Du crime d’état à la consécration. Les remords du souverain dans le théâtre du XVIIe siècle

Caroline Labrune

DOI : 10.61736/tropics.3396

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Caroline Labrune, « Du crime d’état à la consécration. Les remords du souverain dans le théâtre du XVIIe siècle », Tropics [En ligne], 18 | 2025, mis en ligne le 01 décembre 2025, consulté le 02 décembre 2025. URL : https://tropics.univ-reunion.fr/3396

Le motif du remords est discriminant dans la caractérisation des monarques qui peuplent les tragédies et tragi-comédies du xviie siècle, dont il permet d’établir une typologie. Au bas de cette échelle éthique et politique se trouvent les monstres et les bourreaux d’eux-mêmes, qui mettent en accord éthique et politique à leur propre détriment : les premiers ne suscitent cependant pas la pitié, contrairement aux seconds. Les coupables repentants peuvent, quant à eux, rester sur le trône : ces miraculés n’accèdent pas pour autant à une véritable consécration, car la politique est alors inféodée à l’éthique. À l’inverse, cette dernière s’efface devant la première quand l’État risque la ruine et que le monarque coupable accède malgré tout à une consécration pleine et entière après avoir rejeté le remords. Ainsi, les dramaturges du xviie siècle jouent avec des limites qui, dans le monde réel, sont censées rester contraignantes.

The fact that a monarch feels or does not feel remorse after having committed a crime, in 17th century tragedies and tragi-comedies, is crucial. It shows what type of sovereign they are. The worse amongst them are either monsters who never regret anything, or those who torment themselves out of guiltiness. Both these types of monarchs are condemned ethically and politically. Some repentant tyrants may remain on the throne, but they are not considered as true rulers. Indeed, in that case, politics is conditioned by ethics. On the contrary, ethics gives way to politics when the state is exposed to its own destruction, in which case, paradoxically, a guilty monarch can be fully consecrated only if he feels, and then rejects remorse. This typology shows that seventeenth-century playwrights manage to play with rules that are supposed to be binding in the real world.

Si l’on en croit les ambitieux farouches qui peuplent les tragédies et tragi-comédies du xviie siècle1, « tous les crimes sont beaux qu’on peut justifier »2 quand il s’agit de s’emparer du trône ; à « massacrer son maître », « on devient […] au moins un magnifique traître »3. Autant dire que le remords, ce « reproche que la conscience fait à un criminel, qui l’oblige à se repentir de son crime [et] qui lui en fait appréhender la punition »4, n’a pas lieu d’être une fois que l’on a réussi à se hisser au faîte du pouvoir – comme l’affirme le Créon de Racine :

Attale
Vous n’avez plus, Seigneur, à craindre que vous-même,
On porte ses remords avec le Diadème.

Créon
Quand on est sur le Trône on a bien d’autres soins,
Et les remords sont ceux qui nous pèsent le moins.
(La Thébaïde, III, 6, v. 991-994)

De tels discours sont d’autant plus péremptoires qu’ils sont tenus a priori : préoccupés par leur libido dominandi dévorante, les aspirants au pouvoir ne voient guère que le trône auquel ils prétendent.

Mais qu’en est-il quand un personnage est couronné après avoir éradiqué presque toute sa famille5, après avoir commis le crime de lèse-majesté6 par excellence en détrônant son empereur7 ou après s’être baigné dans le sang de ses opposants8 ? En réalité, l’heureux succès politique n’abolit pas plus la morale9 que l’échec d’une conspiration ne garantit les remords d’un criminel de lèse-majesté10 dans le théâtre tragique du xviie siècle. De fait, nombreux sont les souverains coupables qui entendent les reproches de leur conscience et s’exposent aux vertiges de la culpabilité. Et pour cause : pourquoi les dramaturges se seraient-ils privés d’un motif qui, non seulement, contribue à ouvrir l’espace tragique parce qu’il est ancré dans le « for privé »11, mais qui prête particulièrement au déploiement des deux passions essentielles au genre de la tragédie, la crainte et la pitié12 ? Outre sa dimension intrinsèquement morale, le remords a valeur esthétique, et même proprement tragique, au xviie siècle. C’est pourquoi sa représentation est particulièrement et richement dramatisée – que ce soit par sa mise en exergue au début13 ou à la fin de la pièce14, par son inscription au sein d’un discours délibératif15, par sa mise en série16 ou par son association au motif de la fureur17.

Tout cela ne semble pas devoir prêter à confusion. Tout crime réclamant châtiment, un coupable sera au mieux bourrelé de remords à juste titre, au pire voué à la réprobation s’il s’obstine à ne pas se repentir. Cependant, l’application du motif à des figures souveraines pose problème : en entrant en politique, l’éthique ouvre ce qui, de son point de vue, n’aurait jamais dû être un débat. De fait, à quoi bon vouer un monarque à un remords désespérant si cela condamne l’État à la crise ? Ne vaut-il pas mieux un royaume effectivement gouverné, quitte à ce que ce soit par un souverain sans scrupules, plutôt qu’un trône voué, à terme, à la vacance en raison de la fureur coupable de son tenant ? En d’autres termes, le règne d’Orode18 ne vaut-il pas mieux, concrètement, que celui d’Hérode19 ? Quant aux remords d’Octave dans Cinna, ne doivent-ils pas être dépassés pour que Rome évite de sombrer dans l’anarchie ?

Ainsi, c’est la brûlante question de la valeur politique du reproche de conscience que les dramaturges tragiques posent, de Cinna (1641) à Athalie (1691). Loin de n’être qu’une question d’éthique, le remords et sa gestion s’avèrent discriminants dans la caractérisation des monarques, dont ils permettent d’établir une typologie complexe et, dans certains cas, extrêmement ambiguë, et c’est en étudiant pourquoi la plupart des souverains coupables n’accèdent pas à la consécration20 politique que l’on peut comprendre comment, exceptionnellement, l’État parvient à éclipser la morale en la retournant contre elle-même.

Crime et châtiment

Une fois parvenus au faîte du pouvoir, bon nombre d’usurpateurs et de criminels d’État confirment les propos d’Anaxaris, de Séjanus et de Créon en n’éprouvant aucun remords21. Au premier rang de ces figures monstrueuses, on trouve l’usurpateur Phocas dans l’Héraclius, empereur d’Orient de Pierre Corneille (1647).

Ce « simple soldat à l’Empire élevé » (I, 1, v. 11) est coupable d’avoir « mis au tombeau, pour régner sans effroi, / Tout ce qu’[il] en [a] vu de plus digne que [lui] » (v. 19-20), c’est-à-dire l’empereur Maurice et ses fils – à l’exception d’un : le personnage éponyme. Or non seulement Phocas est touché par une véritable lassitude du pouvoir (v. 1-8), mais il a une conscience aiguë de la gravité de ses crimes, qu’il récapitule dans la première scène de la pièce (v. 9-42). Il ne manifeste pourtant aucun remords : c’est en vain qu’on chercherait une quelconque préoccupation morale chez ce criminel d’État qui croit « [avoir fait] dégoutter plus de lait que de sang de l’héritier du trône » (I, 1, v. 40) – « prodige affreux » qui n’a rien d’une image22. Aussi est-ce avec une certaine ironie qu’il invite la fille du défunt Maurice, Pulchérie, « d’imputer à [ses] remords l’effet de [la] bonté » qu’il lui témoigne (I, 2, v. 192 ; nous soulignons) en lui offrant la main de celui qu’il croit être son fils23. La princesse a beau jeu de lui renvoyer le terme quelques vers plus bas :

Pulchérie
Toi, si quelque remords te donne un juste effroi,
Sors du trône, et te laisse abuser comme moi,
Prends cette occasion de te faire justice. (I, 2, v. 251-253)

L’ironie est cinglante : elle se mesure à l’aune des diatribes insultantes que la jeune femme vient d’adresser à son tyran (v. 109-152 et 173-189), qui vident la condition initialement formulée de toute vraisemblance. Le « remords » ici invoqué semble aussi improbable que les verbes à l’impératif cumulés paraissent dérisoires. Aussi est-ce sans surprise que le spectateur entend Phocas menacer Pulchérie de mort si elle continue à refuser la main du prétendu Martian (v. 254-262).

