Des « tragédies en cinq clous » aux « comédiens de chambre », théâtre du futur et utopie chez Albert Robida (1883)

Claire Barel-Moisan

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Claire Barel-Moisan, « Des « tragédies en cinq clous » aux « comédiens de chambre », théâtre du futur et utopie chez Albert Robida (1883) », Tropics [En ligne], 2 | 2015, mis en ligne le 01 décembre 2015, consulté le 28 mars 2024. URL : https://tropics.univ-reunion.fr/382

Les années 1880 apparaissent, dans l’histoire du théâtre, comme une période de crise de la représentation qui amène, au tournant du siècle, un « renouvellement fondamental de l’esthétique théâtrale. Les relations entre texte et représentation d’une part, art, industrie et spectacle d’autre part, se modifient alors d’une façon sensible »1. Paris s’impose comme l’une des grandes capitales mondiales des spectacles, le théâtre constituant le loisir par excellence, au cœur des préoccupations de l’ensemble du champ social2. Jean-Claude Yon a retracé l’évolution conduisant de la « théâtromanie » propre au XVIIIe siècle à la « dramatocratie » qui, de la Révolution française au Second Empire, fait du théâtre un des lieux privilégiés de construction de l’opinion publique3. Le décret de « liberté industrielle du théâtre » du 6 janvier 1864 enclenche alors un processus de reconfiguration de la répartition des spectacles, avec une augmentation de la proportion des spectacles non théâtraux (café-concert, opérette, ballet, cirque, music-hall) : un nouveau modèle de société du spectacle se construit. Au début des années 1880, nombreuses sont les voix à s’élever contre l’influence des deux genres dominants que sont le vaudeville et la comédie sérieuse réaliste. Ainsi, Zola « dénonce l’appau­vrissement considérable, depuis le Second Empire, du répertoire théâtral français, qui, selon lui, se cantonne de plus en plus dans les grivoiseries et le rire grossier du vaudeville »4. Enfermé dans une esthétique mimétique peu ambitieuse, ce théâtre a renoncé à toute forme d’éducation du public. On assiste donc à un certain épuisement de ces formes dominantes stéréotypées. Près de vingt années après la destruction par Haussmann du boulevard du Temple s’exprime une profonde nostalgie à l’égard d’un théâtre populaire et artisanal où régnait le prestige de l’illusion. La mythification du fameux boulevard du Crime a dès lors une portée polémique : « Exalter les artifices de la représentation, les extravagances de la féerie et les grosses ficelles du mélodrame, c’est […] manifester la nostalgie d’une mimésis anti-réaliste »5. Dans une période où le vaudeville et la comédie sérieuse modèlent l’horizon d’attente du public en confortant « une adhésion acritique à l’univers contemporain de la représentation »6, la référence à une autre conception du spectaculaire permet de renouveler la réflexion sur la représentation. Au moment où les spectacles représentent le loisir privilégié des Parisiens et où la soirée théâtrale s’impose comme un rituel social florissant, ces débats esthétiques témoignent de la recherche de nouvelles voies dramaturgiques. Au fil des années 1880, des expérimentations s’engagent dans une multitude de directions. La fonction nouvelle du « metteur en scène » gagne peu à peu en importance et, à la fin de la décennie, deux théâtres emblématiques de ces recherches esthétiques novatrices ouvrent leurs portes, le Théâtre-Libre d’André Antoine en 1887 puis, six ans plus tard, le théâtre de l’Œuvre de Lugné-Poe.

C’est, dès lors, dans un contexte d’interrogations sur l’évolution théâtrale contemporaine que s’inscrit le roman d’anticipation d’Albert Robida, Le Vingtième Siècle, paru en 1883. Homme de presse, caricaturiste et romancier, Robida se trouve au cœur de la vie théâtrale parisienne : durant plus d’une décennie, il rend compte des spectacles dans La Caricature, l’hebdomadaire satirique qu’il a fondé en 1880 et qu’il dirige jusqu’en 1892. Il occupe par conséquent une position d’observateur privilégié, ses illustrations témoignant d’une conscience aiguë des contradictions de cette période où se cherchent de nouvelles orientations pour les pratiques théâtrales. Certes, Robida n’a rien d’un théoricien et son propos n’est assurément pas d’élaborer un système théorique et conceptuel complet pour analyser la situation du théâtre des années 1880 et construire l’utopie d’un théâtre idéal. Mais il partage les interrogations contemporaines sur le développement d’une industrie du divertissement et sur les tensions qui opposent un théâtre du texte et un théâtre du geste. Le choix de la fiction romanesque lui confère alors une grande liberté pour imaginer les nouvelles directions que pourrait emprunter le théâtre du futur.

En situant son roman d’anticipation dans la société parisienne de 1952, Robida dessine de multiples formes théâtrales qui reposent sur des supports de diffusion médiatique inédits. Le lecteur découvre ces nouveaux genres de spectacles « en action », à travers les étonnements de la jeune héroïne, Hélène Colobry, lycéenne provinciale soudainement confrontée à la vie culturelle de la capitale. Le tableau des théâtres alternatifs de l’avenir s’inscrit donc dans une fresque plus vaste. C’est l’ensemble de la société du futur que le roman évoque, insistant sur plusieurs transformations emblématiques. Le travail généralisé des femmes induit une reconfiguration des relations sociales, la circulation aérienne entraîne une profonde révolution urbanistique, et le développement de nouveaux médias comme le « téléphonoscope » bouleverse l’organisation des loisirs. Face à ces multiples évolutions, le narrateur ne délivre pas de jugement univoque. Il alterne les tableaux satiriques des différents champs sociaux et les discours célébrant le règne du progrès dans la société du vingtième siècle. Mais ces odes au progrès, empreintes d’un enthousiasme ironique, entrent souvent en contradiction avec le développement même de la fiction, les mésaventures successives de l’héroïne dévoilant les dangers des transformations sociales. Une veine humoristique traverse ainsi l’ensemble du roman d’anticipation, renforcée par le dialogue entre texte et image. Dessinateur et caricaturiste, Robida illustre en effet lui-même son roman, l’image renforçant la portée parodique de son texte.

L’ambiguïté du positionnement que produit le dispositif énonciatif propre à ce roman est particulièrement intéressante dans les scènes qui portent sur le théâtre. Dans la plupart des cas, le narrateur ne délivre pas de jugement explicite : le développement de la fiction lui permet de dresser un tableau détaillé, à la fois fasciné et ironique, d’une multitude d’usages du théâtre futur, dont il laisse au lecteur la liberté d’apprécier les conséquences. De nombreuses voix, souvent contradictoires, se juxtaposent : discours du narrateur sur les nouveaux modes de diffusion du théâtre, récit de représentations, dialogue des personnages sur les spectacles auxquels ils assistent, compte rendu d’un critique théâtral, programme commenté et extraits de pièces. Le roman fait par ailleurs dialoguer ces différentes voix avec les abondantes illustrations présentant au fil des pages les théâtres, les différents types d’acteurs, athlètes et acrobates, ainsi que les relations entre les spectateurs et la salle. Une telle polyphonie permet d’incarner véritablement la réflexion sur les possibles du théâtre. C’est là l’un des atouts majeurs du genre romanesque dont Robida se saisit. Dans ces dernières décennies du XIXe siècle où le théâtre en mutation se cherche des voies d’avenir, Robida fait du roman d’anticipation un outil puissant afin de problématiser le lien entre théâtre et utopie. À l’inverse du processus d’abstraction et de conceptualisation propre à la théorie littéraire, l’usage du roman d’anticipation lui permet de déployer dans le détail, dans la diversité des personnages et dans la concrétude des objets, des hypothèses de théâtre alternatif, poussant jusqu’à leurs limites les effets de tendances déjà en germe dans le théâtre contemporain.

