L’enseignement de la petite patrie à La Réunion sous la Troisième République

Pierre-Éric Fageol

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Pierre-Éric Fageol, « L’enseignement de la petite patrie à La Réunion sous la Troisième République », Tropics [En ligne], 3 | 2016, mis en ligne le 01 décembre 2016, consulté le 08 novembre 2024. URL : https://tropics.univ-reunion.fr/539

Au cours de la Troisième République, la finalité de l’enseignement de l’histoire n’était pas de transmettre uniquement des connaissances mais également des valeurs dites « nationales ». Comme le rappelle Antoine Prost, « l’histoire enseignée à l’École l’est toujours pour autre chose que l’histoire ; elle est toujours peu ou prou instrumentalisée »1. La Nation y était alors conçue comme une identité collective, un savoir partagé et un commun sentiment d’appartenance2. Cette construction idéologique et mémorielle mettait ainsi en évidence une communauté imaginée, pour reprendre les termes de Benedict Anderson3. Elle exigeait le sacrifice car « la grande Patrie, terre du père, figure héroïque et farouche née de l’épique révolutionnaire, appelle à la levée en masse (…) : pour elle, un Français doit mourir »4.

Malgré ce patriocentrisme, les concepteurs des programmes ont progressivement tenu compte d’une nécessaire adaptation de l’enseignement aux réalités locales et, pour notre propos, aux spécificités de l’histoire de La Réunion5. La parution d’ouvrages érudits d’histoire et de géographie locales6 participe également à la valorisation de la petite Patrie et concourt au processus de patrimonialisation7 et donc de valorisation de l’identité réunionnaise, tout en se mettant au service d’une pédagogie du sentiment patriotique. La partie illustrant le tout, « le manuel scolaire est une initiation à l’admiration amoureuse et [l’] expression »8 de la petite Patrie pour mieux honorer la grande. Toutefois, afin d’échapper aux contradictions de ce raisonnement il convenait d’établir une logique d’emboîtement d’échelles permettant aux élèves non de s’inscrire dans deux réalités identitaires distinctes, mais de comprendre selon une logique organiciste l’interdépendance des petites patries et la supériorité émanant de la grande. En ce sens, le tout – la grande Patrie – est plus que la somme de ses parties – les petites patries – selon le paradigme holiste.

De la sorte, la petite Patrie réunionnaise peut-être intégrée au giron national même si cela suppose de limiter ses spécificités pour pouvoir mieux s’ancrer dans une vision unitaire. Ce principe permet également d’atténuer le statut colonial de l’île, tout au moins de ne pas mettre en lumière sa dépendance de facto, pour au contraire insister sur les valeurs républicaines qui autorisent une communion de pensée avec la métropole9.

Les principes pédagogiques d’un enseignement du local s’affirment progressivement, notamment sous l’influence du géographe Paul Vidal de la Blache après la publication de son article « La géographie à l’École », en octobre 1907 pour le Manuel Général10. Il insiste en effet sur l’adaptation nécessaire des programmes aux réalités du pays car « moralement […], c’est-à-dire par ses impressions, ses habitudes, ses souvenirs, [l’homme] tient à sa contrée d’origine »11. Cette réflexion semble probante pour notre propos lorsque l’on se penche sur les nombreux récits des élites réunionnaises exilées en métropole qui ne cessent de vanter les mérites de leur île natale12. Déjà en 1902, dans une conférence pour les Sociétés savantes, Paul Vidal de la Blache insistait sur cette idée qu’en « renforçant la physionomie passée de nos vieux pays », on comprend mieux la forte « empreinte locale » des sociétés, « un milieu spécial »13 qui n’empêche nullement son intégration à une entité plus grande. Le local fait donc partie des priorités de l’instruction publique républicaine et invite les éditeurs de manuels à changer de focale.

Cette gageure n’est pas sans intérêt pour les territoires coloniaux où la profondeur des liens avec le national semble plus complexe à mesurer. Dans ce domaine, La Réunion a pleinement participé à ce processus si l’on en juge par la précocité de certains manuels et ouvrages érudits spécialisés en histoire et géographie sur l’île. Notre propos vise donc à analyser l’articulation des curricula prônant une transposition sur le local des réalités nationales et les pratiques plutôt timides qui en découlent sur un empan chronologique couvrant essentiellement la première moitié du XXe siècle.

Des injonctions ministérielles…

Les programmes d’enseignement orientent les évolutions de la discipline scolaire et « témoignent d’une narration officielle et choisie du passé »14.

Les lois, décrets et circulaires issus du ministère n’ont pas seulement fixé le cadre et le contenu de l’enseignement, ils ont délimité la marge où pouvait s’exercer la liberté des maîtres15.

En qualité de vieille colonie française, La Réunion applique les programmes scolaires de la métropole. Or, l’histoire et la géographie locales sont depuis longtemps ancrées dans les préoccupations des pédagogues du ministère de l’Instruction publique même si la priorité qu’on leur accorde a pu fluctuer dans le temps.

Certaines directives et instructions ont ainsi pu valoriser dès la fin du XIXsiècle une approche de l’enseignement local16, mais le premier décret le mentionnant de manière explicite ne date que du 23 août 1902. L’arrêté ministériel pour l’enseignement primaire à la Martinique, la Guadeloupe et La Réunion n’est quant à lui fixé que le 8 janvier 1903, texte promulgué à La Réunion le 13 juillet 1903. L’analyse de ces nouveaux programmes permet de comprendre les priorités que l’on accorde à une telle démarche. Grâce aux travaux de Pierre Portet, nous disposons d’un récapitulatif instructif mettant en parallèle les directives officielles et les supports pédagogiques créés à cet effet17.

L’histoire locale tient pour l’ensemble des cycles une part importante. Dès les classes enfantines pour les élèves âgés de cinq à sept ans, il est recommandé d’utiliser des « anecdotes et biographies tirées de l’histoire nationale et de l’histoire de La Réunion »18. À partir du cours élémentaire pour les élèves âgés de sept à neuf ans, il est conseillé d’utiliser des « récits et entretiens familiers sur les grands personnages et les faits historiques de l’histoire nationale et de l’histoire de La Réunion, de Maurice et de Madagascar »19. Pour le cours moyen qui concerne les élèves âgés de neuf à onze ans, les maîtres doivent insister « exclusivement sur les faits essentiels depuis la guerre de Cent ans [en intégrant l’] historique de la colonisation française dans la mer des Indes (Réunion, Maurice, Madagascar et dépendances, Inde), l’Afrique du Sud, la côte orientale de l’Afrique, la Nouvelle Calédonie »20. Enfin, pour les cours supérieurs qui n’impliquent qu’une minorité d’élèves âgés de onze à treize ans, il s’agit de mettre en place une « révision méthodique de l’histoire de France, éléments d’histoire générale, étude plus approfondie de la période moderne tant au point de vue des faits généraux qu’à celui de l’histoire de La Réunion et des pays voisins »21. Le principe d’une décentration progressive est respecté puisque les élèves partent de leur imaginaire îlien pour ensuite intégrer des espaces plus éloignés de leur sensibilité quotidienne. De surcroît, l’articulation entre le national et le local est systématiquement recommandée. Il ne s’agit pas de proposer aux élèves deux histoires séparées puisque l’objectif est d’intégrer la réalité réunionnaise à celle du national.

Les responsables du système éducatif réunionnais s’empressent d’obéir aux injonctions ministérielles et le chef de service de l’Instruction publique est chargé de répondre aux nouvelles problématiques que suppose l’application de tels programmes. Dans une circulaire de 1907, l’inspecteur mandaté par la métropole se doit prioritairement d’analyser « comment l’histoire de La Réunion et des pays voisins est rattachée à l’histoire générale »22. Il en est de même pour la géographie sans que nous puissions en détailler les conclusions puisque nous n’avons trouvé aucune trace du rapport établi à cet effet dans les archives.