Une telle réaction, stratégiquement située à l’orée de la pièce, a valeur programmatique : l’usurpateur restera impénitent tout le long de la pièce. Plus grave encore : il s’efforcera toujours « d’éteindre à jamais [les] troubles intestins » de l’empire (III, 4, v. 1110) selon une logique de gradation dans le crime puisque, outre l’extinction de la famille impériale, il va envisager de commettre un infanticide (V, 4, v. 1745-1752). Le remords n’étant jamais actualisé, le repentir ne peut advenir : c’est pour cette raison que Phocas doit être non seulement compté parmi les grands monstres cornéliens, mais aussi considéré comme une préfiguration de l’Attila de Pierre Corneille24.

C’est donc avec soulagement que les spectateurs doivent voir les crimes de Phocas punis de mort (V, 6-7). Le sentiment de justice immanente qu’ils éprouvent doit être d’autant plus intense que l’action d’Héraclius est placée sous l’égide de Dieu, dont le dessein est évoqué à plusieurs reprises au cours de la pièce (v. 302, 469-471 et 1032-1035) : pour le public chrétien du xviie siècle, la caution est irrécusable. C’est également en cela qu’Héraclius préfigure Attila – à ceci près que, là où Dieu se réserve la tâche de châtier le roi des Huns par une « hémorragie providentielle »25, il remet à Exupère et à ses conjurés le soin d’éliminer Phocas. C’est donc à tort que Pulchérie affirme que « Dieu [veut] réserver à ses puissantes mains [le supplice de Phocas] », et « fait avorter exprès tous les moyens humains » pour « frapper le coup sans [le] ministère [des hommes] »26 (III, 3, v. 1032-1035). Toujours est-il que l’absence de remords de l’un comme de l’autre les aura privés de toute indulgence de la part de la divinité comme du public : on ne saurait accorder un pardon à qui ne le demande pas.

Le soulagement éminemment moral des spectateurs coïncide, en l’occurrence, avec un rétablissement de l’ordre public :

Héraclius
Reconnaissons, amis, la céleste puissance,
Allons lui rendre hommage, et, d’un esprit content
Montrons Héraclius au Peuple qui l’attend. (V, 7, v. 1914-1916)

Ici, le verbe reconnaître doit être pris en deux sens : le héros incite les autres personnages tout autant à déceler la main de Dieu dans les événements qui viennent de se dérouler, qu’à lui témoigner leur gratitude pour avoir rétabli l’ordre. Éthique et politique s’alignent donc pour condamner le souverain criminel – ce que manifeste le parallélisme syntaxique des deux ultimes vers de la pièce, dont le premier renvoie au culte religieux, et le second au cérémonial public.

Ainsi la morale et l’État sont-ils tous deux saufs : pour Phocas, comme pour tout criminel d’État sans remords27, il n’est ni rédemption, ni consécration dans le théâtre du xviie siècle. Si de telles figures peuvent, de fait, susciter une certaine admiration28 chez les spectateurs – comme l’a souligné Pierre Corneille29 –, elles ne sauraient faire naître en eux une quelconque pitié, ni faire l’objet d’une quelconque justification.

« Si vous ne l’étouffez il vous sera funeste »

Est-ce à dire que le remords peut, a contrario, garantir l’une et l’autre ? On pourrait le croire puisque certains souverains qui en sont touchés restent à la tête d’un État ignominieusement conquis. Cet état de fait a de quoi indigner, comme le souligne le héros du Cinna de Pierre Corneille :

Auguste aura saoulé ses damnables envies,
Pillé jusqu’aux autels, sacrifié nos vies,
Rempli les champs d’horreur, comblé Rome de morts,
Et sera quitte après pour l’effet d’un remords ! (II, 2, v. 653-656)

De façon significative, « l’effet [du] remords » est contraint ici par les bornes de l’hémistiche dans lequel il s’inscrit et rejeté à l’extrême fin de la phrase : il ne pèse donc pas lourd face à l’accumulation répartie sur non moins de trois vers par laquelle Cinna récapitule les crimes d’Auguste. Cela confère une double valeur au déterminant un : compris comme un numéral, il présente le reproche de conscience de l’empereur comme insuffisant vis-à-vis des multiples exactions dont il s’est rendu coupable ; compris comme un article indéfini, il suggère une banalité choquante quand on la met en contraste avec les exactions en question. Dans ces conditions, le remords d’Auguste paraît à la fois dérisoire et scandaleux.

Mais peut-on nécessairement considérer le maintien d’un souverain sur le trône comme une quittance symbolique de ses crimes ? Quand les remords sont inextinguibles, que l’exercice du pouvoir prend des allures de torture et que cela menace l’équilibre de l’État, l’éthique n’éreinte-t-elle pas la politique ? C’est ce que Jean de Rotrou démontre de façon particulièrement éloquente en mettant en scène un véritable bourreau de soi-même (et de l’État) dans Cosroès (1649).

Pour accéder plus tôt que prévu au trône de Perse, le personnage éponyme a tué son père, le roi Hormisdas. Or une fois parvenu au faîte du pouvoir, « un remords éternel [le] traverse à tout propos » (II, 1, v. 392), si violemment qu’il « altère » son esprit (I, 3, v. 180), « possède sa raison » (II, 1, v. 396) et le livre à une « fureur tragique plus qu’une simple folie »30. De façon significative, la première apparition du souverain coïncide avec une crise de culpabilité au cours de laquelle il supplie les Furies de lui donner la mort (v. 357-368) et croit voir les Enfers ouverts sous ses pieds (v. 373-395). Le public a donc tout le loisir de mesurer l’étendue de la mélancolie31 et du désordre mental extrêmes qui le touchent et qui l’incitent au suicide (v. 409-410). En Cosroès, c’est « la figure absolue du Remords et de la folie parricide »32 que Rotrou met en scène, et c’est pourquoi la reine Syra a raison d’affirmer que « si [le roi] n’étouffe [pas son remords], il [lui] sera funeste » (v. 402).

