La multiplication des luttes sociales et environnementales depuis le début du siècle a suscité dans nos sociétés de nouveaux débats et de nouvelles considérations vis-à-vis des espèces qui nous entourent et de l’espace dans lequel nous vivons. Au cœur de ces échanges se trouve également la notion d’écologie, qui prend différentes formes et objectifs, qu’ils soient sociaux, commerciaux ou politiques. Si l’étymologie même du terme « écologie » fait référence à l’habitat, au lieu de vie, il reste le plus souvent associé dans nos sociétés à celui d’« environnement », autant comme espace avec lequel l’humain interagit que comme ensemble composé des différents éléments animés et inanimés issus de la nature, souvent mis en péril dans les discours des détracteurs. Derrière ce terme d’« écologie » se questionnent alors tout autant les pratiques humaines vis-à-vis de l’environnement que le lien et le partage de l’espace avec l’autre non humain. Depuis le début des années 2000, la présence saisonnière et croissante des baleines à bosse au large des côtes de l’île de La Réunion, confrontée à la présence d’activités humaines de plusieurs sortes sur le plan d’eau, a ouvert rapidement à l’échelle locale une problématique de cohabitation et d’usage, voire de partage d’un même espace par des individus humains et non humains. Une pluralité d’acteurs participe en effet à construire des formes de rencontres avec l’animal, entre autres des programmes de recherche scientifique ou de sensibilisation, le développement d’activités touristiques ou encore des projets de création artistique. Cependant, bien que ces rencontres anthropozoologiques prennent des formes multiples, il n’est pas rare de retrouver des similitudes dans leurs organisations ou à travers le comportement des participants ou usagers de ces rencontres, mesurables à travers leur positionnement dans les espaces où se développent leurs activités : l’intérêt des individus pour le ressenti de l’expérience de la rencontre, le contact ou le lien vécu ou créé avec l’animal, mais aussi, dans une autre mesure, la tendance des acteurs sociaux à questionner leur propre impact sur la condition animale et leur comportement dans l’espace marin partagé avec la baleine. En ce sens, des débats et discussions entre les principaux acteurs (associations environnementales à caractère scientifique et opérateurs marins touristiques) se mettent en place régulièrement au cours de l’année, notamment par le biais de réunions avec les services de l’État au sein d’un dispositif participatif visant à sculpter et orienter au travers d’une approche juridique la relation entre l’humain et l’animal en mer à partir des expériences des usagers et des connaissances apportées par les sciences, dans une démarche traduisant des attentes politiques en matière d’environnement et d’économie. Dans ce contexte, c’est à la fois les dimensions écologiques et affectives ainsi que leur lien qu’il convient alors d’interroger à travers ces formes de rencontres. Quelle place prennent les dimensions affective et écologique à l’intérieur de ces rencontres ? Comment impactent-elles la représentation vis-à-vis de l’animal et le lien que l’individu construit avec la baleine à bosse lors des rencontres ?
Cette étude des phénomènes communicationnels qui se situe à la croisée de la sociologie des sciences et de la sociologie du tourisme, s’imprègne de la pensée du vivant, approche transversale du rapport entre l’humain et l’environnement en sciences humaines et sociales. La rencontre entre deux espèces vivantes, ici l’humain et le cétacé, est une notion centrale qui reste à définir. La rencontre anthropozoologique désigne ici un événement qui se déroule dans des espaces composés d’individus, de normes, de représentations, de discours et de pratiques à partir desquels un être humain vit un contact voire une relation plus ou moins durable avec un ou plusieurs animal(aux) non humain(s). La rencontre peut être physique : l’humain et le non humain sont physiquement présents dans l’espace et échangent une proximité relative (comme dans les approches en mer ou l’observation depuis la côte), mais la rencontre peut être également symbolique et l’animal n’est alors présent que par des représentations rapportées ou fictives (conférences, produits culturels, réunions interprofessionnelles, expositions muséales, etc.). Cette définition assez large et dense des rencontres s’appuie principalement dans sa construction sur la notion de « dispositif », permettant de penser les activités et outils mis en œuvre à l’échelle locale dans leur intégralité et d’observer le « réseau » (Foucault, 2001) qui se forme à partir des éléments qui les composent : individus, normes, espaces, discours, mais aussi représentations. Face au questionnement du lien entre l’humain et la baleine à bosse dans un milieu partagé par les deux espèces, l’étude des représentations à l’intérieur d’un tel dispositif prend alors toute sa mesure. Si les représentations sociales et spatiales sont parfois étudiées à partir des perceptions et constructions cognitives de l’individu, la notion de dispositif est ici observée dans une dimension collective en reprenant la notion de représentation comme « forme de connaissance socialement élaborée ou partagée […] concourant à une réalité commune à un ensemble social » (Jodelet, 2003, p. 53). Il s’agit ici de penser les représentations sociales dans une continuité avec les autres éléments du dispositif et d’observer la façon dont les représentations sociales s’établissent dans le cas d’une relation et se propage ou circule à travers le dispositif. Il convient alors d’interroger le développement et la place donnée au sein des discours et des activités des acteurs aux aspects environnementaux et affectifs ainsi que les mettre en résonance afin d’observer leur lien. Cependant ce cadrage autour du dispositif et des représentations sociales n’offre pas un regard suffisamment précis sur le lien entre émotion et écologie, deux concepts à identifier dans le cadre de relations anthropozoologiques. Le