Jupiter en fust esveillé au Capitole et que Paul troyziesme, qui ouyt les esclatz de ce souper, dessoubz les courtines de son lit, resva que les Gauloys de Brennus s’en revenoient de rechef assieger et mettre à sac la ville Rome.

Au jour du lendemain, les fumees septembrales estant par le somme chassees, Rabelais, affin de visiter le Sainct Pere, ainsy que convenu estoit, s’accoustra de telle sorte, se couvrit le corps d’un amict sans manches descendant au genouil, vestement chrestien, meit amples chausses bouffantes à la maniere des hereticques lutheristes, suspendist à ses espaules ydoles indicques et amulettes egyptyaques, enceignit son front d’ung turban sacré à Mahom prophete des Turcqs, dessus lequel superposa divers livres figurant Bible, Evangile, Koran et aultres sainctes escriptures des juifz, catholicques, reformistes, payens et infidelles. Adonc embeguiné de si mysterieuse et droslatique fasson, estalant maint attribut de religion, secte et dyablerie, traversa les rues et carroys de la ville papale parmy les ris des facquins et nacquetz qui lui faisoyent la figue, et magistralement s’en alla droict au palays, dont les portiers avisant ceste merveilleuse mascarade ne vouloyent l’huis desserrer et sommoyent ce caresme-prenant de tirer devers Pasquino qui l’attendoit : ains, sitost que maistre Francoys eust nommé son nom, s’intitulant bedeau du pape et commissaire-enquesteur des clefz de sainct Pierre, chiens de se taire, portes de s’ouvrir, valetz de courir et toutes gens d’oster leurs bonnetz à deux mains avecq force salutations et beau remuement des badigoinces : car l’honneste pape avoit ordonné ce, et aulcuns, voyant ceste triumphante reception, pourpensoyent que le medicin feut ung roy, sinon un empereur. Introduict feut à grand tumulte en une chambre peincte et doree en laquelle Paul troyziesme se prelassoit, sus de molz coussins assys, revant par advance aux mirificques choses qu’il estoit devant ouyr issant de bouche si docte et eloquente : mesmement je m’estonne que ce digne poursuyvant des Muses n’imita la fantaisie de madame Marguerite d’Escosse, laquelle, au règne du roy Loys unziesme son mary, baisa bien druement sus le bec messire Alain Chartier endormy, non pour la beaulté d’icelluy qui feut layd et contrefaict, mais pour l’amour des gentes poesies qu’il scavoit faire. Or voylà que ceste momerie extravaguante le boute en belle humeur, et il entonne ung joly rire de plain chant, riant de fureur si désordonnee qu’il s’esbat par les coussins plus doulx que hermine, et se compissant comme un pendu desconfès.