Le spectateur mesure cependant toute l’ironie d’une telle affirmation. En effet, Syra exploite ici les passions destructrices de son époux pour le faire renoncer au trône : comme Cosroès vient d’affirmer que « Tout l’État, où [il] occupe un rang illégitime, / [Lui] montre son crime » (v. 405-406), elle affirme qu’il doit en « dépose[r] le fardeau » (v. 422) pour « décharge[r son] esprit de ce qui le traverse » (v. 425) en le remettant à leur fils Mardesane, au détriment du prince aîné que Cosroès a eu d’un premier lit, Syroès. Or cela va avoir des conséquences politiques désastreuses : outre le fait qu’il n’a pas le droit de déposer la couronne33, et que son geste est bien moins signe de repentir que de désespoir, Cosroès va susciter ainsi la révolte de l’armée, déjà en partie indisposée par son crime originel34 et indignée par la violation ouverte du « droit d’aînesse » et de « la loi de l’État » (v. 464) qu’il envisage. Comme le souligne le satrape Pharnace : « pour [maintenir Syroès] tout l’État périra » (I, 4, v. 327). En bafouant la loi successorale, Cosroès court à sa perte : Syra a donc raison d’affirmer que le remords lui sera funeste s’il ne l’étouffe pas. Ironiquement, cependant, ce n’est pas au sens où elle l’entend.

Dans ces conditions, le remords ne saurait être considéré comme un ferment de consécration politique ; cela est d’autant plus vrai qu’il se perpétue et transcende les générations. De fait, en couronnant Mardesane, Cosroès pousse son fils aîné à commettre le crime dont il s’était lui-même rendu coupable envers Hormisdas. L’Histoire se répète : comme le Syroès le prévoyait dès le début de la pièce (I, 3, v. 259-263), les remords envahissent son âme. Il devient alors aussi furieux que son père, dont il embrasse, ironiquement, les pulsions suicidaires35. « Syroès ne fait [donc] pas que succéder à son père : il devient un nouveau Cosroès », ce qui « fait craindre au spectateur la perspective d’un royaume éternellement corrompu, rongé par les intrigues et par les crimes contre-nature »36.

Quand bien même le jeune prince s’épargnerait de funestes remords en renonçant à détrôner son père – comme il tente effectivement de le faire, mais trop tard (V, 4) –, tout recommencerait. Syra étant inaccessible à la générosité, elle exploiterait, une fois encore, la mauvaise conscience de son époux en faveur de Mardesane et chercherait à tuer son beau-fils à tout prix37. Une fois encore, « tout l’État » se trouverait plongé dans la crise, sans remède possible. Quel que soit le cas de figure envisagé, le remords est ferment de désastre politique.

Ainsi n’est-il ni pardon, ni consécration pour qui « porte ses remords avec le Diadème ». Dans Cosroès comme dans La Mort de Mithridate de La Calprenède38 ou dans La Thébaïde de Racine39, morale et politique s’accordent pour condamner le souverain coupable et accablé de remords – ce qui n’exclut pas une pitié catégoriquement refusée aux monstres comme Phocas.

« Un remords importun l’a toujours tourmenté »

Dès lors, comment interpréter la (rare) indulgence dont certains souverains criminels et tourmentés font l’objet ? Nous pensons ici au Sésostris de Françoise Pascal (166140), où l’usurpateur Amasis est finalement maintenu sur le trône d’Égypte avec la bénédiction du légitime héritier de la couronne.

Plusieurs éléments éclairent le sort extraordinaire de ce miraculé. En effet, non seulement Amasis n’a pas pris de part à la déposition d’Apriez, qui a été détrôné par les peuples de Thèbes et d’Héliopolis (I, 1, v. 15-20), mais un gouffre le sépare de Phocas : là où ce dernier ouvre la tragédie de Corneille sur une profession d’infamie qui conditionne l’ensemble de la pièce, Amasis inaugure celle de Françoise Pascal en montrant toute l’étendue du « remords qui lui ronge le sein » (I, 1, v. 1041). De façon significative, le terme lui est associé à non moins de quatre reprises au cours du premier acte (v. 10, 118, 253 et 318), et cela est d’autant plus frappant qu’il pourrait aisément se laisser influencer par son odieux favori, Héracléon, qui l’encourage à ne pas avoir de scrupules rétrospectifs (I, 2, v. 103-114). Ce « remords importun » est d’autant plus sincère qu’il n’a pas attendu de revoir le défunt Apriez en songe (I, 2, v. 45-94), ni d’être frappé d’une cécité envoyée par les dieux (I, 1, v. 37-38 ; V, 1, v. 1375 ; V, 3 ; et V, 7, v. 1531-1536) pour l’éprouver : selon la princesse Lysérine, il « l’a toujours tourmenté » (I, 5, v. 318). Aussi Amasis ne saurait-il être mis au même rang que l’usurpateur du trône d’Orient.

Pour autant, un crime de lèse-majesté a bel et bien été commis : pour avoir accepté le pouvoir que le peuple d’Égypte n’avait aucun droit de lui remettre, Amasis est objectivement coupable42, et son remords ne saurait suffire à le justifier – comme le manifeste l’aveuglement dont il est frappé. Que penser, dès lors, de son maintien sur le trône d’Égypte à la fin de la pièce ? L’état de fait peut-il être interprété comme le signe d’un pardon inconditionnel et d’une véritable consécration politique ? Cela ne saurait être, dans la mesure où Amasis ne l’a justement obtenu qu’au prix de son abdication (V, 7, v. 1530-1540), c’est-à-dire par l’acte d’abandon politique ultime que constitue « l’inouï refus de l’autorité suprême »43. Ainsi le souverain incarne-t-il l’usurpation non pas couronnée, mais seulement excusée ; cela est d’autant plus vrai que Sésostris ne propose à l’usurpateur de conserver la couronne que parce qu’il aime sa fille, Thimarette44. Contrairement à ce qu’on pourrait croire au premier abord, la politique n’outrepasse donc pas l’éthique dans Sésostris : au contraire, elle s’assujettit à cette dernière.

La singularité de la pièce s’explique par le genre auquel elle appartient. Rappelons en effet qu’à partir des années 1630, la tragi-comédie a fondé son propre succès sur « sa qualité de divertissement sans conséquence » et sur sa nature « apolitique » :

[…] la tragi-comédie se moque de l’historicité de son intrigue, tandis que la noblesse des personnages leur assure cohérence et grandeur morales sans pour autant les propulser sur le devant de la scène politique. Si l’espace du pouvoir s’y trouve sans cesse convoqué, puisque les principaux personnages sont des souverains en exercice ou des princes héritiers, ils n’hésitent cependant pas, pour l’amour d’une belle, à se déguiser, à mentir, à faire emprisonner des rivaux, bref à agir comme hommes et non comme rois45.

Subordonner la politique à d’autres enjeux46 qui règlent son éthique est l’essence même de la tragi-comédie. Ce genre était donc seul apte à mettre en scène une figure comme Amasis – ce que confirme une autre tragi-comédie, Le Prince rétabli de Guérin de Bouscal47. En tout état de cause, c’est en vain que l’on chercherait l’équivalent de l’usurpateur du trône d’Égypte dans le corpus tragique de l’époque.

Ainsi, le remords d’un souverain coupable ne peut être salvateur que si l’État cède le pas à l’éthique. Au commun des usurpateurs, touchés par un reproche de conscience superficiel, reviennent la honte et la fuite ; ceux qui, comme Amasis, ont eu la lucidité suprême d’abdiquer, peuvent en revanche conserver leur couronne – quoique celle-ci n’ait qu’un faux lustre. Si nos dramaturges montrent, de fait, quelque indulgence à leur endroit, cette indulgence reste donc toute relative : dans le théâtre du xviie siècle, il n’est pas de véritable gloire pour les miraculés de la politique.