concept d’émotion prend diverses formes selon les auteurs qui en interrogent sa construction et sa définition, rendant le terme complexe à aborder (Frijda, 2014). Cependant le concept étudié par la psychologie cognitive se forge souvent autour du lien qui se forme entre l’individu et l’environnement qu’il s’agisse d’un objet ou d’une situation, incluant des composantes cognitive, comportementale et physiologique (Gil, 2009) et impliquant ainsi des sensations autrement palpables que par des sens physiques. Les émotions se diffèrent également de par leur intensité et leur valence soit la perception de leur aspect positif ou de leur négativité pour l’individu (Frijda, 2005). Enfin, le contexte social, spatial ou temporel, ou encore les éléments participants à la situation vécu par l’individu tend à rendre l’expérience subjective (Bernard, 2014). Pour autant, si cette définition s’observe sous l’individualisation de l’expérience émotionnelle, celle-ci peut tout autant être partagée dans un aspect collectif au même titre que les représentations sociales, notamment lorsque ces expériences émotionnelles se produisent dans un contexte partagé par plusieurs participants. Ainsi l’intervention ou la présence d’un tiers influence l’expérience émotionnelle vécue par l’individu. En ce sens, à partir de son étude sur l’enchantement touristique, Yves Winkin montre que le guide et son apport en « cadres de perception et des signes d’accréditation de l’univers qu’il [le touriste] découvre » influencent la construction de la réalité observée par le touriste, soit l’une des « conditions minimales de production de l’enchantement » (1998, p. 141). Dans une autre mesure, l’association du concept d’émotion à celui d’écologie n’est pas étrangère à une autre forme de lien sur lequel la pensée autour du vivant s’est construite. L’étude du rapport entre nature et culture par des démarches anthropologiques dès la fin du siècle dernier a fait émerger d’autres façons de penser la relation que l’humain construit avec la biodiversité et plus généralement l’environnement. Au-delà de la distinction qui séparait alors ces deux objets dans leur gestion politique, certains auteurs, pionniers du tournant ontologique, les observent sous l’angle de l’assemblage et de l’enchevêtrement (Latour, 1999) ou encore par la définition de formes relationnelles entre vivant et non vivant observables à l’intérieur des différentes sociétés humaines (Descola, 2005). Le carré ontologique de Philippe Descola, confronté à ce rapport à l’émotion suscité par le contact anthropozoologique, fait ainsi émerger une certaine posture qui peut être incarné par les acteurs sociaux dans le cadre d’une rencontre avec l’animal et qui traverse différents positionnements des individus sur le lien construit avec des espèces à la fois menacés, protégés, fantasmés et mises à contribution dans le cadre d’activités humaines marchandes ou non marchandes.
En s’appuyant sur ce large cadrage théorique, il s’agit alors de composer une méthodologie d’enquête suffisamment robuste pour analyser d’une part la présence des postures et pratiques d’acteurs sociaux en lien avec l’écologie politique et la gestion sur le plan environnemental de la protection d’un objet vivant tant à travers son aspect patrimonial que son usage en qualité de ressource dans le cadre de la production d’activités humaines, mais également, les formes discursives et non discursives à caractère émotionnel telles que vécues, captées et/ou retranscrites directement par les acteurs sociaux lors des rencontres. Pour ce faire, l’étude sera ainsi orientée autour d’une analyse d’un corpus composé d’éléments de différentes natures, autant du textuel que du non-textuel, afin d’y observer le lien entre émotion et écologie. Ce corpus comprend ainsi des extraits des outils réglementaires produits par des usagers de l’espace marin et mis en œuvre spécifiquement à une échelle locale, soit deux versions d’une charte de bonnes pratiques dans le cadre d’approches de cétacés et trois versions d’un arrêté préfectoral réglementant l’approche et l’observation des cétacés au large des côtes réunionnaises. De même le discours et les pratiques des opérateurs marins à caractère touristique et des associations environnementales à caractère scientifique qui produisent des formes de rencontre incluant le grand public, y sont également pris en compte. Ces discours et ces pratiques ont, à cet effet, été capté in situ à partir de la mise en place d’une observation passive lors de 16 sorties en mer au large de Saint-Paul sur la côte ouest de l’île, à bord de navires professionnels, animés par 4 entreprises proposant du transport de passagers uniquement (nommées par eux-mêmes « croisière cétacés » ou « sortie cétacés ») ou de la mise à l’eau (plongée de surface sans bouteille) entre août et septembre 2021, ainsi que la participation à 5 conférences publiques proposées par une ONG locale entre 2021 et 2023, en lien avec les cétacés et leur activité autour de l’île. Si d’autres acteurs présents sur l’île participent à la production de formes de rencontres, notamment les médias, les artistes ou les institutions publiques, ils ont été écartés de l’étude de par l’irrégularité de leur présence et de leur investissement dans la production des rencontres. Le regard reste ainsi focalisé uniquement sur les pratiques et discours produits par les opérateurs marins et les membres des associations environnementales, dont les activités en lien avec l’animal et les autres types d’acteurs présents sur le territoire sont régulières et constantes durant l’année. Ce corpus a été confronté à une grille visant à analyser plusieurs items permettant d’observer le rapport entre écologie et émotion en lien avec les pratiques des acteurs humains et non humains : représentations vis-à-vis de l’animal, forme de préservation de l’animal, comportement des acteurs durant la rencontre, construction et déroulement de la rencontre, posture de l’acteur vis-à-vis du lien anthropozoologique, et enfin nature des émotions observées.