« Qu’est-ce ? » demandoit le pape. Rabelais, sans s’esmouvoir plus que la grosse tour de Bourges, s’approcha avec l’air grave et compassé d’ung maistre es-artz crotté de la rue au Feurre : « Devinez quel personnage je représente icy de vray par figure ? » dict-il en toussetant et branlant ; puis, se tint courbassé et paralytique, clignant de l’œil, tordant la bouche, et composant la plus desplaisante grimace. « Par le sainct prepuce de Jesus Christ qu’on garde au thresor de sainct Jehan de Latran ! s’escria le pape estouffant par force de rire, c’est l’Antechrist, je le reconnois à ce hault bonnet ». Alors Rabelais, descrivant l’ordonnance de ses habitz : « Veez-cy pourtraicte l’ymage de ma religion thelemicque. » – « Laquelle ? » remarqua le Sainct Pere. – « Sage et naturelle, feit Rabelais, humaine plus que divine, bonne autant que possible est, et comme l’a faicte à moy l’estude profund de toutes religions passees et presentes. J’ay battu, bluté, tamisé ceste moisson si riche d’yvraye et maulvaises herbes : ainsy Maro Virgilius fouillant le fumier Ennius. Voyla comme, des Evangiles gregeois, romains, indicques, hebreux, chrestiens et aultres, j’ay tiré à grand’peine et election une sorte d’habit bigarré, d’assez bonne estoffe, dont j’ay ma nudité vestue, au grand proffict de mon intelligence petite. Pour parler non plus en langage figuré et parabolique, j’ay pris le peu qui m’a semblé de valeur parmy ce tas de momeries, fripperies et bagatelles, affin d’en extraire le meilleur suc, et partant, chausser creance à mon pied : comment ? livrant aux bestes les mysteres, metamorphoses, miracles, legende doree et pareilles revasseries gonflees de vent, mais recueillant bien religieusement la morale engendree de Dieu mesme, si toutesfoys Dieu est. »– « Assez, mon trescher frere en peché, interrompit le pape esmeu le scandade ; avez la langue moult trop ardue et legere : cecy oultrepasse la mienne intelligence, et il y auroit audace bien grande de penser seulement comprendre telz blasphesmes. Si Dieu n’estoit, dictes-moi, je vous prie, qui feroit meurir le raisin et nous donroit les gentes pucellettes que tant vous aymez ? Ouy, gros, grand, poillu, bon, clement, paternel, Dieu est : dire en quel lieu ne m’appartient, non plus à quiconque vivant dessus terre. Ains ayons foy en luy jusques à ce que treuvions mieulx. » – « Dieu me gard, reprist Rabelais, de vouloir prescher et censurer un pape ! Ce seroit le supresme jour de la Catholicque, si pape venoit à resnier d’adventure ; j’attendray à demain pour veoir cela. Or maintenant que vous avez, par les yeulx de la chair, perceu quelle est ma creance et religion, permettez que je m’abstienne de paroistre, par-devant vous, aultre que je suys reallement : néanmoins je refuiray le scandale autant que possible. » – « Ainsy soit, dict le pape rassis. On m’a conté que vous feustes moyne nagueres ? » – « Depuys l’aage de douze ans, respondit Rabelais, et le plus moyne qui feut veu onc moynant dans toute momerie, je veux dire moynerie : ne faictes attention, ce sont lapsus linguae, heresie de bec, faulte de salive, et Dieu me pardoint ! J’avois bien toutes vertuz de moyne, n’estoit que je preferois bouteille à breviaire, vin à messe, beaulx dez à respons, andouilles et jambons au reste. Les Cordeliers de Fontenay-le-Comte, en Bas-Poitou, m’eurent pour frère mal frocqué (il y a long-temps de ce, car lors n’avois-je pas quarante et six ans comme pour le présent), j’entends par ledit nom de cordeliers, gens dignes de la corde : qu’en pensez-vous, beau père ? Mais admirez : honteux et envieux de me veoir si bien et si pleinement entonner (scavoir le benoist pyot) qu’ils estoient paovres clercs auprez, prindrent la mousche, face cramoisine, teste esventee et male rage de dentz, et vouloit-on me jetter en chartre avecq gros pain ballé et eau claire à dévotion. Eusse-je pas esté trop nice de me ranger soubz leur bon plaisir ? Donc je quittay le couvent sans emporter aultre despouille que ma robe et mon personnaige dedans. Ah ! si le ciel juste eust consenty à leur maligne intention, de moy ne seroit domeuré rien que cendres aux ventz ? Je suys content qu’il n’en arriva de la sorte, pour ma postérité. Cuydez peust-estre que j’avois le mestier monacal en aversion plus qu’angine ou colique ? Point : je cherissois trop diligemment le jus de la vigne et la faitardise. Cepourquoy, sans reprendre halaine, je passay au moustier de Maillezais en Poictou. L’ordre Sainct-Benoist me pareut plus plaisant que l’ordre Sainct-Francoys : mesmement j’aurois vestu l’ordre Sainct-Satanas, si là on eust beu du meilleur et mangé à l’equipolent. Avecq sainct Benoist ou Benet (c’est tout un) gagnoy peu d’indulgences : messire l’abbé m’ayant penitencié des sept psaumes de monseigneur David pource que je chantois matines à beaulx ronflemens, à l’heure du past, je meslay en sa soupe de primes nenuphar et refrigeratifz en poudre, moyennant quoy le paillard ne peut ses nonnains confesser et doubta estre maleficié : chose horrible en moynaille. Ceste iniquité parachevée, le plus sage feut de partir de ceste tanniere de diables burs, et feis bien : car mondict abbé me condamna comme hereticque en bonne forme, lutheriste et brulable comme juif ou pourceau. Mercy Dieu ! je n’ay onc veu le fagot, mais il n’y a temps perdu et fault patienter jusque là. Finalement allay en la celebre ville Montpellier, en laquelle estudiay cathegoriquement la quintessence de la medecine d’Hippocrates et Galenus. Faulte de pouvoir estre medicin de l’ame, qui est beau pere confesseur, je devins medicin des corps, et depuys, en ay gueris, ne scay combien, avecq l’apothicairerie de la joyeuseté pantagruelicque de maistre Alcofribas Nasier ».