La priorité est d’abord accordée aux maîtres puisque le programme pour le certificat d’aptitude pédagogique défini pour l’épreuve de 1909 doit prendre en compte à la fois l’histoire générale et celle de La Réunion. L’objectif est de déga­ger « dans un tableau d’ensemble, les principaux liens de liaison (sic) de ces deux parties du programme »23. Le sujet de composition donné aux futurs maîtres pour la session 1910 répond à cet objectif puisqu’il leur est demandé pour le cours supérieur : « Comment associerez-vous à la révision prescrite les éléments d’histoire générale demandés et l’histoire particulière de votre colonie ? »24. Un autre sujet encore plus précis est donné durant la même année sur un thème similaire : « Comment comprenez-vous cet enseignement de l’histoire locale ? Montrez quel parti vous pouvez tirer de cette histoire particulière pour éclairer l’enseignement général de l’histoire de France, quel appui vous devez chercher dans l’histoire de la petite patrie pour faire comprendre et aimer la grande »25. Cette volonté est certainement due à l’action menée par le chef de service de l’Instruction publique de cette période, André Berget. Ancien élève de Charles Seignobos, un des pères de l’histoire positiviste, il ne cesse de promouvoir cette articulation entre le local et le national et propose, dans ce but, d’organiser une conférence sur ce thème à la fin de l’année 191026.

Son action reste visiblement sans effet si nous considérons que, la même année, il vitupère contre l’incurie des enseignants qui visiblement ne connaissent pas les programmes pourtant en vigueur depuis sept ans. Il se contente d’un « avertissement sans frais »27 avant de proposer en 1913 un programme limitatif pour l’enseignement de l’histoire aux cours moyen et supérieur qui prend en compte des thématiques précises à aborder. L’ensemble des exemples fournis doit dans son esprit éclairer l’histoire générale et tenir compte de l’environnement indiaocéanique, comme nous le montrent quelques extraits des compléments de programmes :

9e leçon : Portugais et Hollandais dans l’océan Indien.
12e leçon : Tentatives de Pronis et Flacourt à Madagascar. Colonisation de La Réunion.
14e leçon : Les colonies de la France au XVIIIe, Labourdonnais et Dupleix.
19e leçon : Suppression de l’esclavage aux colonies.
23e leçon : L’expansion coloniale de la France […] vieilles et nouvelles colonies.
25e leçon : Découverte de La Réunion, premières tentatives de colonisation, Regnault et de la Haye, la Compagnie des Indes, la Bourdonnais (1735-1746), l’île de France.
26e leçon : La Réunion coloniale de 1764, introduction de cultures nouvelles, Desforges Boucher, Dumas et Poivre, résistance des colons, le parti de la Tortue, colonisation des quartiers.
27e leçon : La Réunion sous la Révolution et l’Empire, Decaen à l’île de France, luttes navales et corsaires, l’occupation anglaise de 1810-1815.
28e leçon : La Réunion avant la fin de l’esclavage, ses relations avec Madagascar, extension des nouvelles cultures : la canne, le manioc et la vanille, Maurice sous la domination anglaise.
29e leçon : Sarda Garriga et l’abolition de l’esclavage, l’immigration hindoue, ère de prospérité, gouvernement d’Hubert Delisle, développement du paludisme (1867-1877), conséquences du percement de l’isthme de Suez.
30e leçon : La Réunion sous la Troisième République, construction du chemin de fer et du port, crise du caféier (1883), relations avec Maurice, Madagascar, Djibouti et l’Indochine française.
31e leçon : La France et les Nations européennes dans l’océan Indien, partage de l’Afrique orientale, colonies étrangères voisines, la république Sud-Africaine, origine et revendication de nos droits sur Madagascar, expéditions de 1883-1885 et 1895, développement de la Grande île.
32e leçon : Importance relative de La Réunion, supériorité de sa civilisation, progrès et fusion des races sous l’égalité républicaine, le suffrage universel, l’œuvre scolaire, les grands hommes donnés par La Réunion à la France28.

Ces leçons représentent vingt-cinq pour cent du programme d’histoire du cours moyen. L’ancienneté du peuplement, la mise en valeur de la colonie, les bienfaits de la République et le principe de la « colonie colonisatrice » sont ainsi mis en avant. Cette logique perdure jusqu’à l’élaboration de nouveaux programmes en 1923 où l’enseignement de l’histoire locale semble avoir fortement diminué. Élaborés par le directeur de l’Enseignement primaire Paul Lapie, ce dernier se veut rationaliste et établit sa morale éducative sur La logique de la Volonté29 que sous-tend un idéal laïc et républicain. En effet, les nouveaux programmes d’histoire et de géographie ne mentionnent plus l’étude du milieu mais recommandent d’adapter l’enseignement aux conditions de la vie locale et « d’illustrer l’histoire générale grâce à des souvenirs pris dans l’histoire locale »30 pour les plus petites classes. Pour le cours élémentaire, n’est prise en compte que « l’histoire des principaux faits et principales dates de l’histoire de France »31 ; pour la géographie, des « exercices d’observation de l’horizon »32 avec mobilisation du vocabulaire inhérent à leur compréhension. Pour le cours moyen, seuls « les principaux faits et principales dates de l’histoire de France »33 sont recommandés, alors que la géographie intègre l’étude de la France et des colonies. Le plus intéressant dans ces nouvelles instructions est la place que l’on accorde à l’enseignement scientifique ou civique de l’histoire. Si précédemment les deux approches pouvaient être distinguées, désormais les concepteurs des programmes considèrent que les événements historiques parlent d’eux-mêmes et n’ont point besoin d’une expli­citation à caractère moralisant34. Ils se refusent donc à poser le problème en ces termes et ne peuvent considérer que les droits de la science et les droits de la France puissent s’opposer :

Le patriotisme français n’a rien à craindre de la vérité. Ce ne sont pas seulement les gloires communes, ce sont aussi, ce sont surtout les souffrances communes qui scellent l’unité nationale. L’instituteur n’a pas à les dissimuler. Certes, l’enfant de l’école primaire est trop jeune pour qu’on étale devant lui et qu’on livre à sa discussion tous les documents sur lesquels pâlissent les historiens.
Mais l’instituteur peut, sans hésiter, lui raconter l’histoire de notre pays telle qu’elle résulte des recherches impartiales des savants. La place de la France dans le monde est assez grande, son rôle assez noble pour qu’un enseignement sincère, soucieux de vérité jusqu’à l’intransigeance, favorise l’éclosion de l’épanouissement du sentiment patriotique. Et tel doit être le but de l’enseignement historique et géographique à l’école primaire35.

Selon cette logique, la véracité est donc au service de la Patrie. Le recentrage sur des considérations nationales doit donc sceller l’idée d’unité. Cette perspective est quelque peu nuancée avec les nouveaux programmes de 193836. En effet, pour les classes du premier cycle et pour les écoles primaires supérieures, ces programmes entérinent la notion de milieu. Désormais l’environnement proche de l’élève devient une réalité pédagogique. Cependant, ce n’est plus simplement l’étude de l’histoire locale qui est privilégiée mais celle de l’ensemble de l’environnement quotidien de l’élève. Cette même logique est reprise à la libération37, lorsque les programmes de 1945 précisent que l’étude du milieu doit « établir la liaison entre l’école et le cadre ou milieu dans lequel vit l’élève »38. Il convient, est-il précisé, d’utiliser au « maximum toutes les ressources de la commune et des communes voisines pour initier l’enfant à l’histoire locale au cours de promenades et de séances d’activités dirigées »39. La mise à l’honneur de l’environnement réunionnais ne permet cependant pas d’établir sa spécificité. Les référents d’analyse reprennent clairement des logiques métropolitaines et renforcent l’ambiguïté du rapport métonymique entre la grande et la petite Patrie.

… à la création de supports pédagogiques

Le premier ouvrage véritablement conçu pour le primaire par un pédagogue reconnu ne date finalement que de 190940. Rédigé par Paul Hermann41, il est conçu pour les élèves des cours moyen et supérieur de l’enseignement primaire. Le chef de service de l’Instruction publique s’empresse de le recommander aux instituteurs de l’île car « il vient combler une lacune importante » pour respecter les programmes coloniaux qui « comportent des interrogations aux divers examens sur l’histoire et la géographie locale »42.