L’histoire humaine des baleines : de la chasse à la préservation, de la crainte à la contemplation
La relation qui s’est construite entre l’humain et la baleine reste particulièrement ancienne. L’animal est d’ailleurs longtemps apparu à l’intérieur des éléments culturels de plusieurs communautés sous forme de légendes, de récits historiques, ou encore de cultes (Pastoureau, 2023) qui encore aujourd’hui participent à la vie sociale et l’identité collective des habitants des territoires concernés (Quoc-Thanh, 2017). Cependant ce qui caractérise aujourd’hui dans nos sociétés occidentales la relation ancienne entre la baleine et l’humain c’est aussi la pratique de la chasse perpétrée par le dernier à l’encontre du premier. Si la chasse à la baleine a pris différentes formes durant son histoire c’est bien l’industrialisation massive de cette pratique au XIXe siècle qui reste à l’esprit bien que celle-ci trouvait déjà ses marques bien plus tôt. À cet effet, la culture populaire a largement été nourrie par l’ouvrage d’Herman Melville, Moby Dick où l’animal se voit par exemple qualifié par le terme biblique « Léviathan » par les équipages des navires baleiniers, représentant alors la crainte que ces campagnes pouvaient générer. Mais la chasse et ses conséquences, entre autres la baisse du nombre de baleines à l’échelle mondiale, quel qu’en soit l’espèce, ont aussi contribué au changement de ce lien entre l’humain et l’animal. Largement décimées par la chasse, les baleines seront en effet dès la seconde moitié du XXe siècle, les sujets d’un vaste programme international participant progressivement à leur préservation. La convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine signée en 1946 à Washington1, sera le premier accord à visée internationale ouvrant la voie vers une forme de protection de l’animal. Cet accord permettra notamment la création de la commission baleinière internationale (CBI) qui agira d’abord comme régulateur des pratiques de pêche à travers la mise en œuvre de quotas avant de totalement l’interdire avec le moratoire de 1982 pour les pays signataires de celui-ci. Cette évolution coïncide avec le changement des rapports et des représentations socioculturelles vis-à-vis des cétacés. En effet de nouvelles pratiques et relations se développent, telles que la préservation et la contemplation des cétacés (Allen, 2014), la célébration de l’espèce dans une visée symbolique ou commerciale (Gouabault, 2012), ou bien encore la recherche scientifique parfois participative (Hoyt et Parsons, 2014). Dans ce contexte, c’est aussi une nouvelle forme de tourisme qui se construit et dès 1955 le whale watching prend ainsi peu à peu ses marques à partir de l’action d’un pêcheur de San Diego en Californie, consistant à rencontrer des baleines grises lors d’une sortie en bateau (ibid). Le whale watching évoluera progressivement durant la seconde moitié du vingtième siècle et prendra alors diverses formes de rencontres avec l’animal selon les pratiques organisées à l’intérieur et à l’extérieur de l’espace marin : nage avec les cétacés, observation depuis la côte, photographie ou encore plus récemment l’usage de drone aérien. Les différentes logiques du whale whatching feront des émules dans différentes zones de la planète en se répandant d’abord en Amérique du Nord (Forestell, 2009) avant de s’étendre vers le reste du monde (Hoyt, 1995). La pratique de la chasse ou les pratiques similaires sont aujourd’hui anecdotiques. Seules quelques nations participent encore à ce type de pratiques, là où plusieurs d’entre elles ont ouvert leurs eaux au whale watching. Le développement de cette nouvelle relation depuis le début de la seconde moitié du XXe siècle a tendance à construire un premier filtre cognitif vis-à-vis des différents acteurs de cette relation et de leurs pratiques. La contribution des sciences à cette transformation, et plus largement aux causes environnementales depuis les années 60, mais également leur proximité avec les institutions publiques, ont tendance à faire du scientifique un acteur de l’environnement (Vrignon, 2020). Les scientifiques apparaissent dans l’espace public comme conservateur de la condition animale et leurs pratiques de recherches sont acceptées car allant dans le but de la préservation de la vie et du bien-être animal. À l’inverse les acteurs du tourisme sont souvent décriés pour leurs pratiques commerciales observées par le grand public comme intrusives, voire « diabolisées » (Schéou, 2010).