Le remords éclipsé

Il est néanmoins un souverain qui, nonobstant le remords qui le ronge, éblouit personnages et spectateurs au point d’être finalement maintenu sur le trône avec les honneurs et en toute gloire. Épiphanie inouïe s’il en est : comment la condamnation morale peut-elle être le support d’une consécration politique ? C’est pourtant bel et bien le tour de force que Corneille accomplit avec le personnage d’Auguste, « maître48 de [lui] comme de l’Univers » dans Cinna (V, 3, v. 1696).

Le sanglant responsable des proscriptions n’était en rien destiné à bénéficier d’une faveur aussi insigne : nous l’avons vu, le personnage éponyme souligne à quel point acquitter un tel criminel d’État serait a priori scandaleux (II, 2, v. 653-656). Or voici ce qu’il ajoute après avoir violemment dénigré le remords d’Auguste :

Quand le Ciel par nos mains à le punir s’apprête,
Un lâche repentir garantira sa tête ! (v. 657-658)

Très ironiquement, Cinna ne tient pas ici un autre discours que l’épouse de l’empereur, Livie : « [s’]emporter à [l’]extrémité [d’abdiquer serait] plutôt désespoir que générosité » (IV, 3, v. 1239-1240). De fait, Corneille mine de l’intérieur le réquisitoire du héros en lui faisant qualifier de « lâche » le repentir d’Auguste : l’antéposition de l’adjectif, nécessaire en vertu de la métrique, a surtout valeur essentialisante. Ainsi présenté, le mouvement du souverain ne saurait être qu’un indigne aveu de faiblesse :

[…] le remords qui ravage ici le vieil empereur […] lui fait engager [un] dialogue avec son double qui touche presque à l’hallucination. Et c’est pour échapper à ce remords proprement intolérable qu’il envisage tour à tour le suicide et le châtiment, l’auto-punition ou la répression féroce49.

Si Auguste ne ferait qu’aggraver sa crise de conscience en persévérant dans la violence, il vouerait Rome à sa ruine en abdiquant sous l’effet du remords : Cinna s’est, très ironiquement, chargé de le lui prouver dans des tirades d’une éloquence retentissante (II, 1, v. 499-521 et 565-620). Ainsi, tant que l’empereur se laisse tenter par un « lâche repentir », il ne peut que susciter conjointement la crainte et la pitié. Bourrelé de remords, il n’est qu’Octave50.

Pour devenir véritablement Auguste, il doit donc abandonner ce qui ne peut être considéré que comme des oripeaux moraux dégradants – c’est-à-dire proscrire le remords et exclure, a fortiori, le repentir. Ainsi Corneille réoriente-t-il de façon spectaculaire les propos que Cinna tenait au deuxième acte de la pièce. Rappelons en effet que le héros affirmait alors en grande pompe la maxime selon laquelle « on garde sans remords ce qu’on acquiert sans crime » (II, 1, v. 414). Prononcée par un conjuré devant Auguste lui-même, une telle phrase frappait par son ironie. Cependant, à la fin de la pièce, il apparaît que l’empereur doit précisément garder sans remords ce qu’il a acquis par des crimes : il « triomphe » ainsi non seulement « du plus juste courroux » qui soit (V, 3, v. 1699-1700), mais également et surtout du plus juste remords qu’il puisse éprouver. Plus ironique encore : tout se renverse, puisque le crime n’est plus imputable qu’à Cinna51, et que le repentir devient l’apanage d’Émilie52. Il importe dès lors d’étudier à nouveaux frais les deux derniers vers de la pièce : « Auguste a tout appris et veut tout oublier » (V, 3, v. 1780). Ici, le référent de la deuxième occurrence pronom indéfini tout est ambigu : s’il renvoie notamment à la conjuration menée par Cinna53, il implique également, par extension, tout ce qui a suscité cette dernière – c’est-à-dire les proscriptions.

Si l’empereur de Corneille peut faire « le formidable pari de la clémence »54, c’est donc précisément parce qu’il rejette toute perspective de repentir : s’il peut effacer de sa mémoire comme de celles des autres le souvenir des proscriptions, c’est grâce à la dissolution pure et simple de son remords – ce qui dissout toute pitié chez les spectateurs, pour ne plus laisser place qu’à une admiration sans bornes et sans mélange. Nous ne nous accordons donc pas pour dire avec Louis Herland que « le drame d’Auguste est – et n’est que – le drame du remords »55 ; pas plus que nous ne voyons en lui une figure du « remords sublimé »56. En tant que « Maître », l’Auguste de Corneille constitue avant tout une figure du remords brillamment éclipsé.

Est-ce à dire que ses remords étaient nuls et non avenus ? Sans eux, le premier empereur de Rome aurait-il pu accéder à la consécration mise en scène par Corneille ? À une période où fleurissent les œuvres moralement prescriptrices adressées aux souverains57, cela ne saurait être. C’est ce que démontre par contraste l’Oropaste de Boyer58, dont le personnage éponyme se fait passer pour le défunt roi de Perse, à la faveur de leur ressemblance extraordinaire. Or, de façon confondante et significative, il est présenté comme « le roi » de Perse aussi bien dans la liste des « acteurs »59 qu’à chaque didascalie attributive ; il est par ailleurs marqué par une majesté mystique profondément ambiguë qui le fait passer pour le véritable Tonaxare auprès de plusieurs personnages de la pièce60. Il pourrait donc, comme Auguste, être définitivement couronné et justifié ; mais c’est justement ce qui lui est refusé, notamment parce qu’il ne connaît pas le remords et constitue, à ce titre, une figure éminemment immorale.

Conclusion

Ainsi, le motif du remords permet de dégager une typologie riche et complexe des figures souveraines qui peuplent le théâtre du xviie siècle.

  • Au plus bas de l’échelle, se trouvent les usurpateurs sans scrupules tels que Phocas : sourds au reproche de leur conscience, donc inaptes au repentir, ils mettent en accord éthique et politique à leur propre détriment. Infâmes et finalement détrônés, ils se voient, en sus, refuser la pitié du spectateur : il n’est point de salut, à quelque égard que ce soit, pour les monstres, tout « admirables » qu’ils puissent être dans la « grandeur » du mal61.

  • Quand un remords inextinguible frappe les souverains criminels, comme c’est le cas de Cosroès, ceux-ci sombrent dans la fureur : tentés par un repentir tragiquement trompeur, ils courent eux-mêmes à leur ruine et exposent l’État à l’anarchie. Ici, éthique et politique s’accordent, quoique indirectement, pour les condamner. Pour autant, le supplice moral que ces souverains s’infligent les rend dignes de pitié : le pathétique est l’unique dignité des figures éminemment aristotéliciennes62 que sont les bourreaux d’eux-mêmes.

  • Au monarque coupable dont le remords se mue en repentir éclairé, il peut être concédé de rester sur le trône. La politique s’efface alors, paradoxalement, devant l’éthique : de fait, on ne saurait considérer comme « consacré » celui qui, comme l’Amasis de Françoise Pascal, n’est maintenu au rang suprême que parce qu’il y a précédemment renoncé. La gloire souveraine n’est que fallacieuse facticité pour les miraculés.

  • L’éthique s’efface en revanche devant la politique quand l’État risque la ruine et que le monarque, tout coupable qu’il est, rejette le remords et accède ainsi à la « Maîtrise »63. Ici, l’Auguste de Corneille ne rejoint Cosroès dans un premier temps que pour mieux s’en dissocier par la suite : si leurs remords les exposent tous deux à la tentation d’un « lâche repentir », l’un s’y enferre là où l’autre parvient à le dissoudre pour sa plus grande gloire. Ainsi le premier l’empereur de Rome accède-t-il, contrairement à Amasis, à une consécration politique pleine et entière64. Pouvoir « tout oublier » est le privilège du « Maître ».