Le théâtre chez soi par téléphonoscope

Dans la société imaginaire de 1952, un nouveau moyen de communication donne accès, à domicile et à volonté, aux spectacles se déroulant dans le monde entier. Le téléphonoscope est une forme de télévision hybridée d’internet, contribuant à une démocratisation de la culture.

La compagnie universelle du téléphonoscope théâtral, fondée en 1945, compte maintenant plus de six cent mille abonnés répartis dans toutes les parties du monde […]. L’appareil consiste en une simple plaque de cristal, encastrée dans une cloison d’appartement, ou posée comme une glace au-dessus d’une chemi­née quelconque. L’amateur de spectacle, sans se déranger, s’assied devant cette plaque, choisit son théâtre, établit sa communication, et tout aussitôt la représentation commence7.

Grâce à ce dispositif fort simple8, une communauté virtuelle de spectateurs se crée. Où que l’on se trouve, on peut suivre l’actualité théâtrale mondiale, puisque le téléphonoscope permet non seulement d’assister aux spectacles des salles parisiennes, mais aussi à ceux de toutes les grandes capitales, Londres, Berlin ou New-York. La frontière séparant l’espace public de la salle de théâtre et la sphère privée du salon familial se voit rompue. Une communication phonique est en effet établie entre le téléphonoscope et la salle, de telle sorte que les applaudissements et les sifflets émis depuis le salon privé sont également entendus dans le théâtre (d’où l’édiction de tout un ensemble de règles pour encadrer le fonctionnement de cette communauté virtuelle de spectateurs9). En sens inverse, c’est aussi le monde de la scène qui s’invite au cœur de l’intimité des spectateurs. Les illustrations de Robida insistent sur le caractère ambigu de ce dispositif voyeuriste10. Avec son téléphonoscope, le romancier anticipe en effet sur les transformations qu’amène, à la fin des années 1880, la généralisation de l’usage de l’électricité dans les théâtres parisiens11. Pour la première fois, les lumières s’éteignent véritablement dans la salle, et le public voit sa propre existence physique virtualisée par la pénombre, tandis que sur la scène violemment éclairée, l’intensité de la présence des acteurs se trouve décuplée. De même, Robida radicalise le contraste entre l’obscurité où se tient le spectateur bourgeois semi-allongé, fumant son cigare dans son salon, et la luminosité du gigantesque écran de téléphonoscope, conférant au spectacle qui s’y déploie l’évidence d’une présence fascinante (voir Figure 1). La danseuse court vêtue qui, par un effet d’échelle, a exactement la même taille que son spectateur, semble se tourner vers lui en souriant. Le dispositif illusionniste flatte la pulsion scopique et abolit la distance, la danseuse paraissant même esquisser le geste d’enjamber l’écran pour s’inviter dans le salon. Le compte rendu rédigé, dans la fiction, par un journaliste au sujet d’une autre pièce, la première de Joséphine la dompteuse à la Comédie-Française, exprime sans ambages la dimension voyeuriste du spectacle que favorise le téléphonoscope : « ce soir, les abonnés au téléphonoscope occupaient leurs fauteuils pour admirer de plus près les jambes si admirablement modelées de Mme Reynald, la farouche Joséphine de Balaruc »12.

Figure 1 : Le théâtre chez soi par téléphonoscope

Figure 1 : Le théâtre chez soi par téléphonoscope

Illustration d’Albert Robida, Le Vingtième Siècle, Paris, Decaux, 1883, p. 56-57

Au-delà de la continuité ambiguë entre espace public et espace privé qu’induit le théâtre distribué à domicile par téléphonoscope, les spectacles investissent, par le biais de ce nouveau média, la vie quotidienne de chacun, bouleversant les modes de constitution des publics.

Une globalisation utopique

« Ô Molière, ô Corneille, ô Hugo, ô Rossini ! qu’auriez-vous dit au rêveur qui vous eût annoncé qu’un jour cinquante mille personnes, éparpillées sur toute la surface du globe, pourraient de Paris, de Pékin ou de Tombouctou, suivre une de vos œuvres jouée sur un théâtre parisien »13 ? Un des enjeux politiques majeurs du théâtre du futur tient à la création d’un public mondial, partageant une même culture de masse et de divertissement. L’illustration de Robida exemplifiant cette globalisation des publics joue du renversement des stéréotypes (Figure 2). Un groupe de spectateurs africains en tenue de soirée observe, jumelle à la main, un spectacle par téléphonoscope où semble se dessiner, à l’arrière-plan de la scène, un éléphant sur lequel sont juchées trois danseuses. Le rituel mondain de la soirée théâtrale est donc transposé à l’identique dans le contexte africain, les spectateurs contemplant en retour, sur l’écran, l’imaginaire occidental de leur propre exotisme.

Figure 2 : Spectateurs africains par le téléphonoscope

Figure 2 : Spectateurs africains par le téléphonoscope

Illustration d’Albert Robida, VS, p. 62

La grande ambition de la génération romantique rêvant d’une double fusion des répertoires et des publics des théâtres semble ainsi réalisée dans le cadre de la communauté virtuelle du téléphonoscope. Des masses immenses – cinquante mille spectateurs – sont effectivement amenées à partager une forme de culture commune. Mais cette démocratisation et cette éventuelle diversification des publics se font à distance, sans coprésence réelle des différents groupes sociaux. Dans le théâtre du XIXe siècle, la séparation des publics s’opérait de façon verticale, en fonction du prix des places. La dynamique propre à chaque salle tenait précisément à la complexité des interactions qui se jouaient entre les différents niveaux – poulailler, loges et parterre. Rien de tel avec le théâtre à domicile par téléphonoscope. Classes et publics ne sauraient se mêler puisque chacun assiste au spectacle en demeurant dans son propre environnement et n’intervient dans la représentation que de façon dématérialisée, par ses applaudissements ou ses sifflets.

De fait, l’enjeu utopique que constitue la démocratisation du théâtre grâce au téléphonoscope, n’est finalement pas problématisé dans le roman de Robida. La famille de spectateurs africains en frac et robe de soirée se voit en fait représentée comme un double de la famille de la haute bourgeoisie parisienne, les Ponto, qui sont les protagonistes principaux du Vingtième Siècle. Même si des publics dispersés géographiquement sont évoqués (à Munich, Vienne, Bruxelles ou Londres), même si le nombre des abonnés du téléphonoscope s’élève à six cent mille, le roman ne donne en réalité une place fictionnelle qu’à de grands bourgeois. Au cœur des salles de théâtre comme devant les écrans des téléphonoscopes, le public populaire des spectacles du futur a disparu. Cette situation fictionnelle reflète l’élitisation effective des publics de théâtre, due à l’augmentation continue du prix des places sous le Second Empire. Catherine Naugrette-Christophe a analysé cette évolution :

Au lieu d’être diversifiés et hétérogènes, les nouveaux publics seront donc unifiés et homogènes. […] Il semble que le théâtre soit devenu vers 1870 un produit de luxe, réservé à certaines classes sociales, tandis qu’est consacrée la mort du théâtre populaire, dans toutes les acceptions du terme : non seulement la mort d’un théâtre pour le peuple, mais aussi d’un théâtre pour tous, susceptible d’accueillir au sein d’un espace certes divisé et hiérarchisé tous les types de la société d’alors14.

Si l’universalisme démocratique du téléphonoscope se dénonce comme une utopie de façade, si l’implication du peuple dans les loisirs du futur semble impossible à représenter dans le roman d’anticipation de Robida, c’est donc aussi un effet de la profonde transformation sociologique des publics, du Second Empire aux années 1880.

