Portraits et discours de femmes chez Georges et Madeleine de Scudéry : l’exemple de Panthée dans Artamène ou le Grand Cyrus et Les Femmes illustres ou les harangues héroïques

Elina Galin

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Elina Galin, « Portraits et discours de femmes chez Georges et Madeleine de Scudéry : l’exemple de Panthée dans Artamène ou le Grand Cyrus et Les Femmes illustres ou les harangues héroïques », Tropics [En ligne], 14 | 2023, mis en ligne le 01 décembre 2023, consulté le 21 novembre 2024. URL : https://tropics.univ-reunion.fr/2672

Figures de la littérature du XVIIe siècle, Georges et Madeleine de Scudéry sont les auteurs de nombreux ouvrages parmi lesquels le recueil Les Femmes illustres ou les Harangues héroïques et le roman Artamène ou le Grand Cyrus… De nouvelles modes, de nouvelles façons de penser et d’écrire font peu à peu tomber leurs œuvres dans l’oubli. Ils y mettent en scène des figures légendaires au travers desquelles ils proposent à leurs lecteurs, mais surtout à leurs lectrices, une certaine idée de la gloire, de l’amour et de la parole féminine au cœur d’une société fantasmée. Cet article s’intéresse au cas particulier du personnage de Panthée, reine légendaire et incarnation d’un exceptionnel féminin caractéristique de la conception de la littérature galante du Grand Siècle.

Leading literary figures of the 17th century, Georges and Madeleine de Scudéry were the authors of numerous works, including Les Femmes illustres ou les Harangues héroïques and Artamène ou le Grand Cyrus... New trends and new ways of both thinking and writing gradually led to the oblivion of their works. In their works, they portray legendary characters through whom their readers, but especially their female readers, are offered a certain idea of glory, love, and of the female voice being at the center of a fantasized society. This article looks at the specific case of Panthea, a legendary queen who embodies a feminine exceptionalism which was typical of the gallant conception of literature in the Great Century.

Auteurs oubliés des manuels scolaires contemporains, Georges et Madeleine de Scudéry sont pourtant tous deux reconnus en leur temps. Romanciers, dramaturges, membres de différentes académies… ils sont aussi impliqués dans la vie politique et artistique du XVIIe siècle. Les qualités littéraires de leurs écrits sont également distinguées dans les siècles qui suivent, en témoigne ce qu’écrit Victor Cousin dans un article qu’il consacre entièrement à l’un de leurs romans. Tout en le décrivant en des termes particulièrement élogieux, il y fait cet amer constat :

Qui lit aujourd’hui le Grand Cyrus de Mlle de Scudéry ? qui le lisait au XVIIIe siècle, et déjà même dans les dernières années de Louis XIV ? Le public en avait déjà entièrement perdu la mémoire, et quand en 1713 on s’avisa de mettre au jour les Héros de roman avec un Discours préliminaire où Boileau, avant de mourir, avait pris à tâche de se moquer du Cyrus, on ne fit pas la moindre attention à ces plaisanteries surannées : personne ne savait plus de quoi voulait parler le vieux satirique.

Cependant le Cyrus est le chef-d’œuvre de l’une des femmes les plus spirituelles et les plus célèbres du milieu du XVIIe. Mme de Sévigné, qui apparemment se connaissait en agrément et en délicatesse autant que Boileau, a loué avec effusion l’auteur et l’ouvrage, et de 1649 à 1654, d’un bout de la France à l’autre, à la cour et dans la plus haute aristocratie, comme dans la bourgeoisie instruite et cultivée, à Paris en en province, dans tous les rangs de la société la plus polie de l’univers, on ne lisait pas seulement, on s’arrachait, on dévorait, à mesure qu’il paraissait, chacun de ces dix gros volumes, aujourd’hui oubliés, et qui dorment d’un sommeil séculaire dans les bibliothèques de quelques rares amateurs1.

La longueur des romans des Scudéry explique en partie leur disparition progressive de la scène littéraire. L’attrait pour les romans fleuves se dissipe après les succès de L’Astrée d’Honoré d’Urfé et ceux des Scudéry qui se présentent comme ses héritiers directs. C’est aussi la conception galante de l’amour et de la société qu’ils y défendent qui cause la rapide disparition de ces romans du premier plan de la scène littéraire : considérée comme élitiste et surannée, elle est moquée par leurs contemporains et n’est définitivement plus compatible avec les idéaux du siècle des Lumières. Plus publiés et donc difficilement accessibles, les ouvrages des Scudéry sont peu à peu tombés dans un relatif oubli. Si nous ne les lisons plus aujourd’hui, ces romans précieux restent dans les mémoires en partie grâce à la célèbre Carte de Tendre, issue des pages de Clélie, histoire romaine (1654-1660). Écrivains considérés aujourd’hui comme mineurs, les Scudéry sont à l’origine d’une œuvre complexe du fait de son ampleur et de son caractère protéiforme. Ils sont notamment les auteurs de deux des ouvrages mettant à l’honneur les femmes et leur parole : Les Femmes illustres ou les harangues héroïques et Artamène ou le Grand Cyrus2. Le premier est un recueil de discours de femmes dont les deux volumes qui le composent ont été publiés en 1642 puis en 1644. Écrit pour plaire et participer à la gloire du sexe féminin, comme indiqué dans l’« Epître aux dames » qui ouvre l’ouvrage, il est construit sur le modèle à la mode des galeries de femmes fortes. Ce mode de représentation en série qui s’épanouit au XVIIe siècle sous forme de peintures ou de textes consiste à rassembler des femmes réelles ou légendaires à l’attitude ou au destin exemplaires. On y trouve traditionnellement des héroïnes bibliques (Marie, Judith, Esther), païennes (Zénobie, Cléopâtre, Lucrèce) ou historiques (Jeanne d’Arc, Marie Stuart). Le premier volume des Femmes illustres des Scudéry rapporte les discours de figures antiques telles que Mariamne, Bérénice ou encore Panthée. C’est la harangue de cette dernière qui nous nous intéressera dans cet article. Le cas de la reine de Susiane est particulier puisque l’épisode qui inspire son discours est également l’un des nombreux événements qui composent la narration d’Artamène ou le Grand Cyrus3. Peu sont aujourd’hui ceux qui ont lu d’un bout à l’autre ce roman publié entre 1649 et 1653, puisqu’il est encore à ce jour le plus long de la littérature française. Il fait le récit en dix volumes et quelques treize mille pages des amours contrariées de Cyrus et Mandane. En effet, cette dernière est régulièrement enlevée par des amants jaloux et puissants poussant l’héroïque Cyrus à se lancer dans des conquêtes qui l’amèneront finalement à devenir le maître de l’Asie Mineure. Au cours de leurs pérégrinations les deux protagonistes font la connaissance de centaines de personnages dont les récits (environ une trentaine) seront l’occasion d’offrir aux lecteurs des histoires intercalées parfois liées au récit principal ou parfois totalement détachées. Cyrus et Mandane croisent les chemins de personnages historiques (Crésus), d’auteurs célèbres (Esope) et de couples légendaires (Sapho et Phaon). Parmi ceux-là se trouvent Abradate et Panthée. Dans le roman et dans le recueil, les Scudéry mettent en scène au travers de cette reine l’exceptionnel féminin4 caractéristique d’une certaine conception de la littérature galante du Grand Siècle aujourd’hui tombée dans l’oubli, dont ils ont été à la fois les défenseurs et les représentants. L’utilisation par le frère et la sœur de cette figure féminine pose question puisqu’elle vient à l’encontre de vertus chrétiennes et est pour le moins ambivalente : elle est certes une épouse fidèle mais ses ambitions et sa recherche de gloire comme son suicide sur le corps de son mari ne font pas d’emblée d’elle un modèle à suivre. Cependant c’est sur ces points précis que les Scudéry cherchent à attirer l’attention du lecteur et à susciter chez lui l’admiration pour ce personnage, qu’une tragédie de Tristan L’Hermite avait récemment mis en lumière (la pièce imprimée comporte un frontispice dû au peintre Laurent de La Hyre, qui représenta Panthée à plusieurs reprises), incarnation d’une certaine conception galante de l’héroïsme et de l’exceptionnel féminin. Intéressons-nous dans un premier temps à la façon dont les Scudéry réinventent l’histoire de cette reine légendaire dans leurs écrits.