L’histoire est déclinée à l’aune de la politique menée par les gouverneurs de l’île et non par rapport aux grands événements nationaux. Les vingt-huit pages consacrées à la discipline intègrent cependant des césures chronologiques et une approche cartographique européo-centrées. Cet ouvrage a marqué de nombreuses générations de Réunionnais43 comme en témoigne Marie-Laure Payet44 lorsqu’elle indique dans ses mémoires :

Le seul livre dans lequel j’étudiais volontiers était un tout petit ouvrage sur l’histoire et la géographie de l’île écrit par un homme éminent par son savoir : Paul Hermann. Malheureusement, à l’époque, la connaissance du pays n’était enseignée que comme une discipline annexe. N’étions-nous pas Français d’abord ? Aussi, son contenu bien qu’intéressant ne pouvait satisfaire toutes les curiosités que ma mère avait su éveiller au cours de nos veillées45.

Au-delà de l’admiration ressentie pour l’auteur et sa curiosité plus prononcée pour le national, Marie-Laure Payet témoigne des réticences ou plus simplement de l’inertie des maîtres pour appliquer les consignes ministérielles sur l’enseignement du local. En effet, si les travaux de Pierre Portet nous rappellent dès 1903 que l’histoire locale est considérée comme une aide à la compréhension de l’histoire nationale et comme un moyen « de mieux connaître le milieu dans lequel vit l’élève »46, un rapport de 1910 rédigé par A. Berget, chef de service de l’Instruction Publique, dénonce une certaine négligence dans ce domaine de la part des instituteurs :

Leur enseignement historique […] traîne lamentablement dans le pré moyen-âge et aux alentours de la guerre de Cent ans pour ne jamais arriver aux époques seules importantes pour ce pays, celles où La Réunion entre dans l’histoire et reçoit le contrecoup des évènements de la métropole. […] Leur enseignement suit servilement le texte des livres édités pour les écoles d’un autre hémisphère au lieu de le dominer et de le transformer pour l’adapter aux conditions et besoins spéciaux de la petite patrie bourbonnaise et de la vaste région sud-africaine et indonésienne47.

L’absence de sources sur les pratiques enseignantes ne nous permet guère d’en préciser les raisons. La complexité notionnelle de certaines approches explique peut-être cette désaffection pour l’enseignement du local. De même, la méconnaissance des spécificités historiques de l’île devait laisser plus d’un instituteur sceptique quant aux articulations à opérer avec le programme national. Plus sûrement, le contexte éducatif devait certainement privilégier d’autres chantiers disciplinaires.

Paul Hermann réédite son manuel en 192448 sous une forme plus adaptée aux élèves des petites classes. Plus qu’une simplification, on peut percevoir une approche beaucoup plus décentrée des contingences de l’histoire nationale. C’est désormais l’île qui est mise à l’honneur à travers ses richesses naturelles harmonieusement mises en valeur. À l’âge du gibier, du café, du girofle et de la canne à sucre succède celui de la vanille, du chouchou49 et des parfums. Les cours de géographie s’inscrivent rapidement dans une approche mémorielle décentrée, avec un jeu de questions-réponses où la finalité moralisatrice est une constante. Autour des interrogations sur l’origine des élèves et la réalité d’une spécificité réunionnaise, les commentaires témoignent d’une certaine fierté entretenue par le culte des grands hommes50.

QUESTIONS

RÉPONSES

« Quel est votre pays ? »

« Mon pays est La Réunion, l’ancienne île Bourbon ».

« Qu’est-ce que la Réunion ? »

« La Réunion est une petite île que ses enfants ont faite illustre ».

« En êtes-vous fiers ? »

« Je suis fier d’être né où naquirent Joseph Hubert51, Lislet Geoffroy52, Leconte de Lisle, l’amiral Bouvet53, Juliette Dodu54, Roland Garros55 ».

L’intégration de La Réunion aux espaces limitrophes n’est pas oubliée et permet de défendre les valeurs du colonialisme. La Grande île est l’objet de toutes les attentions et permet par comparaison d’exprimer un sentiment de supériorité par rapport aux populations malgaches afin de justifier la colonisation.

QUESTIONS

RÉPONSES

« Puisque Madagascar nous prend l’élite de nos travailleurs, artisans, préparateurs de vanille, employés d’usines et de cultures et autres, ne devrait-il pas nous donner des bras pour nos champs ? »56

« Notre agriculture vient enfin d’avoir satisfaction ; nous venons de recevoir des Malgaches de Fort-Dauphin ».

« Laquelle des deux colonies tirera le plus grand bénéfice de cette immi­gration ? »57

« Cette immigration profitera davantage à Madagascar qui retrouvera des agriculteurs civilisés dans les Antandroys sauvages qui se sont expatriés ».

« Comment la France récompensa-t-elle les services que nos volontaires créoles lui avaient toujours rendus ? »58

« La Réunion demandait à payer l’impôt du sang en récompense des services rendus. Le service militaire, obligatoire, nous fut alors accordé ».

Influencé par l’actualité récente de son île, Paul Hermann fait référence au recrutement d’engagés Antandroys59 dont les médias retranscrivent les péripéties liées à leur installation et surtout les débats d’opinion sur leur utilité. Quatre convois d’Antandroys partent effectivement entre 1922 et 1927 afin de fournir des travailleurs engagés à La Réunion. Cette situation est paradoxale car Madagascar manque de main-d’œuvre, mais la soif de travailleurs est grande à La Réunion, qui recherche des engagés pouvant être payés à moindre coût. Les tensions entre les deux colonies sont fortes et nécessitent l’arbitrage du ministère des Colonies. Les tractations et les arguments de La Réunion révèlent alors un engagisme qui s’apparente au rétablissement d’une forme de traite, pour reprendre les propos de Mireille Tonner60. Les préjugés raciaux s’inscrivent dans un contexte de mission civilisatrice où la supériorité des Réunionnais sur les Antandroys et plus communé­ment sur les Malgaches est une antienne très largement partagée. Ils sont consi­dérés dans l’ensemble comme des sauvages à l’âme simpliste, au demeurant fort sympathiques, mais très individualistes, voleurs et paresseux. S’ils « ignorent le mal, ils n’ont pas davantage connaissance du bien et évitent soigneusement tout ce qui demande peine et fatigue »61. On leur accorde néanmoins une constitution robuste et un caractère doux, autant de clichés raciaux qui laissent penser que les Malgaches peuvent apporter bien des contrariétés (« Madagascar ne nous apporta-t-il pas aussi d’autres ennuis ? ») et que l’action des Réunionnais nécessite d’être reconnue et récompensée selon le principe de la « Colonie colonisatrice »62.

L’ouvrage met également en évidence la communion administrative entre l’île et les autres territoires de la Nation puisque « la Réunion est regardée comme un département ; son chef-lieu est Saint-Denis »63. Les spécificités du pouvoir colonial sont donc abordées dans une perspective assimilatrice et La Réunion se targue d’être un département malgré son statut colonial64. Le pouvoir s’appréhende dans sa conception républicaine où les gouvernants agissent pour l’intérêt de tous. Non sans forfanterie, certains thèmes rappellent pourtant l’esprit frondeur des Réunion­nais quand leurs intérêts sont menacés.

QUESTIONS

RÉPONSES

« Le gouverneur est-il un maître absolu ? »65

« Il n’y a aucun maître absolu dans la République française. Le peuple est seul souverain. Le gouverneur agit la loi en mains ; il exécute les décisions du Conseil général et, dans certains cas, il prend l’avis du Conseil privé ».

« N’empoisonna-t-on pas chez nous un gouverneur à cette époque d’insécurité et de troubles continuels ? »66

« Les noirs marrons créaient l’insécurité et les chasseurs prétendaient chasser tout
le temps. Le gouverneur Habert de Vauboulon67, homme sévère, avait régle­menté la chasse et défendu le commerce avec les forbans. Les habitants mécontents l’arrêtèrent à Saint-Paul, le conduisirent à Saint-Denis, puis sur les hauts de Sainte-Marie où il fut empoisonné ».

« Que font nos deux députés et notre sénateur en France ? »68

« Nos deux députés et notre sénateur69 représentent en France l’île de la Réunion. Ils demandent ou refusent en notre nom et défendent nos intérêts quand il en est besoin ».