L’image du boulevard du Temple, idéalisée au fil des décennies, constitue alors une forme d’utopie théâtrale qui permet, a contrario, de mettre en évidence deux caractéristiques des spectacles du futur qu’imagine Robida. L’uniformisation sociale du public du vingtième siècle, même mondialisé, contraste avec « la porosité relative, bien connue aujourd’hui, des répertoires et des publics, en dépit des ségrégations à la fois sociales et esthétiques opérées par le système des privilèges. Le théâtre populaire attire toutes les classes, et, inversement, les grands genres ne sont pas réservés à l’élite »15. Les spectacles visuels du boulevard du Temple sont par ailleurs associés à la poésie d’un art de l’enfance. Cet art de l’illusion, populaire et artisanal, produit une éducation esthétique des publics16. « La génération romantique fait ainsi du boulevard du Temple le conservatoire d’une naïveté et d’une poésie identifiées au "peuple", confondues avec l’"enfance" – celle qui ne sachant parler invente des signes plus purs : gestes, danses, coups de bâton ou cris de la passion »17. Cette dimension poétique et artisanale disparaît dans le théâtre du futur, lui aussi fondé sur le culte du spectaculaire, mais désormais produit à une échelle industrielle, dans une esthétique de la surenchère18.

Spectacularisation et esthétique du « clou »

De la vogue du Cirque-Olympique sous la Restauration à l’ouverture de l’Eden-Théâtre en 1883, en passant par l’inauguration du Châtelet en 1862, une continuité se dessine au fil du XIXe siècle. Avec des moyens différents, chacune de ces salles cherche à produire un éblouissement du spectateur, par le biais d’une surenchère visuelle. C’est ce qu’Hélène Laplace-Claverie décrit comme des « spectacles optiques », reposant sur la mobilisation de procédés techniques de plus en plus sophistiqués, de décors saisissants, de larges corps de ballet, de nombreux figurants ou d’animaux apprivoisés19. Le théâtre du futur imaginé par Robida se situe dans cette lignée, mais il radicalise cette tradition. Dans Le Vingtième Siècle, un double processus se met en place : d’une part, le devenir industriel du théâtre dans un culte de la performance et, d’autre part, le développement d’une discordance entre les textes théâtraux et les modalités de spectacularisation qui leur sont appliquées.

La méfiance face aux « divertissements à grand spectacle » ne date certes pas des années 1880. Isabelle Moindrot le rappelle : « Tout au long du siècle, on ne cessera de s’interroger sur la légitimité de ces « effets » spectaculaires, qui mettent en œuvre la scène, la musique, la scénographie, la technique, la dramaturgie, et en définitive toute la matérialité spectaculaire, pour provoquer l’émotion. Mais alors que la simple évocation des pratiques antérieures suffit à faire rêver, lorsqu’il s’agit du spectaculaire pratiqué au XIXe siècle tout paraît subitement plus compliqué, moins pur, vaguement suspect. Il s’en dégage comme un parfum de facilité, d’argent, de lourdeur, de matière, de factice et de convention »20. Les spectacles que Robida intègre, sur le mode de la satire, dans son roman d’anticipation, résonnent donc en écho aux débats contemporains sur le statut du spectaculaire.

Cinq années avant la parution du Vingtième Siècle, un terme emblématique apparaît dans l’argot théâtral, celui de « clou »21. Acteur du monde médiatique à l’affût des innovations des coulisses et des foyers de théâtre, Robida s’en saisit et construit son théâtre du futur autour de ce nouveau paradigme esthétique. Le clou constitue l’attraction majeure, le point culminant devant susciter l’enthousiasme du public. Il induit dès lors une esthétique de la discontinuité : « La représentation est une succession de moments et d’effets […] Le tissu conjonctif qui relie ces moments les uns aux autres est plus ou moins lâche, plus ou moins intéressant »22. Dans le cadre du genre spectaculaire déjà ancien qu’est la féerie, il est courant de concevoir une intrigue ad hoc, en fonction des « trucs », des machines et des multiples effets décoratifs que la pièce vise à mettre en valeur. Machiniste et décorateur sont alors promus au rang de co-auteurs : ils voient leurs noms inscrits sur l’affiche et reçoivent une part des droits d’auteur. Au moment où Robida rédige Le Vingtième Siècle, ce changement de statut légal est précisément au cœur de l’actualité23. Une telle évolution juridique traduit bien la mutation en cours, faisant émerger dans le champ théâtral une véritable industrie du spectaculaire.

Le coup de force qu’opère Robida dans son roman d’anticipation consiste à imaginer l’application de cette esthétique du « clou » au patrimoine littéraire classique, présenté au Théâtre-Français. Le texte qui sert de transition entre les clous n’est plus alors un simple canevas conçu à la seule fin de préparer ces moments d’intensité maximale. Il s’agit de la célèbre tragédie cornélienne, Horace. Mais l’œuvre cornélienne se voit dévaluée au profit des intermèdes spectaculaires qui lui ont été ajoutés, seuls capables de faire passer l’ennui d’interminables tirades. Le dialogue de l’héroïne, Hélène Colobry, avec son tuteur, Raphaël Ponto, souligne avec humour l’inversion de la hiérarchie attendue entre le grand dramaturge classique et son « rajeunisseur » contemporain :

Les Horaces. Tragédie en cinq actes et en vers, par Pierre Corneille et Gaëtan Dubloquet. Avec 5 clous entièrement nouveaux.
- Tiens, dit Hélène, Corneille avait donc un collaborateur ? […]
- Parbleu ! répondit M. Ponto, Corneille seul est un vieux classique, Dubloquet est un moderne, c’est le rajeunisseur des Horaces. Certes, Corneille avait du talent pour l’époque où il écrivait, mais Dubloquet est plus fort ; Dubloquet est l’auteur des clous24

On assiste ainsi, dans le champ théâtral de 1952, à un brouillage généralisé des frontières entre genres nobles et spectacles populaires des théâtres secondaires. Les intermèdes sous forme de clous viennent en effet contredire aussi bien le registre tragique, que la lettre même de l’intrigue de la pièce25. Lors du troisième clou, « les Horaces et les Curiaces, ressuscités, entreprirent une lutte comique entremêlée de sauts périlleux, de culbutes et de contorsions du plus réjouissant effet »26 (Figure 3).

Figure 3 : Les Mimes de Chicago dans les Horaces au Théâtre-Français

Figure 3 : Les Mimes de Chicago dans les Horaces au Théâtre-Français

Illustration d’Albert Robida, VS, p. 65

Dans un geste de transgression, Robida place au cœur du Théâtre-Français, ce temple de la tradition classique et du logocentrisme, des intermèdes parodiques qui trahissent le sens de l’œuvre cornélienne. Le « Palace-Molière » présente désormais des spectacles hybrides, entre féerie, cirque et performance athlétique. Des comédiennes en maillot y exécutent des numéros de trapèze, au-dessus de lions et d’éléphants apprivoisés (Figure 4). Dans un dictionnaire de la langue théâtrale paru cinq ans avant Le Vingtième siècle, une définition ironique de la féerie dénonce la substitution de clous spectaculaires à un théâtre de la parole et du sens. « Féerie : — pièce à grand spectacle, où le sujet est remplacé par les décors, le dialogue par les trucs, l’esprit par des actrices demi-nues, quand elles ne le sont pas tout à fait, au maillot près. Ce genre a pris depuis quelques années un développement beaucoup trop grand. On croirait que MM. les auteurs s’en tiennent aux fées à défaut de génie »27. L’illustration satirique de Robida répond à cette définition, faisant de la salle de la Comédie-Française une annexe du Châtelet. Dans ces spectacles avant tout visuels, le texte demeure secondaire, vidé de sa substance voire désavoué par les choix de mise en scène.