Les cas de figure que nous avons identifiés ne peuplent pas uniformément la tragédie et la tragi-comédie pour des raisons d’ordre dramaturgique. Rappelons en effet que, « pour les Anciens comme pour les hommes de la Renaissance et du xviie siècle, le but de la tragédie [est] de produire des effets sur les spectateurs » en « éveill[ant] en eux des émotions », en l’occurrence « la pitié et la crainte »65. Quelle place pourrait y avoir un souverain comme l’Amasis de Françoise Pascal, qui ne suscite ni l’une, ni l’autre dans une pièce où l’amour l’emporte sur le politique ? Le remords ne peut être ferment de tragique que s’il est exploité à des fins passionnelles – comme dans Cosroès et dans Cinna –, et non pas utilisé comme un moyen destiné à assurer un dénouement heureux.

À l’issue de ces considérations, on comprend à quel point étudier le motif du remords est crucial : cela permet non seulement de distinguer tragédie et tragi-comédie, mais également de différencier les figures souveraines du théâtre du xviie siècle et de mesurer toute l’ambivalence d’un corpus d’une extraordinaire richesse. Car si les dramaturges de l’époque posent la brûlante question de la valeur politique du reproche de conscience, ce n’est pas seulement pour le plus grand intérêt des genres tragique et tragi-comique : c’est également parce que cela leur permet de jouer avec des limites qui, dans le monde réel, sont censées rester contraignantes.

De tels jeux ont valeur essentiellement esthétique, et non subversive66. Certes, la morale est spectaculairement dissoute dans Cinna ; elle n’en reste pas moins, le plus souvent, fermement confortée dans les pièces que nous avons étudiées. Face aux nombreux monstres, bourreaux d’eux-mêmes et souverains miraculés qui peuplent le théâtre du xviie siècle, il n’est, en définitive, qu’un seul Maître.

1 Nous pensons avant tout au célèbre Séjan, mis en scène par Jean Magnon (Séjanus, Tragédie, Paris, Antoine de Sommaville, 1647) et par Savinien

2 Thomas Corneille, Bérénice, éd. cit., p. 273 (IV, 6, v. 1592).

3 Savinien Cyrano de Bergerac, La Mort d’Agrippine, éd. cit., p. 295 (II, 4, v. 597-598).

4 Entrée « Remords » dans Antoine Furetière, Dictionnaire universel…, La Haye / Rotterdam, Arnout et Reinier Leers, 1690.

5 Comme Syroès (dans Jean de Rotrou, Cosroès, Tragédie [1649], éd. Christian Delmas, dans Théâtre complet 4. Crisante, Le Véritable Saint Genest

6 Sur la notion de lèse-majesté, et particulièrement sur la « lèse-majesté au premier chef », qui recouvre notamment le régicide et la haute trahison

7 Comme, par exemple, l’usurpateur Phocas (dans Pierre Corneille, Héraclius, empereur d’Orient, Tragédie [1647], éd. Liliane Picciola, dans Théâtre

8 Comme, par exemple, Auguste (dans Pierre Corneille, Cinna, ou La Clémence d’Auguste, Tragédie [1641], éd. Liliane Picciola, dans Théâtre, Tome III

9 Sur ce point, nous nous opposons à André Georges et à Simone Dosmond, pour qui « le remords[,] étant un acte indélibéré, est dépourvu de valeur

10 Comme le démontrent les traitements opposés dont Séjan fait l’objet dans La Mort d’Agrippine et dans Séjanus (voir supra, note 1) : voir « Le poids

11 Voir « Le for privé comme espace tragique » dans Lise Michel, Des princes en figure, Politique et invention tragique en France (1630-1650), Paris

12 Voir « Difficultés théoriques : quelles passions ? » dans Georges Forestier, La Tragédie française, Passions tragiques et règles classiques, Paris

13 Voir notamment Françoise Pascal, Sésostris, Tragi-comédie [1661], éd. Perry Gethner et Deborah Steinberger, dans Théâtre de femmes de l’Ancien

14 Voir notamment Tristan L’Hermite, La Mariane, Tragédie [1637], éd. Claude Abraham, dans Les Tragédies, dir. Roger Guichemerre, Paris, Honoré

15 Qu’il soit ancré dans un dialogue ou dans un monologue : voir Pierre Corneille, Cinna, éd. cit., p. 149-161 (II, 1) et 185-188 (IV, 2). De façon

16 Ici, la référence à Cinna s’impose une fois encore (voir la note précédente).

17 Nous pensons ici notamment à La Mariane de Tristan L’Hermite (voir supra, note 14) aussi bien qu’au Cosroès de Rotrou (voir éd. cit., II, 1 et V, 6

18 Dans Pierre Corneille, Suréna, général des Parthes, Tragédie [1675], dans Œuvres complètes III, éd. Georges Couton, Paris, Gallimard, « 

19 Dans Tristan L’Hermite, La Mariane, éd. cit. ; et dans Gautier de Coste de La Calprenède, La Mort des enfants d’Hérode ou Suite de Mariage

20 C’est en toute conscience que nous employons ici un terme qui relève du lexique religieux : pour les Français du xviie siècle, la légitimité du

21 Nous pensons ici aussi bien à la Cléopâtre de Syrie de Corneille (dans Pierre Corneille, Rodogune, éd. cit.), qu’aux Hermocrate de Gabriel Gilbert

22 Comme le souligne à juste titre Liliane Picciola, « il n’est [en revanche] pas […] question de prodige, mais d’impression, de subjectivité » dans

23 Il s’agit d’Héraclius lui-même, que Phocas appelle Martian.

24 Sur le « crescendo dans l’horreur » qui marque cette pièce, voir la notice d’Attila, roi des Huns, Tragédie [1667], dans Œuvres complètes III, éd. 

25 Georges Couton, notice d’Attila, éd. cit., p. 1538. Sur la « dimension cosmique et transcendante qui nécessite […] le recours à une interprétation

26 À cet égard, Héraclius constitue également une préfiguration de l’Athalie de Racine (voir Georges Forestier, notice d’Athalie, éd. cit., p. 

27 De fait, toutes les figures évoquées supra (voir la note 21) connaissent un sort funeste.

28 Au xviie siècle, l’admiration est l’« action par laquelle on regarde avec étonnement quelque chose de grand et de surprenant » (entrée « Admiration

29 De fait, les propos qu’il tient sur sa Cléopâtre de Syrie (dans Rodogune, princesse des Parthes) peuvent aisément être transposés à Phocas comme à

30 Voir Frédéric Sprogis, Le Cothurne d’Alecton, La Fureur dans la tragédie française (1553-1653), thèse de l’Université Sorbonne Université, 2019, p.

31 L’expression « soins mélancoliques » est employée par Syra (II, 1, v. 369). À cet égard, le Cosroès de Rotrou doit être rapproché du Hérode de

32 Christian Delmas, « Introduction » de Cosroès, éd. cit., p. 394.

33 Il ne s’agit de rien moins, ici que d’une « transgression […] des lois fondamentales du royaume touchant à la succession par primogéniture » (ibid.