Ce disant, rejetta les hardes qui couvroient sa robe médicale, et se coeffant du bonnet de la Faculté, se montra en fringuant despecheur de malades ; car soubz cette livrée doctorale, avoit ample provision de grec et latin pour ses recipe, fiere assurance de regard et copieux desbridement de langue :

« Or cà, monsieur le pape, feit-il en gaussant, auriez-vous pas d’abundant quelque loup, ulcere malin ou plaies honteuses, ce qui ne seroit estrange, veu qu’estes homme de vostre nature ? Ne vergognez pas et me monstrez voz pieces, que je vous oste ces tesmoings de l’humaine fragilité. Ensuite je vous baillerai un miraculeux secret pour estre tousjours sain et net. Le roy Francoys, s’il eust mes advis escoutez et observez, seroit encores plus munde qu’un marbre poly : au contraire, mourra pourry et gangrené comme chien roigneux. » – « Aultre propos, interrompit le pape qui estimoit fort ledict roy : on a parlé, à bruyant los, jusqu’au-delà des Alpes, du livre admirable qu’avez imprimé environ troys annees en cà, et j’ay grant envie de le lire à l’advantage de mes rognons et entendement ».

Rabelais bouta la main en son sein et tira le livre susdict qu’il présenta amœnement au pape, comme chat tendant la patte et dict en mystère : « Prenez et mangez : Ceci est mon corps ! prenez et mangez : ceci est mon sang ! »

Voulant par ce texte evangelique faire entendre que là dedans estoyent encloses ses pensees les plus abstraictes et l’ame de son genie. Le pape prist, ouvrist et leut l’endroict du tant joyeux chapistre touchant l’usage le plus convenient d’une oye bien dumetee, et lisant, recommença de rire à se lascher le ventre, s’exclamant de surprise à chaque nouvel aniterge du petit Gargantua.

« Encores en ai-je omis le plus précieux ? objecta Rabelais. » – « Quel ? » demanda le pape qui cuydoit la litanie complète. – « Decretalles, respondist Rabelais : fault corriger ceste omission ». Alors le pape :

« Tu mocques, petit ; mais bientost auras besoin de bulle papale pour revenir en France ou l’on brusle les gens mieulx qu’aux enfers : aultrement tes vieulx pechez seroient nettoyez par le feu, ce qui ne plairoit aux beuveurs tresillustres, non plus au pape de Rome. Je te promets large absolution sur parchemin scellé de mon scel, avec lequel iras seurement jusqu’en paradys. Mais dis : en ce beau livret, comme Renommee en faict rumeur, n’as-tu pas piqué, raillé et blasonné roy, empereur et pape ? Certes, le sel atticque y foysonne. Mais ce sont pourtraictz au vif, tellement qu’on reconnoist par figure moy qui suys le pape, le roy Francoys premier de nom, sa tant bonne femme, ses preux gentilhommes et toute la chrestienté de cour et d’eglise, depuys le cedre jusqu’à l’hysope ? »

« Je ne le celeray mie, repliqua Rabelais, j’ay semé à pleines mains cà et là et partout ung grand planté de mocqueries, satyres et equivocques, lesquelz peuvent estre interprestez des plus puyssantz seigneurs de ce monde : c’est une farce et moralité du temps present par personnaiges. Toutesfoys onc n’eus l’esperit intrigué et perplex, pour y faire jouer leur jeu au naturel gens mortz ne vivantz : seulement j’ay à tous et à chascun emprunté numbre de traitz, faitz et gestes, pour en faire honneur à mes acteurs, Grandgousier, Gargantua, Gargamelle, frere Jehan des Entommeures, Picrochole et le reste : en preuve de quoy, je vous monstreray à l’emblee la continuation de ces chronicques de haulte graisse. Ung matin, au lieu d’ouyr l’Angelus, quand aurez grabelé ce commencement, je viendray vous reciter l’histoire treshorrificque du grand Pantagruel, filz du bonhomme Grandgousier : mes amys veulent que icelluy soyt pour vray le roy Francoys mon maistre, parent et heritier de Loys douziesme ? vous m’en direz vostre proposition. D’abord je vous averty que mon prime livre n’est point dedié aux prebstres, caffards et pattepelues : ainsy fault-il entendre par ces mots beuveurs tresillustres et goutteux tresprecieux ceux là qui cherchent la vérité non dans un puitz mais dedans la bouteille ».

Sur ce, on vint dire que les cardinaulx estoient assemblez, et le pape renvoya avec de riches dons le docte Rabelais qu’il convia au prochain entretien : j’ignore s’il y feust et s’il fourvoya le pape en heresie.

1 Bibliothèque de Montpellier, Ms 617, Liasse XIV-04 (3).

2 Paul Lacroix, L’Assassinat d’un Roi, 2 tomes, Paris, Jéhenne, Ponthieu et Delaunay, Rapilly, Dondey-Dupré, 1825.

3 Notons également que la famille de Lacroix est proche du milieu littéraire. Son père est l’auteur de « plusieurs ouvrages estimés » (L. M.