Figure 4 : La salle de la Comédie-Française (Palace-Molière)

Figure 4 : La salle de la Comédie-Française (Palace-Molière)

Illustration d’Albert Robida, VS, p. 28-29

Texte et geste : la parole démonétisée

Issue d’une longue tradition théâtrale qui cherche à produire l’éblouissement du spectateur, l’esthétique du clou a pu être reliée à une conception baroque de l’univers, perçu comme le lieu d’une métamorphose perpétuelle28. Dans le roman d’anticipation de Robida, le clou est davantage placé sous le signe de la prouesse athlétique, de la performance d’acteur. « De plus en plus fort » était la devise du fondateur du futur Théâtre de la Gaîté29. L’horizon d’attente du public du futur est bien celui d’une telle surenchère permanente. Comme dans des attractions foraines, les théâtres du futur qu’imagine Robida font appel à des « Hercules » de foire, des « hommes forts », ou à des femmes acrobates pour pimenter l’interprétation de leurs rôles principaux. Dans la dialectique entre texte et geste qui a nourri des siècles de débat sur l’essence du théâtre, les spectateurs de 1952 ont, semble-t-il, choisi le geste : c’est moins la tirade elle-même qui les captive que les conditions de son énonciation, conçue pour en faire une prouesse sportive. Le Théâtre-Français engage comme nouvelle vedette « une femme colosse qui avait fait courir tout Paris au Cirque où, entre autres exercices, elle récitait des tirades de Racine avec un canon du poids de 250 kilog. sur les épaules. Tout en déclamant comme un grand prix du Conservatoire, elle chargeait son canon, allumait une mèche et à la fin de la tirade mettait feu à l’amorce »30. La provocation de Robida tient au fait que ces mises en scène paradoxales portent précisément sur les grands textes du répertoire classique et romantique, Corneille, Racine, Hugo. Dans Horace de Corneille, les imprécations de Camille sont déclamées, tête en bas, par une actrice-gymnaste pendue par les pieds à son trapèze. L’absurdité de la performance vide le texte cornélien de sa substance.

D’autres dispositifs scéniques du théâtre de l’avenir tendent à rompre l’illusion dramatique. Le romancier invente en effet un nouveau modèle de spectacle bilingue, au Théâtre de la Porte-Saint-Martin. Deux troupes jouent simultanément, en français et en anglais, faisant exactement les mêmes pas et les mêmes gestes. « — C’est très amusant, dit le diplomate ; quand il y a un duel, un assassinat, on a double émotion ! et les scènes de passion, donc ! et les scènes de séduction !… »31 L’enthousiasme du spectateur signale ironiquement au lecteur les limites de sa conception comptable de l’émotion esthétique. Par essence, l’action dramatique ne peut être qu’unique. La dupliquer n’est donc pas doubler le plaisir du public mais relativiser ce qui est représenté et dégonfler tout pathétique en interdisant l’identification du spectateur aux personnages. La dimension comique de ce théâtre multilingue apparaît nettement dans l’illustration du « Théâtre en trois langues » (Figure 5) et dans l’anecdote qui s’y rapporte. Au « Gymnase » de 1952 se trouve représenté, en français, en anglais et en allemand Antony, d’Alexandre Dumas. Un spectateur rapporte le triomphe qu’a soulevé la célèbre dernière phrase de la pièce : « Elle me résistait… je l’ai assassinée ! ». Il poursuit :

On n’a pu relever qu’une seule petite anicroche ; il n’y avait eu de rappels qu’en anglais et en allemand et comme le rideau se relevait, l’Antony et l’Adèle d’Hervey français restèrent étendus le poignard dans la poitrine, pendant que les deux autres couples répétaient la phrase bissée. Cela jetait un froid, alors Antony et Mme d’Hervey se sont relevés, Antony a repris le poignard et en a frappé sa maîtresse en s’écriant : — Elle me résistait encore, je l’ai réassassinée32 !

Derrière le rire que produit l’absurdité logique de la réplique, c’est une perte de sens plus globale que cette anecdote dévoile. La poursuite du spectaculaire dans le théâtre expérimental du futur induit une surenchère permanente qui démonétise la parole théâtrale.

La profusion, l’accumulation, le gigantisme et l’hypertrophie propres au spec­taculaire, en partie induits par le support qu’est le téléphonoscope, vont de pair avec un vide paradoxal de la parole. C’est ce que le développement de la fiction, dans le roman d’anticipation de Robida, met en évidence de façon frappante à travers une série de scènes comiques. Mais une autre tendance est aussi présente dans le théâtre de l’avenir : celle d’un dépouillement, d’un effacement de l’image pour une célébration de la voix pure. À rebours de l’éblouissement du spectaculaire, cette conception différente de l’essence du théâtre consacre la magie de la voix, en s’appuyant non plus sur l’illusion, mais sur l’imagination du spectateur.

Figure 5 : Le théâtre en trois langues

Figure 5 : Le théâtre en trois langues

Illustration d’Albert Robida, VS, p. 114-115

Un théâtre de voix

Les historiens du théâtre ont signalé l’extrême sensibilité du public du XIXe siècle à la beauté des voix des comédiens. Jean-Jacques Roubine souligne ainsi l’expertise des critiques théâtraux : la précision et la technicité de leurs notations sont remarquables, comparées aux compétences de leurs successeurs actuels, ce dont peut témoigner une remarque de Gustave Planche analysant la technique vocale de Mlle Mars : « Elle ne parle plus, elle chante ; elle donne à toutes les syllabes de sa phrase une valeur musicale qui pourrait presque se noter »33. La célébration des grands acteurs du siècle tient en partie à leur gestuelle, mais avant tout à leurs « voix d’or ». Le public admire en eux la perfection d’une diction, la justesse et la subtilité d’une vocalisation, la maîtrise d’un souffle, et l’individualité d’un timbre. « Ce charisme, quelle que soit son évolution de Talma à Mounet-Sully, de Mlle George à Sarah Bernhardt, de Rachel à Julia Bartet, procède d’une vocalité, c’est-à-dire de la magie d’un timbre associée à la virtuosité d’une technique. Ce culte de la voix apparaît comme la marque caractéristique de la Comédie-Française. Dès 1806, Geoffroy remarquait qu’"on va au Théâtre-Français pour entendre beaucoup plus que pour voir" (Journal de l’Empire, 7 août) »34. Dans la société parisienne du vingtième siècle décrite par Robida, les pratiques théâtrales sont, elles aussi, influencées par une telle valorisation de l’écoute. Trois nouvelles modalités des spectacles du futur dessinent ainsi l’image alternative d’un théâtre pour l’oreille davantage que pour les yeux.

Le théâtre rétrospectif, « musée de Cluny de l’art dramatique »

En 1877, six ans avant la publication du Vingtième Siècle, le phonographe est inventé symétriquement des deux côtés de l’Atlantique par Thomas Edison et Charles Cros. Robida intègre immédiatement dans sa fiction l’usage patrimonial qui en est fait afin de conserver les enregistrements des grands interprètes dramatiques. « Lors de l’invention du phonographe, à la fin du siècle dernier, on eut l’idée, excellente au point de vue de l’art et des traditions, de demander des clichés phonographiques aux artistes de l’époque. Les comédiens et les comédiennes détaillèrent dans des phonographes les morceaux à succès de leur répertoire »35. À partir de ces enregistrements s’invente un nouveau paradigme dramaturgique, le « théâtre rétrospectif ». Il s’agit d’un spectacle dématérialisé, sans décor, sans costume, où le corps des acteurs s’est effacé devant la pure présence de leurs voix. Le rituel du spectacle est malgré tout conservé et un public se réunit pour écouter ces concerts de morceaux choisis venus du passé. Raphaël Ponto en explique le principe à ses filles.