34 Comme en témoigne le satrape Pharnace (I, 3, v. 215-222).

35 Cf. Jean de Rotrou, Cosroès, éd. cit., p. 541 (V, 6, v. 1681-1684 de l’édition hollandaise des Elzevier) et 545 (V, 6, v. 1694-1697 de l’édition

36 Caroline Labrune, Fictions dramatiques et succession monarchique, op. cit., p. 328.

37 Comme elle le revendique au cours de son procès (voir V, 2, v. 1358-1362).

38 Voir éd. cit., p. 200-203 (V, 4).

39 Voir éd. cit., p. 116-117 (V, 6).

40 Voir supra, note 13.

41 Cf. Pierre Corneille, Héraclius, éd. cit., p. 468-469 (I, 2, v. 159-180) et Françoise Pascal, Sésostris, éd. cit., p. 91-95 (I, 1-2).

42 Sur la notion de « culpabilité “objective” », voir Lise Michel, Des princes en figure, op. cit., p. 116-120.

43 Jacques Le Brun, Le Pouvoir d’abdiquer, Essai sur la déchéance volontaire, Paris, Gallimard, 2009, p. 8.

44 Voir V, 5, v. 1497-1504 et V, 7, v. 1545-1564.

45 Hélène Baby, « De la légitimation paradoxale : la tragi-comédie au temps de Richelieu », dans Hélène Baby et Christian Delmas (dir.), Le Théâtre au

46 Au premier rang desquels se trouve l’amour : voir Roger Guichemerre, La Tragi-comédie, Paris, Presses Universitaires de France, 1981, p. 127-169.

47 Guyon Guérin de Bouscal, Le Prince rétabli, Tragi-comédie, Paris, Augustin Courbé, 1647. Notons que cette pièce est cependant nettement moins

48 Sur les notions de « Maîtrise » et de « projet de Maîtrise » dans le théâtre de Corneille, voir Serge Doubrovsky, Corneille et la dialectique du

49 Simone Dosmond, « Cinna, tragédie du remords », art. cit., p. 33.

50 « Auguste – Rentre en toi-même, Octave, et cesse de te plaindre […]. » ; « Octave, n’attends plus le coup d’un nouveau Brute […]. » (IV, 2, v. 1130

51 Voir V, 3, v. 1731-1732.

52 Voir V, 3, v. 1719.

53 Ce à quoi invite la première occurrence du pronom au même vers, et ce que confortent que les vers 1157 et 1733.

54 Simone Dosmond, « Cinna, tragédie du remords », art. cit., p. 33.

55 Louis Herland, Cinna ou le péché et la grâce, Toulouse, Publications de l’Université de Toulouse-Le Mirail, 1984, p. 151.

56 Comme c’est le cas de Simone Dosmond (voir « Cinna, tragédie du remords », art. cit., p. 34).

57 Voir Isabelle Flandrois, L’Institution du Prince au début du xviie siècle, Paris, Presses Universitaires de France, 1992.

58 Claude Boyer, Oropaste, ou le faux Tonaxare, Tragédie [1663], éd. Christian Delmas et Georges Forestier, Genève, Droz, 1990.

59 Voir ibid., p. 87.

60 Voir Caroline Labrune, Fictions dramatiques et succession monarchique, op. cit., p. 136-137.

61 Voir supra, note 29.

62 « [Le cas intermédiaire] est la situation de celui qui, sans être un parangon de vertu et de justice, tombe dans le malheur non pas à cause de ses

63 Voir supra, note 48.

64 Consécration, précisons-le, à la fois politique et religieuse (voir supra, note 20 ; voir Marie-Odile Sweetser, « Corneille et la tragédie

65 Georges Forestier, La Tragédie française, op. cit., p. 112-113.

66 À cet égard, la mise en scène du motif du remords doit être considérée comme un des avatars de « l’art de l’éloignement » théorisé par Thomas Pavel

1 Nous pensons avant tout au célèbre Séjan, mis en scène par Jean Magnon (Séjanus, Tragédie, Paris, Antoine de Sommaville, 1647) et par Savinien Cyrano de Bergerac (La Mort d’Agrippine, Tragédie [1654], dans Œuvres complètes III, Théâtre, éd. André Blanc, Paris, Honoré Champion, 2001), mais aussi à l’Anaxaris, au Stilicon et au Maximian de Thomas Corneille (respectivement dans Bérénice, Tragédie [1659], éd. William Brooks, dans Théâtre complet, Tome III, dir. Christopher Gossip, Classiques Garnier, 2018 ; et dans Stilicon, Tragédie [1660] et Maximian, Tragédie [1662], éd. Christopher Gossip, dans Théâtre complet, Tome IV, dir. Christopher Gossip, Paris, Classiques Garnier, 2021), ainsi qu’au Créon de Jean Racine (dans La Thébaïde, Tragédie [1664], dans Œuvres complètes I, Théâtre – Poésie, éd. Georges Forestier, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1999).

2 Thomas Corneille, Bérénice, éd. cit., p. 273 (IV, 6, v. 1592).

3 Savinien Cyrano de Bergerac, La Mort d’Agrippine, éd. cit., p. 295 (II, 4, v. 597-598).

4 Entrée « Remords » dans Antoine Furetière, Dictionnaire universel…, La Haye / Rotterdam, Arnout et Reinier Leers, 1690.

5 Comme Syroès (dans Jean de Rotrou, Cosroès, Tragédie [1649], éd. Christian Delmas, dans Théâtre complet 4. Crisante, Le Véritable Saint Genest, Cosroès, Paris, Société des Textes Français Modernes, 2001), Pharnace (dans Gautier de Coste de La Calprenède, La Mort de Mithridate, Tragédie [1637], dans Théâtre du xviie siècle II, éd. Jacques Scherer et Jacques Truchet, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1986), Cléopâtre de Syrie (dans Pierre Corneille, Rodogune, princesse des Parthes, Tragédie [1647], éd. Liliane Picciola, dans Théâtre, Tome IV, dir. Liliane Picciola, Paris, Classiques Garnier, 2024), Laodice (dans Thomas Corneille, Laodice, reine de Cappadoce, Tragédie [1668], éd. Perry Gethner, dans Théâtre complet, Tome V, dir. Christopher Gossip, Paris, Classiques Garnier, 2018) ou Athalie (dans Jean Racine, Athalie, Tragédie [1691], dans Œuvres complètes I, éd. cit.).

6 Sur la notion de lèse-majesté, et particulièrement sur la « lèse-majesté au premier chef », qui recouvre notamment le régicide et la haute trahison, voir Jean-Marie Carbasse, entrée « Lèse-majesté », dans François Bluche (dir.), Dictionnaire du Grand Siècle, Paris, Fayard, 2005 [1990], p. 862.

7 Comme, par exemple, l’usurpateur Phocas (dans Pierre Corneille, Héraclius, empereur d’Orient, Tragédie [1647], éd. Liliane Picciola, dans Théâtre, Tome IV, op. cit.). Sur la tyrannie d’usurpation, voir Ruoting Ding, L’Usurpation du pouvoir dans le théâtre français du xviie siècle (1636-1696), Paris, Honoré Champion, 2021.

8 Comme, par exemple, Auguste (dans Pierre Corneille, Cinna, ou La Clémence d’Auguste, Tragédie [1641], éd. Liliane Picciola, dans Théâtre, Tome III, dir. Liliane Picciola, Paris, Classiques Garnier, 2023).