Si Panthée n’est pas l’une des protagonistes du Cyrus, elle n’en reste cependant pas moins un personnage important. La première mention de cette reine dans le roman se trouve à la fin du troisième volume où elle est présentée comme la reine de Susiane, épouse d’Abradate, allié du roi de Pont et de Crésus. Son apparition suit cette sommaire présentation initiale et a lieu dans des circonstances particulièrement romanesques. Cyrus et le roi d’Assyrie, son rival, ont décidé d’allier leurs efforts pour secourir Mandane, prisonnière du roi de Pont, qui en est également éperdument amoureux. Tentant de rattraper et rejoindre son allié temporaire, Cyrus découvre les restes d’un champ de bataille. Parmi les cadavres d’hommes et de chevaux qui se trouvent devant lui, Cyrus parvient à retrouver un survivant :

Cét objet luy donna une esmotion si grande, que l’on n’en peut jamais avoir davantage : il cherche ; il regarde ; et trouve enfin un Persan parmy ces blessez qui le reconnoist : et qui se trouvant en estat de pouvoir parler, ne le vit pas plustost, que l’apellant ; Seigneur, luy dit il, le Roy d’Assirie a delivré la Princesse, et fait fuir ceux des ennemis qui n’ont pas esté taillez en pieces. Le Roy d’Assirie a delivré la Princesse ! dit Cyrus estrangement surpris, eh mon Amy sçais tu bien ce que tu me dis ? Ouy Seigneur, reprit il, et il l’emmene dans son Chariot : car celuy que vous voyez en est un autre qui s’est rompu : et l’on a mis les Femmes qui estoient dedans, dans celuy de la Princesse. Comme je n’ay esté blessé qu’apres que le combat a esté finy, et que s’a esté par un de mes compagnons, qui vouloit avoir un cheval que j’avois gagné, j’ay fort bien veû que le Roy d’Assirie a fait grand honneur à cette Princesse, lors qu’il a aproché de son Chariot : et c’est ce qui est cause qu’il n’a pas pris le Chef de ces gens de guerre : parce qu’il n’a pas plus tost eu ce Chariot en sa puissance, qu’il ne s’est plus soucié du reste. Cyrus aprenant cette nouvelle, eut en mesme temps la plus grande joye, dont un coeur puisse estre capable : et la plus grande douleur, qu’un veritable Amant puisse sentir. Il aprenoit que sa chere Mandane estoit delivrée : mais sçachant que c’estoit par son Rival, il en avoit une affliction extréme5.

Le troisième des dix volumes d’Artamène se termine sur ces sentiments ambivalents de Cyrus tout entier voué à l’amour de Mandane, mais partagé entre son soulagement de la savoir libre et sa jalousie de voir son rival s’attirer la gloire de sa libération. Le quatrième volume s’ouvre pourtant sur une nouvelle surprenante : le roi d’Assyrie n’a pas délivré Mandane mais a fait prisonnière Panthée, la reine de Susiane. Placée sous la protection de Cyrus à son arrivée dans le camp ennemi, Panthée va bientôt découvrir par elle-même l’étendue de la générosité de son illustre gardien. Elle connait Cyrus par les nombreuses histoires qu’elle a entendues à son propos mais aussi par le portrait élogieux qu’en a fait Mandane. Cette dernière envoie d’ailleurs bientôt une lettre à Cyrus pour recommander la reine à ses bons soins. L’arrivée de Panthée et de ses suivantes dans le camp de Cyrus est l’occasion de mettre encore en valeur les qualités exemplaires de ce prince qui est à la fois dépeint comme un combattant hors pair, un dirigeant possédant les valeurs morales les plus rares et un prince des plus attentionnés. Panthée parle d’ailleurs de son gardien dans les termes les plus gracieux. Les qualités des deux personnages sont mises en miroir lors de leur rencontre que les romanciers concluent en ces termes :

Panthée le remercia fort civilement : et ils se separerent tres satisfaits l’un de l’autre. En effet il eust esté difficile, que deux Personnes si accomplies, n’eussent pas eu beaucoup d’estime l’un pour l’autre en se connoissant : car si Cyrus estoit admirable en toutes choses, Panthée estoit une Princesse tres parfaite. Sa beauté estoit une des plus esclatantes du monde : et de celles qui surprennent le plus les yeux, et qui inspirent le plus d’amour. Elle avoit une majesté si douce, et une modestie si charmante, qu’on ne la pouvoit voir sans s’interesser en ses malheurs6.

L’entrée en scène de Panthée permet aussi aux auteurs du roman de l’ancrer pleinement dans une veine historique et donc prestigieuse. La rencontre de Cyrus et Panthée est la réécriture romanesque et galante de faits considérés comme historiques :

Bien est il vray qu’il fit presque un secret de cette visite : parce qu’il souhaita que le Roy d’Assirie n’en fust pas : afin de pouvoir parler de sa chere Princesse avec plus de liberté […] et c’est ce qui fit dire à tout le monde que Cyrus avoit esté si fidelle à Mandane, qu’il n’avoit pas mesme voulu regarder cette Reine, parce qu’on la disoit estre une des plus belles Personnes de la Terre. Cependant il est certain qu’il la vit, mais il la vit pour l’amour de Mandane : et comme il sçeut par Araspe, qu’elle estoit fort en peine d’Abradate, il luy fit dire ce qu’il en sçavoit, en luy envoyant demander la permission de la voir : de sorte que lors qu’il entra dans sa chambre, cette belle et sage Reine le reçeut avec beaucoup de civilité. Et sans donner aucune marque de foiblesse pour sa Prison, Seigneur, luy dit elle, la Princesse Mandane avoit raison de me dire, que vous estiez le Prince du monde qui sçavoit le mieux user de la victoire : puis que toute captive que je suis, vous me faites la grace de me voir : et de m’envoyer assurer de la vie et de la santé du Roy mon Seigneur. Je ne veux point, luy dit-il, Madame, que vous me soyez obligée d’une chose si peu considerable : mais je veux qu’en vous donnant la peine de lire cette Lettre (adjousta t’il en luy monstrant celle de Mandane) vous connoissiez que je ne dois point avoir de part à tous les services que j’ay dessein de vous rendre. Car apres ce que la Princesse de Medie m’a escrit, je ne suis plus Maistre de mes volontez ; et je ne puis que suivre les siennes7.

Même si elle est sa prisonnière, Panthée va vivre dans le camp de Cyrus comme les autres princesses, épouses, sœurs et amies de ses alliés. Prenant part à la vie de cette cour nomade avec les autres princesses, elle est par exemple l’interlocutrice d’Isménie qui lui fait le récit de l’histoire de Ligdamis et de Cléonice (IV, 3), elle est également la protagoniste du récit que fait son amie Phérénice de ses amours avec Abradate (V,1). Suivant le modèle des autres histoires intercalées, celle-ci raconte la rencontre entre Panthée et son époux. Cette dernière est l’objet de l’amour de plusieurs prétendants : Perinthe, Mexaris et Abradate. Les Scudéry décident de faire de ces deux amants mythiques des personnages romanesques galants en racontant les péripéties qui mènent au mariage de ce couple mythique. Il n’est plus seulement ici question de batailles, de mort et de suicide… Le lecteur peut admirer Abradate pour son habileté à déclarer son amour à Panthée, sa libéralité, comme sa constance et sa bravoure et Panthée pour sa délicatesse, sa fidélité et sa modestie. Le récit, dont ils sont les protagonistes, est l’occasion de discuter de questions d’amour durant lesquelles la compagnie qui les entoure s’interroge sur la capacité d’une femme à accepter ou non un amant qui en aurait aimé une autre avant elle, ou encore des vertus que l’amour ajoute ou non à un amant. Après plusieurs péripéties qui sont autant d’occasions de prouver au lecteur la pureté et la perfection de l’amour que partagent Panthée et Abradate, ces deux personnages trouvent une fin heureuse puisqu’Abradate devient contre toute attente roi de Susiane et peut donc prétendre à la main de Panthée, princesse de Clazomènes, qui lui est accordée. Ce n’est qu’après plusieurs récits d’amours princières, d’intrigues politiques et de combats qu’Abradate quitte l’armée de Crésus pour se joindre à celle de Cyrus. Une nouvelle bataille pour délivrer Mandane va faire s’affronter les deux camps. Le roman met alors en scène les adieux des époux auxquels répondront un peu plus tard les retrouvailles du couple dans la mort :