Le discours sur l’écologie, entre engagement individuel et continuité institutionnelle
À La Réunion, la relation à l’animal, ou plutôt l’organisation du lien, se développe autour d’aspects spécifiques au territoire, bien qu’il s’appuie sur des formes relationnelles assez similaires à ce que l’on peut retrouver ailleurs dans le monde actuellement, telles que la politique de préservation, la valorisation touristique, l’outil juridique à l’échelle nationale. L’histoire entre l’animal et le territoire est assez récente. Le rapport à l’animal s’est en effet construit au début des années 2000 avec la présence progressive de ces animaux au large des côtes de l’île ainsi que l’intérêt, d’abord des scientifiques puis des opérateurs en mer, à produire respectivement des activités de recherche et des activités de tourisme. Le développement rapide de ces activités autour de cétacés de plus en plus nombreux à chaque saison, va alors orienter les usagers de la mer, syndicats, associations et services de l’État à réfléchir sur le développement d’un outil visant à construire un cadre pour favoriser des observations respectueuses du bien-être animal à proximité de la baleine à bosse. Dès 2009, la mise en place d’une charte de bonnes pratiques puis en 2019 la construction d’un arrêté préfectoral encadreront jusqu’à l’heure, les déplacements des usagers sur le plan d’eau lors de rencontres avec l’animal. La première charte pose les bases de l’accès, l’usage et du déplacement au sein de l’espace marin face à l’animal, des éléments qui ne changeront pas ou très peu dans ses évolutions. Bien que sa portée ne soit pas coercitive, elle applique plusieurs restrictions dont le respect de ces règles reste à la volonté de l’usager. En effet, l’accès au plan d’eau autour de l’animal y est contraint par plusieurs principes notamment la distance vis-à-vis de l’animal, le nombre de navires dans la zone d’observation, ou encore la vitesse des navires dans un certain périmètre autour de l’animal. Au travers de ces aspects très techniques de l’organisation de l’activité de rencontre avec les cétacés, le document donne également la tonalité du propos des acteurs associés à sa réalisation sur la relation vis-à-vis de l’animal formant un discours qui emprunte des formulations allant dans le sens des valeurs de l’éco-responsabilité et de la préservation de l’environnement :
« À force de les regarder de trop près… […] …vous finirez par ne plus les voir »
Extrait de la charte de bonnes pratiques mise en service en 2009.
Une nouvelle version de cette charte paraît en 2012 afin d’étendre ces mesures aux dauphins et tortues marines, également menacées par les pratiques de whale watching et plus largement par les activités marines indépendamment de leur nature. Un cadre spécifique leur est consacré avec des distances d’observation ou des règles de partage de l’espace marin qui sont adaptées à leur taille. Pour autant le discours employé sur ce nouveau document reste le même : « À force de les regarder de trop près, vous finirez par ne plus les voir ». À l’intérieur de ce discours rassemblant à la fois une cause et une conséquence qui n’a pour l’instant pas été observée, deux propositions construites à partir de deux temporalités distinctes s’affrontent. « À force de les regarder de trop près » présente une problématique en cours d’exécution (les mauvaises pratiques des usagers de l’espace marin), cause négative à l’échelle du sujet (l’animal), appuyée par « trop » qui apporte une forme d’extrémisme dans le ton. De même les termes « À force » introduisent une problématique qui s’inscrit dans la durée et une dégradation progressive face à la répétition de l’action humaine sur l’animal (« les regarder de trop près »). De l’autre côté, « vous finirez par ne plus les voir » se positionne comme conséquence future mais hypothétique à cette problématique soulevée en première partie de la phrase. La construction de cette phrase est basée sur la perception et le positionnement des acteurs sociaux sur le devenir de la relation anthropozoologique. Elle fait apparaître la conséquence des actions humaines sur la vie animale comme problématique, non pas dans l’instant même où la rencontre se produit, mais bien dans la répétition continue de l’action et du comportement qui y sont décriés. Cela laisse alors de l’ouverture à une solution encore « possible » qui permettrait d’éviter l’accomplissement de la situation hypothétique proposée en seconde partie de la phrase. Cette solution est proposée par l’outil même, c’est-à-dire de prendre en compte et respecter ce qui pour les acteurs sociaux créateurs de l’outil, représentent de bonnes pratiques et ou de bons comportements. Ces outils de sensibilisation abondamment illustrés et simplifiés au niveau du texte, n’apportent en revanche pas davantage de discours appuyant la question environnementale, ou de la biodiversité. L’arrêté préfectoral qui remplacera l’usage de cette charte de bonnes pratiques en 2019 et offrira au territoire un outil coercitif, ne dérogera pas à ce constat. Rappelant principalement les mêmes éléments techniques que la charte concernant l’usage de l’espace marin, elle apporte cependant plus d’éléments textuels qui ont pour effet de préciser la problématique écologique à l’échelle locale :
Considérant que les eaux de La Réunion sont régulièrement fréquentées par des mammifères marins et que ces espèces sont très exposées aux activités humaines notamment lors des périodes de reproduction ou de gestation (cas des baleines à bosse de juin à octobre « saison baleines ») ;
[…]
Considérant qu’une période de quiétude des cétacés tenant compte des connaissances scientifiques sur leurs cycles journaliers (socialisation, repos, prédation) doit être instaurée afin de limiter les interactions avec les activités humaines pendant leurs phrases préférentielles de repos ;
[…]
Le présent arrêté définit les conditions dans lesquelles les activités nautiques […] à proximité des cétacés peuvent être conduites dans les eaux territoriales de La Réunion pour garantir la préservation de l’environnement et des espèces marines, la sécurité de la navigation la sécurité des personnes et le maintien de l’ordre public en mer
Extrait de l’arrêté préfectoral n°2479 du 20 juillet 2020 portant réglementation de l’approche et de l’observation des cétacés.