9 Sur ce point, nous nous opposons à André Georges et à Simone Dosmond, pour qui « le remords[,] étant un acte indélibéré, est dépourvu de valeur morale » (André Georges, « Le repentir de Cinna », L’Information littéraire, 1988, n°1, p. 7). Certes, « il semble que le remords précède le repentir et y conduise » (Simone Dosmond, « Cinna, tragédie du remords », dans L’Obsession de la faute dans la littérature française du xvie siècle au xviie siècle, La Licorne, 1991, n°20, p. 32) ; il n’en est pas moins suscité par la conscience. Pour être l’envers passif (au sens étymologique du terme) et le préalable de l’acte effectif et dynamique qu’est le repentir, le remords n’en est pas pour autant amoral.

10 Comme le démontrent les traitements opposés dont Séjan fait l’objet dans La Mort d’Agrippine et dans Séjanus (voir supra, note 1) : voir « Le poids des remords » dans Ruoting Ding, L’Usurpation du pouvoir dans le théâtre français du xviie siècle, op. cit., p. 395-396.

11 Voir « Le for privé comme espace tragique » dans Lise Michel, Des princes en figure, Politique et invention tragique en France (1630-1650), Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2013, p. 94-97.

12 Voir « Difficultés théoriques : quelles passions ? » dans Georges Forestier, La Tragédie française, Passions tragiques et règles classiques, Paris, Armand Colin, 2010 [2003], p. 112-129.

13 Voir notamment Françoise Pascal, Sésostris, Tragi-comédie [1661], éd. Perry Gethner et Deborah Steinberger, dans Théâtre de femmes de l’Ancien Régime, Tome II, xviie siècle, Paris, Classiques Garnier, 2016, p. 91-95 (I, 1-2).

14 Voir notamment Tristan L’Hermite, La Mariane, Tragédie [1637], éd. Claude Abraham, dans Les Tragédies, dir. Roger Guichemerre, Paris, Honoré Champion, 2009, p. 106-120 (V, 2-3).

15 Qu’il soit ancré dans un dialogue ou dans un monologue : voir Pierre Corneille, Cinna, éd. cit., p. 149-161 (II, 1) et 185-188 (IV, 2). De façon significative, l’abbé d’Aubignac cite ces deux extraits de la tragédie de Corneille dans le chapitre qu’il consacre aux délibérations dans La Pratique du théâtre (éd. Hélène Baby, Paris, Honoré Champion, 2001, p. 431-436), signe que le discours délibératif est l’un des hauts lieux de l’expression du remords dans le théâtre tragique du xviie siècle.

16 Ici, la référence à Cinna s’impose une fois encore (voir la note précédente).

17 Nous pensons ici notamment à La Mariane de Tristan L’Hermite (voir supra, note 14) aussi bien qu’au Cosroès de Rotrou (voir éd. cit., II, 1 et V, 6 ; ainsi que nos analyses infra).

18 Dans Pierre Corneille, Suréna, général des Parthes, Tragédie [1675], dans Œuvres complètes III, éd. Georges Couton, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1987.

19 Dans Tristan L’Hermite, La Mariane, éd. cit. ; et dans Gautier de Coste de La Calprenède, La Mort des enfants d’Hérode ou Suite de Mariage, Tragédie [1639], éd. Guy Paul Snaith, Exeter, Exeter University Press Publications, 1988.

20 C’est en toute conscience que nous employons ici un terme qui relève du lexique religieux : pour les Français du xviie siècle, la légitimité du souverain est effectivement profondément ancrée dans la religion (voir « Dieu-le Roi-le Père » dans Christian Biet, Droit et littérature sous l’Ancien Régime, Le Jeu de la valeur et de la loi, Paris, Honoré Champion, 2002, p. 72-76).

21 Nous pensons ici aussi bien à la Cléopâtre de Syrie de Corneille (dans Pierre Corneille, Rodogune, éd. cit.), qu’aux Hermocrate de Gabriel Gilbert (Téléphonte, Tragi-comédie représentée par les deux troupes royales, Paris, Toussaint Quinet, 1642) et de Jean La Chapelle (Téléphonte, Tragédie par le sieur D. L. C., Paris, Thomas Guillain, 1683), au Diomède d’Antoine Jacob de Montfleury (Trasibule, Tragi-comédie représentée sur le théâtre royal de l’Hôtel de Bourgogne, Paris, Nicolas Pépingué, 1664) et à l’Élise de Philippe Quinault (Astrate, roi de Tyr, Tragédie [1665], dans Théâtre complet, Tome I, Tragédies, éd. Carine Barbafieri, Paris, Classiques Garnier, 2016).

22 Comme le souligne à juste titre Liliane Picciola, « il n’est [en revanche] pas […] question de prodige, mais d’impression, de subjectivité » dans les Annales de Tacite (note 47 d’Héraclius, p. 463) : Corneille confère donc une brutalité accrue au crime de Phocas.

23 Il s’agit d’Héraclius lui-même, que Phocas appelle Martian.

24 Sur le « crescendo dans l’horreur » qui marque cette pièce, voir la notice d’Attila, roi des Huns, Tragédie [1667], dans Œuvres complètes III, éd. Georges Couton, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1987, p. 1537-1538.

25 Georges Couton, notice d’Attila, éd. cit., p. 1538. Sur la « dimension cosmique et transcendante qui nécessite […] le recours à une interprétation théologique » de la pièce, voir Gérard Ferreyrolles, « Attila et la théologie du fléau de Dieu », dans Alain Niderst (éd.), Pierre Corneille, Actes du colloque […] tenu à Rouen du 2 au 6 octobre 1984, Paris, Presses Universitaires de France, 1985, p. 535-541 (citation p. 535).

26 À cet égard, Héraclius constitue également une préfiguration de l’Athalie de Racine (voir Georges Forestier, notice d’Athalie, éd. cit., p. 1718-1721).

27 De fait, toutes les figures évoquées supra (voir la note 21) connaissent un sort funeste.

28 Au xviie siècle, l’admiration est l’« action par laquelle on regarde avec étonnement quelque chose de grand et de surprenant » (entrée « Admiration » dans Antoine Furetière, Dictionnaire universel…, op. cit.) : le terme peut donc être pris en bonne comme en mauvaise part.

29 De fait, les propos qu’il tient sur sa Cléopâtre de Syrie (dans Rodogune, princesse des Parthes) peuvent aisément être transposés à Phocas comme à Attila : « tous [les] crimes [de Cléopâtre] sont accompagnés d’une grandeur d’âme qui a quelque chose de si haut, qu’en même temps qu’on déteste ses actions, on admire la source dont elles partent » (Pierre Corneille, « Discours de l’utilité et des parties du poème dramatique », dans Trois discours sur le poème dramatique, éd. Bénédicte Louvat et Marc Escola, Paris, GF Flammarion, 2021 [1999], p. 78-79).

30 Voir Frédéric Sprogis, Le Cothurne d’Alecton, La Fureur dans la tragédie française (1553-1653), thèse de l’Université Sorbonne Université, 2019, p. 388. Sur la notion de « fureur », voir « Le théâtre d’Alecton : la fureur tragique en héritage » dans ibid., p. 23-226.