Panthée faisant durer cette conversation avec adresse, afin de differer ce cruel, adieu, et de voir plus long temps son cher Abradate, qui n’avoit jamais esté plus beau ny de si bonne mine, qu’il estoit avec ces magnifiques Armes. Mais enfin ce Prince voyant qu’il estoit temps de partir, embrassa sa chere Panthée : et la quittant sans pouvoir prononcer le mot d’adieu, il traversa une Antichambre, et alla pour monter dans un superbe et magnifique Chariot de guerre, qui l’attendoit devant le Perron de ce Chasteau. Panthée le suivant, accompagnée de toutes les Dames prisonnieres. Mais comme il vint à se retourner, et qu’il la vit avec une douleur sur le visage qui n’avoit pourtant rien que de Grand et d’Heroïque : il retourna encore une fois vers elle : et la prenant par la main, qu’il luy baisa, en voulant l’obliger de rentrer ; veüillent les Dieux, s’escria t’il, que je puisse faire voir que je ne suis pas indigne d’estre Mary de Panthée, et Amy de l’illustre Cyrus : apres quoy la quittant, il se jetta avec precipitation dans le Chariot qui l’attendoit, la conjurant encore une fois, apres qu’il y fut, de se retirer. Elle ne le fit pourtant pas : au contraire, elle le suivit des yeux autant qu’elle pût : et il la regarda aussi le plus longtemps qu’il luy fut possible. Mais comme si la constance de Panthée luy eust esté inspirée par la veuë d’Abradate, dés qu’elle ne le vit plus, elle s’esvanoüit : et ses Femmes furent contraintes de la porter sur son lict8.

Après le récit de la bataille et de la mort d’Abradate, Panthée retrouve le corps sans vie de son mari au bord du fleuve. L’épisode, qui est le plus célèbre de l’histoire des deux époux, est particulièrement tragique. Les auteurs décrivent le sang, les cadavres, la main d’Abradate qui se détache de son corps… Ils mettent dans la bouche de Panthée des paroles qui disent l’ampleur de la douleur de la perte mais aussi de sa culpabilité ; elle se sent responsable de la mort d’Abradate puisque c’est elle qui l’a encouragé à rejoindre le parti de Cyrus et à se battre pour les couvrir de gloire et remercier leur nouvel et illustre allié de sa générosité envers eux. L’attitude et les paroles de Panthée, qu’elle parvient difficilement à prononcer au travers de ses larmes, rendent cet extrait encore plus déchirant :

Cette Princesse estoit si fort occupée par un si funeste objet, qu’elle ne vit point Cyrus lors qu’il arriva aupres d’elle : et elle ne l’auroit sans doute point aperçeu, si ce Prince, sensiblement touché de voir Abradate mort, et de voir Panthée en un si pitoyable estat, n’eust mis un genoüil en terre, afin de luy pouvoir parler plus aisément pour la consoler, et pour l’empescher de se lever : et si par ses paroles, il ne l’eust obligée à tourner les yeux vers luy. Pleust aux Dieux Madame (luy dit Cyrus, avec une douleur sur le visage qui tesmoignoit assez le regret qu’il avoit dans l’ame) que je peusse ressusciter l’illustre Abradate par la perte de ma vie : et que le sang que je respandrois, peust seulement faire tarir vos larmes : vous verriez Madame, combien la perte d’Abradate me touche, et combien vostre douleur m’afflige. D’abord Panthée ne pût respondre à Cyrus, que par des sanglots redoublez, qui ne luy permirent pas de parler : mais comme cette Princesse avoit l’ame aussi Grande qu’elle l’avoit sensible, elle r’apella toute sa vertu : et faisant un grand effort sur elle mesme ; Seigneur (luy dit elle, en levant tristement les yeux vers luy, et luy monstrant de la main droite son cher Abradate) apres avoir perdu ce que je viens de perdre, il ne faut point s’il vous plaist que vous songiez à faire tarir mes larmes : puis que c’est une chose que la mort seule doit faire, et qu’elle fera infailliblement bientost. Joüissez donc en repos, de la victoire que vous avez r’emportée : et souvenez vous seulement quelquesfois, que le malheureux Abrabate a peut-estre esté la victime, qui vous a rendu les Dieux propices9.

Neuvième harangue du premier volume de leur galerie des Femmes illustres, le discours de Panthée fait le récit du même événement mais c’est la reine qui prend la parole et le récit est donc fait de son point de vue quand le roman offre majoritairement au lecteur celui de Cyrus. C’est cette scène de déploration puis de suicide qui est l’objet de la harangue héroïque que les Scudéry consacrent à cette reine hors du commun. Il y est fait mention de la générosité de Cyrus à l’égard des souverains de Susiane et de la reine en particulier, mais Panthée fait de ce discours un véritable monument à la gloire de son mari. Elle insiste sur sa bravoure, son courage et son héroïsme qu’elle a encouragés et qui l’ont conduit à la mort.

Au travers de la reine, les auteurs insistent sur l’héroïsme d’Abradate, fruit de sa reconnaissance pour le prince et de son amour pour son épouse. Ils le font également en introduisant ainsi ses paroles :

Or ce grand homme de guerre, pour signaler sa reconnaissance et son courage, demanda à Cyrus la permission de combattre, à l’avant-garde, le jour de la bataille. Cette glorieuse faveur lui ayant été accordée, il y fit des choses prodigieuses, et s’épargna si peu qu’il gagna la bataille et perdit la vie.

Son corps fut rapporté, tout couvert de blessures, à l’inconsolable Panthée, et Cyrus étant allé la voir pour la consoler ou plutôt pour s’affliger avec elle d’une perte qui leur était commune, cette princesse affligée lui parla en ces termes10.

Il n’est dans cette harangue fait mention d’aucun des événements qui mènent au mariage de Panthée et Abradate. Le registre pathétique est, comme dans le roman, souligné par le côté théâtral du discours au cours duquel elle fait à Cyrus le récit des événements qui ont mené à ce dénouement tragique. Cependant, cet épisode si émouvant qu’il soit ne fait jamais de Panthée une veuve faible et misérable. Au contraire, c’est au moment de la déploration de son mari que se révèle le véritable héroïsme féminin qu’incarne la reine de Susiane dans les textes scudériens.

Comme toutes les héroïnes mises en scène dans le Cyrus ou dans Les Femmes illustres, Panthée se révèle être un personnage exceptionnel. Par sa naissance, sa beauté et son esprit elle est hors du commun. Ce sont aussi son amour extraordinaire pour son mari Abradate et la fin tragique de leur histoire qui font de Panthée une héroïne qui tient une place particulière dans le roman comme dans le recueil. Dans son article sur le rapport entre héroïsme et féminité au XVIIe siècle, Noémi Hepp relève plusieurs caractéristiques qui font d’un personnage féminin une héroïne. Selon elle, l’héroïsme féminin ne s’envisage pas selon les critères qui définissent l’héroïsme masculin. Rappelons brièvement ceux nécessaires à la reconnaissance du héros : ses qualités morales, une mission confiée par une instance surnaturelle, un cycle cohérent (sa vie tend à accomplir des exploits), la libération d’un groupe et la reconnaissance publique et enthousiaste de ses exploits. Les auteurs ne donnent jamais l’ensemble de ces caractéristiques aux héroïnes classiques. Les femmes des galeries littéraires ou picturales ne sont dépourvues ni de courage ni de qualités morales exemplaires et accomplissent parfois des exploits en prenant les armes mais les qualités prônées sont de l’ordre du privé et ne se font que rarement dans l’intérêt du bien public. Noémi Hepp souligne que c’est « le sentiment de la spécificité »11 qui guide la mise en mots de ces représentations de l’idéal féminin. Elle relève trois caractéristiques inhérentes aux héroïnes des auteurs du XVIIe siècle : l’amour consacré à Dieu ou à un homme, le statut de médiatrice entre l’homme et les valeurs héroïques et enfin le mystère ou le secret qui l’entoure. Voyons donc comment Panthée incarne et dépasse ces caractéristiques d’héroïsation du féminin en commençant par ce troisième et dernier point.