De temps en temps on donne une matinée rétrospective. Je vous y conduirai un jour. Quelle belle troupe, les enfants, que celle de ce théâtre rétrospectif, et comme cependant elle donne peu de soucis à son directeur […]. Il est vrai qu’ils sont en acier laminé et renfermés dans de petites boîtes. Dans ce musée de Cluny de l’art dramatique, tous les artistes sont rangés sur des tablettes ; le jour de la représentation on les époussette, on les met sur une belle table recouverte d’un tapis vert et l’on commence… On presse le bouton du phonographe et Mounet-Sully rugit une scène de Hernani36.

Une telle évocation traduit bien la fascination que produit cette invention toute récente, avec le décalage entre la matérialité de l’objet technologique en acier laminé et la magie évocatoire dont il est le dépositaire, par son pouvoir de ramener un instant à la vie les interprètes dans ce qui a incarné leur essence, la personnalité d’une voix unique. Le conservatoire des grandes interprétations du passé, « musée de Cluny de l’art dramatique », revêt une fonction documentaire, étant destiné d’abord à conserver le témoignage des grandes interprétations du passé pour la formation des jeunes comédiens contemporains. Mais les soirées de théâtre rétrospectif convertissent cette fonction utilitaire et patrimoniale en jouissance d’une expérience esthétique. Aux antipodes de l’esthétique du clou caractéristique du téléphonoscope, on a alors affaire à un théâtre de l’ascèse, mis au service des textes dans leur simplicité. Ces soirées théâtrales particulières semblent témoigner de la persistance, dans la société futuriste du Vingtième Siècle, d’un goût de la littérature et de la beauté des textes. Mais on peut aussi interpréter cette nouvelle forme de récital comme une autre modalité du spectaculaire. Dans cette présentation de « pots-pourris », les œuvres dramatiques perdent en effet leur unité de sens et leur intégrité. Elles se voient réduites à quelques morceaux choisis, selon une pratique par ailleurs courante dans le système théâtral du XIXe siècle. Chacun de ces extraits phonographiés est conçu comme une performance, et l’écoute des grandes voix de l’histoire met l’accent sur les spécificités d’une interprétation (comme la prouesse vocale de Mounet-Sully) plus que sur un texte. Ces soirées de « théâtre rétrospectif » peuvent ainsi être envisagées comme l’écoute d’une succession de morceaux de bravoure. Dans cette optique, le théâtre des voix, malgré son caractère épuré, n’échappe finalement pas à une certaine esthétique du spectaculaire.

Le théâtre de chambre : le dépouillement au service de l’imagination

Une autre variété de « théâtre de voix » présentée dans Le Vingtième Siècle s’inspire, à son tour, de l’actualité scientifique récente du début des années 1880. Il s’agit de la captation de pièces montées sans décor ni costume, puis transmises par téléphone, ce que Robida appelle le « théâtre de chambre ». Le dispositif est très proche de celui que les Parisiens découvrirent lors de l’Exposition universelle d’électricité de 1881, sous le nom de « théâtrophone ». Clément Ader connut un grand succès avec son invention qui permettait, à l’aide de micros reliés par des fils à une boîte de diffusion, d’entendre les spectacles de plusieurs salles parisiennes37. Victor Hugo note à ce propos dans ses Carnets, à la date du 11 novembre 1881 : « C’est très curieux. On se met aux oreilles deux couvre-oreilles qui correspondent avec le mur, et l’on entend la représentation de l’Opéra, on change de couvre-oreilles et l’on entend le Théâtre-Français, Coquelin, etc. On change encore et l’on entend l’Opéra comique. Les enfants étaient charmés et moi aussi »38. Robida envisage dans sa fiction d’anticipation la généralisation de ce dispositif, avec une différence majeure : dans Le Vingtième Siècle, les pièces diffusées ne sont pas la retransmission de spectacles effectivement joués sur scène. De fait, il ne faut pas entendre « théâtre de chambre » au sens où les pièces seraient écoutées par chacun depuis sa chambre : ce n’est pas la réception, mais la production qui s’effectue « en chambre ». Le paradigme est donc, ici aussi, celui d’un pur « théâtre de voix », entièrement dématérialisé, qui s’apparente aux pièces radiophoniques contemporaines.

Pour les acteurs, s’ouvre alors la possibilité d’une carrière parallèle, sur ce théâtre virtuel :

lorsqu’un acteur a du talent, lorsqu’il est arrivé à se créer un public, il quitte le théâtre ordinaire pour fonder un théâtre de chambre avec des acteurs à lui ou même sans acteurs, car il joue parfois tous les rôles et se donne la réplique à lui-même. C’est très commode pour cet artiste : sans se déranger, il joue en robe de chambre, au coin de son feu, s’arrêtant de temps en temps pour avaler une tasse de thé39

Ce modèle de spectacle repose sur une participation active du spectateur. Son extrême dépouillement suppose la mise en jeu de l’imagination du public qui, à partir de la simple présence de la voix, doit reconstruire tout un univers fictionnel. Le spectateur supplée ainsi à l’absence de toute la matérialité des corps par la liberté d’une recréation mentale. Le Vingtième Siècle ne théorise pas ce renversement de paradigme, opposant le spectaculaire visuel hypertrophié et envahissant du téléphonoscope à l’ascèse créative du « théâtre de voix ». Mais on pourrait voir esquissée dans l’invention du théâtre de chambre, une autre conception du spectacle, du rapport entre le texte et sa mise en scène qui présidera aux mutations de la fin du siècle. Jean-Jacques Roubine évoque cette orientation, défendue notamment par Théodore de Banville, selon laquelle le dépouillement de la scène, l’évidement de la matière et le minimalisme de la mise en scène donnent leur pleine puissance aux mots, relayés par la participation imaginative du spectateur :

C’est la position de Barbey et de Banville qui, par la suite, permettra l’évolution et le renouveau des pratiques scéniques. Le théâtre est le royaume du poète. C’est le lieu où les mots doivent pouvoir irradier sans obstacle. Où rien ne doit détourner l’attention d’un texte qui suffit à animer l’espace. A ce titre, la mise en scène apparaît comme un trouble-fête. Elle encombre. Elle distrait de l’essentiel. Il doit y avoir, double idéal du plateau, une scène de l’esprit où l’imagination active du spectateur orientée par le texte assure l’essentiel de la régie. Banville, par exemple, prend comme modèle d’un théâtre selon son cœur les Funambules de Deburau et développe le mythe équivoque de la pauvreté créatrice, « l’inépuisable trouveuse, l’impeccable conseillère, la grande inspiratrice » (L’Âme de Paris, 1890). C’est une thèse qui irriguera, de Lugné-Poe à Vilar et à quelques autres, tout un courant de la scène française du XXe siècle40

Mais le roman de Robida, s’il ouvre la possibilité d’un usage proprement poétique du dispositif technique du « théâtre de chambre », ne s’engage finalement pas dans cette voie. À l’inverse, en dévoilant les coulisses de production de la pièce, la fiction dépoétise le texte théâtral. L’illustration de Robida (Figure 6) révèle l’acteur en robe de chambre et bonnet de nuit, le texte à la main, vociférant dans le récepteur de son téléphone. Le corps de l’acteur, effacé par le support téléphonique, revient au premier plan. Le décalage comique entre la gestuelle classique de la déclamation, que l’acteur a conservée, et son environnement trivial et quotidien dépouille alors la scène du prestige de l’illusion.