31 L’expression « soins mélancoliques » est employée par Syra (II, 1, v. 369). À cet égard, le Cosroès de Rotrou doit être rapproché du Hérode de Tristan L’Hermite, qui hallucine également en raison de la mélancolie qui le touche : voir La Mariane, éd. cit., p. 39 (I, 1), 40 (I, 2, v. 19-20) et 106-120 (V, 2-3 ; voir particulièrement le vers 1667).

32 Christian Delmas, « Introduction » de Cosroès, éd. cit., p. 394.

33 Il ne s’agit de rien moins, ici que d’une « transgression […] des lois fondamentales du royaume touchant à la succession par primogéniture » (ibid., p. 412). Sur le fait que, selon les théoriciens politiques de l’époque moderne, le roi n’a pas le droit d’abandonner le pouvoir en vertu du principe de l’indisponibilité de la couronne, voir Caroline Labrune, Fictions dramatiques et succession monarchique (1637-1691), Paris, Honoré Champion, 2021, p. 81-89.

34 Comme en témoigne le satrape Pharnace (I, 3, v. 215-222).

35 Cf. Jean de Rotrou, Cosroès, éd. cit., p. 541 (V, 6, v. 1681-1684 de l’édition hollandaise des Elzevier) et 545 (V, 6, v. 1694-1697 de l’édition parisienne d’Antoine de Sommaville).

36 Caroline Labrune, Fictions dramatiques et succession monarchique, op. cit., p. 328.

37 Comme elle le revendique au cours de son procès (voir V, 2, v. 1358-1362).

38 Voir éd. cit., p. 200-203 (V, 4).

39 Voir éd. cit., p. 116-117 (V, 6).

40 Voir supra, note 13.

41 Cf. Pierre Corneille, Héraclius, éd. cit., p. 468-469 (I, 2, v. 159-180) et Françoise Pascal, Sésostris, éd. cit., p. 91-95 (I, 1-2).

42 Sur la notion de « culpabilité “objective” », voir Lise Michel, Des princes en figure, op. cit., p. 116-120.

43 Jacques Le Brun, Le Pouvoir d’abdiquer, Essai sur la déchéance volontaire, Paris, Gallimard, 2009, p. 8.

44 Voir V, 5, v. 1497-1504 et V, 7, v. 1545-1564.

45 Hélène Baby, « De la légitimation paradoxale : la tragi-comédie au temps de Richelieu », dans Hélène Baby et Christian Delmas (dir.), Le Théâtre au xviie siècle : pratiques du mineur, Littératures classiques, n°51, été 2004, p. 296.

46 Au premier rang desquels se trouve l’amour : voir Roger Guichemerre, La Tragi-comédie, Paris, Presses Universitaires de France, 1981, p. 127-169.

47 Guyon Guérin de Bouscal, Le Prince rétabli, Tragi-comédie, Paris, Augustin Courbé, 1647. Notons que cette pièce est cependant nettement moins ambiguë que Sésostris. En effet, là où Françoise Pascal maintient Amasis sur le trône d’Égypte, Guérin de Bouscal détrône et réduit à la fuite l’usurpateur Alexis Ange (voir ibid., p. 89-93 ; V, 6-8). Ce dernier fait l’objet d’une indulgence moindre parce que, malgré les remords qu’il a exprimés au début de la pièce (voir p. 4 ; I, 1) et qu’il renouvelle avant de quitter définitivement la scène (voir p. 92 ; V, 7), il n’en a pas pour autant eu la lucidité de renoncer au pouvoir.

48 Sur les notions de « Maîtrise » et de « projet de Maîtrise » dans le théâtre de Corneille, voir Serge Doubrovsky, Corneille et la dialectique du héros, Paris, Gallimard, 1963 ; sur Auguste, voir « Cinna ou la conquête du pouvoir », p. 185-221.

49 Simone Dosmond, « Cinna, tragédie du remords », art. cit., p. 33.

50 « Auguste – Rentre en toi-même, Octave, et cesse de te plaindre […]. » ; « Octave, n’attends plus le coup d’un nouveau Brute […]. » (IV, 2, v. 1130 et 1169 ; nous soulignons).

51 Voir V, 3, v. 1731-1732.

52 Voir V, 3, v. 1719.

53 Ce à quoi invite la première occurrence du pronom au même vers, et ce que confortent que les vers 1157 et 1733.

54 Simone Dosmond, « Cinna, tragédie du remords », art. cit., p. 33.

55 Louis Herland, Cinna ou le péché et la grâce, Toulouse, Publications de l’Université de Toulouse-Le Mirail, 1984, p. 151.

56 Comme c’est le cas de Simone Dosmond (voir « Cinna, tragédie du remords », art. cit., p. 34).

57 Voir Isabelle Flandrois, L’Institution du Prince au début du xviie siècle, Paris, Presses Universitaires de France, 1992.

58 Claude Boyer, Oropaste, ou le faux Tonaxare, Tragédie [1663], éd. Christian Delmas et Georges Forestier, Genève, Droz, 1990.

59 Voir ibid., p. 87.

60 Voir Caroline Labrune, Fictions dramatiques et succession monarchique, op. cit., p. 136-137.

61 Voir supra, note 29.

62 « [Le cas intermédiaire] est la situation de celui qui, sans être un parangon de vertu et de justice, tombe dans le malheur non pas à cause de ses vices ou de sa méchanceté mais à cause de quelque erreur, l’un des hommes qui jouissent d’une grande réputation et d’un grand bonheur, comme, par exemple, Œdipe, Thyeste et les membres illustres des familles de ce genre. » Aristote, Poétique, éd. Barbara Gernez, 2002 [2001], p. 47.

63 Voir supra, note 48.

64 Consécration, précisons-le, à la fois politique et religieuse (voir supra, note 20 ; voir Marie-Odile Sweetser, « Corneille et la tragédie providentielle : la conversion » dans Cahiers de l’AEIF, 1985, n°37, p. 163-176 ; et « La conversion du Prince : réflexions sur la tragédie providentielle », Papers on French Seventeenth Century Literature, vol. X, 1983, n°19, p. 497-510) ; la possible interprétation spécifiquement chrétienne de la clémence d’Auguste a été amplement commentée par la critique (voir Gérard Defaux, « Cinna, tragédie chrétienne ? Essai de mise au point », Modern Language Notes, 2004, vol. 119, n°4, p. 718-765 ; Myriam Dufour-Maître, « Polyeucte, tragédie politique et Cinna, tragédie chrétienne » dans La Clémence et la grâce, Étude de Cinna et de Polyeucte de Pierre Corneille, Mont-Saint-Aignan, Presses Universitaires de Rouen et du Havre, 2018, p. 121-138 ; André Georges, « L’évolution morale d’Auguste dans Cinna », L’Information littéraire, 1982, n°2, p. 86-91 ; John E. Jackson, « Corneille : du triomphe de la vengeance à l’instauration de la loi », xviie siècle, 1987, n°155, p. 155-172 ; Jean-Pierre Landry, « Cinna ou le paradoxe de la clémence », Revue d’Histoire Littéraire de la France, 2002, n°3, p. 443-453 ; et Louis Herland, Cinna ou le péché et la grâce, op. cit.).

65 Georges Forestier, La Tragédie française, op. cit., p. 112-113.

66 À cet égard, la mise en scène du motif du remords doit être considérée comme un des avatars de « l’art de l’éloignement » théorisé par Thomas Pavel (voir L’Art de l’éloignement, Essai sur l’imagination classique, Paris, Gallimard, 1996, p. 370-371).

Caroline Labrune

Université de Rouen Normandie