A l’image de Mandane ou de Palmis, autres héroïnes du Cyrus, Panthée fait du secret un atout féminin. Chacune d’elles s’en pare lors des déclarations amoureuses enflammées de leurs amants. En tant que femmes, elle se refusent à reconnaître ou même écouter de tels propos et se doivent de cacher leurs propres sentiments. Guidées par la modestie, elles peuvent tout au plus laisser leurs amants s’imaginer qu’elles ne les haïssent pas. L’attitude tout en retenue de Panthée fait l’objet de l’admiration de la narratrice de son histoire dans le roman. À la différence de la femme assurée et déjà veuve lors de sa harangue face à Cyrus dans Les Femmes illustres, celle qui est mise en scène dans le roman est une jeune princesse que son père tient à marier. En tant que personnage galant exemplaire, et même si elle n’est pas indifférente à Abradate, Panthée a la sagesse de se montrer intransigeante lorsqu’il a l’audace de se déclarer à elle :

Madame, repliqua Abradate, que son destin et le mien sont bien differents : car il y est arrivé criminel, et je l’y suis devenu. Si cela est dit elle, on vous justifiera, comme on l’a justifié : faites le donc Madame, luy respondit il, en me pardonnant la hardiesse que j’ay de vous aimer, plus que tout le reste de la Terre. Panthée extrémement surprise du discours d’Abradate, quoy qu’elle n’ignorast pas la passion qu’il avoit pour elle, le regarda en rougissant : et prenant la parole avec assez de severité dans les yeux, je sçay bien, luy dit elle, que l’usage le plus ordinaire du monde, est de recevoir un semblable discours, comme une simple civilité : et de tascher de destourner la chose, comme une galanterie ditte sans dessein. Mais outre que je suis persuadée, que celles qui en usent ainsi, veulent peut-estre qu’on leur redie une seconde fois, ce qu’elles [f]ont semblant de ne vouloir pas croire la premiere : je croy encore que vous ayant eu de l’obligation dés le premier instant de nostre connoissance, et vous estimant infiniment ; je dois avoir la sincerité de vous dire, que soit que vous disiez la verité, ou que vous ne la disiez pas, cette hardiesse me desplaist. C’est pourquoy plus il sera vray que je ne vous seray pas indifferente, plus il vous sera avantageux, de ne me parler jamais comme vous venez de faire : et de ne perdre jamais le respect que l’on doit à une personne, je ne dis pas de ma qualité, mais de la vertu dont je fais profession12.

Pour une héroïne scudérienne, cacher ses sentiments est un prérequis et la reine de Susiane en parfaite Précieuse fait preuve d’autant de retenue dans la démonstration de ses véritables sentiments que dans celle de son intelligence. Pour preuve, la répétition des termes modeste et modestie pour décrire sa physionomie ainsi que son esprit pourtant lui aussi hors du commun. Panthée ne se cache pas seulement aux yeux de ses amants mais aussi à ceux de ses plus proches suivantes : comme l’héroïne refuse de mettre en avant sa beauté et ses facultés, Doralise et Phérénice n’ont pas connaissance des sentiments que leur royale amie pense percevoir chez Araspe, « parce que par grandeur d’ame et par modestie, Panthée le leur avoit caché »13. Modeste et mystérieuse, Panthée incarne parfaitement l’héroïne galante scudérienne.

Si elle se refuse à avouer ses sentiments à Abradate lors de leurs premières rencontres, elle n’hésite pas à les professer après leur mariage et particulièrement lors de leurs adieux et de la découverte du corps sans vie de son mari. Cet épisode va plus particulièrement nous intéresser puisqu’il figure à la fois dans le recueil de harangues et dans le roman. Les scènes sont similaires mais bien différentes dans les effets qu’elles produisent chez le lecteur et dans la mise en scène de ce passage tragiquement légendaire. Panthée et Abradate font partie des rares couples mariés dans le Cyrus, les récits se concentrant généralement sur la naissance de l’amour entre les amants et se concluant sur un mariage, occasion pour les auteurs de retirer les personnages ayant connu un dénouement heureux de l’intrigue et de ne plus les évoquer que par leur nom (leurs éventuelles mentions se résument alors à l’envoi de troupes, de lettres, d’ambassadeurs…). Rares sont ceux qui, mariés, continuent à occuper une place importante dans le récit romanesque. Il en va différemment dans le recueil qui rassemble presque exclusivement des harangues d’épouses plus ou moins malheureuses en raison de leur destin ou de leurs maris. Dans le cas de Panthée, il s’agit de déplorer la perte d’un époux adoré et c’est ce statut de veuve qui donne à Panthée toute sa verve mais aussi sa légitimité à parler. C’est ce que remarque Suzanne C. Toczyski dans son étude du recueil scudérien des Femmes illustres :

En outre, à de rares exceptions près, l’héroïne scudérienne mariée puise sa force à la source conjugale, où elle trouve justement confirmation de son droit à la parole ; c’est souvent le corps du mari, qu’il soit vivant ou défunt, qui sert de pierre de touche à sa valeur oratoire. […] Car dans Les Femmes illustres, ce sont les femmes qui mettent oralement en scène le corps de l’homme, et c’est la parole de l’héroïne qui a la préséance sur l’invocation de son propre corps. […] Ainsi les paroles de la femme remplacent-elles le corps agissant de l’homme dans la représentation de la grandeur masculine. Parmi les cas les plus intéressants on note six harangues élogieuses prononcées par des veuves, dont trois (celles d’Artémise, de Porcie et de Panthée) se terminent par le suicide de celles-ci, suicides auxquels participe, réellement ou virtuellement, incarné ou sous forme de cendres, le corps du mari en question […]14.

C’est son statut d’épouse qui permet à Panthée de pleurer Abradate publiquement et c’est sur ce lien que se base aussi l’évaluation de sa propre douleur, ce qui accentue le pathétique de son discours quand elle parle de l’immense perte dont elle est victime et qu’elle a vu en rêve avant d’en connaître la réalité :

Jugez donc dans quel état était mon âme, durant une si funeste apparition. Ce n’était pourtant rien en comparaison de ce que j’ai senti, lorsque j’ai vu revenir le char d’Abradate, tout chargé des dépouilles des ennemis et, sur ce funeste trophée, le corps de cet illustre héros tout couvert de blessures, pâle, mort et sanglant. Ô Cyrus ! Ô Panthée ! Ô funeste victoire ! Quel objet pour mes yeux ? Et quelle douleur à mon âme ? Elle est si grande que je m’étonne qu’elle ne m’ait déjà privée de toute douleur, tout ce que je vois m’afflige, tout ce que je pense me désespère15.

Les gradations et accumulations de ce bref extrait de la harangue de Panthée à Cyrus témoignent de la dimension pathétique et de l’importance qui y est donnée au lien marital, ces deux éléments sont aux fondations de la légende comme de la harangue. La relation entre Panthée et Abradate est aussi mise en avant dans le roman qui raconte leur rencontre et la naissance de leurs sentiments ainsi que les nombreuses péripéties qui empêchent leur union pendant de longs mois. C’est dans le registre pathétique et les pleurs de Panthée que l’on retrouve également l’importance de l’amour entre les époux puisqu’elle ne vit que pour son mari comme lui ne vivait que pour elle :

Ce n’est pas que Pherenice n’eust fait tout ce qu’elle avoit pû pour l’empescher de faire ce qu’elle faisoit, mais elle n’avoit pû l’en détourner : luy disant que si Abradate estoit vivant, elle ne pouvoit le voir assez tost pour s’en resjouïr : que s’il estoit blessé, elle ne pouvoit encore estre trop promptement aupres de luy pour l’assister : et que s’il estoit mort elle ne pouvoit non plus le sçavoir avec assez de diligence pour le suivre au Tombeau. […] Panthée estoit arrivée aupres d’eux : qui n’avoit pas plustost reconnu le corps de son Mary, qu’elle s’estoit jettée avec precipitation du haut de son chariot, et s’estoit assise aupres de luy : en faisant de pleintes si douloureuses, et en l’arrosant de tant de larmes, qu’il n’y avoit rien de plus pitoyable à voir. […]. Panthée luy tenoit la teste sur ses genoux, qu’elle regardoit fixement, et qu’elle arrosoit d’une si grande abondance de larmes, qu’elle estoit contrainte de les essuyer de temps en temps, afin de pouvoir voir son cher Abradate : ses larmes estoient accompagnées de soûpirs douloureux et longs, et qui partant du profond de son coeur, et du coeur plus affligé qui sera jamais, portoient la douleur et la compassion, dans celuy de tous ceux qui la regardoient16.