4 Georges D’Heylli, Dictionnaire des pseudonymes, Paris, Dentu et Cie, 1887, p. 207. Octave Uzanne, proche de Lacroix, et Anatole Claudin confirment

5 Octave Uzanne, op. cit., p. 181.

6 Gustave Brunet, « M. Paul Lacroix (Le bibliophile Jacob) », in Le Bibliophile Français n°12, décembre 1872, p. 359.

7 Jules Clarétie, La Vie à Paris. 1898, Paris, Eugène Fasquelle, 1899, p. 344.

8 Arsenal, Ms 9667, « Préface » de En prenant le thé, 1er janvier 1868, p. VI.

9 Paul Lacroix, « Simple histoire de mes relations littéraires avec Honoré de Balzac », in Le Livre, 1882.

10 Nous reprenons le titre d’un ouvrage d’Anthony Glinoer qui a étudié les enjeux de ces échanges de bons procédés dans les années 1830 (Anthony

11 Paul Lacroix à Balzac, lettre du 2 mai 1830, in Balzac, Correspondance, I, Paris, « Bibliothèque de la Pléiade », Gallimard, 2006, p. 297.

12 Paul Lacroix, « Lettre à François Buloz », 2 juin 1834 [1836], in Littératures n°75, 2016, p. 159. Lacroix fait preuve d’une mordante ironie

13 Paul Lacroix (Le Bibliophile Jacob), « Facéties de Rabelais à Rome. Extrait des mémoires inédits de Jean de Laval, comte de Chateaubriant », in L

14 « Je voulus néanmoins donner une leçon de grammaire à l’auteur de ce chef-d’œuvre de conteur gaulois, et je publiai, comme objet de comparaison

15 Paul Lacroix, « Les Gaietés de Rabelais à Rome », in Mon grand Fauteuil, tome II, Paris, Renduel, 1836, p. 322.

16 Rabelais, Pantagruel, Paris, Gallimard, 1964, p. 101.

17 Dans le « Prologue » du Second Dixain, Balzac répond aux critiques et explique, non sans humour, que « aulcuns ont à l’autheur repprouché de ne

18 Paul Lacroix, Les Francs-Taupins. Histoire du temps de Charles VII. 1440, tome II, Bruxelles, Ant. Peeters, 1834, p. 116.

19 Ibid., p. 174.

20 Ibid., p. 174.

21 Paul Lacroix, « A mon jeune frère Edouard Lacroix », in Les Aventures du grand Balzac, histoire comique du temps de Louis XIII, tome I, Paris

22 Paul Lacroix, « Simple histoire », op. cit., p. 281. Il parle ici de Guez de Balzac.

23 Paul Lacroix, « Les Contes drolatiques de Balzac illustrés par Gustave Doré », in L’Abeille impériale, 15 février 1856, p. 333.

24 « On voudra se familiariser avec la gaîté, la poésie, la philosophie de Balzac, qui vivra, par ses Contes drôlatiques, aussi longtemps que

25 Paul Lacroix, « Rabelais à Rome. Extrait de mémoires du temps inédits », in Le Mercure de France au dix-neuvième siècle, tome 23, Paris, 1828, p.

26 Nous avons choisi de ne pas charger le texte de référence (version de 1832) d’un appareil de notes mais plutôt de donner les trois versions de ce

27 « Je n’ai qu’un seul culte, le vin », affirme Rabelais, enivré, au cardinal du Bellay, dans un discours qui célèbre les vertus régénératrices de

28 Rabelais se substitue à une statue de Saint Pierre et retrouve sa « chaleur humaine » (Ibid., p. 192) lorsqu’une désirable demoiselle, aux « 

29 Cédric Michon met en doute la véracité de cette union et émet l’hypothèse d’une erreur de Brantôme. Il suggère que le cardinal aurait pu épouser

30 Lacroix ajoute par exemple une discussion entre le cardinal et Rabelais qui se lancent dans une série de jeux de mots autour du nom « pape » et

31 Jelle Koopmans, « La farce, genre noble aux prises avec la facétie ? », in Cahiers de recherches médiévales et humanistes, n°32, 2016, p. 147.

32 Dans le texte de la version de 1832 qui accompagne cette présentation, seuls les ajouts ou suppression de mots, ainsi que le choix d’un mot

33 Et, à l’inverse, il contractera « monsieur l’ambassadeur » en « M. l’ambassadeur ».

34 Rabelais, Gargantua, Paris, Hachette, 1977, p. 25 : Lacroix choisit ce passage et le conclut par des points de suspension que nous reproduisons

35 Lacroix revendique sa préférence pour Rabelais dès la parution des Soirées : « Je préfère Rabelais à Homère. […] Je le dirai à qui voudra l’

36 Arlette Michel, « Balzac et l’idée de progrès en littérature », Romantisme n° 108 [L’Idée de Progrès], 2000, p. 55.

37 Gérard de Nerval, « Introduction [au] choix de poésies de Ronsard », in Œuvres complètes, III, Paris, « Bibliothèque de la Pléiade », Gallimard

38 Ibid., p. 284.

39 Ibid., p. 285.

40 Paul Lacroix, « Préface », Un divorce, histoire du temps de l’Empire, 1812-1814, Bruxelles, Louis Hauman et compagnie, 1831, p. 8.