La formulation de l’arrêté s’oriente en premier lieu vers la reconnaissance de la problématique environnementale qui entoure la présence de l’animal dans les eaux territoriales, notamment l’exposition « aux activités humaines » durant des « périodes de reproduction ou de gestation ». Il s’applique également à prendre en compte le discours apporté par les sciences sur le besoin animal durant la saison. Cependant l’arrêté ne suit pas uniquement une ambition environnementale des acteurs concernés, mais également des aspects liés à la sécurité des usagers et l’ordre dans l’espace marin qui ont été éclairés après un incident en mer en 2018 avec une baleine à bosse. Par ailleurs, il faut noter que l’arrêté préfectoral, plus institutionnel et formel que la charte, n’accable pas les activités humaines comme dans l’outil précédent. L’arrêté apporte ainsi plus d’éléments textuels pour comprendre la problématique écologique entourant la présence de l’animal dans les eaux territoriales et précise avec rigueur les comportements à observer face à l’animal mais cette même rigueur institutionnelle freine l’engagement vers un discours plus critique ou engagé vis-à-vis des activités en mer.
La création de ce dispositif depuis 2009 apporte alors un second filtre concernant le lien entre l’humain, la baleine à bosse et l’espace marin qui se retranscrit encore aujourd’hui localement dans les pratiques des acteurs impliqués dans les rencontres interspécifiques, entre autres les associations environnementales à caractère scientifique et les opérateurs marins proposant une approche touristique de la rencontre anthropozoologique. En effet, il faut tout d’abord noter que les acteurs scientifiques majeurs participant à la mise en œuvre des rencontres, tant sur le plan d’eau que sur terre, se réunissent sous la forme d’association avec une démarche environnementale. Les acteurs scientifiques proposent une pluralité de forme de rencontres interspécifiques à destination du grand public quasi exclusivement sur terre, leur statut d’association ne leur permettant de faire intervenir en mer que leurs membres ou adhérents. Les types de rencontres les plus courantes prennent alors la forme de conférences, l’animation de stands lors de festivités ou lors de journées dédiées auprès de certains publics (les publics scolaires notamment). Enfin plus récemment l’une des associations qui se développe sur l’île a mis en place un musée itinérant sous forme de conteneur maritime visitable, avec un aspect ludique renforcé. Le discours produit est multiple et continu selon les différents formats : présentation de l’association, vulgarisation autour de la biologie animale et les méthodologies de recherche, résultats des travaux mis en œuvre par l’association et menaces anthropiques. Le contenu des animations s’ouvre parfois vers d’autres espèces animales (oiseaux marins, poissons, tortues marines) ou d’autres questionnements ou enjeux actuels liés à l’environnement (réchauffement climatique, alimentation). Les formes de sensibilisation autour des menaces anthropiques se rapportent à cette question du partage de l’espace. L’acteur scientifique se positionne dans l’espace public comme une voix supplémentaire en faveur de la condition animale et le discours scientifique vis-à-vis de la question du partage de l’espace et du lien entre l’animal et l’humain s’appuie alors sur des formes d’engagement à l’égard des politiques environnementales. La neutralité concernant par exemple la question de l’impact anthropique lié au tourisme, pêche, trafic maritime, pollution des eaux n’est pas totale, amenant régulièrement un discours critique vis-à-vis de ces activités. Le rappel des règles en vigueur s’ajoute comme réponse aux menaces anthropiques et permet de faire le lien entre l’aspect juridique de l’observation des cétacés, voire du discours institutionnel, et le grand public. Les conférences restent le lieu principal où la question juridique apparaît dans le discours, mais le temps qui y est accordé par les associations n’est pas souvent le même. Une des trois associations présentes sur l’île s’attèle plus particulièrement à revenir sur la question juridique par rapport aux tâches qui lui ont été confiées dans le cadre du financement de ses activités : entre autres la sensibilisation sur le plan d’eau directement auprès des observateurs en mer et la promotion de pratiques responsables favorables aux cétacés.