Alors que dans le recueil, la découverte du corps sans vie d’Abradate donne lieu à un discours articulé autour des notions de perte, d’amour et de gloire, dans le roman, Panthée parle peu, tellement submergée par la douleur qu’elle peine à s’exprimer. La dimension tragique ne passe donc pas principalement par les plaintes et les lamentations de la reine mais par ses larmes et surtout la compassion de Cyrus puisque le lecteur découvre la scène de son point de vue. Ami d’Abradate et admirateur de Panthée il est véritablement touché par la mort du roi de Susiane mais encore plus par les larmes de son épouse. Panthée n’existe qu’au travers d’Abradate dans cet extrait où les deux époux ne forment littéralement plus qu’un, Panthée refusant de lâcher le cadavre de son mari et le couvrant de ses larmes, « la moüillant de tant de larmes, qu’elle en osta tout le sang dont elle estoit marquée en divers endroits »17.

Sa modestie et son amour pour son illustre mari établis, c’est son rôle de médiatrice entre ce dernier et ses exploits qui fait de Panthée une héroïne scudérienne exemplaire. L’amour de la reine pour son époux ne s’envisage ni sans son titre de roi (c’est au moment où il devient roi de Susiane qu’il devient digne de lui demander sa main) ni sans sa gloire, que tous deux entretiennent avec soin. Héritage de la littérature médiévale autour de la Dame, mais aussi de la « générosité » aristocratique au goût du jour dans le théâtre tragique, l’héroïne scudérienne encourage son amant à se transcender pour être digne d’elle. C’est précisément ce lien féodal et amoureux, autant que ses propres actions, qui le recommandent comme héros :

[D]epuis qu’existe la théorie de l’amour courtois, d’innombrables femmes […], sans répondre à aucune définition positive de l’héroïne, ont été à la source du dépassement de l’homme sur lui-même. […] Le héros était médiateur entre la divinité et les hommes par ses actes ; la femme est médiatrice entre les valeurs et le sexe masculin par son être18.

Dans Artamène, c’est son amour pour Mandane et les innombrables qualités de cette princesse qui poussent Cyrus à se surpasser et à conquérir tous les royaumes dont il deviendra le maître incontesté. Elle est la motivation première de ce vaillant prince, la raison de son engagement militaire et de sa quête de l’exploit. On retrouve ce même schéma à la fois amoureux et héroïque dans le discours et l’histoire de Panthée. Cependant, dans le cas de la reine de Susiane, c’est sa culpabilité qui est paradoxalement signe de son héroïsme. Les regrets de Panthée sont l’objet principal de son discours et un des éléments qui mènent à son suicide. Elle est triplement responsable de la mort prématurée d’Abradate et triplement héroïque. En offrant à son mari des armes recouvertes de pierres précieuses elle le recouvre littéralement de gloire pour le combat. Elle encourage les sentiments de reconnaissance d’Abradate envers Cyrus qui l’a traitée en reine et non en esclave prisonnière. Et enfin, c’est également elle qui l’incite très clairement à se distinguer par sa valeur lors des combats. Dans sa harangue, elle rapporte, pleine de remords, les paroles échangées avec Abradate juste avant son départ :

Non, me dit-il, généreuse Panthée, Abradate ne saurait être ennemi de votre protecteur. Il a essuyé vos larmes, il faut que je verse mon sang pour son service. Il a pris soin de votre gloire, il faut que ma valeur accroisse la sienne ; il a perdu un homme qu’il aimait beaucoup pour vous protéger, je dois réparer cette perte et faire, s’il est possible, qu’on ne s’aperçoive pas, le jour de la bataille, qu’Araspe n’y sera point.

Oui, me dit-il, en haussant la voix, je perdrai la vie ou je témoignerai à Cyrus, que ceux qui reçoivent un bienfait comme il faut sont quelque fois aussi généreux que ceux qui le font. Hélas ! faut-il que je le dise, je ne m’opposai point à ce discours et, sans rien appréhender de funeste pour une si noble intention, je louai son sentiment et son dessein. Je lui rend[i]s grâce de ce qui devait causer ma suprême infortune, et travaillant moi-même à mon malheur, j’excitai son courage à faire les choses qui l’ont fait mourir, aujourd’hui, et qui pourtant le feront vivre éternellement. Ô cruel souvenir ! ô injustice de la fortune ! Pourquoi fallait-il que de tous les vainqueurs, Abradate fût le seul vaincu ? […]

C’est moi qui ai traversé le cœur et qui ai couvert, tout son corps, de sang et de plaies. J’ai conduit la main de tous ceux qui l’ont attaqué […]. Enfin j’ai armé, contre lui, toute l’armée de Crésus, les uns par le seul désir de vaincre cet homme qui sembla le Dieu de la guerre et les autres par la richesse du butin19.

Panthée exprime aussi sa culpabilité dans le roman. Agenouillée devant Cyrus qui la prie de se relever et de laisser ses serviteurs emporter le corps d’Abradate, elle lui répond :

C’est moy, disoit elle, c’est moy, qui suis cause de la mort d’Abradate : il sembloit que je ne me fiois pas assez à sa valeur ordinaire, pour m’aquiter de ce que je vous devois : car je luy dis cent choses pour l’obliger à se surpasser luy mesme : et je ne doute point du tout, qu’il ne se soit precipité dans le peril, seulement pour l’amour de moy : et cependant je le voy mort entre mes bras, et je respire encore : et je souffre que l’on me parle de consolation !20

Panthée est donc une héroïne exemplaire : belle, pleine d’esprit, modeste, dévouée à son mari et à la gloire de celui-ci. Pour toutes ces raisons elle incarne un idéal féminin, romanesque et galant et est l’objet de l’admiration de tous ceux qui l’entourent et notamment de Cyrus. Cette recherche de la gloire est intrinsèquement liée au statut aristocratique du personnage et s’inscrit dans l’esthétique galante promue par les harangues et le roman scudériens. Conception emblématique du Grand Siècle, considérée par la suite comme ridicule, puisque ne correspondant plus au système de pensée bourgeois ou à la recherche d’un certain rationalisme qui seront caractéristiques de la littérature du siècle suivant, elle explique en partie la disparition de ces ouvrages des étagères de nos bibliothèques. Cependant, cette obsession pour la gloire, s’envisage comme un cas particulier dans les cas du personnage de Panthée dans le roman et le recueil de harangues. En effet, sa valeur exceptionnelle incite les lecteurs à voir, dans ce cas remarquable de femme illustre, l’incarnation de valeurs masculines qui viennent s’ajouter à celles rattachées à l’héroïsme féminin.