Les modalités du pouvoir colonial sont ainsi présentées de manière schématique et ne tiennent pas compte d’une nécessaire contextualisation. C’est notamment le cas de la représentation locale et plus particulièrement des instances consultatives de la colonie. Depuis 1825, le gouverneur est effectivement entouré d’un Conseil privé, formé des trois chefs de l’administration, de l’inspecteur colo­nial et de deux conseillers privés nommés par le pouvoir central sur la proposition du gouverneur70. Si le Conseil privé a disposé de certains droits de contrôle, ses prérogatives semblent avoir été très largement amoindries à partir des années 1860-1870. Il faut évidemment attribuer en grande partie le déclin du Conseil Privé au rôle de plus en plus important du Conseil général. Selon André Scherer, « le Conseil privé, conseil des notables, était parfaitement conforme aux doctrines politiques de la Restauration. Il l’était évidemment moins aux idées directrices de la Troisième République et il apparaît normal que toute son influence se soit effacée devant celle de la représentation populaire tant sur le plan national que local »71. Quant au Conseil général, créé en 1825, puis mis en sommeil, ses attributions ont été définies par le sénatus-consulte de 1866. Il est alors autorisé « à statuer sur quantité de questions d’intérêt local et à voter les taxes et contributions de toute nature nécessaires pour l’acquittement des dépenses »72. Avec la proclamation de la République, les dispositions prises pour les territoires métropolitains devaient s’appliquer à La Réunion mais « le fonctionnement du même conseil général resta régi par les dispositions du sénatus-consulte de 1866 si bien que sous la Troisième République, le Conseil général de la Réunion eut davantage de pouvoirs qu’un Conseil général de département métropolitain »73. Quant aux « noirs marrons » et au gouverneur Henri Habert de Vauboulon, si l’arrestation et l’assassinat de ce dernier sont attestés, les raisons de cette sédition sont présentées comme le résultat de nombreux abus de pouvoir. Curieusement, la rigueur exercée envers les esclaves marrons n’est pas mentionnée74, ni sa politique de régularisation des concessions accordées aux colons de l’île. Ce dernier aspect explique notamment le marronnage de petits colons blancs75, incapables de faire face aux frais occasionnés par le rachat de leur concession. L’ensemble de ces analyses démontre que la réalité de l’histoire de La Réunion se comprend à l’aune du contexte de rédaction de l’ouvrage. L’ancienneté de la représentation coloniale est perçue comme une garantie de son maintien et comme une preuve de l’assimilation pleine et entière de l’île à la réalité nationale. Le gouverneur n’est que le garant de la loi et ne peut déroger à la règle d’un respect des valeurs réunionnaises. L’histoire se fige et se transforme en un imaginaire où la mémoire prime sur la réalité des événements.

La guerre de 1870 tient une place importante pour exprimer l’engagement patriotique des Réunionnais. Même si les élans semblent se concentrer autour de la figure de Juliette Dodu, par empathie et par fidélité patriotique les malheurs de la France deviennent ceux de La Réunion.

QUESTIONS

RÉPONSES

« Comment la Réunion montra-t-elle son patriotisme en 1870 ? »

« La Réunion souffrit des malheurs de la France en 1870 et 1871. Ceux de ses enfants qui en eurent les moyens volèrent comme dans toutes les guerres à son secours ».

« N’y a-t-il pas une femme créole qui s’est distinguée par son héroïsme pendant la guerre de 1870 ? »76

« Juliette Dodu était née à Saint-Denis. Employée des télégraphes à Pithiviers, elle fut, [illisible]… En 1871, chassée de son bureau par les Allemands ; mais, la nuit, elle interceptait les dépêches ennemies et avisait le général français. Elle fut surprise et condamnée à être fusillée. L’armistice la délivra. “Si tous les Français avaient votre cœur, lui dit le général prussien, les Allemands ne seraient pas en France !” »

La participation des Réunionnais à la Grande Guerre ayant été plus impor­tante, la fierté est exprimée avec force et débouche sur une logique mémorielle et revendicative. En effet, « La Réunion a bien mérité de la Patrie. Qu’elle en est fière ! Qu’on en juge par tous ces monuments commémoratifs que toutes nos communes élèvent à l’envie ! »77. Quant au prix de cet engagement, le manuel insiste sur deux revendications concrètes : disposer enfin d’un télégraphe sans fil et pouvoir faire son service militaire en France.

La conclusion de l’ouvrage insiste sur l’avenir de la colonie et les efforts à entreprendre « pour conserver dans l’avenir le rang [qu’elle a] acquis dans le passé (…), pour que la Réunion continue à se faire remarquer parmi les colonies françaises ». Pour atteindre cet objectif, seul un travail consciencieux et persé­vérant permettrait de « continuer à mériter les faveurs de la nature et celles que la grande Patrie est appelée à partager entre les plus dignes de ses enfants aujourd’hui si nombreux »78. Cette apologie de l’histoire réunionnaise et les fondements civiques qui la sous-tendent nous rappellent, selon Marius et Ary Leblond, qu’on a « presque toujours négligé ou méconnu la valeur des enfants célèbres du pays ; les programmes d’enseignement, qui traitent si chichement les plus importantes questions locales, se bornent à les citer quand il faudrait conter au long leur vie pour développer l’émulation, vertu la plus nécessaire aux colonies si éloignées de la métropole »79. Pourtant, selon Ernest Renan, « le progrès des études historiques est souvent pour la nationalité un danger. L’investigation historique, en effet, remet en lumière les faits de violence qui se sont passés à l’origine de toutes les formations politiques, même celles dont les conséquences ont été les plus bienfaisantes. L’unité se fait toujours brutalement »80. Nul doute que les enseignants aient pris conscience de cette violence sacrificielle qui met en valeur les enfants célèbres de la colonie, cependant pour éviter les écueils d’un tel raisonnement, les intérêts pédagogiques et civiques semblent avoir de plus en plus primé dans le choix d’utilisation de ces supports.

En effet, l’édition de sources érudites ou de manuels pédagogiques à caractère régional n’est pas anodine. On aborde par ce biais la question de l’identité. La reconnaissance de ce que l’on est, par soi-même ou par les autres, débouche inéluctablement sur une prise de position sur les savoirs transmis au sein de l’école mais aussi sur les processus cognitifs et affectifs par lesquels l’élève se conçoit et se perçoit. Les questions de valeurs républicaines et d’unicité des programmes dans le cadre de la construction d’une identité nationale constituent donc des enjeux de première importance. Dans ce domaine, les adaptations proposées ne sont jamais perçues comme une « boîte de Pandore » car les objectifs avancés par les inspecteurs venant de métropole ou les vice-recteurs de l’académie renvoient surtout à des principes pédagogiques, même si les valeurs moralisantes ne sont jamais absentes de leurs propos. La construction progressive des savoirs met ainsi en exergue la nécessité de partir des sensibilités des élèves et donc de leur réalité locale. Les enjeux idéologiques cèdent peu à peu la place aux intérêts pédago­giques, à quelques nuances près pour notre période d’analyse.

La familiarité des lieux est donc considérée comme un axe pédagogique fort de l’enseignement de l’histoire républicaine. Dans ce contexte, l’élève est au centre de l’étude et présente une plus grande motivation par une approche plus concrète des phénomènes étudiés. Cette volonté était déjà revendiquée dans les instructions de 1889 lorsque l’on demande aux enseignants de localiser davantage les phénomènes étudiés afin de « donner à l’enfant le sens du concret »81. Pourtant, cette approche locale peut être parfois considérée comme un frein aux apprentissages lorsque le vécu local est appréhendé de manière négative par l’élève, ou lorsque l’environnement proche est totalement inconnu de celui-ci.