De l’autre côté, les pratiques des opérateurs maritimes à dimension touristique avec le grand public sont quant à elles totalement différentes. Le rapport avec le grand public se construit principalement lors de sorties en mer lucratives. Ces sorties prennent des formes différentes selon les compagnies et leurs offres commerciales qui dépendent entre autres de la taille du navire, des membres d’équipage ou encore de la présence d’un moniteur pour effectuer de la mise à l’eau (nommé parfois par certains opérateurs en tant que « nage avec les cétacés »). Cependant, certaines parties de l’expérience proposée sont souvent identiques. La préparation des passagers par le briefing coïncide notamment avec le début de la sortie. Ce briefing figure parmi les moments de la sortie où la question écologique est abordée tout comme lors des observations animées ou commentées par les membres d’équipage. Sur certains points, le discours des opérateurs en mer est ainsi assez similaire à celui du discours des associations environnementales à caractère scientifique. L’engagement individuel ainsi que le rappel des règles en vigueur sur le territoire en matière d’observation des cétacés reviennent régulièrement. Le discours qui y est associé a pour but de préciser la démarche de la compagnie, présenter le déroulement de la sortie et justifier les pratiques des opérateurs : lieux où peuvent se dérouler l’observation des cétacés, durée des observations, nombre de navires autorisé à proximité de l’animal. Enfin, les formes d’engagement en faveur de l’écologie dans le discours ne sont pas plus rares mais apparaissent de façon plus informelle lors de la sortie et sont parfois amenées par les questions des clients. Certains opérateurs n’hésitent pas alors à être critique vis-à-vis des activités humaines autour de ces animaux :
[L’opératrice prend la parole :] « Vous savez c’est qui le prédateur de la baleine ? Il y en a 2 » […] « Il y en a même un troisième c’est le pire ». Tout le monde répond alors l’homme et l’opératrice acquiesce, puis elle revient sur l’orque et explique comment celui-ci tue les baleines. « En fin de sortie je propose toujours de regarder un reportage » : il s’agit du reportage Blackfish qui porte sur l’attaque des orques. Elle en vient à parler du film et notamment de Marineland, un parc aquatique à Antibes où plusieurs espèces de cétacés dont des dauphins et des orques sont installés dans de larges aquariums et mis à contribution lors de spectacle de dressage. Elle y donne sa perception quant à la façon dont les orques sont représentés dans le film : « Elles [les orques] sont tellement tristes. […] Elles sont très intelligentes les orques ».
Propos de l’opératrice recueillis lors d’une sortie en mer de type « safari cétacés » sans mise à l’eau, effectuée au matin du mercredi 18 août 2021 et mis en forme dans le journal de terrain de l’auteur de cet article dans le cadre de sa thèse ayant pour but d’interroger l’influence et les pratiques des acteurs sociaux dans la production de rencontre avec les cétacés et le développement du lien anthropozoologique.
Il faut noter ici que la critique négative de l’opératrice est particulièrement ciblée et ne concerne qu’une seule forme d’activité humaine en lien avec l’animal, celle proposée par le parc zoologique d’Antibes, et de pratiques, dont la conséquence décrite par l’opératrice est le mal être ressenti par l’animal. Pour autant, lors de cette sortie, aucune allusion n’est faite par l’opératrice sur ses propres pratiques vis-à-vis de l’animal (soit les sorties à vocation touristique de type « mise à l’eau » que celle-ci propose) ou bien ce qui est produit localement en matière de lien avec les cétacés et l’impact de ce type d’activités touristiques sur le bien-être animal.