Dans le cas de la harangue, l’amour que professe Panthée pour son mari ne la présente jamais comme une épouse faible et soumise. Il s’agirait même du contraire puisqu’elle ne cesse de mettre en avant son rôle actif et déterminant dans l’alliance entre Abradate et Cyrus. À son époux, elle demande sans relâche d’accomplir des exploits guerriers en son nom comme en celui du prince auquel il s’est allié. Si les qualités exceptionnelles de Panthée se reflètent sur son époux, l’inverse est également vrai. Dans sa harangue, Panthée ne cesse de montrer que ses vertus féminines accroissent la gloire d’Abradate et de Cyrus autant que leurs vertus masculines élèvent la sienne. Apparaissent alors dans le discours de la reine de Susiane des rapports d’interdépendance entre hommes et femmes dans lesquels transparaît une certaine idée d’égalité qui prend toutefois soin de préserver les différences. Cette ébauche d’un rapport plus équilibré entre les sexes se devine notamment dans l’emploi des mêmes adjectifs pour qualifier Panthée, Cyrus et Abradate. Les auteurs accentuent par exemple la « générosité » qui caractérise ces trois personnages et leurs actions. Panthée donne à Abradate une motivation double qui la met au même niveau que Cyrus puisque son mari « témoigna en cette occasion beaucoup de gratitude envers [Cyrus] et beaucoup d’amour envers [Panthée] »21. S’instaure alors une relation entre les trois personnages dont les gloires sont dépendantes de chacun d’entre eux, à part égale :

Mais le destin en avait résolu autrement, veuillent les Dieux, que dans une si funeste aventure où Abradate s’est montré digne mari de Panthée et digne ami de Cyrus, je puisse aussi faire voir à la postérité que Panthée fut digne femme d’Abradate et qu’elle n’était pas indigne de la protection de Cyrus. […] Mais comme sa gloire est la seule chose dont je puis maintenant avoir soin, faites ô grand Cyrus, que grâce à un monument superbe et des inscriptions véritables, la postérité puisse savoir quel était Abradate. Éternisez, tout ensemble, votre gloire, la sienne et mon malheur22.

La mention faite par Panthée du tombeau est aussi l’occasion de rappeler qu’elle passera à la postérité au même titre qu’Abradate et Cyrus, même si les générations futures se les remémorent pour des raisons différentes. Si les paroles de la reine de Susiane laissent entrevoir une certaine idée d’égalité entre les sexes, l’attitude généreuse et courageuse dont elle fait preuve tend à la rendre supérieure à tous ceux qui l’entourent, morts et vivants.

Panthée est pour le moins active : son personnage est associé à la vigueur contrairement à son mari. La présence du cadavre démembré d’Abradate dans le roman et dans le recueil renforce non seulement l’aspect théâtral mais également la vivacité énergique de la reine :

[L]es femmes illustres qui discourent devant différents publics ne sont pas des victimes dociles du sort ou de la société patriarcale au sein de laquelle elles évoluent ; loin d’être passives, en prenant la parole elles se mettent en position de sujet agissant pour leur propre bien et pour le bien des autres. […] Les femmes illustres renversent la dichotomie traditionnelle selon laquelle l’homme est le maître de la parole tandis que la femme ne reçoit en partage que les fonctions corporelles (passions, désirs, accouchements). Car dans Les Femmes illustres, ce sont les femmes qui mettent oralement en scène le corps de l’homme, et c’est la parole de l’héroïne qui a la préséance sur l’invocation de son propre corps23.

Le pouvoir de Panthée réside tant dans ses paroles que dans son corps. Si elle n’affirme jamais tout le pouvoir qu’elle détient, elle le laisse deviner par ce dont elle se déclare responsable, soulignant à la fois son immense culpabilité et son grand pouvoir. Dans sa harangue, elle démontre le rôle central qu’elle tient dans les luttes politiques qui se jouent autour d’elle. La reine de Susiane est observatrice, conseillère et instigatrice des actions qui mènent à des alliances et des conquêtes. Elle ne mentionne que très peu les autres soldats de l’armée de Cyrus, lequel n’est pas non plus décrit ici comme un combattant. Seul Abradate semble avoir participé aux combats, comme s’il avait été l’unique guerrier sur le champ de bataille. Et s’il y est mort c’est grâce et à cause de Panthée. Sans elle, Cyrus n’aurait pas vaincu :

[L]orsque j’eus achevé de l’armer et que je l’eus conduit au superbe char qui l’attendait, je ne lui parlai ni de lui ni de moi, mais uniquement de l’obligation que je vous devais. Je le fis souvenir que m’ayant pu traiter en esclave, vous m’avez traitée en reine, qu’ayant eu le malheur de plaire à un homme que vous aimiez plus que vous-même vous avez eu la générosité de me protéger contre lui, et qu’après une action si illustre, je vous avais promis qu’il vous serait aussi fidèle et aussi utile que Araspe vous l’avait été. Voilà, généreux Cyrus, ce que je dis à mon cher Abradate, prête à me séparer de lui, pour la dernière fois24.

Son rôle dans la mort de son mari et dans la victoire se traduit dans la harangue par de nombreuses accumulations d’actions énoncées à la première personne. Panthée n’est pas sur le champ de bataille durant les combats mais elle guide son époux dans chacune des étapes qui précèdent. L’importance du rôle de Panthée est encore amplifiée lorsque, ne se voulant plus seulement responsable de la mort de son mari par ses ennemis, elle se décrit elle-même comme physiquement coupable de cette mort :

J’étais sans doute d’accord avec les ennemis. Je voulais leur montrer où ils doivent frapper. Je suis cause de toutes les blessures qu’Abradate a reçues. C’est moi qui lui ai traversé le cœur et qui ai couvert, tout son corps, de sang et de plaies. J’ai conduit la main de de tous ceux qui l’ont attaqué et, comme si ce n’eut pas été assez que les généreux l’eussent combattu par l’émulation que son extraordinaire valeur leur donnait, j’ai voulu encore que tous les avares et tous les mercenaires en eussent aussi le dessein. Enfin j’ai armé contre lui, toute l’armée de Crésus, les uns par le seul désir de vaincre cet homme qui sembla le Dieu de la guerre et les autres par ma richesse du butin25.

C’est encore Panthée qui contrôle les différents récits, qui se lamente et qui accuse. Car si elle reconnait sa propre culpabilité, elle induit aussi subtilement celle de Cyrus. C’est notamment par des métaphores et l’usage répété de prétéritions que Panthée expose la responsabilité de Cyrus dans la mort de son époux. Elle commence sa harangue en ces termes :

Vous voyez, ô grand et généreux Cyrus, ce que vous a coûté la victoire, Abradate a été la victime qui vous a rendu les Dieux propices, son sang a arrosé les lauriers qui vous ceignent le front, et pour parler véritablement des choses, Cyrus et Panthée sont plutôt la cause de sa perte que la valeur des Lydiens. Oui, Cyrus, votre générosité, ma reconnaissance, et la sienne, l’ont mis au déplorable état où il est. […] Je ne vous accuse pourtant pas, je suis trop équitable pour cela au contraire, je vous remercie avec tendresse de l’assistance que vous m’offrez pour me consoler. […] Mais après avoir rendu cette justice à votre vertu, souffrez que sans vous accuser et sans me repentir, je me plaigne de la rigueur de mon destin […]26.

Dans le roman scudérien galant de nombreux faux procès sont organisés et les juges sont (à quelques exceptions près) des femmes. C’est généralement la compagnie qui les désigne comme tels. Le cas est ici différent puisque Panthée se fait elle-même juge dans un procès où elle se veut à la fois l’accusatrice, la victime, le témoin et la coupable, une manière de montrer sa puissance, son omniprésence et sa mainmise sur les événements et leurs conséquences. Face à cette femme, même le puissant Cyrus s’incline.

Si l’histoire de Panthée est entrée dans la légende et dans une grande majorité des galeries et portraits de femmes illustres, c’est principalement en raison de son suicide, ultime déclaration d’amour à son époux qu’elle rejoint dans la mort mais surtout ultime preuve de sa maîtrise d’elle-même, de son refus de la passivité et de son courage. C’est dans l’« effet » de la harangue, qui suit chacun des discours de ces femmes d’exception, que les Scudéry reprennent ce passage obligé :

Hélas ! Cette belle et déplorable reine ne fut que trop véritable car à peine eut-elle abusé Cyrus, en lui faisant croire qu’elle serait capable de vivre après la perte d’Abradate (et cette généreuse tromperie fut l’effet de sa harangue), qu’elle choisit cette retraite, je veux dire le tombeau de son mari. A peine, dis-je, Cyrus l’eut quittée, qu’elle se donna un coup de poignard, dans le sein, et qu’elle expira sur le corps d’Abradate27.