Pour autant, la rentabilité pédagogique d’une telle approche ne souffre ni critique ni opposition. Comme le rappelle Vidal de la Blanche, entre toutes les contrées, « celles qu’il peut voir et où le sort peut le conduire, il y en a une [celle de ses origines] qui, suivant l’expression du poète, lui rit plus qu’aucune autre. Cela est indéfinissable et pourtant réel. Est-ce tel objet, telle forme ou telle image particulière qui s’est emparée ainsi de nos souvenirs ? On ne peut dire ; mais il suffit qu’un détail se présente à l’esprit pour évoquer tout le reste. De toutes ces choses enfouies dans la mémoire, mais toujours prêtes à s’en sortir, notre imagination a fait un ensemble ; et cela s’appelle d’un nom que tout le monde comprend, l’attachement au pays »82. Ces représentations sont considérées comme le stade initial sur lequel peut se greffer un véritable apprentissage et surtout un enseignement civique permettant aux élèves d’éprouver des sentiments plus profonds pour leur petite Patrie puis pour la grande, selon une logique d’emboîtement d’échelles revendiquée par les pédagogues de la Troisième République. Comme le souligne une circulaire ministérielle de 1911 :

Ce qui fait que l’histoire apparaît généralement à l’enfant comme une étude difficile et peu attrayante, c’est qu’elle lui est trop souvent présentée d’une manière abstraite et sans liens avec la réalité qu’il peut concevoir. On ne l’y intéresse vraiment qu’à la condition de solliciter sa curiosité ou de provoquer son émotion.
C’est surtout pour lui que l’histoire doit être, suivant le mot de Michelet, une résurrection. Et comment réussira-t-on mieux à la rendre telle à ses yeux qu’en la plaçant dans le cadre de son existence quotidienne, qu’en lui rappelant les faits dont sa région a été le théâtre, en lui racontant la vie de ceux de ses aïeux dont la mémoire a mérité de survivre, en lui montrant, tout près de lui, des sites, monuments, ruines, vestiges divers, propres à faire naître des visions évocatrices et de fortes impressions ? […]
Ainsi placés, non dans un cadre imprécis et vague, mais dans leur milieu même, les faits deviendront plus impressionnants, les personnages plus réels. Ainsi nourrie pour ainsi dire des sucs du terroir, l’histoire nationale sera plus vivante et mieux comprise83.

Ce nouveau paradigme permet de s’interroger sur les modalités d’appré­hension du monde selon une démarche qui envisage l’objet historique étudié et son observateur, c’est-à-dire l’élève. Il s’agit ainsi de prendre en compte une certaine subjectivité que l’on peut traduire d’un point de vue épistémologique par le fait qu’aucune connaissance n’est véritablement absolue et objective mais qu’elle suppose une construction, donc une part de contingence et de subjectivité.

Parallèlement, la place accordée aux savoirs scientifiques et vernaculaires et les enjeux mémoriels sont à cet effet éclairants. Les savoirs scientifiques ont tendance à se généraliser au cours de notre période d’analyse grâce à la création de nombreuses institutions à caractère culturel. L’Académie de La Réunion, fondée en 1913, a pour objet l’étude approfondie de toutes les questions relatives à l’histoire, la géographie, les sciences naturelles, la littérature et les arts. La Société des Sciences et des Arts a été reconstituée en 1920 (1856) et a pour but d’étudier et de propager les sciences, les lettres et les arts. Elle fonctionne de manière décentralisée et organise de nombreuses manifestations. L’Université populaire, fondée en 1921, groupe plus particulièrement des éducateurs, professeurs et instituteurs, qui consacrent leurs loisirs à l’instruction et à l’éducation populaire et suppléent à l’absence d’enseignement postscolaire dans la colonie. À la Bibliothèque coloniale à Saint-Denis, on peut ajouter des bibliothèques populaires dans les différentes communes (1906) et d’autres, itinérantes comme le Cercle de lecture fondé en 1921. Le Musée d’Art et d’Histoire, appelé Léon Dierx, a été créé à l’initiative de Marius et Ary Leblond. Institué officiellement en 1911, il ne fut inauguré qu’en 1922. Outre les expositions à caractère artistique, il renferme dans sa section historique des documents d’archives sur l’histoire de La Réunion.

Les savoirs vernaculaires quant à eux peuvent être définis comme étant des savoirs populaires, traditionnels, autochtones, endogènes, locaux, ordinaires ; toutes ces expressions, en dépit de leur diversité, recouvrent un même champ sémantique, celui de savoirs considérés comme non-scientifiques. La prise en compte d’une réalité locale met en évidence cette délicate intégration de savoirs populaires liés aux représentations mentales et à la mémoire des élèves. Les contes84, la chanson ou les témoignages rendent parfois difficiles les tentatives de théorisation d’une thématique historique. Ils sont pourtant nécessaires dans la mesure où ils constituent les prolégomènes d’un savoir en devenir. Étant fortement enracinés dans le réel, ils constituent des ancrages de premier choix pour établir une relation pédagogique de qualité. Le danger était pourtant de proposer aux élèves de l’île une vision de l’histoire gauchie par les finalités moralisantes et politiques, par une éducation pro patria délaissant parfois les valeurs universelles pourtant défendues par l’école républicaine.

1 Antoine Prost, « École, histoire et nation : présentation », Histoire de l’éducation, n° 126, 2010, p. 5-10.

2 Pierre-Eric Fageol, « Le patriotisme au lycée de Saint-Denis de La Réunion avant la Grande Guerre (1870-1914) », Histoire de l’éducation, n° 133

3 Benedict Anderson, L’imaginaire national, Paris, Éd. La Découverte, 1996, 224 p.

4 Préface de Mona Ozouf in Jean-François Chanet, L’École républicaine et les petites Patries, Paris, Aubier « Histoires », 1996, p. 5.

5 Même si les sources n’utilisent pas, d’une manière générale, une majuscule pour l’article précédant le toponyme « Réunion », l’usage établi par la

6 Pierre-Eric Fageol, « La valorisation de la petite Patrie à La Réunion sous la Troisième République. Approche historiographique », Tsingy n° 18

7 Ce processus transformant certains héritages en objets identitaires renvoie également à l’idée de biens communs à partager. Si le patrimoine

8 Anne-Marie Thiesse, Ils apprenaient la France. L’exaltation des régions dans les discours patriotiques, Paris, Éd. La Maison des Sciences de l’

9 Prosper Ève, Un transfert culturel à La Réunion : l’idéal républicain, Saint André, Océan Éditions, 2009, 410 p.

10 Paul Vidal de la Blache, « La géographie à l’école », in Manuel Général de l’Instruction Primaire, 1907, n° 3, pp. 33-35, cité par Jean-François

11 id.

12 À cet égard, les œuvres de Marius et Ary Leblond sont symptomatiques : En France (Éditions Bibliothèque-Librairie Charpentier, 1909, 470 p.)

13 Paul Vidal de La Blache, « Discours prononcé à la séance générale du congrès des sociétés savantes le 5 avril 1902 », Paris, Imprimerie Nationale

14 Patricia Legris, Qui écrit les programmes d’histoire ?, Grenoble, PUG, 2014, p. 7.

15 Jean-François Chanet, L’École républicaine et les petites patries, op. cit., p. 31.

16 Cf. Henry Lemonnier, L’enseignement de l’histoire dans les écoles primaires, Paris, 1889.

17 Pierre Portet, « Notes sur l’enseignement de l’histoire à la Réunion ; programmes et manuels scolaires de 1844 à 1995 », Revue historique des

18 ibid., p. 252.

19 id.

20 id.

21 id.

22 « Circulaire concernant le service de l’instruction primaire », Bulletin de l’enseignement primaire de l’île de la Réunion, septembre 1907.

23 « Épreuve du certificat d’aptitude pédagogique, session du 30 janvier », Bulletin de l’enseignement primaire de l’île de la Réunion, janvier 1909

24 « Épreuve du CAP, session de janvier », Bulletin de l’enseignement primaire de l’île de la Réunion, janvier 1910.

25 « Préparation au CAP », Bulletin de l’enseignement primaire de l’île de la Réunion, mars 1910.

26 « Sur les nouvelles méthodes de l’enseignement de l’histoire à l’école primaire », Bulletin de l’enseignement primaire de l’île de la Réunion

27 « Avertissement sans frais », Bulletin de l’enseignement primaire de l’île de la Réunion, juillet 1910.

28 Pierre Portet, « Notes sur l’enseignement de l’histoire à la Réunion ; programmes et manuels scolaires de 1844 à 1995 », op. cit., p. 253.

29 Intitulé de sa thèse qui lui permit de devenir recteur de Toulouse avant-guerre avant de prendre son poste au ministère (http://gallica.bnf.fr/

30 Programmes officiels de 1923, Journal officiel de la République française. Lois et décrets, 25 février 1923 (http://catalogue.bnf.fr/ark :/12148/

31 id.

32 id.

33 id.