41 Gérard de Nerval, op. cit., p. 282.

42 Ibid., p. 282.

43 Honoré de Balzac, « Portrait de P.-L. Jacob, bibliophile, éditeur des "Deux Fous" », in Œuvres diverses, II, Paris, « Bibliothèque de la Pléiade 

44 Var. 1836 : issu de.

45 Var. 1836 : secretaire.

46 Var. 1836 : si.

47 Papegeay : perroquet.

48 Lacroix se réfère ici au chapitre 16 de l’évangile selon saint Mattieu : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon église ». Cependant

49 Var. 1836 : trop bellement

50 « Pyrrhonien » renvoie à la doctrine de Pyrrhon et désigne une personne qui doute de tout.

51 Rabelais publie Gargantua sous le pseudonyme d’« Alcofribas, Abstracteur de Quinte Essence », expression qui désigne l’alchimiste.

52 Rabelais fait ici référence à la formule Ego conjungo vos in matrimonium que prononce le prêtre lors d’un mariage.

53 L’expression renvoie à « miserere nobis » (prends pitié de nous), extrait de l’Agnus Dei (Agneau de Dieu), prière catholique prononcée durant la

54 Var. 1836 : qu’elle fust.

55 La lecture des bulles (les décrets pontificaux) donne une fruition, c’est-à-dire une jouissance.

56 Il désigne probablement son frère, Martin du Bellay, seigneur de Langey.

57 Var. 1836 : vous nous avez brassé.

58 Var. 1836 : Mis hors cet esclat.

59 Référence à Picrochole, roi de Lerné qui s’oppose à Grandgousier, le père de Gargantua.

60 Var. 1836 : mestier.

61 Decretales : Ordonnance ou constitution des papes, ayant une portée générale pour l’Église ou une notable partie, et faite en réponse à des

62 François de Sagon est un poète français connu pour sa querelle avec Marot (il a par exemple écrit « Epistre a Marot par Francoys de Sagon pour

63 Lacroix fait ici référence à la principauté d’Yvetot sur laquelle règne Martin du Bellay, frère du cardinal, depuis son mariage avec Elisabeth

64 « Clementine » et « Extravagante » sont les noms donnés à des recueils de décrétales. Le premier contient les lettres du Pape Clément V et le

65 Cri répété durant les Bacchanales en hommage à Bacchus.

66 L’expression « Purée septembrale » désigne le vin chez Rabelais. Les « fumées septembrales » correspondent donc à l’ivresse.

67 Amict : Linge blanc, de forme carrée ou rectangulaire que le prêtre, le diacre et le sous-diacre placent sur leurs épaules avant de revêtir l’

68 Indicques : originaires d’Inde.

69 Var. 1836 : sainct Jehan de Latran. Lacroix fait référence à la Basilique Saint-Jean-de-Latran.

70 Bluté : secoué.

71 « Je tirer des perles du fumier d’Ennius » est une expression attribuée à Virgile qui avouerait ainsi s’inspirer de l’œuvre du poète Ennius.

72 Anagramme de François Rabelais.

73 Var. 1836 : je vous baillerai.

74 Var. 1836 : pour estre.

75 Var. 1836 : ne.

76 Rabelais s’adresse dans le Prologue de Gargantua aux « Beuveurs tres illustres, et vous, Verolez tres precieux » (Rabelais, Gargantua, p. 13) et

77 Lacroix débute son texte par des points de suspension afin de renforcer l’illusion de lire un extrait, comme annoncé dans le titre.

1 Bibliothèque de Montpellier, Ms 617, Liasse XIV-04 (3).

2 Paul Lacroix, L’Assassinat d’un Roi, 2 tomes, Paris, Jéhenne, Ponthieu et Delaunay, Rapilly, Dondey-Dupré, 1825.

3 Notons également que la famille de Lacroix est proche du milieu littéraire. Son père est l’auteur de « plusieurs ouvrages estimés » (L. M., Galerie de la presse, de la littérature et des beaux-arts, 2e série, Louis Huart (dir.), Paris, Aubert, 1840, p. 352). Son épouse, Appoline Biffe, a publié plusieurs romans et ils écrivent conjointement De près, de loin, un roman épistolaire. Son frère Jules embrasse également la carrière d’écrivain.