L’émotion face au discours sur l’exceptionnel et le spectaculaire
La stimulation de l’affect et des émotions provient d’une pluralité de facteur. Ici le regard du développement de l’émotion chez l’individu est laissé à l’expérience de la rencontre. Il ne s’agit pas d’interroger l’individu dans le vécu ou la construction de sa propre émotion mais bien d’observer sur quels principes le contenu de la rencontre est générateur d’émotion chez l’individu. L’une des pistes concerne l’aspect esthétique de ces rencontres qui reste particulièrement travaillé par l’ensemble des acteurs mais se construit sur des points différents, dépendants notamment de la logistique de la rencontre. Il n’est pas rare que ces formes esthétiques se développent à partir de l’expérience de l’observation en mer en elle-même. L’exposition au comportement animal en mer est souvent rendue exceptionnelle du fait de la singularité de l’expérience et du lien affectif déjà noué avec le cétacé. Elle se développe également à partir des représentations graphiques de l’expérience vécue ou d’expériences rapportées par l’acteur social. L’usage de la photographie et de la vidéo reste de mise dans la plupart des rencontres y compris en mer. Dans le cadre des rencontres en mer, la vidéo est parfois même incluse dans l’offre commerciale et vendue comme « souvenir ». L’observation en mer ainsi que les participants à l’expérience sont filmés par l’opérateur et la vidéo est parfois diffusée sur des plateformes de streaming après accord. Une autre compagnie propose de diffuser les images prises par l’opérateur directement à la clientèle. Il faut cependant noter que ces pratiques ne sont pas régulières, certaines sorties en mer pouvant ne pas être filmées par l’opérateur, certains opérateurs déconseillant voire interdisant même l’usage d’appareils photo ou vidéo durant la sortie. Au niveau des acteurs scientifiques, les formes esthétiques développées dans les rencontres avec les publics lors des moments de sensibilisation (stand, conférence, musée itinérant), prennent une valeur illustrative ou ludique dans le cadre de la construction de leurs supports communicationnels lors des rencontres à l’extérieur du plan d’eau. L’image y est alors omniprésente et sert à la description des comportements de l’animal ou à animer le support, mais également à susciter l’affect chez le spectateur. Certains acteurs sociaux utilisent également des procédés plus immersifs tels que la mise en place de casque de réalité virtuelle permettant d’observer l’animal à travers l’œil d’un plongeur et renforcer la proximité de la rencontre. L’aspect sensationnel de l’expérience est majeur dans la construction de l’émotion et de l’enchantement. Cependant ce n’est pas uniquement l’exposition à l’image ou l’observation en elle-même qui suggère l’émotion mais aussi le développement de celle-ci auprès du public et le contexte dans lequel celui-ci se produit. Ainsi, le discours qui accompagne l’image ainsi que la posture de l’acteur participe également à la construction de l’émotion. Par exemple, le scientifique, amateur des cétacés, partage son propre intérêt pour l’animal auprès du grand public et utilise des qualificatifs élogieux pour parler de l’animal, sa biologie et de la relation à l’environnement dans lequel il intervient :
« On a beau être scientifique nous aussi on est gaga des dauphins »
Conférence du 18/02/2023 « Baleine et dauphins de La Réunion » proposée par l’association Globice à la médiathèque de Saint-Pierre (Sud de l’île).
« La Réunion, paradis des cétacés »
Conférence du 13/12/2022 « Bilan de la saison Baleine 2022 à La Réunion » proposée par l’association Globice et la brigade Quiétude du CEDTM dans la salle de conférence de l’hôtel Le Lux dans la commune de Saint-Paul (ouest de l’île).
« La reine des océans pour nous » ; « Je trouve que c’est bien de laisser à la baleine ce chant mystique »
Conférence du 15/09/2021 « Baleine à bosse à La Réunion : un patrimoine naturel exceptionnel à protéger », proposée par l’association Globice dans la salle de projection de Lespas culturel Leconte de Lisle à Saint-Paul (Ouest de l’île).
L’expérience de la rencontre proposée par l’opérateur en mer dans son offre commerciale s’appuie principalement sur l’aspect émotionnel. Cet aspect émotionnel est aussi au centre même de l’échange marchand, le produit proposé étant la rencontre potentielle de l’animal dans son milieu naturel et l’observation de celui-ci avec une finalité ludique. La logistique de la rencontre oriente l’affect des passagers durant la sortie selon la façon dont celle-ci est pensée par l’opérateur : phase de recherche de cétacés, la position et la distance du bateau par rapport aux cétacés visibles durant la phase d’observation. Le caractère émotionnel associé à l’expérience vécue en mer est par ailleurs renforcé par la figure de l’opérateur qui joue à la fois le rôle de figure d’autorité sur le plan d’eau auprès du public et d’animateur de la rencontre lors des sorties en mer voire de participant au même titre que la clientèle.
Ainsi comme pour les acteurs des sciences, l’excitation et l’émotion se ressentent également dans le discours notamment par la tonalité et le vocabulaire employé participant alors à l’aspect esthétique de l’expérience par des formes de spectacularisation. L’opérateur apporte sa propre émotion durant l’observation :
« C’est une chance de pouvoir les voir à La Réunion » Op1 : Appui de l’aspect singulier de la rencontre.
« Ah vous voyez ! Il y en a deux, ça doit être une mère et son baleineau » Op2 : Excitation au niveau du ton employé par l’opératrice accompagnée d’une description interprétative.
« Aller ! Un petit saut » ; « Aller ma belle saute ! » Op2 : Personnification de l’animal et excitation au niveau du ton.
« Je trouve ça impressionnant qu’un tel animal puisse sauter hors de l’eau » Op3
« C’est ma première baleine » ; « C’est la première baleine que je vois » Op3 Excitation appuyé par le caractère original et originel de la rencontre.