34 « On s’est parfois demandé quel devait être, à l’école primaire, le caractère de l’ensei­gnement historique et géographique ; on a voulu opposer

35 « Introduction commune à l’histoire et à la géographie », Instructions Officielles 1923, citée par Olivier Loubes, L’école et la patrie. Histoire

36 Pierre Portet, « Notes sur l’enseignement de l’histoire à la Réunion : programmes et manuels scolaires de 1844 à 1995 », op. cit., p. 254.

37 Dans ce panorama, nous avons laissé volontairement de côté les mesures prises sous le régime de Vichy qui ne seront jamais appliquées au regard du

38 Pierre Portet, « Notes sur l’enseignement de l’histoire à la Réunion : programmes et manuels scolaires de 1844 à 1995 », op. cit., p. 268.

39 Ibid., p. 255.

40 Paul Hermann, Histoire et Géographie de l’île de la Réunion cours moyen, Paris, Ch. Delagrave, 1909, 59 p.

41 Né le 25 juillet 1878 à Saint-Pierre, Paul Hermann a été instituteur dans de nombreuses communes de l’île après ses études à l’École normale sur

42 « Histoire et géographie de La Réunion », in Bulletin de l’enseignement primaire de l’île de La Réunion, mai-juin 1909.

43 Son manuel a connu cinq éditions successives jusqu’en 1931. Il faut attendre 1954 pour que deux nouveaux manuels paraissent sur l’histoire et la

44 Marie-Laure Payet est née à l’Entre-Deux en 1922. Devenue institutrice, elle a enseigné à La Réunion puis à Tananarive à l’école Le Myre de

45 Marie-Laure Payet, Entre deux souvenirs, Saint-Denis, Azalées Éditions, 1993, p. 53. L’importance de la culture nationale transmise par la

46 Pierre Portet, « Notes sur l’enseignement de l’histoire de la Réunion… », op. cit.

47 id.

48 Paul Hermann, La Réunion au Cours élémentaire, La Chapelle-Montligeon, 1924, 68 p.

49 Il s’agit de la chrystophine.

50 Paul Hermann, La Réunion au Cours élémentaire, op. cit., p. 3.

51 Joseph Hubert (1747-1825) est surtout connu pour ses travaux scientifiques liés à la climatologie et le volcanisme.

52 Né le 23 août 1755 à Saint-Pierre d’une mère esclave et d’un ingénieur français, Lislet Geoffroy s’est illustré tout à la fois en botanique, en

53 Né à Saint-Benoît le 28 novembre 1775, Pierre-François Bouvet de Maisonneuve s’est illustré comme corsaire, capitaine de course puis commandant

54 Juliette Dodu est une héroïne de la guerre de 1870. Elle reçut en 1877 la médaille militaire et la croix de la Légion d’honneur pour faits de

55 Roland Garros constitue l’une des rares figures héroïques réunionnaises de la Grande Guerre. La puissance du personnage réside à la fois dans sa

56 Paul Hermann, La Réunion au Cours élémentaire, op. cit., p. 3.

57 Ibid., p. 16.

58 Ibid., p. 54.

59 Ethnie du Sud de Madagascar, les Antandroys (« ceux qui vivent dans les épines ») sont régulièrement contraints de quitter leur région d’origine

60 Mireille Tonner, « Les travailleurs malgaches à La Réunion durant l’entre-deux-guerres », Compte-rendu d’un mémoire de maîtrise soutenue en 1972

61 E. Defoort, L’Androy, essai de monographie, Tananarive, Imprimerie officielle, 1931, cité par Mireille Tonner, id.

62 La publication de l’ouvrage de Raphaël Barquissau (Une Colonie colonisatrice, Saint-Denis, Drouhet 1922, 86 p.) précède de peu la publication de

63 Paul Hermann, La Réunion au Cours élémentaire, op. cit., p. 16.

64 Suivant une logique assimilatrice, le principe de la représentation politique de l’île détermine les sentiments éprouvés. L’acculturation

65 Ibid., p. 33.

66 Ibid., p. 43.

67 Nommé à la tête de l’administration en 1689, il fut effectivement emprisonné et empoisonné en 1692.

68 Ibid., p. 33.

69 Il s’agit alors des députés Lucien Gasparin et Auguste Brunet ainsi que du sénateur Jules Aubert.

70 Cf. David Gagneur, « Nouveaux élus, nouvelles élites politiques : des incarnations républicaines ? », Colloque Elites et pouvoir colonial

71 Cf. André Scherer, « Histoire des institutions de la Réunion de 1815 à 1947 », in Premier congrès de droit privé comparé Maurice-La Réunion

72 id.

73 id.

74 L’ordonnance du 18 décembre 1689 stipule que « s’ils s’absentaient plus d’un jour, sans permissions de leur lieu de travail, les Noirs étaient

75 C’est un des traits communs à l’historiographie réunionnaise de ne mentionner que rarement ce phénomène. Selon Robert Chaudenson, « "Marrons"

76 Paul Hermann, La Réunion au Cours élémentaire, op. cit., p. 53.

77 Ibid., p. 58.

78 Ibid., p. 62.

79 Marius et Ary Leblond, Exposition coloniale internationale de Paris. L’île de la Réunion, Paris, Société d’éditions géographiques, maritimes et

80 Ernest Renan, « Conférence à la Sorbonne du 11 mars 1882 », in Philippe Forest, Qu’est-ce qu’une Nation ? Littérature et identité nationale de

81 Henri Lemonnier, L’enseignement de l’histoire dans les écoles primaires, 1889, in Claude Bernard, Comment nos ministres font l’histoire : le

82 Pierre Vidal de la Blache, « La géographie à l’école », in Manuel Général de l’Instruction Primaire, 1907, n° 3, p. 33-35, cité par Jean-François

83 Circulaire ministérielle de 1911 citée par Anne-Marie Thiesse, Ils apprenaient la France…, op. cit., p. 63.

84 Cf. Louis Émile Héry, Fables créoles et Explorations dans l’intérieur de l’île Bourbon, Paris, J. Rigal et C°, 1883, 196 p. (A.N.O.M. BIB ECOL//

1 Antoine Prost, « École, histoire et nation : présentation », Histoire de l’éducation, n° 126, 2010, p. 5-10.

2 Pierre-Eric Fageol, « Le patriotisme au lycée de Saint-Denis de La Réunion avant la Grande Guerre (1870-1914) », Histoire de l’éducation, n° 133, 2012, p. 43-64.

3 Benedict Anderson, L’imaginaire national, Paris, Éd. La Découverte, 1996, 224 p.

4 Préface de Mona Ozouf in Jean-François Chanet, L’École républicaine et les petites Patries, Paris, Aubier « Histoires », 1996, p. 5.

5 Même si les sources n’utilisent pas, d’une manière générale, une majuscule pour l’article précédant le toponyme « Réunion », l’usage établi par la Commission Nationale de Toponymie nous invite à le faire en dehors des citations de sources qui ne l’emploient pas.

6 Pierre-Eric Fageol, « La valorisation de la petite Patrie à La Réunion sous la Troisième République. Approche historiographique », Tsingy n° 18, 2015, p. 57-70.

7 Ce processus transformant certains héritages en objets identitaires renvoie également à l’idée de biens communs à partager. Si le patrimoine semble au premier abord une notion familière, celle-ci se révèle d’une extraordinaire complexité. Son sens, tantôt familial, tantôt collectif, les valeurs qui lui sont attachées, qui relèvent selon l’époque de la valeur historique, marchande, pédagogique, communautaire ou identitaire, ont évolué au fil des siècles. Son champ sémantique s’avère pluriel, englobant tant les biens hérités du père et de la mère que les monuments, les sites naturels ou les créa­tions immatérielles. Cf. Jean-Michel Leniaud, Les archipels du passé : le patrimoine et son histoire, Paris, Fayard, 2002, 360 p.

8 Anne-Marie Thiesse, Ils apprenaient la France. L’exaltation des régions dans les discours patriotiques, Paris, Éd. La Maison des Sciences de l’Homme, 1997, p. 29.

9 Prosper Ève, Un transfert culturel à La Réunion : l’idéal républicain, Saint André, Océan Éditions, 2009, 410 p.

10 Paul Vidal de la Blache, « La géographie à l’école », in Manuel Général de l’Instruction Primaire, 1907, n° 3, pp. 33-35, cité par Jean-François Chanet, L’École républicaine et les petites patries, op. cit., p. 148.