4 Georges D’Heylli, Dictionnaire des pseudonymes, Paris, Dentu et Cie, 1887, p. 207. Octave Uzanne, proche de Lacroix, et Anatole Claudin confirment aussi cette origine (Octave Uzanne, Nos amis les livres – Causeries sur la littérature curieuse et la librairie, Paris, Maison Quantin, 1886, p. 167 et Anatole Claudin, Catalogue des livres composant la bibliothèque du bibliophile Jacob, Paris, A. Claudin, 1885, p. V).

5 Octave Uzanne, op. cit., p. 181.

6 Gustave Brunet, « M. Paul Lacroix (Le bibliophile Jacob) », in Le Bibliophile Français n°12, décembre 1872, p. 359.

7 Jules Clarétie, La Vie à Paris. 1898, Paris, Eugène Fasquelle, 1899, p. 344.

8 Arsenal, Ms 9667, « Préface » de En prenant le thé, 1er janvier 1868, p. VI.

9 Paul Lacroix, « Simple histoire de mes relations littéraires avec Honoré de Balzac », in Le Livre, 1882.

10 Nous reprenons le titre d’un ouvrage d’Anthony Glinoer qui a étudié les enjeux de ces échanges de bons procédés dans les années 1830 (Anthony Glinoer, La Querelle de la camaraderie littéraire. Les romantiques face à leurs contemporains, Genève, « Histoire des idées et critique littéraire », Droz, 2008).

11 Paul Lacroix à Balzac, lettre du 2 mai 1830, in Balzac, Correspondance, I, Paris, « Bibliothèque de la Pléiade », Gallimard, 2006, p. 297.

12 Paul Lacroix, « Lettre à François Buloz », 2 juin 1834 [1836], in Littératures n°75, 2016, p. 159. Lacroix fait preuve d’une mordante ironie lorsqu’il reprend la devise de Louis XIV, « au-dessus de tous », pour qualifier l’arrogance de Balzac.

13 Paul Lacroix (Le Bibliophile Jacob), « Facéties de Rabelais à Rome. Extrait des mémoires inédits de Jean de Laval, comte de Chateaubriant », in L’Artiste, 1832, tome IV, p. 260.

14 « Je voulus néanmoins donner une leçon de grammaire à l’auteur de ce chef-d’œuvre de conteur gaulois, et je publiai, comme objet de comparaison, dans l’Artiste, un pastiche de la langue du XVIe siècle, intitulé les Gaietés de Rabelais à Rome » (Paul Lacroix, « Simple histoire », op. cit., p. 278).

15 Paul Lacroix, « Les Gaietés de Rabelais à Rome », in Mon grand Fauteuil, tome II, Paris, Renduel, 1836, p. 322.

16 Rabelais, Pantagruel, Paris, Gallimard, 1964, p. 101.

17 Dans le « Prologue » du Second Dixain, Balzac répond aux critiques et explique, non sans humour, que « aulcuns ont à l’autheur repprouché de ne pas pluz sçavoir le languaige du vieulx temps que les lièures ne se cognoissent à faire des fagotz » (Balzac, « Prologue » du Second Dixain, in Contes Drolatiques, précédés de La Comédie humaine (Œuvres ébauchées, II – Préfaces), Paris, « Bibliothèque de la Pléiade », Gallimard, tome XI, 1965, p. 597). Il estime que l’originalité de ses contes prime sur le respect rigoureux de l’orthographe et se met malgré tout en valeur en constatant que Rabelais avait eu à subir les mêmes reproches.

18 Paul Lacroix, Les Francs-Taupins. Histoire du temps de Charles VII. 1440, tome II, Bruxelles, Ant. Peeters, 1834, p. 116.

19 Ibid., p. 174.

20 Ibid., p. 174.

21 Paul Lacroix, « A mon jeune frère Edouard Lacroix », in Les Aventures du grand Balzac, histoire comique du temps de Louis XIII, tome I, Paris, Dumont, 1838, p. 7.

22 Paul Lacroix, « Simple histoire », op. cit., p. 281. Il parle ici de Guez de Balzac.

23 Paul Lacroix, « Les Contes drolatiques de Balzac illustrés par Gustave Doré », in L’Abeille impériale, 15 février 1856, p. 333.

24 « On voudra se familiariser avec la gaîté, la poésie, la philosophie de Balzac, qui vivra, par ses Contes drôlatiques, aussi longtemps que vivront les Cent nouvelles, l’Heptaméron et le Pantagruel » (Ibid., p. 334).