Pas de condamnation du geste de Panthée à la fin de sa harangue ni dans le roman où les auteurs utilisent également ce topos de la « généreuse tromperie ». Le récit romanesque est particulièrement poignant et se joue des attentes du lecteur en différant le suicide de la reine à l’aide de descriptions, d’expressions de compassion amicale et de discussions sur la meilleure consolation à apporter :

Seigneur (luy dit elle, avec un visage un peu plus tranquile) accordez moy encore un quart d’heure seulement, la veuë d’une Personne qui me fut si chere : et laissez moy quelques instans la liberté de pleurer dans le silence. Cyrus ne voulant pas la presser trop, se leva : et tirant Pherenice à part ; aussi bien que Belesis et Hermogene, qui l’avoient suivy, il se mit à les presser de luy aider à persuader Panthée de souffrir qu’on luy ostast un objet aussi funeste que celuy qu’elle avoit devant les yeux […]. Mais pendant que Cyrus, Pherenice, Hermogene, et Belesis cherchoient comment ils pourroient separer Panthée d’Abradate mort, cette deplorable Princesse cherchoit dans son esprit, par quelle voye elle pourroit n’en estre jamais separée. Et comme si le hazard eust voulu favoriser le funeste dessein qu’elle avoit de mourir, elle apperçeut que son cher Abradate avoit un poignard, dont il ne s’estoit point servy à la Bataille : de sorte que croyant sans doute, dans le desespoir où elle estoit, qu’elle estoit cause de la mort de son Mary, non seulement par ce qu’elle luy avoit dit en partant, mais parce que c’estoit elle qui l’avoit d’abord engagé dans le Party du Roy de Lydie, et depuis encore dans celuy de Cyrus : elle creut que les Dieux n’avoient permis qu’Abradate eust encore ce Poignard ; qu’on le luy eust laissé ; et que Cyrus ne l’eust pas veû ; qu’afin qu’elle s’en servist pour se punir, et pour se delivrer de ses malheurs. De sorte que comme en ce temps là cette action de desespoir estoit une action de vertu, cette tragique pensée ne trouva rien dans l’esprit de Panthée, qui s’opposast a cette funeste resolution. Comme elle avoit perdu tout ce qu’elle aimoit, rien ne luy pouvoit plus estre agreable : elle ne concevoit pas qu’elle deust, ny qu’elle peust jamais se consoler : et elle croyoit mesme qu’il luy seroit honteux de vivre, puis qu’Abradate ne vivoit plus. Si bien que l’excés de sa douleur, luy faisant regarder la mort comme le seul bien qui luy pouvoit arriver : elle ne vit pas plustost ce Poignard, que le prenant, sans que ceux qui estoient proche s’en aperçeussent, parce que tout le monde détournoit les yeux d’un objet si lamentable ; elle se l’enfonça dans le sein : et le retirant pour se donner un second coup, sa foiblesse l’en empescha : et la fit pancher sur le corps de son cher Abradate : le sang qui sortit de sa blessure, rejalissant jusques sur les Armes de cét illustre Mort. […]. Elle ouvrit pourtant encore ses beaux yeux, qu’elle tourna foiblement vers Abradate, et en suitte vers le Ciel : où ils demeurerent attachez, sans donner plus aucun signe de vie. Cyrus fut si surpris de ce funeste accident ; si affligé de la mort de ces deux illustres Personnes ; et si estonné du grand coeur de Panthée ; qu’il ne pouvoit presque exprimer, ny sa surprise, ny sa douleur28.

Le caractère exceptionnel de cette femme illustre se voit dans son amour mais aussi dans son héroïsme qui la pousse à aller littéralement jusqu’au bout de son être et de ses idées. Il n’est plus question seulement de discours dans le roman comme dans le recueil de harangues : Panthée trompe Cyrus et s’empare du poignard de son mari et, dans un ultime acte de courage, s’en perce la poitrine. Elle dépasse ainsi par ses paroles mais aussi par son geste sa condition féminine et entre dans la catégorie des femmes d’exception. Dans Artamène, le geste de Panthée prend presque valeur d’exemple puisque ses esclaves suivent leur maîtresse dans la mort comme elle a elle-même suivi son époux. Araspe tente également de mettre fin à ses jours en voyant le corps sans vie de Panthée mais il en est empêché par ceux qui l’entourent et, contrairement à la femme qu’il a passionnément aimée, il n’ira pas jusqu’au bout de son geste. L’exceptionnel féminin est encore souligné par les sentiments de Cyrus à l’égard de la reine de Susiane. Il admire sa force de caractère, son courage et son amour hors normes et c’est par son intermédiaire que les auteurs confèrent encore plus de gloire et de grandeur à la figure de Panthée dans l’esprit du lecteur. Dans le roman scudérien, le suicide devient un acte héroïque, qualifié de « vertu » et présenté comme une réponse noble et divinement approuvée à la souffrance hors du commun dont les qualités extraordinaires de Panthée et d’Abradate sont également responsables. L’exceptionnel féminin incarné par Panthée s’envisage alors en « rupture avec les valeurs que la morale religieuse ou les bienséances mondaines lui imposent […] s’assur[ant] une position d’éclat »29.

Modèle de vertu pour son intelligence, sa modestie et sa fidélité sans faille, Panthée est également une incarnation ambivalente de l’exceptionnel féminin typique du Grand Siècle. L’héroïsation de cette reine légendaire, qui s’appréhende notamment en rapport avec une certaine idée de la sensibilité masculine, est caractéristique de l’œuvre scudérienne. Le courant précieux qui défend et promeut cette conception galante de la répartition des rôles entre les sexes, et dont les outrances ont été si comiquement mises en scène par Molière, s’éteint dans les dernières années du règne de Louis XIV. Avec la disparition de ses auteurs les plus éminents, c’est aussi la place de ces œuvres sur la scène littéraire qui devient de moins en moins importante, les reléguant au rang de minores. La méconnaissance de ces ouvrages a permis toutefois d’en conserver toute l’audace et l’originalité, participant à entretenir l’aura de mystère entourant le mouvement précieux. Dignes représentants de cette littérature encore en partie inexplorée, les Scudéry mettent en scène dans leur œuvre des figures légendaires au travers desquelles ils proposent à leurs lecteurs, mais surtout à leurs lectrices, une certaine idée de la gloire, de l’amour et de la parole féminine au cœur d’une société fantasmée. Dans Artamène ou le Grand Cyrus et Les Femmes illustres ou les harangues héroïques, le frère et la soeur réinventent la figure de Panthée héritée de la tradition antique. Elle devient sous leur plume une véritable héroïne galante, oratrice hors pair. Sous le médaillon qui représente Panthée dans leur recueil, les Scudéry affirment toute leur admiration pour elle tout en donnant à leurs lectrices un indice sur la réelle portée de la harangue qui suit immédiatement. La reine de Susiane est un idéal à poursuivre pour leurs contemporaines. Les dichotomies sur lesquelles se construisent ces quelques vers ressaisissent tout le propos de cette héroïne qui synthétise plaisir et affliction, pitié et admiration, beauté et générosité :

O rare exemple d’amitié !
Objet digne de pitié,
Belle et généreuse Panthée
Abradate dans son mauvais sort,
Peut-il se plaindre d’une mort,
Que l’on voit si bien plainte et si bien imitée30.

Paradoxalement, le caractère exceptionnel de Panthée s’envisage au sein d’une série d’héroïnes que les Scudéry mettent en scène dans leurs différents ouvrages, cherchant à élever « un arc de triomphe […] à la gloire d[u]sexe »31 féminin. Ces femmes de papier sont présentées comme le reflet et le modèle possibles de celles pour qui ces écrits sont publiés et c’est avant tout pour leur gloire et leur plaisir qu’ils les ont réinventées :

En soutenant la gloire de ces Héroïnes, elles soutiendront la leur propre et par un intérêt généreux, elles se défendront en les défendant. Pour moi, belles et aimables dames, qui ai toujours été adorateur de votre sexe, pourvu que cet ouvrage vous plaise et qu’il contribue quelque chose à votre réputation, je serai arrivé à la fin que je me suis proposé32.

