L’étude des thèmes du voyage, de la migration et de l’exil dans la littérature amène à s’interroger sur la perception de l’ailleurs chez les écrivains et leurs représentations du monde vécu. Tout parcours, déplacement ou traversée conduit à un repositionnement, géographique et identitaire, à une reconsidération de soi au contact de l’autre. Comment, à travers une écriture de la mobilité, du passage, du franchissement des frontières et de la rencontre ou du choc des cultures, du mélange ou de la confrontation des idées, des langues, des histoires et des mémoires en contact, les écrivains donnent-ils à voir des êtres en mouvement, migrants ou nomades, passants et passeurs ? Deux volets composent ainsi ce dossier consacré à l’examen des itinéraires géographiques, culturels et littéraires.
Littératures de voyage : regards d’Européens sur l’Autre et l’ailleurs
La littérature de voyage donne à voir la perspective de l’observateur, le regard qu’il porte sur les lieux traversés. Elle invite à la découverte de nouveaux horizons réels ou imaginaires et répond à un besoin d’évasion, de dépaysement, d’exotisme ou d’émerveillement. Les récits d’écrivains-voyageurs s’inscrivent dans une Histoire globale faite de conquêtes, d’expansions impérialistes, de découvertes. Ils relèvent aussi de l’intime et laissent apparaître en filigrane les périples intérieurs qui mènent à soi. Les cheminements mêmes de l’écriture viatique, aux formes multiples, son esthétique du divers, du disparate, du fragment rendent compte de ces itinéraires qui façonnent les écrivains-voyageurs. Les huit articles qui composent ce premier volet traitent d’écrivains européens du XIXe au XXIe siècle, auteurs de fictions, de récits personnels ou d’essais, et questionnent le regard que ces voyageurs de l’Occident, nourris de rêves et de fantasmes, voire de préjugés, portent sur l’ailleurs géographique et l’altérité culturelle, en Europe et au-delà.
Ecritures de la migration et de l’exil
Le voyage est parfois imposé, et même sans retour. L’ailleurs, que les figures littéraires de l’exilé(e) ou de l’immigré(e) tentent de s’approprier, est-il envisagé comme un espace géographique, social et culturel où se construire et s’enraciner dans un désir d’appartenance et de renouveau, ou bien est-il représenté comme l’espace d’une errance nostalgique et d’un exil intérieur ? En quoi l’émergence d’une nouvelle « littérature-monde » postcoloniale dans un espace fluide globalisé et la présence grandissante d’écrivains cosmopolites contribuent-elles à réviser les représentations de la mobilité en ce XXIe siècle ? Les nouvelles circulations produisent non seulement plus de diversité, mais également de nouvelles hybridités et connexions interculturelles qu’il convient d’examiner. Les sept articles qui constituent ce second volet s’interrogent sur les représentations de l’identité exilique ou migrante, du Moyen Age à l’ultra-contemporain, et sur la production de contre-discours à travers divers genres : récit de voyage, lettres, autobiographie, roman de migration ou roman graphique qui conjugue texte et image. Autant de formes d’écriture qui chacune, dans une dialectique du lointain et du proche, met en mots et questionne la perception de l’Autre, des Autres, en tant que « communautés imaginées ».