25 Paul Lacroix, « Rabelais à Rome. Extrait de mémoires du temps inédits », in Le Mercure de France au dix-neuvième siècle, tome 23, Paris, 1828, p. 406-414.

26 Nous avons choisi de ne pas charger le texte de référence (version de 1832) d’un appareil de notes mais plutôt de donner les trois versions de ce texte. Le lecteur appréhendera de manière plus efficace les diverses modifications apportées par Lacroix.

27 « Je n’ai qu’un seul culte, le vin », affirme Rabelais, enivré, au cardinal du Bellay, dans un discours qui célèbre les vertus régénératrices de cette boisson (Paul Lacroix, Soirées de Walter Scott à Paris, I, Bruxelles, Wahlen, 1829, p. 194).

28 Rabelais se substitue à une statue de Saint Pierre et retrouve sa « chaleur humaine » (Ibid., p. 192) lorsqu’une désirable demoiselle, aux « tétins blancs, ronds, ni trop grands, ni trop petits » (Ibid., p. 192), donne un baiser à ce confident de pierre. La réanimation de la statue provoque la colère de la foule qui poursuit l’imposteur et le punit violemment. Cet épisode n’est pas repris dans les versions de 1832 et 1836.

29 Cédric Michon met en doute la véracité de cette union et émet l’hypothèse d’une erreur de Brantôme. Il suggère que le cardinal aurait pu épouser Louise de Montmorency, veuve de Gaspard Ier de Coligny, maréchal de Châtillon (Cédric Michon, « Quand l’Eglise fait l’Etat », in Annuaire-Bulletin de la Société de l’Histoire de France, Année 2005, Paris, 2007, p. 140, note 21).

30 Lacroix ajoute par exemple une discussion entre le cardinal et Rabelais qui se lancent dans une série de jeux de mots autour du nom « pape » et qui terminent l’entrevue dans une « beuverie jusques à l’heure de matines ». Leurs jeux de mots rappellent ceux qu’écrit Rabelais dans Le Quart Livre lorsqu’il évoque l’île des Papefigues et l’île des Papimanes. Il livre également la fin du récit, la version de 1828 n’étant qu’un extrait. Rabelais conclut sa discussion avec le pape en proclamant sa liberté, son indépendance et son amour du vin.

31 Jelle Koopmans, « La farce, genre noble aux prises avec la facétie ? », in Cahiers de recherches médiévales et humanistes, n°32, 2016, p. 147.

32 Dans le texte de la version de 1832 qui accompagne cette présentation, seuls les ajouts ou suppression de mots, ainsi que le choix d’un mot différent dans la version de 1836 seront indiqués en note. Les autres modifications étant trop nombreuses, nous renvoyons le lecteur directement à la version de 1836.

33 Et, à l’inverse, il contractera « monsieur l’ambassadeur » en « M. l’ambassadeur ».

34 Rabelais, Gargantua, Paris, Hachette, 1977, p. 25 : Lacroix choisit ce passage et le conclut par des points de suspension que nous reproduisons ici entre crochets puisqu’ils ne figurent pas chez Rabelais.
« Aulcuns disoient que leicher sa pantoufle
Estoit meilleur que guaigner les pardons ;
Mais il survint ung affecté marroufle […] »

35 Lacroix revendique sa préférence pour Rabelais dès la parution des Soirées : « Je préfère Rabelais à Homère. […] Je le dirai à qui voudra l’entendre, Rabelais pour moi est tout, et je chéris jusqu’à ses défauts » (Paul Lacroix, Soirées, I, op. cit., p. 9).

36 Arlette Michel, « Balzac et l’idée de progrès en littérature », Romantisme n° 108 [L’Idée de Progrès], 2000, p. 55.

37 Gérard de Nerval, « Introduction [au] choix de poésies de Ronsard », in Œuvres complètes, III, Paris, « Bibliothèque de la Pléiade », Gallimard, 1993, p. 284.

38 Ibid., p. 284.

39 Ibid., p. 285.

40 Paul Lacroix, « Préface », Un divorce, histoire du temps de l’Empire, 1812-1814, Bruxelles, Louis Hauman et compagnie, 1831, p. 8.

41 Gérard de Nerval, op. cit., p. 282.

42 Ibid., p. 282.

43 Honoré de Balzac, « Portrait de P.-L. Jacob, bibliophile, éditeur des "Deux Fous" », in Œuvres diverses, II, Paris, « Bibliothèque de la Pléiade », Gallimard, 1996, p. 654.

44 Var. 1836 : issu de.

45 Var. 1836 : secretaire.

46 Var. 1836 : si.

47 Papegeay : perroquet.

48 Lacroix se réfère ici au chapitre 16 de l’évangile selon saint Mattieu : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon église ». Cependant, la citation latine est incomplète puisque le démonstratif « hanc » fait partie de la citation originale : « Es Petrus, et super hanc petram œdificabo ecclesiam meam ».