1 Victor Cousin, « De l’importance historique du Grand Cyrus de Mlle de Scudéry », Revue Des Deux Mondes, vol. 13, n°4, 1858, [En ligne, consulté le 4

2 L’attribution de ces deux textes entre le frère et la sœur est encore discutée par les spécialistes. Nous préférons donc ici les désigner tous deux

3 C’est également le cas de la vingtième et dernière harangue du premier volume des Femmes illustres : Sapho et Erinne sont elles aussi des

4 Nous empruntons l'expression employée par Marion de Lencquesaing dans son article « Confisquer l’exceptionnel féminin : Jeanne de Chantal et la

5 Georges et Madeleine de Scudéry, « Nouvelles de Mandane » (III, 3), Artamène ou le Grand Cyrus, 1656, [1ère éd. 1649-1653], [En ligne, consulté le 4

6 « Mandane emmenée à Éphèse », (IV, 1), Artamène ou le Grand Cyrus, op. cit., p. 29.

7 Ibid., p. 26-27.

8 « Réconciliation de Belesis et d’Hermogène », (V,3), Artamène ou le Grand Cyrus, op. cit., p. 739-740.

9 « Funérailles d’Abradate et suicide de Panthée », (VI, 1), Artamène ou le Grand Cyrus, op. cit., p. 27-28.

10 Madeleine de Scudéry, Les femmes illustres ou les harangues héroïques, Paris, Côtés-femmes éditions, 1991 [1ère éd. 1642], p. 105-106.

11 Noémie Hepp, « La Notion d’héroïne », in Onze études sur l’image de la femme dans la littérature française du XVIIe siècle, dir. Wolfgang Leiner

12 « Histoire de Panthée et d’Abradate : partie de chasse et rencontre d’Abradate », (V, 1), Artamène ou le Grand Cyrus, op. cit., p. 64-65.

13 « Rencontre des ennemis », (V, 2), Artamène ou le Grand Cyrus, op. cit., p. 330.

14 Suzanne C. Toczyski, « Corps sacré, discours souverain : Le couple dans les femmes illustres », in Madeleine de Scudéry : une femme de lettres au

15 Les Femmes illustres, op. cit., p. 111.

16 « Funérailles d’Abradate et suicide de Panthée », (VI, 1), Artamène ou le Grand Cyrus, op. cit., p. 24-27.

17 Ibid., p. 31.

18 Noémie Hepp, « La Notion d’héroïne », op. cit., p. 17-18.

19 Les Femmes illustres, op. cit., p. 107-108.

20 « Funérailles d’Abradate et suicide de Panthée », (VI, 1), Artamène ou le Grand Cyrus, op. cit., p. 31.

21 Les Femmes illustres, op. cit., p. 107.

22 Ibid., p. 111, 112.

23 Suzanne C. Toczyski, op. cit.

24 Les Femmes illustres, op. cit., p. 109.

25 Ibid., p. 108.

26 Ibid., p. 106-107.

27 Ibid., p. 112,113.

28 « Funérailles d’Abradate et suicide de Panthée », (VI, 1), Artamène ou le Grand Cyrus, op. cit., p. 31-34.

29 Noémie Hepp, op. cit., p. 19.

30 Les Femmes illustres, op. cit., p. 106.

31 « Epître aux dames », Les Femmes illustres, op. cit., p. 31.

32 Ibid., p. 28.

1 Victor Cousin, « De l’importance historique du Grand Cyrus de Mlle de Scudéry », Revue Des Deux Mondes, vol. 13, n°4, 1858, [En ligne, consulté le 4 novembre 2023]. URL : http://www.jstor.org/stable/44715180

2 L’attribution de ces deux textes entre le frère et la sœur est encore discutée par les spécialistes. Nous préférons donc ici les désigner tous deux comme auteurs des ouvrages que nous présenterons. L’édition du recueil des Femmes illustres ou les harangues héroïques établie et présentée par Claude Maignien, que nous utiliserons par souci de commodité, fait le choix de n’attribuer le recueil qu’à Madeleine de Scudéry. L’édition en ligne d’Artamène ou le Grand Cyrus que nous utiliserons attribue le roman au frère et à la sœur. Cette édition a été établie et mise en ligne grâce aux travaux conjoints des Universités de Yale et de Fribourg. Elle est disponible en ligne à l’adresse : artamene.org. C’est d’elle que nous tirons nos citations.

3 C’est également le cas de la vingtième et dernière harangue du premier volume des Femmes illustres : Sapho et Erinne sont elles aussi des personnages du dixième et dernier volume d’Artamène ou le Grand Cyrus.

4 Nous empruntons l'expression employée par Marion de Lencquesaing dans son article « Confisquer l’exceptionnel féminin : Jeanne de Chantal et la femme forte », Littératures classiques, 2016/2 (n°90), p. 133-148. URL : https://www.cairn.info/revue-litteratures-classiques-2016-2-page-133.htm

5 Georges et Madeleine de Scudéry, « Nouvelles de Mandane » (III, 3), Artamène ou le Grand Cyrus, 1656, [1ère éd. 1649-1653], [En ligne, consulté le 4 novembre 2023], p. 725-726. URL : artamene.org.

6 « Mandane emmenée à Éphèse », (IV, 1), Artamène ou le Grand Cyrus, op. cit., p. 29.

7 Ibid., p. 26-27.

8 « Réconciliation de Belesis et d’Hermogène », (V,3), Artamène ou le Grand Cyrus, op. cit., p. 739-740.

9 « Funérailles d’Abradate et suicide de Panthée », (VI, 1), Artamène ou le Grand Cyrus, op. cit., p. 27-28.

10 Madeleine de Scudéry, Les femmes illustres ou les harangues héroïques, Paris, Côtés-femmes éditions, 1991 [1ère éd. 1642], p. 105-106.

11 Noémie Hepp, « La Notion d’héroïne », in Onze études sur l’image de la femme dans la littérature française du XVIIe siècle, dir. Wolfgang Leiner, Paris, Editions Place, 1984, p. 15, [En ligne, consulté le 4 novembre 2023]. URL : https://books.google.fr/books ?id =mvNaSs4b1dwC&pg =PA9&hl =fr&source =gbsselected_pages&cad =1#v =onepage&q&f =false

12 « Histoire de Panthée et d’Abradate : partie de chasse et rencontre d’Abradate », (V, 1), Artamène ou le Grand Cyrus, op. cit., p. 64-65.

13 « Rencontre des ennemis », (V, 2), Artamène ou le Grand Cyrus, op. cit., p. 330.

14 Suzanne C. Toczyski, « Corps sacré, discours souverain : Le couple dans les femmes illustres », in Madeleine de Scudéry : une femme de lettres au XVIIe siècle, [En ligne, consulté le 4 novembre 2023], Arras, Artois Presses Université, 2002. URL: http://books.openedition.org.ressources.univ-poitiers.fr/apu/2761

15 Les Femmes illustres, op. cit., p. 111.

16 « Funérailles d’Abradate et suicide de Panthée », (VI, 1), Artamène ou le Grand Cyrus, op. cit., p. 24-27.

17 Ibid., p. 31.

18 Noémie Hepp, « La Notion d’héroïne », op. cit., p. 17-18.

19 Les Femmes illustres, op. cit., p. 107-108.

20 « Funérailles d’Abradate et suicide de Panthée », (VI, 1), Artamène ou le Grand Cyrus, op. cit., p. 31.

21 Les Femmes illustres, op. cit., p. 107.

22 Ibid., p. 111, 112.

23 Suzanne C. Toczyski, op. cit.

24 Les Femmes illustres, op. cit., p. 109.

25 Ibid., p. 108.

26 Ibid., p. 106-107.

27 Ibid., p. 112,113.

28 « Funérailles d’Abradate et suicide de Panthée », (VI, 1), Artamène ou le Grand Cyrus, op. cit., p. 31-34.

29 Noémie Hepp, op. cit., p. 19.

30 Les Femmes illustres, op. cit., p. 106.

31 « Epître aux dames », Les Femmes illustres, op. cit., p. 31.

32 Ibid., p. 28.

Elina Galin

Elina Galin est doctorante en littérature française sous la direction du professeur Dominique Moncond’huy et est chargée de cours à l’Université de Poitiers. Ses recherches portent sur la mélancolie dans le roman féminin de la seconde moitié du XVIIe siècle.