Figure 6 : Le théâtre de chambre

Figure 6 : Le théâtre de chambre

Illustration d’Albert Robida, VS, p. 73

Les commentaires que produit la famille Ponto, dans Le Vingtième Siècle, après l’écoute de la scène finale d’une comédie transmise par téléphone montrent bien le caractère ambigu du dispositif. La pièce ne tient en effet que par la participation du public, prêt à susciter l’illusion théâtrale en imaginant derrière chaque voix l’individualité d’un personnage. Mais le public est aussi incité à briser cette illusion, en évaluant la réussite du tour de force de l’acteur, sa capacité à incarner de façon convaincante tous les personnages d’une même pièce : « la baronne et le vicomte, Henri et même Angèle, c’était le même monsieur : un gros joufflu, qui a un nez de structure très peu poétique. Il a du talent, mais j’ai bien entendu qu’Angèle parlait du nez ! »41.

L’expérience effective du théâtre de chambre que font les personnages du Vingtième Siècle relève dès lors moins d’une théâtralité épurée et d’une mise en valeur des beautés d’un texte que d’une valorisation de la performance d’un acteur virtuose.

La tragédienne-médium

La fiction d’anticipation de Robida présente une dernière forme de théâtre expérimental qui pousse à la limite la disparition du corps de l’acteur, lui substituant l’envoûtement d’une voix d’exception. Il s’agit d’un théâtre spirite, construit autour d’une actrice, Sylvia, douée du don de médiumnité. Un siècle après ses illustres devancières, elle prête sa voix aux grandes interprètes d’autrefois, Mlle Georges, Rachel ou Sarah Bernhardt, et même aux dramaturges du passé, capables de s’exprimer directement à travers elle.

Rien de plus empoignant, de plus tragique même, que le changement à vue qui se produisait lorsque la tragédienne Sylvia, grande femme, d’apparence robuste, massive même, très calme et très bourgeoise d’allures quand le fluide ne rayonnait pas, après avoir quelque temps assez froidement occupé la scène, se trouvait soudain, avec une contraction amenée par un simple effort de volonté, transfigurée comme sous la secousse d’une pile électrique par l’esprit qui entrait en elle et chassait pour ainsi dire sa personnalité, par l’esprit de l’artiste depuis longtemps disparue qui reparaissait soudain sur les planches foulées autrefois, théâtre de ses anciens succès, qui volait à l’artiste vivante son âme ou l’annihilait, pour se substituer à elle et retrouver ainsi quelques heures d’une existence nouvelle. Parfois, aux grands jours, c’était l’esprit des auteurs eux-mêmes que Sylvia évoquait, et l’on avait cette étonnante surprise d’entendre vraiment Racine, Corneille, Voltaire, Hugo disant eux-mêmes leurs vers et introduisant parfois dans leurs sublimes ouvrages des variantes tombées dans l’oubli ou des changements marqués au sceau d’un génie progressant encore outre-tombe42.

Le théâtre spirite renverse les positions défendues dans Le Paradoxe sur le Comédien. Diderot valorise le « jeu d’intelligence », la distance de l’acteur avec son personnage, qui lui permet de faire d’autant mieux ressentir au public les émotions du rôle que lui-même ne les éprouve pas. À l’inverse, la tragédienne Sylvia ne se contente pas de « jouer d’âme », elle incarne pleinement son rôle, supprimant le principe même de l’illusion. La personne de l’actrice disparaît, elle devient, au sens propre, la voix d’un autre, laissant parler en elle l’auteur ou les plus grandes interprètes de son rôle. À travers son don proprement fantastique, la tragédienne-médium devient ainsi l’actrice hyperbolique, capable d’abolir sa propre identité pour faire entendre le texte pur. La fiction d’anticipation dessine ainsi le stade ultime d’un « théâtre de voix » où c’est l’auteur lui-même qui en viendrait finalement à délivrer son texte au public.

La description de ce phénomène théâtral par le narrateur de La Vie électrique soulève néanmoins une interrogation. Elle met finalement moins en valeur le texte prononcé par la tragédienne que le caractère fantastique de la transformation de l’actrice, sous l’effet du fluide spirite. Ce qui intéresse le public du futur, est-ce alors l’essence de la théâtralité passant par la transmission d’un texte, ou bien une forme supérieure de performance spectaculaire – la métamorphose de l’actrice important en somme davantage que ce qu’elle incarne ?

Quelle place effective Le Vingtième Siècle réserve-t-il à l’utopie d’un renou­vellement radical du théâtre de la fin du siècle ? On ne peut qu’être frappé de l’exceptionnelle inventivité des dispositifs techniques et des nouveaux usages théâtraux que Robida présente au fil des quatre cents pages de sa vaste fresque d’anticipation. De multiples pistes sont ainsi esquissées, mais chacune de ces modalités de théâtre alternatif se voit finalement cantonnée dans une séquence relativement brève. L’utopie théâtrale n’est donc pas développée comme telle par le narrateur. Elle se manifeste comme une « utopie en puissance » dont le lecteur peut choisir de déployer les potentialités, comme nous l’avons fait ici, par exemple, pour le cas du théâtre de chambre. Si des orientations utopiques sont bien présentes dans le théâtre du futur, aussi bien dans sa dimension visuelle, autour du télépho­noscope, que dans sa dimension strictement vocale, plusieurs caractéristiques de la société du Vingtième Siècle viennent néanmoins fragiliser ces éléments d’utopie. La place accordée au peuple, destinataire attendu de toute utopie théâtrale, demeure foncièrement problématique. L’occultation d’un théâtre à vocation proprement artistique au profit de spectacles de divertissement rejoint le propos du roman mettant en scène la crise globale de l’ensemble des arts dans la société du futur. Il est révélateur de constater, par ailleurs, le décalage entre les expérimentations théâtrales réalisées au XXe siècle et celles qu’avait imaginées Robida. Un des grands chantiers de réflexion du vingtième siècle porte sur la place du spectateur dans le processus créateur, sur les modalités de son implication et de sa distanciation. Dans le roman d’anticipation de Robida, en revanche, le spectateur demeure passif face à un théâtre qui repose sur l’illusion et sur une pleine adhésion au spectaculaire. La transformation des représentations théâtrales au tournant du siècle tient aussi au rôle croissant d’une nouvelle fonction, celle du metteur en scène, que Robida n’envisage pas dans sa fiction. Si Le Vingtième Siècle suggère de nombreux usages théâtraux novateurs, il demeure malgré tout prisonnier de son temps et de son contexte d’énonciation, qui ne lui permettent pas d’entrevoir certains débats esthétiques à venir, notamment autour du naturalisme théâtral d’Antoine ou du symbolisme mis en scène au Théâtre de l’Œuvre. Traversé de contradictions, le roman d’anticipation de Robida est profondément ancré dans la culture médiatique de la fin du XIXe siècle. La force de son discours sur le théâtre du futur tient à l’intrication que la fiction opère entre une pensée de l’utopie et une écriture satirique des temps présents.