Note : L’opérateur Op1 est le pilote du navire. Les opérateurs 2 et 3 (Op2 : monitrice et Op3 : pilote) appartiennent tous deux à la même compagnie, l’un d’entre eux (Op3) a effectué ses premières sorties en mer au large de l’île lors de la saison correspondante.
Conclusion : Apprécier l’omniprésence et la cohabitation des aspects écologiques et émotionnels dans les systèmes de représentations du lien humain-animal et la production des rencontres anthropozoologiques
La construction de formes de contact et donc de lien entre l’humain et l’animal prennent différents aspects selon les acteurs de la rencontre. Que celles-ci se déroulent sur le plan d’eau ou sur la terre, la prise de parole de l’acteur social s’inscrit dans deux dynamiques : construire le lien avec l’animal d’une part, et raccrocher le grand public avec les enjeux actuels et locaux en matière d’écologie d’autre part. Ce sont ces mêmes dynamiques qui parviennent à ouvrir le débat sur une problématique d’ordre institutionnel, soulevé par les acteurs sociaux en contact de ces animaux : comment poursuivre la tenue des activités humaines dans l’espace marin partagé avec le cétacé, tout en prenant en compte le respect du bien-être animal ? En ce sens, le discours des acteurs impliqués dans l’organisation institutionnelle et matérielle de ces rencontres et qui sont également en contact régulier avec le plan d’eau et l’espace public, oriente l’intérêt des individus vers des aspects spécifiques de cette rencontre, siège du contact anthropozoologique et donc du lien entre les deux espèces. Au-delà des dimensions liées à la connaissance de l’animal et de sa biologie, les dimensions écologiques et affectives viennent combler l’expérience du lien. De par leur présence constante dans la durée et leurs apports mutuels aux enjeux sociaux qui découlent de la relation entre les deux espèces, ces deux dimensions sont omniprésentes au centre du discours et des pratiques des acteurs, et leur association contribue à forger du sens dans la production et le vécu de la rencontre anthropozoologique. Un sens qui reste cependant paradoxal et qui s’étend sur plusieurs catégorisations de la relation entre l’humain et la nature, étant donné l’association d’outils et de solutions visant à protéger l’animal des activités humaines mais laissant le champ libre à la production de l’enchantement à partir duquel la valorisation de la rencontre et donc la mise à contribution de l’animal à ces mêmes activités humaines s’effectue. Au-delà d’une seule expérience esthétique, la rencontre est une expérience plus riche raccrochant l’individu à des aspects plus politiques autour de la question du partage de l’espace marin avec l’animal. L’aspect écologique développé à l’intérieur du discours bénéficie d’une base locale apportée par un discours institutionnel régulièrement réinterrogé qui participe depuis sa création à émettre des pistes de réflexion à l’égard du partage de l’espace marin avec l’animal au même titre que les connaissances vis-à-vis des pratiques plus anciennes de chasse, vivement critiquées dans nos sociétés actuelles. Au même niveau, l’aspect émotionnel de ces rencontres est stimulé non seulement par l’expérience en elle-même mais également par la posture des acteurs sociaux majeurs des rencontres interspécifiques, se positionnant comme intermédiaires entre le monde animal et leurs publics ou clients, laissant part à leur propre engouement dans le partage de l’expérience et agissant dans la scénarisation de la rencontre. C’est aussi cette dualité qui influe ainsi sur des systèmes de représentations préexistant en ce qui concerne le lien entre humain, animal et espace partagé dans nos sociétés occidentales. Il est bien sûr complexe avec cette méthodologie qui ne s’intéresse qu’aux producteurs des rencontres, d’observer quelconques formes de réception auprès du grand public qu’il s’agisse des touristes ou des publics sensibilisés. D’autres études plus étendues ont déjà abordé ces aspects notamment dans la relation entre les populations du territoire et le cétacé montrant à la fois d’autres formes d’expériences de la relation vécue avec la baleine à bosse lors de sa rencontre mais aussi des similitudes dans le discours et les pratiques de ce type de public quant au rapport à la protection de l’animal et au lien affectif construit avec celui-ci (Saisho et Sandron, 2017 ; Saisho, 2022). Enfin, il faut cependant relativiser ce constat sur le choix du terrain et le biais autour de la construction du lien anthropozoologique. En effet, si cette recherche a été menée sur un territoire soumis à des représentations occidentales et « modernes » du rapport entre l’humain et un animal perçu aujourd’hui comme emblématique dans ces mêmes sociétés, il devient également complexe d’extrapoler les résultats de cette recherche à d’autres territoires ou populations où la relation anthropozoologique en termes de pratiques et de perceptions du lien entre l’humain et l’animal diffère de façon importante sur l’aspect des émotions et des objectifs politiques ou de gouvernance de l’espace et de la proximité partagé entre les deux espèces.