11 id.

12 À cet égard, les œuvres de Marius et Ary Leblond sont symptomatiques : En France (Éditions Bibliothèque-Librairie Charpentier, 1909, 470 p.) décrit ainsi le parcours de jeunes Créoles venus faire leurs études en métropole. Le roman a la subtilité d’inverser les codes du roman exotique. Il ne décrit pas des Français exilés à l’autre bout du monde dans l’univers colonial, mais tout au contraire la vie de Créoles en France. La fiction romanesque emprunte la trajectoire d’un désenchantement, d’une désillusion liée à la difficile adaptation à l’univers parisien même si « tout Créole est parisien » et que « Paris [est] son autre patrie » selon les termes de Louis Brunet (Français toujours !, Paris Léopold Cerf, 1895, p. 76) Le regard passe progressivement de la sublimation à la démystification.

13 Paul Vidal de La Blache, « Discours prononcé à la séance générale du congrès des sociétés savantes le 5 avril 1902 », Paris, Imprimerie Nationale, 1902, p. 8.

14 Patricia Legris, Qui écrit les programmes d’histoire ?, Grenoble, PUG, 2014, p. 7.

15 Jean-François Chanet, L’École républicaine et les petites patries, op. cit., p. 31.

16 Cf. Henry Lemonnier, L’enseignement de l’histoire dans les écoles primaires, Paris, 1889.

17 Pierre Portet, « Notes sur l’enseignement de l’histoire à la Réunion ; programmes et manuels scolaires de 1844 à 1995 », Revue historique des Mascareignes, AHIOI, 1998, n° 1, p. 251-269.

18 ibid., p. 252.

19 id.

20 id.

21 id.

22 « Circulaire concernant le service de l’instruction primaire », Bulletin de l’enseignement primaire de l’île de la Réunion, septembre 1907.

23 « Épreuve du certificat d’aptitude pédagogique, session du 30 janvier », Bulletin de l’enseignement primaire de l’île de la Réunion, janvier 1909.

24 « Épreuve du CAP, session de janvier », Bulletin de l’enseignement primaire de l’île de la Réunion, janvier 1910.

25 « Préparation au CAP », Bulletin de l’enseignement primaire de l’île de la Réunion, mars 1910.

26 « Sur les nouvelles méthodes de l’enseignement de l’histoire à l’école primaire », Bulletin de l’enseignement primaire de l’île de la Réunion, décembre 1910.

27 « Avertissement sans frais », Bulletin de l’enseignement primaire de l’île de la Réunion, juillet 1910.

28 Pierre Portet, « Notes sur l’enseignement de l’histoire à la Réunion ; programmes et manuels scolaires de 1844 à 1995 », op. cit., p. 253.

29 Intitulé de sa thèse qui lui permit de devenir recteur de Toulouse avant-guerre avant de prendre son poste au ministère (http://gallica.bnf.fr/ark :/12148/bpt6k743455).

30 Programmes officiels de 1923, Journal officiel de la République française. Lois et décrets, 25 février 1923 (http://catalogue.bnf.fr/ark :/12148/cb34378481r).

31 id.

32 id.

33 id.

34 « On s’est parfois demandé quel devait être, à l’école primaire, le caractère de l’ensei­gnement historique et géographique ; on a voulu opposer le point de vue scientifique et le point de vue civique, les uns soutenant que l’historien, même à l’école primaire, ne doit avoir d’autre souci que de dire toute la vérité, les autres estimant que l’instituteur doit surtout s’attacher à cultiver, par le récit des gloires et par la description des beautés de notre pays, le sentiment patriotique », id.

35 « Introduction commune à l’histoire et à la géographie », Instructions Officielles 1923, citée par Olivier Loubes, L’école et la patrie. Histoire d’un désenchantement, 1914-1940, Paris, Belin, 2001, p. 56.

36 Pierre Portet, « Notes sur l’enseignement de l’histoire à la Réunion : programmes et manuels scolaires de 1844 à 1995 », op. cit., p. 254.

37 Dans ce panorama, nous avons laissé volontairement de côté les mesures prises sous le régime de Vichy qui ne seront jamais appliquées au regard du contexte historique spécifique. Cf. Pierre-Éric Fageol, « La Révolution nationale et l’exaltation impériale à La Réunion durant la période de Vichy (1940-1942) », Guerres mondiales et conflits contemporains, PUF, n° 246, p. 41-62.

38 Pierre Portet, « Notes sur l’enseignement de l’histoire à la Réunion : programmes et manuels scolaires de 1844 à 1995 », op. cit., p. 268.

39 Ibid., p. 255.

40 Paul Hermann, Histoire et Géographie de l’île de la Réunion cours moyen, Paris, Ch. Delagrave, 1909, 59 p.

41 Né le 25 juillet 1878 à Saint-Pierre, Paul Hermann a été instituteur dans de nombreuses communes de l’île après ses études à l’École normale sur Saint-Denis. Reconnu par ses pairs, il reçoit les Palmes académiques et la Médaille d’argent des instituteurs. Ses publications s’inscrivent dans l’application de nouveaux programmes (1903 et 1923) qui prennent en compte la dimension locale de l’enseignement. Grâce au soutien du gouverneur Camille Guy, agrégé en Histoire, ses publications vont connaître un vif succès. Une école primaire porte son nom aujourd’hui dans la commune des Avirons à La Réunion.

42 « Histoire et géographie de La Réunion », in Bulletin de l’enseignement primaire de l’île de La Réunion, mai-juin 1909.

43 Son manuel a connu cinq éditions successives jusqu’en 1931. Il faut attendre 1954 pour que deux nouveaux manuels paraissent sur l’histoire et la géographie locales. Cf. Maxime Planté, Géographie de La Réunion à l’usage des écoles primaires, Paris, F. Nathan, 30 p. ; Eugène Souris, Histoire abrégée de l’île de La Réunion, Saint-Denis, Cazal, 1954, 119 p.

44 Marie-Laure Payet est née à l’Entre-Deux en 1922. Devenue institutrice, elle a enseigné à La Réunion puis à Tananarive à l’école Le Myre de Vilers avant d’exercer en métropole. Son récit témoigne des effets de réverbération que supposent les contacts interculturels entre les différents territoires de l’Empire (La Réunion puis Madagascar) et la métropole.

45 Marie-Laure Payet, Entre deux souvenirs, Saint-Denis, Azalées Éditions, 1993, p. 53. L’importance de la culture nationale transmise par la famille est une thématique peu étudiée. L’absence de sources ou tout au moins leur difficile récolement explique sûrement cette lacune. Rappelons que ce que Mona Ozouf dit de sa grand-mère, paysanne bretonne qui ne fréquenta jamais l’école parce qu’elle avait déjà dix ans au moment de la loi Ferry sur l’obligation scolaire : « Si la France avait une existence à la maison, c’était grâce à elle », in Mona Ozouf, Composition française. Retour sur une enfance bretonne, Paris, Gallimard, 2009, p. 70.

46 Pierre Portet, « Notes sur l’enseignement de l’histoire de la Réunion… », op. cit.

47 id.

48 Paul Hermann, La Réunion au Cours élémentaire, La Chapelle-Montligeon, 1924, 68 p.

49 Il s’agit de la chrystophine.

50 Paul Hermann, La Réunion au Cours élémentaire, op. cit., p. 3.

51 Joseph Hubert (1747-1825) est surtout connu pour ses travaux scientifiques liés à la climatologie et le volcanisme.

52 Né le 23 août 1755 à Saint-Pierre d’une mère esclave et d’un ingénieur français, Lislet Geoffroy s’est illustré tout à la fois en botanique, en astronomie, en cartographie et en géologie. Ses observations lui permettent de devenir le premier correspondant de l’Académie des sciences dans les colonies.

53 Né à Saint-Benoît le 28 novembre 1775, Pierre-François Bouvet de Maisonneuve s’est illustré comme corsaire, capitaine de course puis commandant de vaisseau dans l’océan Indien. Il est nommé au grade de contre-amiral à titre honoraire lors de sa mise à la retraite. Il s’est rendu célèbre par la Bataille du Grand Port en 1810 sur l’Île de France, dernière victoire navale sur les Anglais. Une grande partie de sa renommée est d’ailleurs liée à ses actes héroïques (entre 1808 et 1809 il capture plus de trente navires anglais) et tragiques (il est notamment emprisonné sur les redoutables pontons de Plymouth) face aux Britanniques.