1 « Introduction », dans Le Spectaculaire dans les arts de la scène : du romantisme à la Belle Époque, sous la direction d’Isabelle Moindrot, Paris

2 Voir Christophe Charle, Théâtres en capitales : naissance de la société du spectacle à Paris, Berlin, Londres et Vienne, 1860-1914, Paris, Albin

3 Jean-Claude Yon, Une histoire du théâtre à Paris, de la Révolution à la Grande guerre, Paris, Aubier, 2012.

4 Le Théâtre français du XIXe siècle : histoire, textes choisis, mises en scène, sous la dir. d’Hélène Laplace-Claverie, Sylvain Ledda, Florence

5 Florence Naugrette, « Les premiers souvenirs de théâtre des Romantiques », Orages n° 4, Boulevard du Crime : le temps des spectacles oculaires

6 Ibid., p. 113.

7 Albert Robida, Le Vingtième Siècle, Paris, Decaux, 1883 (désormais abrégé en VS), p. 56.

8 Pour une analyse des sources et influences techniques qui président à la conception par Robida du téléphonoscope, je renvoie à l’étude de Patrice

9 Voir VS, p. 58-60.

10 Voir la Figure 1, ainsi qu’une illustration représentant, symétriquement, une jeune femme allongée dans son lit, occupée à contempler une pièce

11 C’est le théâtre de San Francisco qui, le premier, emploie l’éclairage électrique en 1879, suivi par le Savoy Theatre de Londres en 1881 (Gösta M

12 VS, p. 24.

13 VS, p. 56.

14 Catherine Naugrette-Christophe, Paris sous le Second Empire : le théâtre et la ville. Essai de topographie théâtrale, Paris, Librairie théâtrale

15 Florence Naugrette, « Les premiers souvenirs de théâtre des Romantiques », Art. cit., p. 102.

16 Sylviane Robardey-Eppstein a mis en évidence les contradictions de cette éducation populaire dans le cadre du Cirque-Olympique (1807-1847) (voir

17 Olivier Bara, « Avant-Propos » dans Orages n° 4, Boulevard du Crime : le temps des spectacles oculaires, op. cit., p. 11.

18 La comparaison avec la place du théâtre populaire dans l’utopie fouriériste étudiée par Françoise Sylvos (voir « Le fouriérisme et le théâtre du

19 Voir Le Théâtre français du XIXe siècle, op. cit., p. 243-253 et p. 477-487, ainsi que « L’"américanisation" du ballet vers 1880 » dans Le

20 « Introduction », dans Le Spectaculaire dans les arts de la scène : du romantisme à la Belle Époque, Art. cit., p. 10.

21 Voir Jean-Jacques Roubine, « La Grande Magie », dans Le Théâtre en France, Jacqueline de Jomaron (dir.), Paris, A. Colin, 1989, t. 2, p. 96.

22 Ibid., p. 97.

23 Un code théâtral stipule en effet explicitement, en 1878 : « Dans les pièces féeriques, l’inventeur et le constructeur des machines dites trucs

24 VS, p. 63.

25 Dans « Le monde des spectacles dans la ville du futur : comment s’évader d’une société positiviste ? », j’aborde ces « clous » sous un angle

26 VS, p. 66.

27 Alfred Bouchard, La Langue théâtrale. Vocabulaire historique, descriptif et anecdotique des termes et des choses du théâtre, Paris, Arnaud et

28 Voir Jacques Roubine, « La Grande Magie », Art. cit., p. 96.

29 Voir Jean-Claude Yon, « La féerie ou le royaume du spectaculaire », Art. cit., p. 133.

30 VS, p. 220.

31 VS, p. 114.

32 VS, p. 115. Cette anecdote forgée par Robida résonne en écho d’un célèbre souvenir de théâtre rapporté par Dumas dans ses mémoires. Lors d’une

33 Revue des Deux Mondes, 1836, cité par Jean-Jacques Roubine, « La grande magie », Art. cit., p. 141.

34 Ibid., p. 140.

35 VS, p. 75.

36 VS, p. 75-76.

37 Pour une présentation de l’évolution et de la brève histoire de cet appareil, voir Danièle Laster, « Splendeurs et misères du Théâtrophone »

38 Victor Hugo, Carnets, Œuvres complètes, éd. du Club Français du Livre, tome XVI, 1970, p. 911 ; cité par Danièle Laster, « Splendeurs et misères

39 VS, p. 74.

40 Jean-Jacques Roubine, « La grande magie », Art. cit., p. 152.

41 VS, p. 75.

42 Albert Robida, Le Vingtième Siècle. La Vie électrique, Paris, La Librairie illustrée, 1892, p. 91. Ce roman fonctionne en diptyque avec Le

1 « Introduction », dans Le Spectaculaire dans les arts de la scène : du romantisme à la Belle Époque, sous la direction d’Isabelle Moindrot, Paris, CNRS-Éditions, 2006, p. 7.

2 Voir Christophe Charle, Théâtres en capitales : naissance de la société du spectacle à Paris, Berlin, Londres et Vienne, 1860-1914, Paris, Albin Michel, 2008.

3 Jean-Claude Yon, Une histoire du théâtre à Paris, de la Révolution à la Grande guerre, Paris, Aubier, 2012.

4 Le Théâtre français du XIXe siècle : histoire, textes choisis, mises en scène, sous la dir. d’Hélène Laplace-Claverie, Sylvain Ledda, Florence Naugrette, Paris, Éd. L’avant-scène théâtre, 2008, p. 35.

5 Florence Naugrette, « Les premiers souvenirs de théâtre des Romantiques », Orages n° 4, Boulevard du Crime : le temps des spectacles oculaires, dirigé par Olivier Bara, mars 2005, p. 113-114.

6 Ibid., p. 113.

7 Albert Robida, Le Vingtième Siècle, Paris, Decaux, 1883 (désormais abrégé en VS), p. 56.

8 Pour une analyse des sources et influences techniques qui président à la conception par Robida du téléphonoscope, je renvoie à l’étude de Patrice Carré, « Robida ou… le réseau mis en scène », dans Albert Robida, du passé au futur, sous la direction de Daniel Compère, Paris, Encrage, 2006, p. 67-80. Le dispositif forgé par Robida témoigne de la fascination de la fin du siècle pour les « machines à images », qui aboutit en 1895 aux premières projections de cinéma. Mais, à la différence de ce cinéma des origines qui fonctionne comme une forme d’attraction foraine collective, dans la société du Vingtième Siècle, le téléphonoscope est devenu un objet de la vie quotidienne familiale. Le support est naturalisé et il s’efface devant la magie propre des images qu’il transmet.

9 Voir VS, p. 58-60.

10 Voir la Figure 1, ainsi qu’une illustration représentant, symétriquement, une jeune femme allongée dans son lit, occupée à contempler une pièce dans son télépho­noscope, VS, p. 55.

11 C’est le théâtre de San Francisco qui, le premier, emploie l’éclairage électrique en 1879, suivi par le Savoy Theatre de Londres en 1881 (Gösta M. Bergman, Lighting in the Theatre, Stockholm, Rowman and Littlefield, 1977). En 1886, l’Opéra de Paris installe à son tour un ambitieux système d’éclairage électrique sur sa scène. Mais c’est surtout l’incendie de l’Opéra Comique de 1887 qui entraîne la généralisation de cette technologie nouvelle sur les scènes parisiennes et provinciales (Jean Boski, L’Évolution de l’éclairage au théâtre, Paris, Architecture d’aujourd’hui, 1938). Je remercie Mariglen Sulejmani et Olivier Bara pour ces précieuses indications bibliographiques.

12 VS, p. 24.

13 VS, p. 56.

14 Catherine Naugrette-Christophe, Paris sous le Second Empire : le théâtre et la ville. Essai de topographie théâtrale, Paris, Librairie théâtrale, 1998, p. 225.

15 Florence Naugrette, « Les premiers souvenirs de théâtre des Romantiques », Art. cit., p. 102.

16 Sylviane Robardey-Eppstein a mis en évidence les contradictions de cette éducation populaire dans le cadre du Cirque-Olympique (1807-1847) (voir « Foules belliqueuses pour foules sentimentales. Le Théâtre du Cirque-Olympique comme école du peuple dans le discours critique : visions paradoxales », dans Peuple et théâtre, de Condorcet à Gémier, dirigé par Olivier Bara, à paraître aux Classiques Garnier en 2016).

17 Olivier Bara, « Avant-Propos » dans Orages n° 4, Boulevard du Crime : le temps des spectacles oculaires, op. cit., p. 11.