49 Var. 1836 : trop bellement

50 « Pyrrhonien » renvoie à la doctrine de Pyrrhon et désigne une personne qui doute de tout.

51 Rabelais publie Gargantua sous le pseudonyme d’« Alcofribas, Abstracteur de Quinte Essence », expression qui désigne l’alchimiste.

52 Rabelais fait ici référence à la formule Ego conjungo vos in matrimonium que prononce le prêtre lors d’un mariage.

53 L’expression renvoie à « miserere nobis » (prends pitié de nous), extrait de l’Agnus Dei (Agneau de Dieu), prière catholique prononcée durant la messe.

54 Var. 1836 : qu’elle fust.

55 La lecture des bulles (les décrets pontificaux) donne une fruition, c’est-à-dire une jouissance.

56 Il désigne probablement son frère, Martin du Bellay, seigneur de Langey.

57 Var. 1836 : vous nous avez brassé.

58 Var. 1836 : Mis hors cet esclat.

59 Référence à Picrochole, roi de Lerné qui s’oppose à Grandgousier, le père de Gargantua.

60 Var. 1836 : mestier.

61 Decretales : Ordonnance ou constitution des papes, ayant une portée générale pour l’Église ou une notable partie, et faite en réponse à des demandes ou consultations.

62 François de Sagon est un poète français connu pour sa querelle avec Marot (il a par exemple écrit « Epistre a Marot par Francoys de Sagon pour luy monstrer que Frippelipes auoit faict sotte comparaison » en 1537). Il a pour devise « Vela de quoy ».

63 Lacroix fait ici référence à la principauté d’Yvetot sur laquelle règne Martin du Bellay, frère du cardinal, depuis son mariage avec Elisabeth Chenu. Rabelais y a fait de nombreux séjours. Il est amusant de constater qu’Augustin Labutte a dédié son Histoire des rois d’Yvetot à Lacroix en 1871. Rabelais n’est jamais très éloigné des intérêts du bibliophile.

64 « Clementine » et « Extravagante » sont les noms donnés à des recueils de décrétales. Le premier contient les lettres du Pape Clément V et le second les épîtres, décrétales et constitutions des papes, publiées depuis les Clémentines. Ce passage renvoie également au Quart Livre de Rabelais lorsque les personnages discutent des vertus des Clémentines et des Extravagantes. Ainsi, Frère Jean des Entommeures, s’étant « torché le cul d’un feueillet d’une des méchantes Clementines », a vu apparaître des fissures et des hémorroïdes. (Rabelais, Le Quart Livre, Paris, Le Livre de Poche, p. 511).

65 Cri répété durant les Bacchanales en hommage à Bacchus.

66 L’expression « Purée septembrale » désigne le vin chez Rabelais. Les « fumées septembrales » correspondent donc à l’ivresse.

67 Amict : Linge blanc, de forme carrée ou rectangulaire que le prêtre, le diacre et le sous-diacre placent sur leurs épaules avant de revêtir l’aube et les ornements sacrés pour dire ou servir la messe.

68 Indicques : originaires d’Inde.

69 Var. 1836 : sainct Jehan de Latran. Lacroix fait référence à la Basilique Saint-Jean-de-Latran.

70 Bluté : secoué.

71 « Je tirer des perles du fumier d’Ennius » est une expression attribuée à Virgile qui avouerait ainsi s’inspirer de l’œuvre du poète Ennius.

72 Anagramme de François Rabelais.

73 Var. 1836 : je vous baillerai.

74 Var. 1836 : pour estre.

75 Var. 1836 : ne.

76 Rabelais s’adresse dans le Prologue de Gargantua aux « Beuveurs tres illustres, et vous, Verolez tres precieux » (Rabelais, Gargantua, p. 13) et dans celui de Pantagruel, il évoque les « pauvres vérolez et goutteux » (Rabelais, Pantagruel, Paris, « Folio classique », Gallimard, 1964, p. 37).

77 Lacroix débute son texte par des points de suspension afin de renforcer l’illusion de lire un extrait, comme annoncé dans le titre.

Stéphane Fossard

Stéphane Fossard est docteur en Littérature Française de l’Université de La Réunion et chercheur associé au laboratoire DIRE de l’Université de La Réunion. Il a soutenu en mars 2017 sa thèse intitulée Plaisirs du texte et plaisirs du sexe : l’érotisation de l’histoire dans les romans historiques de Paul Lacroix (1829-1835). Ses travaux concernent le XIXe siècle et en particulier le Romantisme des années 1830.

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