54 Juliette Dodu est une héroïne de la guerre de 1870. Elle reçut en 1877 la médaille militaire et la croix de la Légion d’honneur pour faits de guerre. Ses actes héroïques sont relatés avec effusion par les chroniqueurs et les concepteurs de manuels scolaires de l’île. Comparée à une « Jeanne d’Arc réunionnaise », Juliette Dodu incarne les vertus de l’élite coloniale parfois plus prompte à défendre les valeurs de la commu­nauté nationale. Cf. Pierre-Éric Fageol, « La mémoire réunionnaise de la guerre de 1870 », Colloque La guerre franco-prussienne de 1870, entre l’oubli national et les mémoires régionales (1871-2016). Moments, traces, regards, Université d’Orléans, 6 et 7 juin 2016.

55 Roland Garros constitue l’une des rares figures héroïques réunionnaises de la Grande Guerre. La puissance du personnage réside à la fois dans sa renommée aéronautique et dans « l’apothéose de sa mort » (La Paix du 27 avril 1926). Ce héros à la destinée tragique est érigé en modèle pour des générations de Réunionnais en mal d’aventure qui s’inscrivent dans une culture chevaleresque fortement ancrée dans les esprits. Cf. Pierre-Éric Fageol, « Le "panthéon" des grands hommes réunionnais et le proces­sus d’acculturation nationale dans l’enseignement local durant la période coloniale », Colloque Elites et pouvoir colonial, Saint-Denis de La Réunion, AHIOI, du 16 au 22 novembre 2015.

56 Paul Hermann, La Réunion au Cours élémentaire, op. cit., p. 3.

57 Ibid., p. 16.

58 Ibid., p. 54.

59 Ethnie du Sud de Madagascar, les Antandroys (« ceux qui vivent dans les épines ») sont régulièrement contraints de quitter leur région d’origine pour subvenir aux besoins de leurs familles. Selon Alfred Grandidier, la guerre, les vols de bœufs et de femmes constituaient leurs principales activités jusqu’à la pénétration française au début du XXe siècle. Cette réputation explique certainement les préjugés raciaux éprouvés à leur encontre. Cf. « Une excursion dans la région australe chez les Antandrouïs », Bulletin de la Société des sciences et arts de l’île de la Réunion, 1867, 23 p.

60 Mireille Tonner, « Les travailleurs malgaches à La Réunion durant l’entre-deux-guerres », Compte-rendu d’un mémoire de maîtrise soutenue en 1972 à Aix-Marseille, ss. dir. Jean Frémigacci, in Tsingy n° 15, 2e sem. 2012.

61 E. Defoort, L’Androy, essai de monographie, Tananarive, Imprimerie officielle, 1931, cité par Mireille Tonner, id.

62 La publication de l’ouvrage de Raphaël Barquissau (Une Colonie colonisatrice, Saint-Denis, Drouhet 1922, 86 p.) précède de peu la publication de l’ouvrage de Paul Hermann.

63 Paul Hermann, La Réunion au Cours élémentaire, op. cit., p. 16.

64 Suivant une logique assimilatrice, le principe de la représentation politique de l’île détermine les sentiments éprouvés. L’acculturation républicaine a pu ainsi modifier le regard et proposer une alternative à la quête identitaire. En effet, l’idée d’une répu­blique une et indivisible implique qu’aucune de ses composantes ne peut être lointaine. Les avancées politiques ont donc favorisé une certaine proximité des représentations et accéléré le processus d’intégration nationale. Pour chaque mesure favorisant l’assimi­lation, les regards ont exprimé une communion de pensée avec le reste de la Nation. La similarité de certains droits acquis permet ainsi aux Réunionnais de se considérer comme égaux et donc semblables aux autres membres de la Nation. Cf. Combeau Yvan (ss. dir.), La Réunion sous la Troisième République (1870-1940). Une colonie républicaine, Saint-Denis, Océan Editions, 2005, 176 p.

65 Ibid., p. 33.

66 Ibid., p. 43.

67 Nommé à la tête de l’administration en 1689, il fut effectivement emprisonné et empoisonné en 1692.

68 Ibid., p. 33.

69 Il s’agit alors des députés Lucien Gasparin et Auguste Brunet ainsi que du sénateur Jules Aubert.

70 Cf. David Gagneur, « Nouveaux élus, nouvelles élites politiques : des incarnations républicaines ? », Colloque Elites et pouvoir colonial, Saint-Denis de La Réunion, AHIOI, du 16 au 22 novembre 2015 (publication en cours in Revue historique de l’océan Indien).

71 Cf. André Scherer, « Histoire des institutions de la Réunion de 1815 à 1947 », in Premier congrès de droit privé comparé Maurice-La Réunion, Saint-Denis, 1965, non paginé.

72 id.

73 id.

74 L’ordonnance du 18 décembre 1689 stipule que « s’ils s’absentaient plus d’un jour, sans permissions de leur lieu de travail, les Noirs étaient condamnés "pour la première fois au fouet et à la fleur de lys et, en cas de récidive, à être pendus et étranglés jusqu’à ce que mort s’en suive" », in Azéma Georges, Histoire de l’île Bourbon depuis 1643 jusqu’au 20 décembre 1848, Paris, Plon, 1859, p. 20.

75 C’est un des traits communs à l’historiographie réunionnaise de ne mentionner que rarement ce phénomène. Selon Robert Chaudenson, « "Marrons", comme nombre de mots créoles relevant du "vocabulaire des Isles", est un terme d’origine ibérique. On le retrouve dans tous les créoles et il vient de l’espagnol "cimaron" (sauvage, en parlant des animaux). Attesté aux Antilles dès 1640, il s’applique aux esclaves fugitifs. (…) Curieusement, à La Réunion, les premiers à tenter d’échapper à l’autorité de la Compagnie des Indes ne sont pas des noirs, mais des blancs ! Pour ce faire, ils fuient dans les bois des hauteurs de Bourbon. (…) La Compagnie des Indes veut, en effet, contraindre les premiers "habitants" de Bourbon à l’agriculture et à l’élevage, alors qu’ils sont enclins à vivre de la pêche et de la chasse, qui épuisent la faune du pays sans en préparer le développement agro-industriel qu’on vise à long terme », in Le lexique du parler créole de la Réunion, Paris, Champion, 1974, p. 501.

76 Paul Hermann, La Réunion au Cours élémentaire, op. cit., p. 53.

77 Ibid., p. 58.

78 Ibid., p. 62.

79 Marius et Ary Leblond, Exposition coloniale internationale de Paris. L’île de la Réunion, Paris, Société d’éditions géographiques, maritimes et coloniales, 1931, p. 7.

80 Ernest Renan, « Conférence à la Sorbonne du 11 mars 1882 », in Philippe Forest, Qu’est-ce qu’une Nation ? Littérature et identité nationale de 1871 à 1914, Paris, Bordas, 1991, 128 p.

81 Henri Lemonnier, L’enseignement de l’histoire dans les écoles primaires, 1889, in Claude Bernard, Comment nos ministres font l’histoire : le discours de l’instruction publique et ses procédés de persuasion, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 1990, p. 89.

82 Pierre Vidal de la Blache, « La géographie à l’école », in Manuel Général de l’Instruction Primaire, 1907, n° 3, p. 33-35, cité par Jean-François Chanet, L’École républicaine et les petites patries, op. cit., p. 148.

83 Circulaire ministérielle de 1911 citée par Anne-Marie Thiesse, Ils apprenaient la France…, op. cit., p. 63.

84 Cf. Louis Émile Héry, Fables créoles et Explorations dans l’intérieur de l’île Bourbon, Paris, J. Rigal et C°, 1883, 196 p. (A.N.O.M. BIB ECOL//6658).

Pierre-Éric Fageol

Université de La Réunion
Maître de conférences en Histoire de l’enseignement, membre de l’équipe ICARE EA 7389, spécialiste de l’identité et du sentiment d’appartenance, il a publié divers articles sur les processus d’acculturation nationale dans une perspective indianocéanique