18 La comparaison avec la place du théâtre populaire dans l’utopie fouriériste étudiée
par Françoise Sylvos (voir « Le fouriérisme et le théâtre du peuple en France au XIXe siècle » dans Peuple et théâtre, de Condorcet à Gémier, op. cit.) est éclairante. Fourier imagine un théâtre par et pour le peuple, placé au cœur de la vie sociale. Dans les revues aux accents fouriéristes, comme les Récréations instructives, des petites pièces morales ont une fonction didactique, contribuant à l’éducation populaire. Si l’objectif d’un « art pour tous » est en apparence commun aux projections futuristes de Fourier et de Robida, le peuple n’est, en revanche, plus un acteur dans Le Vingtième Siècle. Il n’est désormais présent qu’en creux, comme destinataire de spectacles où la quête de l’éblouissement a pris le pas sur la volonté d’instruction.

19 Voir Le Théâtre français du XIXe siècle, op. cit., p. 243-253 et p. 477-487, ainsi que « L’"américanisation" du ballet vers 1880 » dans Le Spectaculaire dans les arts de la scène : du romantisme à la Belle Époque, op. cit., p. 283 : L’Eden-Théâtre, nouveau temple du ballet italien constitue le modèle de ces établissements d’un luxe inédit,
où « le gigantisme confine à l’hypertrophie ». Il est inauguré l’année où paraît Le Vingtième Siècle avec Excelsior, un ballet dont l’esthétique est très proche de celle des spectacles de 1952 décrits par Robida : « plusieurs centaines de personnes en scène, onze tableaux, des décors majestueux, d’innombrables accessoires, une choré­graphie privilégiant la virtuosité des solistes et les effets de masse » (Id.).

20 « Introduction », dans Le Spectaculaire dans les arts de la scène : du romantisme à la Belle Époque, Art. cit., p. 10.

21 Voir Jean-Jacques Roubine, « La Grande Magie », dans Le Théâtre en France, Jacqueline de Jomaron (dir.), Paris, A. Colin, 1989, t. 2, p. 96.

22 Ibid., p. 97.

23 Un code théâtral stipule en effet explicitement, en 1878 : « Dans les pièces féeriques, l’inventeur et le constructeur des machines dites trucs, qui font le plus souvent la partie principale, doit être considéré comme collaborateur et peut, en cette qualité, exiger sa quote-part de droits d’auteur et l’insertion de son nom sur l’affiche. » Charles Le Senne, Code du théâtre, lois, règlements, jurisprudence, usages, Paris, Tresse, 1878, p. 190, cité par Jean-Claude Yon, « La féerie ou le royaume du spectaculaire », dans Le Spectaculaire dans les arts de la scène : du romantisme à la Belle Époque, op. cit., p. 126.

24 VS, p. 63.

25 Dans « Le monde des spectacles dans la ville du futur : comment s’évader d’une société positiviste ? », j’aborde ces « clous » sous un angle différent, comme emblèmes d’un art industriel mettant en abyme la situation d’énonciation de Robida lui-même dans la sphère médiatique (Nineteenth-Century French Studies, Romans d’anticipation : une évasion du présent, sous la dir. de Claire Barel-Moisan, 43 : 3-4, Spring-Summer 2015, p. 209-222).

26 VS, p. 66.

27 Alfred Bouchard, La Langue théâtrale. Vocabulaire historique, descriptif et anecdotique des termes et des choses du théâtre, Paris, Arnaud et Labat, 1878, p. 116-117.

28 Voir Jacques Roubine, « La Grande Magie », Art. cit., p. 96.

29 Voir Jean-Claude Yon, « La féerie ou le royaume du spectaculaire », Art. cit., p. 133.

30 VS, p. 220.

31 VS, p. 114.

32 VS, p. 115. Cette anecdote forgée par Robida résonne en écho d’un célèbre souvenir de théâtre rapporté par Dumas dans ses mémoires. Lors d’une reprise d’Antony par Marie Dorval et Bocage, la représentation fut interrompue juste avant le dénouement et Bocage ne revint pas sur scène. Le public déçu réclamait la fameuse réplique finale. Marie Dorval se releva alors et s’avança face au public : « — Messieurs, dit-elle, je lui résistais, il m’a assassinée ! Puis elle tira une belle révérence, et sortit de scène, saluée par un tonnerre d’applaudissements. » Mes Mémoires, d’Alexandre Dumas, Paris, Calmann Lévy, 1884 (deuxième édition), t. VIII, p. 116. Je remercie vivement Sylviane Robardey-Eppstein qui m’a signalé cette intertextualité et m’a guidée dans ma découverte du théâtre sous la Restauration.

33 Revue des Deux Mondes, 1836, cité par Jean-Jacques Roubine, « La grande magie », Art. cit., p. 141.

34 Ibid., p. 140.

35 VS, p. 75.

36 VS, p. 75-76.

37 Pour une présentation de l’évolution et de la brève histoire de cet appareil, voir Danièle Laster, « Splendeurs et misères du Théâtrophone », Romantisme n° 41, année 1983, vol. 13, p. 74-78.

38 Victor Hugo, Carnets, Œuvres complètes, éd. du Club Français du Livre, tome XVI, 1970, p. 911 ; cité par Danièle Laster, « Splendeurs et misères du Théâtrophone », Art. cit., p. 75.

39 VS, p. 74.

40 Jean-Jacques Roubine, « La grande magie », Art. cit., p. 152.

41 VS, p. 75.

42 Albert Robida, Le Vingtième Siècle. La Vie électrique, Paris, La Librairie illustrée, 1892, p. 91. Ce roman fonctionne en diptyque avec Le Vingtième Siècle, dont il reprend les personnages.

Figure 1 : Le théâtre chez soi par téléphonoscope

Figure 1 : Le théâtre chez soi par téléphonoscope

Illustration d’Albert Robida, Le Vingtième Siècle, Paris, Decaux, 1883, p. 56-57

Figure 2 : Spectateurs africains par le téléphonoscope

Figure 2 : Spectateurs africains par le téléphonoscope

Illustration d’Albert Robida, VS, p. 62

Figure 3 : Les Mimes de Chicago dans les Horaces au Théâtre-Français

Figure 3 : Les Mimes de Chicago dans les Horaces au Théâtre-Français

Illustration d’Albert Robida, VS, p. 65

Figure 4 : La salle de la Comédie-Française (Palace-Molière)

Figure 4 : La salle de la Comédie-Française (Palace-Molière)

Illustration d’Albert Robida, VS, p. 28-29

Figure 5 : Le théâtre en trois langues

Figure 5 : Le théâtre en trois langues

Illustration d’Albert Robida, VS, p. 114-115

Figure 6 : Le théâtre de chambre

Figure 6 : Le théâtre de chambre

Illustration d’Albert Robida, VS, p. 73

Claire Barel-Moisan

UMR-LIRE-ENS Lyon
Chargée de recherches au CNRS (UMR LIRE, ENS Lyon). Elle enseigne à l’Université Paris 3. Spécialiste de la poétique romanesque balzacienne, elle a publié des travaux portant sur la littérature romanesque du XIXe siècle (en particulier sur Balzac, Sand et Flaubert) et dirigé deux recueils sur Balzac, Balzac avant Balzac avec José-Luis Diaz, et Balzac, l’aventure analytique avec Christèle Couleau (éd. Christian Pirot, 2006 et 2009). Ses recherches portent actuellement sur l’insertion de la science et des savoirs dans le roman français du XIXe siècle. Elle fait partie de l’ANR Biolographes (sur la littérature et les savoirs biologiques au XIXe siècle) et dirige l’ANR Anticipation, sur le roman d’anticipation scientifique au tournant du XIXe siècle (1860-1940). Elle viend de rééditer un de ces romans d’anticipation, publié en 1846 par Émile Souvestre : Le Monde tel qu’il sera (éd. Skol Breizh, 2013)